Serge Lehman répond à vos questions

Serge Lehman répond à vos questions sur le forum de mardi 23 au jeudi soir 25 octobre 2007.

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Y Thiên
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Message par Y Thiên » mer. oct. 24, 2007 1:19 pm

slt Serge.

pas de question spécifique. je ne suis pas un grand connaisseur de ta carrière mais j'ai eu l'opportunité de t'écouter lors des Imaginales et puis plus récemment,j'ai eu le loisir d'échanger qq mots en ta compagnie.

en fait,jme suis intéressé à ce que tu écrivais via la revue ciel et espace et puis j'ai lu pas mal de chroniques concernant le livre des ombres.

je suis en plein ds la saison de la couleuvre dont je prend le temps de délecter.

au plaisir de te revoir!
sallon du livre de Liévin les 22 et 23 sept prochain

Lem

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 1:30 pm

Erion > Salut.

Le retrait de la SF littéraire participe tendantiellement du micmac éditorial qui m'indiffère aujourd'hui. C'est d'abord une histoire de cycles. Il y a des étés suivis d'ères glaciaires. L'été reviendra.

Quoique. Quoique.

Je n'ai pas encore une pensée aboutie sur le sujet mais il me semble quand même, outre tout le reste (tout le banal, je veux dire : la fin possible de l'autodéfinition littéraire de la civilisation occidentale, la domination de l'écran sur l'imprimé, la désalphabétisation généralisée, etc.) que la SF elle-même s'est fourrée dans ce guêpier en se donnant à elle-même un objet théorico-fictionnel incontournable : la Singularité. J'entends par là que c'est la première fois dans l'histoire du "genre" (si c'en est un, mais n'y revenons pas) qu'il existe un futur quasi-imposé ; la première fois qu'onl réduit les futurs possibles au lieu de les multiplier. Par contre, le nombre de passés possibles explose, d'où peut-être le succès de l'uchronie, de la SF historique, du steampunk, etc. Désir de refaire l'Histoire plutôt que d'en inventer une nouvelle (nous serions-nous trompés quelque part ?) Dans une interview récente aux journal "Les Echos", j'ai déclaré quelque chose comme : "le futur, maintenant, c'est tous les jours" et ce n'est pas une si mauvaise formule. L'état de flux permanent dans lequel nous sommes entrés est peut-être incompatible avec la SF telle que nous la connaissons.

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Eric
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Message par Eric » mer. oct. 24, 2007 1:35 pm

Tu n'as pas l'impression que la Singularité est un phénomène (intellectuel) essentiellement US ? De ce que j'en ai vu chaque fois que j'ai porté le débat ici ou dans mes chroniques, le sujet indiffère plus ou moins en France.

D'ailleurs, à ma connaissance, aucun auteur français n'a encore repris le thème à son compte.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mer. oct. 24, 2007 1:47 pm

Gabriel Chouinard disait il y aquelques années que la science fantasy était finalement une sorte de voie royale et que la hard SF, le post modernisme et la singularité n'était que des culs de sac. Chouinard défend une conception très littéraire de la SF dans laquelle je me retrouve assez il est vrai. Et il expliquait que la SF était finalement de la littérature et ne devait pas se laisser détourner pas la véracité scientifique ou par les éléments politiques ou autres.
Chouinard et quelques autres qui défendent la même ligne (Chery Morgan par exemple) ont fini par jeter l'éponge aux US, car leurs théories paraissent trop inconoclastes aux yeux du landernau SF.
Finalement si on y réfléchi bien ils n'ont peut être pas tort. Vance, Farmer, Le Guin, Zelazny, Card ou un roman comme Dune de Herbert (et bien d'autres) c'est de la science fantasy. Une grande partie des bouquins de Pierre Bordage c'est de la science fantasy. Et si on y réfléchi bien c'est ce qui veillit le mieux.
Il faudrait que la SF sorte d'une spirale qui l'entraine vers la littérature conjoncturelle.
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Lem

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 1:50 pm

Eric a écrit :Les étiquettes sont un tout petit peu plus que commerciale. C'est toi qui disait hier qu'il était intéressant de lire un livre en changeant son optique (HardSF, Fantastiques, etc...), car les attendus du lecteurs ne sont pas les mêmes.
Les étiquettes orientent l'horizon d'attente des lecteurs, elles sont un dispositif consumériste visant à éliminer le hasard dans le choix en librairie. Dans la mesure où elles sont là et où elles jouent un rôle culturel, je suggère de faire avec, de jouer avec (ne jamais se laisser aliéner par ce qui est inévitable ; récupérer la valeur symbolique en se montrant plus malin que le dispositif). Mais on peut aussi retourner le conseil : il n'est pas si difficile d'imaginer Ubik, Le temps incertain, IGH, Solaris, Terremer, EntreFer, Tous à Zanzibar paraissant chez Gallimard, dans la collection blanche, sans étiquette et avec un texte de quatrième de couve réduit au minimum. Comment percevrions-nous ces textes alors ?

Lem

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 1:53 pm

Y Thiên : Salut ! Oui, je me souviens très bien de Liévain. J'espère que la Coulœuvre te plaira. Au plaisir aussi.

Lem

Re: EF Russell / Ecriture

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 2:13 pm

Leeming > Bonjour.

E. F. Russell : ah oui, c'était vraiment un de mes auteurs préférés autrefois (en particulier Guêpe, Guerre aux invisibles et Le sanctuaire terrifiant). Tient-il encore aujourd'hui ? Je crois que je préfère ne pas le savoir. Mon Russell à moi est purement intérieur, une image de bonheur de lecture que je refuse de mettre en danger.
Dans quelle mesure votre nouveau (autre) rapport à l'écriture n'est-il pas conditionné par l'étape précédente de modélisation qui aujourd'hui serait totalement intériorisée (modèle de compétence).
A ce genre de questions, effectivement, l'auteur accompli répond : on s'impose à soi-même l'apprentissage des règles, les unes après les autres, une discipline de fer, on se bride jusqu'au jour où la technique est tellement intériorisée qu'on n'a plus besoin du manuel. Mais je ne suis pas un auteur accompli. Je n'utilise plus le manuel, certes, mais ce n'est pas parce que je l'ai orgueilleusement jeté à la poubelle. C'est juste que je l'ai perdu à l'avant-dernière étape du processus. Du coup, j'improvise et je fais le clown en guettant un hypothétique sentiment de sécurité (dans ces posts, par exemple, j'en fais dix fois trop).
Conseilleriez-vous à l'auteur débutant, dans un premier temps, un apprentissage de l'écriture, et lequel ? Quel a été votre propre parcours d'apprentissage dans l'art d'écrire ?
.

Si j'étais dans un mauvais jour, je reprendrais les trois conseils qu'Alan Moore donne aux auteurs débutants :
1) Don't.
2) No, really, don't.
3) You're gonna be sorry. Don't.
Mais le jour est bon. Mon conseil est celui-ci : peu importe la forme de votre apprentissage, si vous êtes un authentique écrivain a) vous écrirez, b) vous écrirez une histoire sur votre apprentissage.

(Merci pour la gentillesse finale.)

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Lensman
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Message par Lensman » mer. oct. 24, 2007 2:25 pm

En lisant la question de Fabien Lyraud, j'ai l'impression que notre ami s'inscrit dans une conception selon laquelle une oeuvre de SF devrait viser à s'inscrire dans la durée, voire rester pour la postérité. Certes, c'est flatteur pour l'ego de l'artiste, mais enfin, est-ce fondamental, cette histoire de gravure dans le marbre? Les romans de Brunner (dans la lignée Zanzibar), par exemple, étaient formidables qd ils sont parus. Ils ont certes vieilli aujourd'hui. Mais quelle importance? Ils étaient indispensables, davantage à mon sens que le nième truc se déroulant dans un monde indéfini. Ton avis, Pascal?
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Soleil vert
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Message par Soleil vert » mer. oct. 24, 2007 2:35 pm

"J'entends par là que c'est la première fois dans l'histoire du "genre" (si c'en est un, mais n'y revenons pas) qu'il existe un futur quasi-imposé ; la première fois qu'onl réduit les futurs possibles au lieu de les multiplier"

Le "no futur" des punks me semble bien d'actualité.
La SF classique avait livré un espace temps à la fois infini et collectif, la New Wave s'est tournée vers les espaces intérieurs,
Aujourd'hui l'espace n'est plus un territoire à explorer.
La priorité c'est l'espace-refuge individuel.D'ou les uchronies, la fantasy...

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Transhumain
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Message par Transhumain » mer. oct. 24, 2007 2:45 pm

Lensman a écrit :En lisant la question de Fabien Lyraud, j'ai l'impression que notre ami s'inscrit dans une conception selon laquelle une oeuvre de SF devrait viser à s'inscrire dans la durée, voire rester pour la postérité. Certes, c'est flatteur pour l'ego de l'artiste, mais enfin, est-ce fondamental, cette histoire de gravure dans le marbre? Les romans de Brunner (dans la lignée Zanzibar), par exemple, étaient formidables qd ils sont parus. Ils ont certes vieilli aujourd'hui. Mais quelle importance? Ils étaient indispensables, davantage à mon sens que le nième truc se déroulant dans un monde indéfini.
Mauvais exemple, Jo : les romans de Brunner, en particulier Zanzibar, SONT passés à la postérité, à juste titre. Mais tu n'as pas tort. Les meilleurs bouquins de SF à mon sens, en tout cas mes préférés, ne sont pas des mondes indéfinis. Camp de concentration, IGH, L'oreille interne, L'Enchâssement, ou les meilleurs Dick, sont même très marqués par leur époque (le Vietnam, le LSD, les théories du moment...).

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mer. oct. 24, 2007 2:47 pm

J'ai surtout l'impression qu'il y a un refus d'explorer l'étrangeté et l'altérité dans la SF d'aujourd'hui qui préfère laisser cela à la fantasy. La SF ne veut plus de l'ailleurs. Et je pense que n'avoir pas séparé SF et anticipation comme deux genres différents est assez responsables de la situation. Pourtant il s'agit bien de deux genres différents avec deux identités différentes. La SF c'est ailleurs et demain, l'anticipation ici et demain.
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Lem

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 2:53 pm

Lyraud & Lensman > Il faut que j'y réfléchisse un moment.

Soleil Vert > Il y a là une idée que je voudrais explorer mais ça risque d'être assez tortueux. Il y a quelques jours, Corinne m'a fait lire un document qu'on lui a remis pour un stage de formation continue, un truc management-&-communication. Texte fascinant, mais le dispositif créé pour l'occasion et qui met, pour ainsi dire, le texte en œuvre, l'est encore plus. Les organisateurs du stage se proposent d'analyser la personnalité de chaque employé de l'entreprise à partir de "recherches" effectuées par un universitaire US. La métaphore analytique est celle de l'immeuble à étages. A chaque étage correspond une strate de la personnalité. Il faut apprendre à monter et descendre – à s'ajuster en fonction de l'interlocuteur qu'il importe donc de savoir "classer" immédiatement dans l'immeuble. Pour faciliter cette opération, chaque participant au stage répond à un questionnaire, en déduit sa propre structure psychologique (immobilière) laquelle est transposée dans un code couleur, code imprimé sur un badge que chacun doit arborer par la suite.
Un auteur de SF sent tout de suite le potentiel d'un tel dispositif. Il y voit, par exemple, les linéaments d'une société future dans laquelle la lecture des codes-couleurs est une matière de premier plan, à l'école (ceux qui savent le mieux décoder les badges et contrôler leur interlocuteur sont des leaders naturels, des créateurs de valeurs). On peut aussi ajouter une dérivée technologique en imaginant un système de lecture automatique (genre codes-barres) avec rétroprojection de l'info dans le système nerveux de l'utilisateur (Egan ferait un truc comme ça). A l'inverse, il est possible de spéculer sur des contre-mesures, d'essayer de se montrer plus malin que le système en germe. Par exemple, l'école n'aurait-elle pas intérêt à enseigner la psychologie aux enfants, comme l'histoire ou les maths, dans la mesure où, quand les enfants ont grandi et qu'ils intègrent le monde du travail, on procède sur eux à un contrôle psychologique contre lequel ils n'ont pas appris à se défendre, dont ils ne posèdent aucun rudiments. Ils croient qu'on leur parle de leur esprit, de leur personnalité, que l'entreprise va les aider à développer cette personnalité alors qu'elle ne cherche qu'à optimiser le transfert d'information et à éliminer les frictions.
Un bon écrivain pourrait écrire un grand roman prophétique avec un tel matériau de base. Mais s'il se projette dans un futur assez lointain pour rendre crédible une civilisation entièrement fondée sur de tels principes de management (mettons à vingt ans), il lui faut aussi recréer entièrement la civilisation technologique qui va avec. Du coup, il est probable qu'il se rend lui-même illisible et brouille ce qu'il a à dire.
Ma solution personnelle serait de NE PAS anticiper l'évolution technologique, de transposer le truc dans le monde actuel. L'état de technofugue permanent dans lequel nous vivons est peut-être la seule donnée stable sur laquelle nous puissions nous appuyer : dans vingt ou trente ans, les objets auront changé (forcément) mais la fugue, la dislocation psychologique et sociale sera de même nature.
No futur ? Pas sûr.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. oct. 24, 2007 2:58 pm

Transhumain: heureux que tu fasses partie de ceux qui (comme pas mal sur ce forum tout de même) continuent à placer Brunner très haut. Mais qd on en parle à Gérard Klein, il signale qu'hélas, les ventes en poche sont faibles...
Fabien: il y a des auteur sde SF de chez SF qui n'ont pas peur de l'altérité, il suffit de lire du Egan. Mois, je trouve ça extraordinaire, mais là aussi, il semblerait (sans doute pour d'autres raisons que pour Brunner), que le public ne "marche" pas bien (dixite aussi Klein parlant des ventes).
Oncle Joe
PS: attention, Lem, ils sont plus bavards que toi!

Lem

Message par Lem » mer. oct. 24, 2007 3:01 pm

Fabien Lyraud a écrit :J'ai surtout l'impression qu'il y a un refus d'explorer l'étrangeté et l'altérité dans la SF d'aujourd'hui qui préfère laisser cela à la fantasy. La SF ne veut plus de l'ailleurs. Et je pense que n'avoir pas séparé SF et anticipation comme deux genres différents est assez responsables de la situation.
La France reste la France. Pour assurer notre triomphe ici, je ne vois qu'une seule solution : créer un Ministère de la Science-Fiction.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mer. oct. 24, 2007 3:03 pm

Le plus inquiétant c'est que ça commence à être vrai chez les anglo saxons. On a des débats sur certains blogs américains qui ressemblent de plus en plus aux notres dans les années 70.
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