Le_navire a écrit :J'en profite pour glisser qu'il y a 25 ans, Gérard me tenait des propos sur l'avenir de la SF qui plongèrent la jeune enthousiaste que j'étais dans un abîme de dépression. Ce qu'il a nié formellement avoir fait l'année dernière.
Je ne l'ai pas exactement nié. Il y a vingt-cinq ans ou un peu plus, nous étions en pleine crise des années 1980, suite à le surproduction des années 1970. En 1977, il y avait plus de quarante collections (44 si je me souviens bien de l'année de la science-fiction qu'éditait Jacques Goimard). Je disais que ça ne pouvait pas continuer comme ça, et ça n'a pas continué. La plupart de ces collections éphémères ont disparu en quelques années n'en laissant qu'une dizaine, bien installées même si elles avaient pu connaître quelques difficultés. C'est de cela que j'ai parlé il y a un bon quart de siècle.
Mais c'était une crise passagère qui n'a duré que quelques années. L'espèce littéraire dans son ensemble n'était pas menacée. Des crises, elle en avait connu d'autres, en particulier dans les années 1960. Ne mélangeons pas tout. Ou alors on renonce à comprendre, prévoir et s'il est possible remédier.
Ce qui se passe depuis une dizaine d'années, de façon continue, est tout différent. Le lectorat, ou si vous préférez le public des acheteurs sans lesquels on ne peut ni éditer ni payer des traducteurs se réduit régulièrement et vieillit au point que les chiffres de vente, dans la plupart des collections et pas seulement celles que je dirige, sont en train de rejoindre celles de la poésie quand j'ai eu l'occasion de diriger Seghers sur la fin des années 1970 et au début de la décennie suivante. Il y a quelques exceptions sur de rares titres mais elles sont très peu nombreuses. Et ce n'est pas un phénomène spécifiquement français, contrairement à ce qui s'est passé vers 1979.
Certes, la crise générale de l'édition, largement déniée, ne facilite pas les choses. La place croissante et sans précédent des super-best-sellers joue également un rôle. Mais il se passe quelque chose d'autre, dans le monde anglo-saxon aussi bien qu'en France.
Les vampires se reproduisent plus vite que les ET, malgré la répugnance bien connue des vampires américains à l'acte sexuel.
Un bon indicateur: la place des recensions de livres de science-fiction dans la revue Locus qui couvre assez précisément toute la production anglo-saxonne ne cesse de reculer depuis au moins sept ans au point de devenir presque négligeable au profit des vampireries et autres zombieries.
Il est peut-être regrettable que pour vivre, voire survivre, la littérature, y compris de science-fiction et la poésie, ait besoin de lecteurs ou plus exactement d'acheteurs. Mais quel que soit le système en vigueur, quelqu'un paie. J'ai eu le privilège d'observer sur place le mécénat communiste de Ceaucescu en Roumanie en 1971. Le Génie des Carpathes en avait une conception bien particulière.