La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
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La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
La chronique "Mauvaise foi" de Beigbeder de ce mois-ci dans le Lire est interpellante. Elle parle de la publication de brouillons et du rôle que peut avoir l'éditeur... A lire ici (page 8 - cliquer pour agrandir).
- Jean-Claude Dunyach
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Il soulève effectivement un point crucial - et je suis également de son avis pour Raymond Carver. Mais là, on met le doigt sur les limites du truc : Carver n'aimait pas ses textes édités, il y voyait un détournement de son projet. Son éditeur agissait au nom de l'idée qu'il se faisait de la littérature, Carver au nom de l'idée qu'il se faisait de lui-même en tant qu'écrivain. Les deux étant irréconciliables, il y a eu rapport de force. Carver a fait la carrière que l'on sait.
Le numérique est censé permettre à l'écrivain de s'affranchir de ce rapport de force. Il y aura des fois où ce sera salutaire. Certains lecteurs préféreront sans doute le Carver d'origine. Mais la conclusion de Beigbeder est glaçante, et sans doute juste. Sans éditeurs pour conduire nos livres jusqu'au bout d'eux-mêmes, on ne nous lira plus.
Le numérique est censé permettre à l'écrivain de s'affranchir de ce rapport de force. Il y aura des fois où ce sera salutaire. Certains lecteurs préféreront sans doute le Carver d'origine. Mais la conclusion de Beigbeder est glaçante, et sans doute juste. Sans éditeurs pour conduire nos livres jusqu'au bout d'eux-mêmes, on ne nous lira plus.
Je compte pour 1. Comme chacun de vous...
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- Don Lorenjy
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Pas pu lire l'article, lien vers une page noire (problème d'adresse ou de navigateur ?) mais...
Pas lu donc la conclusion glaçante, je pense toutefois que tu as raison : le numérique change l'aspect économique (on peut s'auto-publier pour moins cher). Sauf qu'il n'y a encore qu'un Nabe... Et puis j'ai quand même du mal à envisager la relation saine entre éditeur et écriveur comme un rapport de force. Malgré ma prime jeunesse j'ai eu des déboires de cet ordre mais aussi des rencontres enthousiasmantes d'équilibre.Jean-Claude Dunyach a écrit :Le numérique est censé permettre à l'écrivain de s'affranchir de ce rapport de force. Il y aura des fois où ce sera salutaire. Certains lecteurs préféreront sans doute le Carver d'origine. Mais la conclusion de Beigbeder est glaçante, et sans doute juste. Sans éditeurs pour conduire nos livres jusqu'au bout d'eux-mêmes, on ne nous lira plus.
Les marques Don Lorenjy et Don Lo sont retirées des rayons
Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
La voici:Don Lorenjy a écrit :Pas lu donc la conclusion glaçante
Bon, il exagère peut-être, mais je suis quand même d'accord. Il faut un intermédiaire entre l'auteur et le lecteur, pour permettre à l'auteur de prendre de la distance ou pour améliorer son texte, non? Je pense à plusieurs cas concrets:Beigbeder a écrit :Aujourd'hui les éditeurs se font rares. Ils n'ont plus le temps de lire. Si les livres sont de plus en plus mauvais, c'est parce que les éditeurs sont en réunion.Mais qu'on ne s'y trompe pas. Le jour où les éditeurs n'existeront plus, où les textes seront directement téléchargés sur Internet, disponibles sans intermédiaires, oui, ce jour désormais proche où tous les romans seront édités par les auteurs eux-mêmes... plus personne ne les lira.
- On a retrouvé les premiers jets de Jane Austen, qui étaient apparemment remplis de fautes d'orthographe et de grammaire. Contrairement aux commentaires exagérés des journalistes, je ne trouve pas que ça retire au mérite de l'auteur, ce sont juste des premiers jets. Mais cela met bien en avant l'importance de l'éditeur, non?
- Les Aventurêves, ce livre jeunesse dont j'ai parlé dans la rubrique adéquate, auto-édité par l'auteur et son mari, qui est bourré de fautes grammaticales (et même d'orthographe), dont les constructions de phrases sont bancales et dont les paragraphes sont coupés n'importe comment. Un éditeur ou un correcteur aurait aidé à éclaircir le texte dans ce cas-là aussi...
- Une amie qui m'a envoyé son texte pour que je lui donne mon avis. Pour finir, plus que de le lire, je suis en train de le corriger. Si elle l'avait publié sur un blog avant relecture, effectivement, on aurait pu rentrer dans le cadre de la conclusion de Beigbeder. Parce que bon, j'ai beau avoir des problèmes pour écrire sans fautes sur ordinateur (et donc être mal placée pour critiquer), ça fait quand même mal aux yeux, un texte "fini" avec des fautes dedans.
Du coup, à la place des éditeurs, ne va-t-on pas voir fleurir des correcteurs indépendants proposant leurs services à des auteurs qui veulent mettre leur texte à disposition directement sur internet (où là encore, je suis trop naïve en pensant que cet "intermédiaire" sera recherché)?
Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Je pense comme toi... S'i il y a complète incompréhension de part et d'autre, il faut que l'auteur change d'éditeur, et que l'éditeur change d'auteur ! Il faut un gros minimum d'atomes crochus pour que ça marche. Si ce gros minimum n'existe pas, c'est absurde !Don Lorenjy a écrit :Et puis j'ai quand même du mal à envisager la relation saine entre éditeur et écriveur comme un rapport de force. Malgré ma prime jeunesse j'ai eu des déboires de cet ordre mais aussi des rencontres enthousiasmantes d'équilibre.
Oncle Joe
- Eric
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Oui, enfin si un éditeur accepte le texte d'un auteur, c'est qu'il y a tout de même des chances qu'une conception commune de ce qu'est un roman se dégagent. Il faut relativiser. Certes, un quiproquo est toujours possible mais il y a aussi des relations créatives qui ne se conçoivent que dans la lutte permanente. C'était sans doute le cas pour Carver et Lish, comme ça l'a été dans le domaine du film pour Kinski et Herzog ou en musique pour Ray et Dave Davies au sein des Kinks*. La création est une drôle d'alchimie qui ne prend parfois qu'à très haute température.
(* dans une interview qu'il avait accordée à Stan Cuesta au début des années 90, bien après la fin du groupe, Dave Davies disait : "Mon frère est le plus gros connard que la terre a jamais portée. Mais c'est aussi le génie le plus injustement méconnu de la pop anglaise.")
(* dans une interview qu'il avait accordée à Stan Cuesta au début des années 90, bien après la fin du groupe, Dave Davies disait : "Mon frère est le plus gros connard que la terre a jamais portée. Mais c'est aussi le génie le plus injustement méconnu de la pop anglaise.")
- Charlotte
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Oui, enfin, heureusement que le travail d'un éditeur ne se limite pas à la correction orthographique et grammaticale, qui est d'ailleurs assurée, normalement, par une autre personne. ^^Cachou a écrit :[
Bon, il exagère peut-être, mais je suis quand même d'accord. Il faut un intermédiaire entre l'auteur et le lecteur, pour permettre à l'auteur de prendre de la distance ou pour améliorer son texte, non? Je pense à plusieurs cas concrets:
- On a retrouvé les premiers jets de Jane Austen, qui étaient apparemment remplis de fautes d'orthographe et de grammaire. Contrairement aux commentaires exagérés des journalistes, je ne trouve pas que ça retire au mérite de l'auteur, ce sont juste des premiers jets. Mais cela met bien en avant l'importance de l'éditeur, non?
- Les Aventurêves, ce livre jeunesse dont j'ai parlé dans la rubrique adéquate, auto-édité par l'auteur et son mari, qui est bourré de fautes grammaticales (et même d'orthographe), dont les constructions de phrases sont bancales et dont les paragraphes sont coupés n'importe comment. Un éditeur ou un correcteur aurait aidé à éclaircir le texte dans ce cas-là aussi...
- Une amie qui m'a envoyé son texte pour que je lui donne mon avis. Pour finir, plus que de le lire, je suis en train de le corriger. Si elle l'avait publié sur un blog avant relecture, effectivement, on aurait pu rentrer dans le cadre de la conclusion de Beigbeder. Parce que bon, j'ai beau avoir des problèmes pour écrire sans fautes sur ordinateur (et donc être mal placée pour critiquer), ça fait quand même mal aux yeux, un texte "fini" avec des fautes dedans.
Du coup, à la place des éditeurs, ne va-t-on pas voir fleurir des correcteurs indépendants proposant leurs services à des auteurs qui veulent mettre leur texte à disposition directement sur internet (où là encore, je suis trop naïve en pensant que cet "intermédiaire" sera recherché)?
Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Ça, je m'en doute, mais je ne parle que des cas que moi, non-éditrice, je connais. Et de ce qui me frappe le plus dans certains livres ces temps-ci: le manque d'attention pour tout ce qui est construction grammaticale, et même pour les coquilles (je pense notamment à un fanzine que je viens de lire).Charlotte a écrit :Oui, enfin, heureusement que le travail d'un éditeur ne se limite pas à la correction orthographique et grammaticale, qui est d'ailleurs assurée, normalement, par une autre personne. ^^Cachou a écrit :[
Bon, il exagère peut-être, mais je suis quand même d'accord. Il faut un intermédiaire entre l'auteur et le lecteur, pour permettre à l'auteur de prendre de la distance ou pour améliorer son texte, non? Je pense à plusieurs cas concrets:
- On a retrouvé les premiers jets de Jane Austen, qui étaient apparemment remplis de fautes d'orthographe et de grammaire. Contrairement aux commentaires exagérés des journalistes, je ne trouve pas que ça retire au mérite de l'auteur, ce sont juste des premiers jets. Mais cela met bien en avant l'importance de l'éditeur, non?
- Les Aventurêves, ce livre jeunesse dont j'ai parlé dans la rubrique adéquate, auto-édité par l'auteur et son mari, qui est bourré de fautes grammaticales (et même d'orthographe), dont les constructions de phrases sont bancales et dont les paragraphes sont coupés n'importe comment. Un éditeur ou un correcteur aurait aidé à éclaircir le texte dans ce cas-là aussi...
- Une amie qui m'a envoyé son texte pour que je lui donne mon avis. Pour finir, plus que de le lire, je suis en train de le corriger. Si elle l'avait publié sur un blog avant relecture, effectivement, on aurait pu rentrer dans le cadre de la conclusion de Beigbeder. Parce que bon, j'ai beau avoir des problèmes pour écrire sans fautes sur ordinateur (et donc être mal placée pour critiquer), ça fait quand même mal aux yeux, un texte "fini" avec des fautes dedans.
Du coup, à la place des éditeurs, ne va-t-on pas voir fleurir des correcteurs indépendants proposant leurs services à des auteurs qui veulent mettre leur texte à disposition directement sur internet (où là encore, je suis trop naïve en pensant que cet "intermédiaire" sera recherché)?
Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Que veux-tu dire par "normalement"?Charlotte a écrit :qui est d'ailleurs assurée, normalement
"Rarement"? "Inefficacement"? "Jamais"?"Désinvoltement"?
Oncle Joe
- Charlotte
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
Lensman a écrit :Que veux-tu dire par "normalement"?Charlotte a écrit :qui est d'ailleurs assurée, normalement
"Rarement"? "Inefficacement"? "Jamais"?"Désinvoltement"?
Oncle Joe
Non, juste "normalement". En gros, ça dépend de la structure, une toute petite maison d'édition n'aura pas forcément l'argent pour payer un correcteur, une grosse en aura un obligatoirement.
Une précaution oratoire, en somme, pour tirer la démonstration vers le général...
M'enfin, là, ce qui me paraissait important de souligner, c'est qu'un éditeur, en tant que personne physique n'est pas là que pour corriger les fautes d'orthographe.
- Don Lorenjy
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
C'est en effet un minimum et bon point de départ. C'est après que ça peut vriller, quand l'une des deux parties s'arroge le droit de dire "C'est comme ça ou c'est merde !".Eric a écrit :Oui, enfin si un éditeur accepte le texte d'un auteur, c'est qu'il y a tout de même des chances qu'une conception commune de ce qu'est un roman se dégagent.
J'ai l'infinie candeur de penser qu'être éditeur ne se limite pas au pouvoir de dire merde.
Le mieux serait encore que l'auteur ne les fasse pas, ces fautes, mais là, hum, bon... coupableCharlotte a écrit : M'enfin, là, ce qui me paraissait important de souligner, c'est qu'un éditeur, en tant que personne physique n'est pas là que pour corriger les fautes d'orthographe.

Les marques Don Lorenjy et Don Lo sont retirées des rayons
Question bête : n'irons-nous pas simplement vers le modèle américain de l'agent, qui fait ce boulot éditorial ?
en gros, un "bon" auteur devra investir en plus de son travail, en payant un agent / un correcteur pour peaufiner son texte avant de le mettre en ligne s'il veut satisfaire le lecteur ?
en gros, un "bon" auteur devra investir en plus de son travail, en payant un agent / un correcteur pour peaufiner son texte avant de le mettre en ligne s'il veut satisfaire le lecteur ?
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
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Re: La publication de brouillons et le rôle de l'éditeur
N'empêche que quand un éditeur ne le fait pas (je ne citerai pas de nom, mais j'ai encore certaines horreurs en mémoire), ça peut nuire même à l'auteur (de bons livres seront critiqués pour les non-corrections de l'éditeur).Cachou a écrit :Ça, je m'en doute, mais je ne parle que des cas que moi, non-éditrice, je connais. Et de ce qui me frappe le plus dans certains livres ces temps-ci: le manque d'attention pour tout ce qui est construction grammaticale, et même pour les coquilles (je pense notamment à un fanzine que je viens de lire).Charlotte a écrit : Oui, enfin, heureusement que le travail d'un éditeur ne se limite pas à la correction orthographique et grammaticale, qui est d'ailleurs assurée, normalement, par une autre personne. ^^
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
- bormandg
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C'est là tout le problème, parce que cette culture n'existe pas en France d'une part, et parce que les agents ne se font pas encore payer par les auteurs, ce qu'exigerait le système d'auto-édition.marypop a écrit :Question bête : n'irons-nous pas simplement vers le modèle américain de l'agent, qui fait ce boulot éditorial ?
en gros, un "bon" auteur devra investir en plus de son travail, en payant un agent / un correcteur pour peaufiner son texte avant de le mettre en ligne s'il veut satisfaire le lecteur ?
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."