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par Lensman » mer. janv. 09, 2013 1:18 am
De nouveau une salle Pleyel pleine comme un œuf pour le concert Chostakovitch/Gergiev du 8/01/2013. Caméras et micros partout…
Aussi peu jouée que la 2e (sous nos climats, tout au moins), la 3e Symphonie (avec chœur final) est dans le même esprit : on sent que Chosta expérimente avec plaisir, et c’est un régal. La déception, la trahison et l’effondrement psychologique, patience, ce sera pour la 4e Symphonie et ce sera pour tomber de très haut…
Le Concerto pour violoncelle n°2, dédié à Rostropovitch, date d’une nouvelle période relativement heureuse, dans les années soixante, où le compositeur est fêté partout, chez lui et à l’étranger. Il réussit en passant l’exploit de faire dialoguer le violoncelle avec la caisse claire, il faut l’entendre pour le croire. Et c’est beau. Le violoncelliste Mario Brunello a été bissé deux fois. Le premier bis donné, j’avoue ne pas savoir ce que c’est, un truc très doux, très raffiné qui sonnait assez oriental à mes oreilles. Il me semble très vaguement l’avoir déjà entendu, mais je ne mettrais pas ma main au feu. Pour le 2e bis (il ne pouvait décidément pas partir comme ça, vu l’état du public déchaîné), Mario Brunello a repris un des plus beaux passages du Concerto, sans accompagnement de l’orchestre. Sur la fin, il a mimé l’accompagnent absent (la caisse claire…) en tapotant avec une main sur sa poitrine, ce qui a entrainé l’hilarité générale (c’était voulu…). Un délice.
Le plat de résistance, si j’ose écrire, c’était la légendaire 13e Symphonie, avec basse, chœur et orchestre. L’ensemble est placé sous le signe de la dénonciation de l’antisémitisme, notamment le premier mouvement, « Babi Yar », évoquant un effroyable massacre commis pendant la guerre (il a fallu réécrire le texte après la première en 1965, car en URSS, certains trouvaient que ça n’allait pas de ne parler que des juifs, il fallait citer les autres victimes dans la symphonie…). Bah. Il est difficile de ne pas avoir le cœur serré en écoutant ce mouvement terrifiant.
Même si le paysage de la symphonie est pour le moins tragique et désolé, Chosta a consacré le second mouvement à … l’humour, et il s’y connaît. L’humour comme arme contre la tyrannie, on aimerait y croire. Je ne sais pas si Chosta y croyait vraiment (j’en doute), mais il ne s’est pas privé d’employer cette arme de dérision, au moins pour le plaisir.
C’est peu dire que la basse, Mikhail Petrenko, s’est couvert de gloire. Pourtant, il ne donne pas l’impression d’avoir un coffre considérable (au contraire du pianiste d’hier, un vrai colosse !). Il ne faut vraiment pas s’y fier, il était formidable.
De toute façon, tout était formidable. Gergiev, son orchestre Mariinski, ses chœurs, ses solistes, cette musique si russe et si universelle à la fois, d’un compositeur génial, écorché vif, qui transcende l’angoisse, le dépit et la tristesse en beauté, jouée avec ce naturel, comme dans une immense communion, une immense respiration. Encore ! Encore ! Merci ! Merci !
Oncle Joe