Eric a écrit :Maintenant, concernant la question sous-jacente de l'adaptation en général, tout en étant pas spécialement fan du principe, je dois bien admettre (à ma grande consternation d'ailleurs) que je suis plutôt de l'avis d'Epikt. Quitte à faire migrer une œuvre sur un support pour lequel elle n'a pas été conçue, autant tirer le meilleur parti des contraintes qu'impose cette migration et en profiter pour livrer une réinterprétation convaincante de l'original.
Ben disons qu'il y a deux extrêmes à éviter : le décalque complet à la
Sin City, sans véritable intérêt (reprendre plan par plan les splendides dessins de Frank Miller - quand même prévus pour un médium particulier - et le scénar' au mot près, franchement...

) et le partage en live total qui n'a plus rien à voir avec l'original, que ce soit sur le plan esthétique ou sur le plan de l'atmosphère, mais conserve le titre comme pur argument de vente ou pour faire joli : un exemple flagrant avait été évoqué plus haut,
Constantine, qui n'a strictement rien à voir avec
Hellblazer dont il était censé être l'adaptation ; vu de manière totalement indépendante (et si l'on est indulgent sur le non-charisme de Keanu Reeves, le contexte purement judéo-chrétien, le côté spot anti-tabac de 2 h

, et l'atmosphère généralement aseptisée pour plaire aux petits et grands de 7 à 77 ans, qui plus est, là où la BD ne fait pas exactement dans la dentelle...), ça donne malgré tout un divertissement relativement sympathique, ou tout du moins regardable (si, si, soyons bons princes, on a vu largement pire...

) ; mais dès l'instant que l'on compare avec la BD, ben, ça fait comme qui dirait mal au ventre, au mieux...
Idem, en pire, pour
La Ligue des gentlemen extraordinaires : faire un scénario original et introduire de nouveaux personnages, pourquoi pas, tant mieux même (j'aurais bien voulu un scénario original pour
Sin City, moi, d'autant plus qu'il y avait Miller dans le projet...

) ; sauf que là où la BD originale est une réjouissante uchronie
steampunk bourrée de références et loin d'être aussi couillone qu'elle en a l'air de loin (mais alors vraiment de très loin), le film est un abject naveton d'une stupidité effarante qui donnerait presque envie de militer pour le rétablissement de la peine de mort contre les cinéastes et producteurs de mauvais goût...

Mais y a heureusement de quoi faire entre les deux.
Du coup, c'est effectivement absurde de jouer au réac complet (exemples, pour rester dans les adaptations de
comics : "Aaargh, mon Dieu ! Spider-Man n'a pas ses lance-toiles !" ; "Enfer et damnation, la batmobile ne ressemble pas à celle qui apparaît dans le n°
x de
Detective Comics !" ; "Horreur, Wolverine n'a pas son costume jaune et bleu qui flashouille grave dans la BD sous prétexte que ça ferait ridicule au cinoche !"). Mais ça me paraît pas beaucoup plus censé de défendre tout et n'importe quoi au nom de la liberté d'adaptation, de la réappropriation constructive de l'oeuvre ou je ne sais quoi ; parce c'est quand même rarement une justification pertinente, hélas, même s'il y a des exceptions qui méritent d'être citées (à titre d'exemples,
Blade Runner,
Shining,
A History Of Violence - qui n'a vraiment pas grand chose à voir avec la BD originale -, etc.). Et c'est bien le problème qui se pose ici...
Pour ce qui est des dessins animés, qu'il y ait des contraintes en terme d'animation, etc., d'accord ; maintenant, il n'est pas non plus nécessaire de tout adapter à la sauce manga... Qu'il y ait de très très bons mangas (et il y en a un paquet) n'est pas la question. Parce que dans le cas présent c'est quand même clairement le banquier qui s'exprime, pas l'artiste !

(on a vu un phénomène comparable dans les
comics, d'ailleurs : tout à fait d'accord pour dire que le graphisme très épuré - et à mille lieues des BD - des dessins animés de
Batman était une franche réussite ; mais quand on voit les horreurs sauce manga des tentatives de Marvel et DC pour reconquérir les gniards...

).
Y sera peut-être très bien, ce film ; mais disons que là, je suis scepticisme, quand même...