Transhumain a écrit :Nous sommes sur un forum consacré à la science-fiction, aussi n'est-il pas inutile, il me semble, d'aborder le sujet avec toi. Serge Lehman (encore lui) écrit dans "Par-delà le vortex" : "[..] la science-fiction, ce pourrait être cela : l'expérience subjective du saisissement ou du vertige qui se produit lorsqu'on passe - au sens propre - de l'autre côté du miroir ; lorsqu'on tombe dans l'image". C'est la réification. Le réel devient métaphore de l'image devenue concrète (j'espère que je ne dis pas trop d'âneries : je n'ai pas encore lu ce texte jusqu'au bout).
Or chez toi, l'imaginaire se retourne comme un gant, puis à nouveau, et encore, jusqu'à ce que tout soit brouillé. Pas comme chez Dick, pas du tout. L'image, chez toi, n'est pas ontologiquement différente du réel (chez Dick, c'est l'impossibilité de discerner les deux qui suscite l'angoisse). On ne "tombe" pas dans l'image chez David Calvo, pas plus que l'image ne s'immisce dans le réel. Il y a le réel. Il y a l'image. Tes textes se situent dans un troisième monde, à la croisée des deux autres, et où le sense of wonder ne saurait exister. Tu n'écris donc pas de SF, si l'on s'en tient à la définition de Lehman, mais cela n'a strictement rien à voir avec les modes de narration (ceux-ci n'étant que des symptomes visibles) ou la présence d'une spéculation scientifique rationnelle. Bien sûr, ta littérature fait surgir d'abondantes réflexions, images, sensations. Minuscules Flocons, ce sont tes "Impressions de L.A.", comme Roussel avait celles d'Afrique. Mais faire surgir des significations nouvelles, des images inédites, n'est pas le propre de la SF. Tu en penses quoi ? Est-ce qu'il te semble que tes textes relèvent malgré tout de la SF ?
Fabrice (qui n'écrit pas de SF non plus, du moins dans ses romans chez L'Atalante ou au Diable) serait l'Arpenteur, donc, celui qui lie des éléments disparates, qui invente avec du réel. Toi, tu es alors le joueur de Go, le poète algorithmique, le schizo heuristique. Chez toi le réel n'est pas plus métaphore de l'imaginaire, que l'inverse. Tu as raison, en définitive, chez toi, il ne s'agit pas tant de lier, que de créer. Arpenter, oui, mais seulement des terres qui l'instant d'avant n'existaient pas. Dès lors, tes récits sont des chemins, une suite de choix, comme dans les jeux vidéo. Tu parles de littérature ambient, comme on dit de la musique, c'est cohérent, tout ça se tient. Mais est-ce seulement possible ? A moins de dénier aux mots leur sens intrinsèque, la littérature ne saurait être purement sensorielle, sensuelle, comme peut l'être la musique ("le plus profond et le plus puissante de tous les arts", pour Schopenhauer, pour qui la musique était l'expression du monde comme volonté). "Si nous n'écoutons pas la musique de Bach en parfaits et subtils connaisseurs du contrepoint et de toutes les variétés du style fugué, et devons par conséquent nous passer de la jouissance proprement artistique, nous aurons, à l'audition de sa musique, l'impression (pour le dire à la sublime manière de Goethe) d'être présents au moment même où Dieu créa le monde", écrivait Nietzsche dans Humain trop humain. Ta littérature se veut noétique, mais restera toujours la langue, forcément signifiante, y compris dans ses expressions les plus radicales (je pense à des textes comme Bing de Beckett). A moins de la condenser, de la dépasser, de l'exprimer dans un unique symbole (d'où ma question sur le Pixel). Systar nous dira qu'il ne s'agit jamais que du Verbe divin singé par le nôtre, si petit...
non non c est très clair ce que tu dis. c est même suprenant que ce soit aussi clair ^^
il m est difficile de reprendre point par point ce que tu dis tant c est dense et pensé. je pense aussi que ca me fait du bien ce que tu dis sur la différence entre fab et moi, je crois qu il doit apprécier aussi, il pourrait venir en parler s il trouve quelques minutes. c est vrai que c est pas simple de vivre l un collé à l autre comme ca dans l esprit des gens, alors qu on est très différents, et qu on a besoin de poser cette différence pour qu on puisse se regarder et exister par nous même (je dis ca surtout pour moi, parceque c est vrai que depuis le début, on me prends toujours pr quelqu'un d autre, c est pas que j en ai souffert, quoique, mais maintenant c est cool que ca s arrete ^^). enfin, je sais pas, je trouve que c est bien que ce soit toi qui le fasses. tu nous connais, tu nous lis, tu peux parler, et t es pas dans la frustration, donc ca me rassure. c est pas courant d avoir ce recul sur les choses, de pas faire d amalgame, et je t en remercie publiquement.
je répondrai pas au mythe car il y a une question de systar plus loin qui m interpelle sur le sujet, et je pourrai reboucler. je vais juste te parler de forme. il est certain que je n ai pas trouvé la mienne. même si je sais qu elle est diégétique et noétique. alors oui, l impossibilité de rendre compte de l ambient, du pixel, avec des mots, c est une évidence de tous les jours. j ai un gros travail à faire sur moi. d'écoute, de prise de risque, de confiance à garder. je veux dire, je dessine, je dois mettre en mouvement tout ca. la boucle de nid de coucou est over, maintenant je trace vers les étoiles, mais je sais pas si je vais atterir avant longtemps. peut etre que je vais me crasher en catastrophe quelque part, c est bien mon genre ^^ peut etre qu'il y aura des ruines, ou des autochtones, je sais pas, ca me fait penser à ce tex avery, le chat qui détestait les gens, qui se retrouve sur la lune pour quitter ces connards d humains et qui se retrouve en enfer ^^ le gars s 'expulse finalement de la lune en se posant sur un tee et se botte le cul au club de golf, retour direct vers la terre ^^ trop fort ///
bref, en tout cas, tu m as donné une quantité de pistes de réflexion. je suis pas du tout un garçon fini, disons que j ai mis cette indécision, et cette impulsivité au centre de mon boulot et je crois que c est ce qui m a gardé en vie tout ce temps, malgré les échecs, malgré la peur. j espère peut etre me mettre quelque part où je pourrais toujours garder le choix d être un autre. des sauvegardes. des checkpoints. des arborescences lumineuses, des retours, des fast forward. des descentes en enfer, des montées vers déesse. je me souviens d une humiliation du milieu de la SF, quand j ai commencé à écrire, je dirai pas qui me la fait subir parce que s il lit ce forum, comme je pense qu il le fait, il se reconnaitra. je devais dédicacer wonderful je crois, qui venait de gagner un prix. j étais à ma table, j avais l impression d être calvin vendant de la limonade, personne venait mais je m en foutais, j étais content d être là, ca devait etre nantes, ou paris XVIIIème, pour présence d'esprit je crois, bref. j avais une petite pancarte avec mon nom dessus, david calvo, écrivain. j 'étais tout fier. je suis parti acheter un coca et quand je suis revenu, quelqu'un, ce type, qui signait pas loin, avait rajouté un point d interrogation derriére "écrivain". tout le monde s est foutu de ma gueule. j ai ri. j ai fais celui qui n en avait rien à foutre. ca m a fait rire, mais putain, ca m a fait mal. et c est la même chose depuis le début. alors j ai fini par croire que je devais pas être écrivain, pour assumer cette injure. et j ai finalement trouvé ca pas mal. d etre tout sauf écrivain, en écrivant. c est pas un crédo commercial, car je gagne rien, ni même médiatique. mais c était une évidence. qu écrivant, je pouvais être guitariste, programmeur, discobole, pilote ou archéologue. tous mes rêves de gosse.