Lensman a écrit : Jusqu'où va la "solidarité", la "fidélité" (je cherche le bon terme) vis à vis des USA,
en tant qu'état constitué ? Est-ce théorisé ? (...)
Cela me surprendrait que ce problème, qui se pose pour d'autres idéologies (le
communisme, par exemple), ne se pose pas pour l'idéologie libertarienne.
Au risque de dire une bêtise, je ne suis pas loin de penser que c'est une spécificité
de toutes les formes d'anarchisme, libertarianisme compris : là où la plupart des
autres idéologies politiques proposent une théorie du rapport de l'individu à l'Etat,
et de ce qui fonde une souveraineté — théorie dont l'application peut toujours mener
à des conflits d'intérêt insolubles entre l'un et l'autre, donc à des paradoxes —
l'anarchisme récuse purement et simplement l'Etat dans les domaines qui lui semblent
relever exclusivement de l'individu. Ca peut aboutir à des conflits entre individus,
mais c'est assez limpide pour éviter les paradoxes.
Lensman a écrit : Le "nationalisme" implique l'idée, posée a priori, que l'on doit être solidaire,
à un degré considérable, des autres membres de la nation... même si ses propres
intérêts personnels en pâtissent. Je vois là une contradiction fondamentale avec
ce qui semble être l'idéologie libertarienne.
Pas réellement. Dans une société libertarienne, l'Etat ne peut en aucun cas imposer
aux individus une quelconque solidarité avec d'autres individus. Mais ça n'empêche
pas certains citoyens individuels, à titre personnel, de se trouver assez nationalistes
pour se tenir eux-mêmes à une telle solidarité — y compris en s'engageant pour
aller se faire casser la gueule au Viet-Nam ou ailleurs, à condition toutefois que ce
ne soit pas une obligation...
Lensman a écrit : Mais pour les libertariens? Imaginent-ils (du moins, leurs idéologues)
que le monde devienne un jour libertarien, comme les idéologues marxistes
imaginent un monde communiste?
Pour ce que j'en comprends, ils semblent persuadés qu'une minarchie apporte un
tel avantage compétitif par rapport à des régimes plus socialistes que le modèle
ne peut que s'imposer à terme. Mais sans vocation particulière à l'imposer à qui
que ce soit, ni aucun remords à profiter au maximum de cet avantage tant qu'il dure.
Lensman a écrit : Les "pouvoirs régaliens" ne sont pas seulement des ornements: la politique étrangère
est quelque chose de profondément liée au fonctionnement économique (entre autre)
de la société; il est curieux de la laisser aux mains de l'état, j'allais dire comme... un
vulgaire service public...
Il me semble que c'est une simple question d'efficacité — Bruxelles et les théologiens
parleraient sans doute de "subsidiarité" : ils reconnaissent que l'individu est impuissant
à cette échelle, et se résignent donc à la nécessité d'un Etat pour la gérer au mieux
de leurs intérêts collectifs.