Une pétition sur la numérisation des livres indisponibles

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bormandg
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Message par bormandg » mar. févr. 21, 2012 11:03 pm

Je ne crois pas que l'employeur du nabotsar soit de la famille imaginée par Paul Féval.
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Soleil vert
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Message par Soleil vert » mer. févr. 22, 2012 12:16 am

Je vois au moins une heureuse incidence dans cette proposition de loi : que l'on puisse passer par dessus le véto des héritiers d'un auteur.

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Erion
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Message par Erion » mer. févr. 22, 2012 12:27 am

Soleil vert a écrit :Je vois au moins une heureuse incidence dans cette proposition de loi : que l'on puisse passer par dessus le véto des héritiers d'un auteur.
Ben justement : non. Plus exactement, les héritiers qui posent des veto seront les premiers à s'inquiéter de la numérisation et à l'empêcher.
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JDB
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Message par JDB » mer. févr. 22, 2012 5:20 am

Erion a écrit :Par contre à lire les réactions sur le site du Monde (ou sur Ecrans.fr), manifestement, pour les lecteurs, cette pétition n'est que la manifestation de corporatismes qui ne cherchent qu'à protéger leurs rentes et leurs énormes revenus tandis que les éditeurs, bienfaiteurs de l'humanité, ne cherchent qu'à permettre d'accéder à la culture et à la connaissance.

C'est pas gagné.
Les auteurs de commentaires en ligne sont manifestement hostiles à la réaction des auteurs de livres.
Tiens...
Non, rien.
JDB
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Lensman
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Message par Lensman » mer. févr. 22, 2012 8:13 am

Soleil vert a écrit :Je vois au moins une heureuse incidence dans cette proposition de loi : que l'on puisse passer par dessus le véto des héritiers d'un auteur.
Je me suis souvent demandé si, d'un point de vue concret, j'entends, cette attitude des héritiers n'était pas en fait très, très marginale. Dans les cas dont on parle généralement, il s'agit de question d'argent, et pour des oeuvres très célèbres: il ne s'agit pas d'empêcher des choses, mais d'en retirer le maximum d'argent. L'oeuvre d'Hergé, par exemple, est très aisément disponible pour le public, c'est l'exploitation de l'image qui est verrouillée.
Les cas où il y a vraiment véto des héritiers me semblent dans les faits extrêmement rares. Le seul que je vois (et encore faut-il regarder de plus près), c'est Jean Ray, dont l'oeuvre devrait être beaucoup plus largement disponible.
Mais enfin, à part ce cas, j'ai l'impression que l'on fantasme beaucoup sur ces histoires de vétos (je peux me tromper, mais j'aimerais avoir des exemples sérieux pour changer d'avis). La principale difficulté, justement, quant on veut rééditer une oeuvre, c'est de mettre la main sur les ayant droits (et il n'y a pas que les héritiers qui sont difficiles à trouver, il y a les éditeurs disparus sans laisser de trace, et je peux vous dire qu'ils sont nombreux...).
Le vieux système, c'est le "droits réservés". Encore faut-il le faire correctement, et vraiment réserver des droits...

Oncle Joe

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Sand
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Message par Sand » mer. févr. 22, 2012 10:09 am

Omnibus a écrit :
Le respect des délais légaux ?
Oui, mais ce n'est pas très intéressant comme argument.

Je suis plus intrigué par les idées qui amènent à légitimer un abandon commercial d'une oeuvre sans autoriser sa diffusion libre.

Sachant que de toute façon, les lecteurs se débrouillent, on ne fait tout au plus que gêner leur accès.
Tu parlais de l'exploitation commerciale du domaine public.

Or, cette loi concerne beeaaauuucoup d'ouvrages non tombés dans le domaine public.

C'est là le problème : on ne demande pas l'avis de l'auteur sur des livres dont il possède les droits, il doit découvrir tout seul si un de ses livres est concerné, et en plus il a un temps limité pour le faire !

L'auteur est tout de même le propriétaire de son bouquin, la moindre des choses serait de recueillir son autorisation préalable, ou de lui permettre de donner son avis n'importe quand ensuite s'il n'a pas été possible de le retrouver.

En outre, un auteur peut désirer rendre disponible son oeuvre par d'autres moyens que le monopole d'Etat et sans "partager" avec un éditeur.

Là, s'il loupe la fenêtre de 6 mois, il l'a dans l'os.


Ca va finir à la CJUE ce truc.

Lucie
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Message par Lucie » mer. févr. 22, 2012 10:40 am

Sand a écrit :Tu parlais de l'exploitation commerciale du domaine public.

Or, cette loi concerne beeaaauuucoup d'ouvrages non tombés dans le domaine public.
Très exactement, cette loi ne concerne absolument pas les ouvrages du domaine public ! Elle concerne :
On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique.
Les bouquins publiés au début du XXe siècle et qui seraient dans le domaine public pourraient être exploités conjointement par la "Société de perception et de répartition des droits" et par n'importe qui, puisque, par définition, ils sont dans le domaine public. Il n'y a pas à légiférer sur eux.

JDB
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Message par JDB » mer. févr. 22, 2012 1:54 pm

Lucie a écrit :
Sand a écrit :Tu parlais de l'exploitation commerciale du domaine public.

Or, cette loi concerne beeaaauuucoup d'ouvrages non tombés dans le domaine public.
Très exactement, cette loi ne concerne absolument pas les ouvrages du domaine public ! Elle concerne :
On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique.
Les bouquins publiés au début du XXe siècle et qui seraient dans le domaine public pourraient être exploités conjointement par la "Société de perception et de répartition des droits" et par n'importe qui, puisque, par définition, ils sont dans le domaine public. Il n'y a pas à légiférer sur eux.
En fait, il me semble que ce sont les ouvrages tombés dans le domaine public qui vont poser problème à l'édition traditionnelle dans les années à venir.
Pourquoi ?
Comme l'écrit fort justement Lucie, n'importe qui peut éditer un ouvrage tombé dans le domaine public. Or, comment cela se passait-il avant l'avènement de l'impression à la demande puis du numérique ?
Un éditeur "traditionnel" rééditait le texte, en l'entourant au besoin d'une introduction, de notes, etc, pour fournir une valeur ajoutée et vendait le résultat ni plus cher ni moins cher qu'un livre inédit ou que la réédition d'un ouvrage non tombé dans le DP.
Nette économie sur l'achat des droits, mais mêmes frais d'édition, d'impression, etc., que sur un livre "normal".
Depuis quelques années, dans les pays de langue anglaise (je parle de ce que je connais), on voit fleurir des éditeurs pratiquant l'impression à la demande et rééditant à tire-larigot des ouvrages tombés dans le DP. Ce peut être soit des ouvrages nouvellement composés, soit des fac-similés d'une ancienne édition. Là, les coûts d'édition, de fabrication, etc., peuvent être réduits au strict minimum.
C'est sur ce créneau que la BNF a tenté de s'installer il y a peu, en passant un accord avec un éditeur spécialiste de l'impression à la demande pour qu'il exploite le fonds "numérisé" disponible sur le site gallica. Perso, je considère que c'est de l'arnaque : les livres ne sont pas recomposés, il s'agit tout simplement de fac-similés d'éditions anciennes, livrés bruts de décoffrage et très mal reproduits.
Cerise sur le gâteau, on peut consulter gratuitement ces ouvrages sur le site de gallica, mais leur version imprimée est vendue entre 15 et 20 € -- cherchez l'erreur.
Autre phénomène, l'apparition d'éditions numériques d'ouvrages tombés dans le DP et proposées à un prix ridicule, voire nul. Or, je me souviens d'avoir lu une enquête sur l'utilisation des liseuses offertes pour Noël 2011, qui constatait que les heureux récipiendaires commençaient par télécharger des ebouques gratuits de Victor Hugo, Balzac, etc.
Conclusion : ce projet d'édition numérique des ouvrages dits orphelins a pour but, à mon sens, de permettre aux éditeurs d'exploiter de façon monopolistique un fonds qu'ils négligeaient allègrement jusqu'ici mais qui est hors de portée des éditeurs commençant à les concurrencer sur le DP.
Et je passe sous silence (parce que je connais mal le dossier) les dérives que peut entraîner la mise en place d'une société de gestion comme celle qui est proposée.
Cela dit, pour être franc, je me demande quels seront les best-sellers dans cette catégorie d'ouvrages. Dans le registre de la littérature blanche, il me semble que tout ce qui est jugé comme méritant d'être disponible finit tôt ou tard par être réédité. Dans le registre des littératures populaires, c'est plus délicat, mais les mordus que nous sommes avons appris à hanter les bouquinistes, en plein vent ou sur la toile.
JDB
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crazy guide
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Message par crazy guide » mer. févr. 22, 2012 3:14 pm

JDB a écrit :
Cela dit, pour être franc, je me demande quels seront les best-sellers dans cette catégorie d'ouvrages. Dans le registre de la littérature blanche, il me semble que tout ce qui est jugé comme méritant d'être disponible finit tôt ou tard par être réédité. Dans le registre des littératures populaires, c'est plus délicat, mais les mordus que nous sommes avons appris à hanter les bouquinistes, en plein vent ou sur la toile.
JDB
+1
On est encore, AMHA, dans le fantasme des "trésors cachés". Si un bouquin n'a pas été réédité c'est probablement parce qu'il ne se serait pas vendu (ou pas assez pour être rentable).
Ça me fat un peu penser aux gens qui s'imaginent qu'il suffit d'avoir un blog ou un site web pour que le monde entier les connaisse. Ben non, le fait d'ouvrir la porte n'implique pas automatiquement que toute la planète va se précipiter comme si elle n'attendait que ça depuis des siècles. Tout simplement parce qu'aujourd'hui il y a des milliards de portes ouvertes . . .

Omnibus
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Message par Omnibus » mer. févr. 22, 2012 5:29 pm

Ce ne sont pas les trésors cachés le problème (vu qu'ils sont cachés), ce sont les trésors indisponibles. Certains trucs édités par NéO par exemple, c'est un peu chiant à obtenir à prix raisonnables.

Mais je comprends mieux le pourquoi du pas content des auteurs (si je puis dire).

Il me vient une question, toutefois : il me semblait que les éditeurs avaient une obligation contractuelle de mettre en valeur les oeuvres de leur catalogue, ce n'est pas vraiment le cas ?

(Par ailleurs, il y le problème des bouquins qui ne sont plus et ne seront plus disponibles par volonté délibérée ou par disparition de la maison ou par disparition du public. Très typiquement, les manuels de JdR)

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Sand
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Message par Sand » mer. févr. 22, 2012 5:51 pm

Si si, les éditeurs ont cette obligation.

S'ils ne le font pas, l'auteur récupère ses droits, et peut proposer le livre à un autre éditeur par exemple. (s'il en trouve un, c'est une autre question)

seulement, récupérer ses droits, ce n'est pas toujours facile, on peut tomber sur des éditeurs qui ne veulent pas rompre amiablement le contrat, et on doit alors passer au tribunal pour faire respecter son droit à récupérer ses droits.

D'où le deuxième problème de cette loi : l'éditeur qui ne maintient plus le livre en état de disponibilité papier mais qui n'a pas encore rendu ses droits à l'auteur pourra le "piéger" super longtemps en arguant qu'il fait une exploitation numérique désormais. Procès sans fin...

Or, troisième problème, le code de la propriété intellectuel est très clair et la jurisprudence aussi : un contrat cède les droits d'exploitation de l'oeuvre pour les supports mentionnés audit contrat. L'essentiel des contrats du XXe siècle ne mentionnent pas l'exploitation sous forme numérique. L'éditeur n'a pas le droit de faire une telle exploitation unilatéralement. Cette loi va lui donner ce droit. (et coincer l'auteur dans la situation sous "deuxième problème")
Ca sent quand même très fort le lobbying pour s'épargner des avenants, qui seraient sûrement refusés vu les pourcentages ridicules proposés. Allez hop, convaincons quelques députés que la culture, c'est plus important que demander son autorisation à un auteur ! (le fait que ça génère des brouzoufs quasi-exclusivement pour les éditeurs et que ça s'assoit sur le droit moral ? Ah, on n'a pas remarqué !)


ensuite, on peut s'interroger sur les raisons de la non-exploitation, sur le pourquoi de l'indisponibilité des oeuvres : désengagement de l'éditeur (=, pour moi, ne plus faire vivre le livre alors qu'il atteint le point d'amortissement, c'est à dire qu'il ne fait pas perdre de l'argent mais n'offre pas un rendement de folie), volonté de l'auteur, jetage d'éponge devant des ventes ou des perspectives de vente insuffisantes (cas à distinguer du désengagement cité précédemment)...

JDB
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Message par JDB » mer. févr. 22, 2012 5:52 pm

Omnibus a écrit :Ce ne sont pas les trésors cachés le problème (vu qu'ils sont cachés), ce sont les trésors indisponibles. Certains trucs édités par NéO par exemple, c'est un peu chiant à obtenir à prix raisonnables.
[...]
Il me vient une question, toutefois : il me semblait que les éditeurs avaient une obligation contractuelle de mettre en valeur les oeuvres de leur catalogue, ce n'est pas vraiment le cas ?
Il faudrait que je revienne au texte de loi, mais il me semble qu'il ne porte que sur les textes français. Donc, pour les NéO les plus recherchés (Clark Ashton Smith en fait partie, je crois), la solution n'est pas là.
L'éditeur peut choisir de ne plus exploiter un livre figurant sur son catalogue. L'auteur a alors la possibilité d'en récupérer les droits, afin éventuellement de le proposer à d'autres éditeurs ou de l'éditer lui-même, sous forme numérique par exemple.
JDB
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Lensman
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Message par Lensman » mer. févr. 22, 2012 7:46 pm

J'ai aussi l'impression que, pour ce qui est des textes non disponibles pour quelque raison que ce soit, les progrès techniques vont faire que les fichiers vont circuler de plus en plus vite et facilement, grâce à des (ou à cause d') amateurs complaisants (ne respectant pas la loi, mais "gentils", si on peut dire, qui les enverront gracieusement aux copains qui le demanderont discrètement...).
Ce sera mal, quelque part, mais cela sera... et les liseuses auront du travail...
On n'arrête pas de se le dire, mais à force, ce gigantesque bouleversement dans la circulation des oeuvres "non matérielles" enfle... enfle de plus en plus ... et encore plus...
A quoi ça ressemblera dans quelques années?....
Ce bizarre projet de loi me semble être, quelque part, un symptôme de ce phénomène. Une tentative particulièrement mal fichue de répondre au désarroi...

Oncle Joe

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Message par Hoêl » mer. févr. 22, 2012 10:16 pm

Lensman a écrit :A quoi ça ressemblera dans quelques années?....

Oncle Joe
Ben , déjà , pour commencer , les mômes ne se coltineront plus des sacs de 18 kg. , mais des sacs à pains , heu , non , à mains , où ils glisseront leurs liseuses dans lesquelles toutes les oeuvres "classiques" se trouveront .
Incidemment , la mort préprogrammée del'écriture manuelle sera entérinée .
Mais ce n'est pas sale !
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

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Message par Omnibus » mer. févr. 22, 2012 10:23 pm

Et puis comme ça ils n'auront plus la bosse de l'écrivain, heureux bambins.

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