Ouh la, ben justement non!
Les profs de lettres hurlent à la mort, et réclament les "anciennes méthodes", à cause de cette connerie de séquence (madame ton épouse en est tributaire également, en HG).
Au contraire, les cours sont vulgarisés au possible. Perso, ma démarche est devenue très claire: en classe, on étudie (on e-tu-die) des "classiques" et en dehors de la classe, ils lisent autre chose et peuvent même faire venir ces autres choses dans la classe (hormis Stephen King, par exemple).
Le gros problème est le discours démago: on a voulu insérer du langage courant et familier en classe, tout en disant "ce n'est pas bien, vous ne maitrisez pas le langage classique et soutenu". On leur a fait étudier des livres pour gamins, certes très drôles mais qu'on ne peut pas vraiment analyser.
Surtout, on leur a fait croire qu'on allait leur apprendre la littérature. Or, soyons bien clairs. On leur apprend le français.
Et ce qui se passe le plus souvent, c'est qu'ILS nous apprennent leur français, à force d'adaptation.
Savoir équilibrer tout ça demande d'être très très très bon prof.
Ce qui n'est malheureusement pas mon cas, ni le cas de tous mes collégues.
Ca demande aussi d'être comédien, réactif, savoir faire la police tout en ne tombant pas dans le facho, les amener à aimer la littérature sans perdre de vue l'usage classique des différents niveaux de langue, et surtout (conneries des conneries) leur faire comprendre la grammaire de façon accidentelle.
Il faut effectivement une réforme pour annuler la réforme!!
Tu dois savoir que maintenant, par exemple, on ne doit pas leur faire copier des règles de grammaire. Ils doivent construire leur propre cours. Que tu dois reformuler mais sur leur propre support.
En gros, au collège, tu as 55 minutes de cours. Enlève 10 minutes pour l'appel, les différents "taisez-vous", le temps qu'ils sortent leur cahier, les problèmes des uns et des autres ("mdame, j'ai pas mon livre" "mdame vous aviez dit qu'on ferait de la lecture" "mdame ma mère a mis un mot pour vous dans mon carnet")...
Il reste donc 45 minutes.
Là tu dois tout faire partir d'un texte. Ils doivent y découvrir le vocabulaire, le sens et la forme, des points de grammaire, des points d'histoire littéraire, des figures de styles etc...selon la "dominante" de ta séance.
Tu notes tout au tableau. Tu les fais reformuler. Tu reformules. Tu dictes quand même (histoire qu'il y ait une trace écrite).
Tes 45 minutes sont bouffées.
Tu n'as pas le droit de faire d'autres cours. Il faut des séances intégrées dans des séquences.
Résultat: mes collégues marchent par polycopié. Les gosses n'écrivent presque plus. Ils n'intègrent plus.
Arrivés en seconde, à force d'avoir voulu les intéresser à coups de petits livres faciles à lire, ils te disent que Zola est un auteur du XVIIeme. Ils n'ont rien lu. Ils ont ingurgité des bouts de textes et des polycopiés.
C'est tellement énorme et dispersé que lire un livre de bout en bout devient problématique. D'où les éditions abrégées pour le collège.
Les gosses ont changé, c'est un état de fait.
Je me souviens qu'en 6eme, j'avais au prog, entre autres, tout l'Odyssée et Vendredi et la vie sauvage. En 5eme j'ai attaqué Balzac. Zola en 4eme. Hugo en 3eme.
Maintenant, leur filer Zola en 4eme, c'est impossible. Ils veulent une littérature connectée à leur vie. Ca voudrait dire qu'on doit lire certains auteurs à certains âges de la vie. Si tu veux lire Sartre à 14 ans, t'es dedans. Faut pas sauter les barrières des statistiques.
Les jeunes avec les jeunes, les vieux avec les vieux.
Tu vois la gymnastique? Les intéresser et leur faire découvrir d'autres mondes, d'autres époques. Ne pas tomber dans la vulgarisation idiote. Ni dans la démago. Faire un cours interactif. Ne pas les laisser prendre le pas sur ton cours.
Heureusement, il y a de bonnes choses.
En seconde, il y a deux séquences nommées "Ecrire lire et publier" et "le travail de l'écriture" (sur les brouillons d'écrivain) qui nous sauvent. Ils adorent! La singularité des textes, la marginalisation de l'auteur, ça leur parle. Ego sum.
Sans ça, l'année serait tout simplement un enfer. Ils acceptent de lire les brouillons de Zola. Puis Zola...et hop...
Enfin, bon, c'est ma deuxième année d'enseignement, hin. Je serai infoutue de donner une vue d'ensemble sur la réforme à faire. Je ne note que des points qui handicapent mon travail et leur progression...