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Retour vers le futur 2, un ptit film bien sympa et bien réac
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:07 pm
par Shagmir
Revoyant Retour vers le futur 2 il y a quelques années, j'ai été frappé par sa dimension néo-Capra et le discours réactionnaire souterrain que le film véhicule : dans le "mauvais futur" qui nous est présenté, l'enjeu du film étant d'y échapper pour retourner à un futur meilleur (ce retour vers un autre futur étant, par définition, une démarche réactionnaire), on nous présente une ville quasi gomorrhesque où règnent le jeu, l'alcool, la saleté et même, disons-le, la pauvreté.
Cela n'en fait pas un mauvais film, mais je suis assez surpris par la place que ce film continue d'occuper dans le coeur des amateurs de science-fiction alors qu'il s'agit principalement d'un plaidoyer pour un retour aux valeurs traditionnelles de l'Amérique chrétienne (la famille, la probité, la réussite sociale).
Dans un registre radicalement opposé, Gremlins propose un dynamitage de cette Amérique idéale à la Capra que je trouve autrement réjouissant et moderne.
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:27 pm
par silramil
(Il l'a fait).
Mouaif. Ce n'est pas un mauvais futur, c'est un mauvais présent : 1985 devenu très laid et corrompu. C'était le but du premier aussi : revenir au présent en l'améliorant au passage.
Je ne vois pas ce qu'il y a de réac à considérer que devenir riche en utilisant sa connaissance du futur (succès sportifs) est immoral.
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:36 pm
par Shagmir
silramil a écrit :(Il l'a fait).
Mouaif. Ce n'est pas un mauvais futur, c'est un mauvais présent : 1985 devenu très laid et corrompu. C'était le but du premier aussi : revenir au présent en l'améliorant au passage.
Je ne vois pas ce qu'il y a de réac à considérer que devenir riche en utilisant sa connaissance du futur (succès sportifs) est immoral.
Mauvais futur, mauvais présent, ce n'est qu'une question de point de vue. C'est un mauvais présent parce qu'il est le futur d'un passé où se produit une anomalie (enfin, le film nous présente cela comme une anomalie, ce qui est déjà un habile glissement axiologique).
Ce qu'il y a de réac, c'est le contraste entre les deux réalités qui nous sont présentées : l'une bien proprette et traditionnelle, l'autre sale et vautrée dans le vice. Cette caricature aurait pu être matière à satire, mais ce n'est pas le cas : le film n'a rien de satirique, il relève essentiellement du sermon.
Elément tout à fait intéressant et significatif, selon moi : l'idée que devenir riche en utilisant sa connaissance du futur est immoral est un thème fantastique, pas de science-fiction. Et j'ai tendance à penser que le fantastique est un genre essentiellement moral, ce qu'il n'est pas le cas de la science-fiction (qui, comme chacun sait, est un genre essentiellement métaphysique).
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:46 pm
par silramil
Ne me parle pas de métaphysique, je digère...
Tout à fait d'accord pour le moralisme du fantastique, mais il serait illusoire de penser que la morale est absente de la SF.
Et il y a de la mauvaise foi de la part du réalisateur (et de son porte-parole, le doc) à poser que tout changement dans le passé est mauvais, sauf tous ceux qui l'arrangent, ainsi que ses amis. Tant que ça reste à un niveau personnel, ça va. Avoir un impact sur la société, c'est mal.
Ici, il y a surtout une opposition entre deux figures : le bully et le gentil garçon. La société du gentil garçon est aimable (d'une manière typiquement américaine, oui), celle du bully est hostile.
En cela, on a une opposition entre deux modèles de sociétés aussi fantasmées l'une que l'autre, et pour le coup très inspirées des thèmes du western, ce qui fait le lien avec l'épisode 3 (de sinistre mémoire).
Mais je ne vois pas trop en quoi ça en fait un film réac. Simpliste, oui. Réac ?
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:55 pm
par Chaos Prayer
Réac je sais pas. Moralisateur probablement. Mais c'est un film américain grand public après tout.
Posté : sam. déc. 24, 2011 3:59 pm
par Shagmir
Le rapprochement avec le western est pertinent, mais Retour vers le futur 2 est, avant tout, un décalque un peu toc et naïf de La Vie est belle (je parle du Capra, pas de l'infâme film de Benigni).
Or, ressortir près d'un demi-siècle plus tard le propos déjà naïf de Capra (mais aux films d'après-guerre il sera beaucoup pardonné) me semble un projet bizarre et je trouve le résultat dérangeant.
Ce qui rend le film réac, c'est que l'opposition dont tu parles entre ces deux sociétés induit un propos : l'une des deux est meilleure que l'autre. Et il se trouve que la mauvaise société, c'est celle qui advient lorsque l'intervention combinée de l'homme et de la technologie ont détraqué la société idéale. Je vais me répéter : l'enjeu du film n'est pas le choix d'une société contre une autre, c'est celui d'un retour à une société idéale, qui a été corrompue.
Cette idée de retour est l'essence de tout propos réactionnaire.
Posté : sam. déc. 24, 2011 4:04 pm
par Florent
Le futur où Beef Tanen a pris le pouvoir est une société ultra-libérale, où un homme seul concentre toutes les richesses pendant que les quartiers résidentiels sont devenus des ghettos pauvres où la sécurité n'est pas assurée. J'aurais tendance à dire que le film était visionnaire.
Posté : sam. déc. 24, 2011 4:09 pm
par dracosolis
Il faut se méfier des hommes doux et calmes, ils font ce qu'ils disent
(tandis que les énervés de la rhétorique visent trop de lièvres à la fois)
je rejoins Shag Chou sur la vision du futur alternatif (mauvais) dans retour 2 (dans retour 1 ça va, y'a qu'un passé merdique)
parce que à la revoyure c'est assez évident :
c'est sexe drogues and rock roll contre Hill valley l'endroit où l'on polish les SUV
ça manque un chouïa de nuances
la grande force du film, c'est de te vendre d'office que l'option b vaut mieux que l'option a
(sans compter l'idée que les filles en cardigans c'est mieux que les filles en cuir, et ça c'est quasiment de la magie, comme tour de force)
alors oui changer le futur pour tous c'est mal sauf que le futur ne change pas de façon innocente et que c'est assez évident (il aurait suffit que Biff tue son père et épouse sa mère, pour qu'un nouveau changement soit moralement valide sans en plus transformer la ville, voire le pays, en annexe malsaine de las vegas, SANS les ZZtop)
sinon le côté moral du fantastique oui, mais la sf itou, sans compter leurs apsects métaphysiques à tous
(les aspects moraux du film de bit lit ayant été traités par ailleurs)
Posté : sam. déc. 24, 2011 4:17 pm
par silramil
Shagmir : Mmm. Je vois ton point et comme je le disais, cette opposition est fantasmatique, renvoyant à des représentations traditionnelles (et cucul) de l'Amérique éternelle : il vaut mieux la bonne vie de l'honnête rancher, que l'errance violente du pistolero. Et les grands propriétaires veulent écraser les classes moyennes, alors que l'homme a bon fond, etc.
Cela dit, je n'approuve pas trop ton idée que la combinaison de l'homme et de la technologie soit à l'origine de la destruction de la société idéale. C'est surtout que la science sans conscience n'est que ruine de l'âme : un type naze employant la technologie fait des dégâts.
En gros, tu estimes réac le film parce qu'il pose une société traditionnelle comme point de départ et que l'objectif des héros est de revenir à cette société traditionnelle. C'est un point de vue défendable, mais qui ne rend pas compte de la mécanique du film (bon usage du voyage dans le temps vs mauvais usage).
Incidemment, je propose l'hypothèse selon laquelle cette série n'est pas une série de science-fiction, mais de merveilleux scientifique : la machine à voyager dans le temps est une anomalie potentiellement dangereuse, construite par un savant fou dans le plus grand secret. On est dans le droit fil de ce qui se faisait avant l'apparition des pulps...
D'où peut-être aussi ce sentiment d'être confronté à un film passéiste.
Posté : dim. déc. 25, 2011 12:58 am
par Shagmir
silramil a écrit :Incidemment, je propose l'hypothèse selon laquelle cette série n'est pas une série de science-fiction, mais de merveilleux scientifique : la machine à voyager dans le temps est une anomalie potentiellement dangereuse, construite par un savant fou dans le plus grand secret. On est dans le droit fil de ce qui se faisait avant l'apparition des pulps...
D'où peut-être aussi ce sentiment d'être confronté à un film passéiste.
Cette hypothèse me plaît énormément. Elle a l'élégance de prendre en compte le schéma fantastique sous-jacent : l'enjeu véritable est, après avoir réparé les dégâts commis avec elle, de détruire la machine maléfique. Ce qui fait du troisième épisode un élément indispensable de l'ensemble.
Cela contredit d'ailleurs ton argument selon lequel le discours serait que la machine est dangereuse entre les mains d'un type naze : le propos, ce serait plutôt que la machine ne doit pas être utilisée du tout. (Idée absente du premier film, d'ailleurs. Je lance une hypothèse connexe : on peut analyser ou bien le premier film isolément, ou bien les trois films comme une série, et le propos est bien différent. Le premier film est une comédie alors que la série est une fable.)
Pour l'aspect réactionnaire du propos (de la série et principalement de son second volet), Draco explique ça encore mieux que moi, je ne vais pas développer. Simplement, au risque de me répéter, la situation dramatique dans laquelle il faut réussir à revenir à un futur/passé meilleur est la définition même de la pensée
réactionnaire (= qui prône un retour en arrière). C'est même le titre de la série tout entière, on ne peut pas mieux dire !
Posté : dim. déc. 25, 2011 1:18 am
par silramil
Tu devrais dormir, dude.
Posté : dim. déc. 25, 2011 1:22 am
par Shagmir
silramil a écrit :Tu devrais dormir
C'est la pire insulte qu'on m'ait jamais jetée au visage ! Un jour de Noël, en plus ! C'est lamentable ! Me drapant dans ce que tu me laisses de dignité, je vais me coucher ! On ne me reverra pas de sitôt !
Goujat !

Posté : dim. déc. 25, 2011 1:38 am
par silramil
Posté : dim. déc. 25, 2011 7:36 am
par Lensman
Chaos Prayer a écrit :Réac je sais pas. Moralisateur probablement. Mais c'est un film américain grand public après tout.
C'est aussi mon avis.
Oncle Joe
Posté : dim. déc. 25, 2011 7:55 am
par Lensman
silramil a écrit :
Incidemment, je propose l'hypothèse selon laquelle cette série n'est pas une série de science-fiction, mais de merveilleux scientifique : la machine à voyager dans le temps est une anomalie potentiellement dangereuse, construite par un savant fou dans le plus grand secret. On est dans le droit fil de ce qui se faisait avant l'apparition des pulps...
D'où peut-être aussi ce sentiment d'être confronté à un film passéiste.
Cependant, il y a bien des univers alternatifs qui existent (on peut même aller dedans, en revenir). Ces univers sont là, les aller retour et les manipulations ne les suppriment pas (cela ne veut rien dire). Plus qu'elle ne suscite, la machine permet de révéler l'existence
effective de ces mondes. Après, on peut toujours décider qu'il y en a un que l'on préfère, ou décréter que l'un est "l'authentique", le "légitime" (moralement, par exemple),mais c'est une simple pétition de principe (pourquoi ne pas en préférer un autre que celui où revient le héros?).
Le film défend donc l'existence "simultanée" de tas d'univers où des gens vivent, meurent, voyagent (parfois d'univers en univers, ce qui, d'ailleurs, les distinguent de simples vue de l'esprit uchroniques)... cela me semble être de la vraie SF, à ce niveau.
Oncle Joe
PS: .. ça devient plus compliqué, paradoxalement, avec le troisième volet, le moins imaginatif, car il y a l'histoire de la photo qui disparaît (enfin, je crois me souvenir...), ce qui signifie sans doute l'existence d'une sorte de "sur-univers" présidant à l'existence des "sous-univers" où voyagent les héros, lesquels sous-univers auraient des existences conditionnelles (l'existence de certains excluant l'existence d'autres), mais ce n'est pas évident à théoriser (cela me semble avoir peu de sens et relever davantage du "merveilleux", le coup de la photo, et plus simplement, d'ailleurs, d'un simple "procédé du réalisateur pour que le spectateur comprenne mieux).