Je mème moi non plus
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- Eric
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Je mème moi non plus
Ma dernière lecture était Comment les systèmes pondent, introduction à la mémétique, de Pascal Jouxtel.
Et je dois bien admettre que je suis plus que dubitatif.
Comme beaucoup de personnes traînant sur le net et dans le milieu de la SF, j'ai été exposé au concept de mème (le mème des mèmes ou M², comme l'appelle Jouxtel). Pour ceux qui sont passés à travers, en schématisant, la mémétique, c'est l'étude des réplicateurs culturels. Une idée lancée en 76 par le biologiste Stephen Dawkins. Pour la faire courte, c'est dire que les idées ont une vie quasi biologique qui les rapprochent des gènes, et qu'elles tendent à se reproduire de façon similaire en se propageant de cerveaux en cerveaux, en suivant les lois du darwinisme.
C'est évidemment une hypothèse séduisante.
Seulement voilà, la lecture de ce livre m'a laissé sceptique. Très.
Tout d'abord, il n'y a pas une définition du mème, mais plusieurs, que dans un élan d'optimisme Jouxtel considère comme complémentaires, mais que quelqu'un avec un esprit un tant soit peu plus distancié qualifierait volontiers de contradictoires.
Ensuite, ce qui s'annonce comme une science, repose sur un acte de foi absolu : admettre que les mécanismes de darwinisme sont si parfaits, qu'ils ne peuvent se cantonner qu'à la sphère du vivant. Car les mèmes ne sont pas (pour l'instant) observables. On ne peut qu'admettre leur existence.
L'idée, toutefois, pourrait être séduisante, si elle ne se contentait pas, au fond, de réinventer la roue, en reprenant sous un angle un peu différent le matériel de recherche d'autres domaines, comme la sociologie, la psychologie, la biologie, ou même la philo.
Au final le livre ne m'a pas convaincu, et l'approche d'un chercheur comme Dan Sperber, qui préfère parler de contagion des idées me semble a priori plus pertinente. Et du coup, avec mon mauvais esprit caractéristique, je me demande si, ce qui a plu dans la mémétique, ce n'est pas la perspective d'une science nouvelle où tout est à créer, même le corpus de recherche qui est donc ouvert à tout à chacun (comme Jouxtel, qui n'a aucune formation scientifique sérieuse). Nobel pour tous en quelque sorte.
Au fil des pages, je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si la mémétique n'était pas qu'un nouveau bras mort des sciences, comme le fût la phrénologie au XIXème siècle.
J'aimerais bien avoir l'avis de ceux qui se sont penché sur la question : la mémétique est-elle, selon vous une science en devenir, une imposture ou comme le dit Jouxtel en parlant des critiques formulées à son encontre, une discipline qui tente d'apporter ses réponses à des questions qu'au mieux personne n'a posée ?
Et je dois bien admettre que je suis plus que dubitatif.
Comme beaucoup de personnes traînant sur le net et dans le milieu de la SF, j'ai été exposé au concept de mème (le mème des mèmes ou M², comme l'appelle Jouxtel). Pour ceux qui sont passés à travers, en schématisant, la mémétique, c'est l'étude des réplicateurs culturels. Une idée lancée en 76 par le biologiste Stephen Dawkins. Pour la faire courte, c'est dire que les idées ont une vie quasi biologique qui les rapprochent des gènes, et qu'elles tendent à se reproduire de façon similaire en se propageant de cerveaux en cerveaux, en suivant les lois du darwinisme.
C'est évidemment une hypothèse séduisante.
Seulement voilà, la lecture de ce livre m'a laissé sceptique. Très.
Tout d'abord, il n'y a pas une définition du mème, mais plusieurs, que dans un élan d'optimisme Jouxtel considère comme complémentaires, mais que quelqu'un avec un esprit un tant soit peu plus distancié qualifierait volontiers de contradictoires.
Ensuite, ce qui s'annonce comme une science, repose sur un acte de foi absolu : admettre que les mécanismes de darwinisme sont si parfaits, qu'ils ne peuvent se cantonner qu'à la sphère du vivant. Car les mèmes ne sont pas (pour l'instant) observables. On ne peut qu'admettre leur existence.
L'idée, toutefois, pourrait être séduisante, si elle ne se contentait pas, au fond, de réinventer la roue, en reprenant sous un angle un peu différent le matériel de recherche d'autres domaines, comme la sociologie, la psychologie, la biologie, ou même la philo.
Au final le livre ne m'a pas convaincu, et l'approche d'un chercheur comme Dan Sperber, qui préfère parler de contagion des idées me semble a priori plus pertinente. Et du coup, avec mon mauvais esprit caractéristique, je me demande si, ce qui a plu dans la mémétique, ce n'est pas la perspective d'une science nouvelle où tout est à créer, même le corpus de recherche qui est donc ouvert à tout à chacun (comme Jouxtel, qui n'a aucune formation scientifique sérieuse). Nobel pour tous en quelque sorte.
Au fil des pages, je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si la mémétique n'était pas qu'un nouveau bras mort des sciences, comme le fût la phrénologie au XIXème siècle.
J'aimerais bien avoir l'avis de ceux qui se sont penché sur la question : la mémétique est-elle, selon vous une science en devenir, une imposture ou comme le dit Jouxtel en parlant des critiques formulées à son encontre, une discipline qui tente d'apporter ses réponses à des questions qu'au mieux personne n'a posée ?
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.
je plussoie... Phénomène de mode ? Ou vraie construction culturelle ? On en sait rien encore, et y pas de quoi en sortir des théories qui posent la question qui va avec 42.Simon a écrit :Je sais pas. Ca me fait plus penser au type qui un beau matin a la révélation que son bout de cornflake dans son bol de lait a une trajectoire similaire à la comète de Haley et décide d'écrire un bouquin sur toutes les similarités qu'il trouve qu'autre chose.
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Je ne connais pas. Certes, c’est apparemment une belle construction intellectuelle, c’est joli … pour animer des discussions philosophiques …. Pour faire des romans de SF … Mais si on accole le mot science, alors, il y a d’autres exigences autrement plus contraignantes. Preuves, observations, expérimentations, reproductivité, réfutabilité, protocoles, références, demonstrations,… Enfin pleins de choses désagréables de ce genre – et la, d’après ce qu’en dit Eric et jusqu'à ce qu’un connaisseur apporte la preuve du contraire – on est loin du compte
Je n'apporterai rien au débat, faute de m'être vraiment penchée sur la mémétique (je croyais que c'était une théorie pour de rire).
Mais je pense, sur ce thème à une nouvelle sympathique de Claude Ecken parue dans bifrost.
Il met bien en parallèle contagion des idées et contagion tout court.
Kt
Mais je pense, sur ce thème à une nouvelle sympathique de Claude Ecken parue dans bifrost.
Il met bien en parallèle contagion des idées et contagion tout court.
Kt
«Un spécialiste, c'est quelqu'un qui sait tout sur quelque chose et rien sur tout le reste.» Ambrose Bierce
Dernier article sur Actusf : ##39##
KtSteward, le site ou Le Blog
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Le propagateur, excellent nouvelle plus que sympathique à mon avis.une nouvelle sympathique de Claude Ecken parue dans bifrost
En même temps quand on voit la manière dont se répandent certaines idées voire idéologies, on peut se demander s'il n'y a pas un phénomène de transmission.
Notamment pour les plus mortelles.
Je ne dis pas que c'est vrai, hein, j'ai aucun moyen de le vérifier.
Je dis que se poser la question parait assez logique.
Listen now. Whoever you are, with these eyes of yours that move themselves along this line of text; whoever, wherever, whenever. If you can read this sentence, this one fragile sentence, it means you're alive. (Jeff Noon - Falling out of cars)
- Eric
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D'accord avec toi, le concept est intéressant. Tellement en fait que d'autres chercheurs (sociologues, philosophes, linguistes, etc...) n'ont pas attendu la mémétique pour se pencher sur la question.
D'où la mienne, qu'est-ce que la mémétique apporte de plus concluant au débat.
D'où la mienne, qu'est-ce que la mémétique apporte de plus concluant au débat.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.
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"ou même la philo..." qui pourrait s'être posé la question de la vie des idées.
J'ai repensé à ce machin-là, et voici:
http://www.automatesintelligents.com/bi ... nnett.html
Je ne l'ai pas lu, Dennett, mais je crois qu'il vient d'être à nouveau traduit en français, et qu'il est connu pour son travail sur le mode de fonctionnement des idées selon un schéma/paradigme (je ne sais pas trop comment on dit) darwinien.
Extrait:
"en fait, le cerveau est un univers darwinien à lui tout seul. D'innombrables objets mentaux, ou associations plus ou moins durables de neurones, s'y confrontent en permanence. D'innombrables traitements d'informations s'y déroulent, dont la plupart demeurent inconscients. Lorsqu'un choix se fait, lorsqu'un contenu de conscience apparaît, lorsqu'un discours prend forme et est communiqué à d'autres, c'est au terme d'une compétition darwinienne pour la survie du plus apte. Ce que nous croyons être la manifestation de notre volonté libre et souveraine n'est que le résultat de traitement computationnel finalement assez simples et banaux, soumis à un déterminisme certes indescriptible en termes simples, mais ne faisant pas appel à une quelconque intervention spirituelle.
Il est possible d'assimiler en grande partie les objets mentaux qui se disputent l'espace des zones corticales associatives aux "mêmes" identifiées par Richard Dawkins, dont nous parlerons dans une fiche de lecture ultérieure. Les mêmes, bien que moins faciles à identifier, définir et tracer que les gênes, contribuent directement aux compétitions darwiniennes dont découle l'évolution, du moins chez les espèces dotées d'un système nerveux central suffisamment consistant. "
plus loin:
"Même les formes les plus évoluées, les plus mystérieuses mêmes de la culture humaine, l'esprit, le langage, la connaissance, la morale, peuvent être éclairées et replacées dans le contexte de l'évolution par un maniement adéquat de la pensée darwinienne."
Si le sujet intéresse toujours, voilà donc ce que la philo shootée aux sciences cognitives a dit dernièrement...
J'ai repensé à ce machin-là, et voici:
http://www.automatesintelligents.com/bi ... nnett.html
Je ne l'ai pas lu, Dennett, mais je crois qu'il vient d'être à nouveau traduit en français, et qu'il est connu pour son travail sur le mode de fonctionnement des idées selon un schéma/paradigme (je ne sais pas trop comment on dit) darwinien.
Extrait:
"en fait, le cerveau est un univers darwinien à lui tout seul. D'innombrables objets mentaux, ou associations plus ou moins durables de neurones, s'y confrontent en permanence. D'innombrables traitements d'informations s'y déroulent, dont la plupart demeurent inconscients. Lorsqu'un choix se fait, lorsqu'un contenu de conscience apparaît, lorsqu'un discours prend forme et est communiqué à d'autres, c'est au terme d'une compétition darwinienne pour la survie du plus apte. Ce que nous croyons être la manifestation de notre volonté libre et souveraine n'est que le résultat de traitement computationnel finalement assez simples et banaux, soumis à un déterminisme certes indescriptible en termes simples, mais ne faisant pas appel à une quelconque intervention spirituelle.
Il est possible d'assimiler en grande partie les objets mentaux qui se disputent l'espace des zones corticales associatives aux "mêmes" identifiées par Richard Dawkins, dont nous parlerons dans une fiche de lecture ultérieure. Les mêmes, bien que moins faciles à identifier, définir et tracer que les gênes, contribuent directement aux compétitions darwiniennes dont découle l'évolution, du moins chez les espèces dotées d'un système nerveux central suffisamment consistant. "
plus loin:
"Même les formes les plus évoluées, les plus mystérieuses mêmes de la culture humaine, l'esprit, le langage, la connaissance, la morale, peuvent être éclairées et replacées dans le contexte de l'évolution par un maniement adéquat de la pensée darwinienne."
Si le sujet intéresse toujours, voilà donc ce que la philo shootée aux sciences cognitives a dit dernièrement...
Bruno - http://systar.hautetfort.com
- Eric
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Et c'est justement ce "en grande partie" qui me fait tiquer sur la mémétique. Parce que ce que dit le méméticiens, s'assimile par ailleurs "en grande partie" à la sociologie comportementale, à la biologie ou à la psychologie.systar a écrit : Il est possible d'assimiler en grande partie les objets mentaux qui se disputent l'espace des zones corticales associatives aux "mêmes" identifiées par Richard Dawkins,
Ça me laisse une désagréable impression de recyclage.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.