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Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:16 pm
par Eric
Lem a écrit :Il est toutefois peu probable que ça arrive tant que "la science-fiction" (en tant qu'école littéraire) n'aura pas affirmé son existence consciente, ici, sous la forme d'une histoire dans laquelle la culture française puisse reconnaître au moins quelques aspects d'elle-même. On est quelques-uns à y travailler.
Tu n'as pas le sentiment que c'est parce qu'on lui refuse, aussi bien dans les médias mainstream qu'à l'école, une grille de lecture spécifique ? En lisant l'édition scolaire Classiques + de Ravages, ça m'a frappé. En fait, on cherche à analyser les romans de SF comme des romans de blanche. Alors qu'il ne viendrait à l'idée d'aucun prof ou critique, de parler d'un polar sans lui appliquer une grille de lecture spécifique.
orcusnf a écrit :... si tu cassais le masque et nous parlait comme l'homme que tu es vraiment !
Ben on est en plein dedans, vieux.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:22 pm
par zomver
Lem a écrit :Ça ne me paraît pas du tout impossible.
J’ai la conviction que c’est possible. :-)

Lem a écrit :Il est toutefois peu probable que ça arrive tant que "la science-fiction" (en tant qu'école littéraire) n'aura pas affirmé son existence consciente, ici, sous la forme d'une histoire dans laquelle la culture française puisse reconnaître au moins quelques aspects d'elle-même. On est quelques-uns à y travailler.
Sur les près de 6000 pages cumulées que représentent mes trois tomes La Pléiade consacrés à l’histoire des littératures, 19 pages très exactement sont consacrées à la science fiction dans une rubrique "Littératures marginales".
Mon édition est ancienne. L’article est écrit par Jacques Bergier. Le monsieur a ses détracteurs, certes mais son texte défend la SF avec - pour l’époque – une véhémence certaine. Il termine d’ailleurs en empruntant un titre à un roman de L. Sprague de Camp pour affirmer que sur la SF : "Les ténèbres ne tomberont pas".

Je l’espère bien.
Les compétences sont là. Une équipe avec un Serge Lehman, un Gérard Klein, un Joseph Altairac, un Roland C. Wagner et bien d'autres (pourquoi pas un Daylon pour pimenter encore plus la sauce ?), ne peut que faire des étincelles.

Allez, Pascal. Va secouer la maison Gallimard. J'attends mon La Pléiade. ;D

Merci d'avoir répondu.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:35 pm
par Lem
orcusnf a écrit :et sinon serge, tu es un être humain à priori ?
Je suis une machine de Turing programmée pour diffuser, de façon aléatoire, de fausses informations visant à accréditer l'idée que j'appartiens au genre dont tu parles. Selon ces informations :

La moitié de ma famille est bretonne
J'ai eu une adolescence heureuse
J'ai des rapports compliqués avec ma mère (le programme ne sait pas que le silence est la meilleure façon de mentir)
Je sais me débrouiller avec une guitare électrique
J'ai fait quatre études après mon Bac avec une pause au milieu pour travailler en librairie
J'ai au moins un ami en dehors du milieu SF
J'ai mon permis de conduire
Je cuisine
J'ai une tendance à la dépression
J'ai une tendance à l'alcoolisme
J'essaie de réduire ma consommation de tabac
J'aime les femmes avec de belles jambes
J'aime ma femme
Le prénom de ma femme est Corinne
J'ai une fille de dix ans
Je danse parfois avec elle sur du rock indus ou de la techno, une circonstance de vie qu'elle ne considère pas encore comme une corvée
Je fais mes courses chez Champion
Je ne suis pas très bon au ping-pong
Je cours tous les deux jours au Jardin des Plantes (quand je n'ai pas essayé de jouer au ping-pong)

Un portait typique de looser de quarante-trois ans.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:41 pm
par Roland C. Wagner
zomver a écrit :(pourquoi pas un Daylon pour pimenter encore plus la sauce ?)
Parce qu'il lui reste encore à acquérir la compétence.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:51 pm
par Lem
Eric a écrit :[Tu n'as pas le sentiment que c'est parce qu'on lui refuse, aussi bien dans les médias mainstream qu'à l'école, une grille de lecture spécifique ? En lisant l'édition scolaire Classiques + de Ravages, ça m'a frappé. En fait, on cherche à analyser les romans de SF comme des romans de blanche. Alors qu'il ne viendrait à l'idée d'aucun prof ou critique, de parler d'un polar sans lui appliquer une grille de lecture spécifique.
Le "procès en dissolution" identifié autrefois par Klein (procédé dont la pointe critique est : "plus qu'un bon roman de science-fiction, un bon roman tout court, un vrai roman") a sans doute des choses à nous apprendre sur le phénomène que tu décris. En superposant les deux attitudes, on discerne quelque chose qui ressemble à un encouragement : au fond, les lecteurs de littérature blanche ont toujours manifesté, à l'égard de la SF, une attente et une espérance dont on chercherait en vain l'équivalent dans les autres "genres". C'est peut-être pour ça qu'ils se montrent si souvent hautains ou méprisants : ils sont déçus (et d'abord déçus de ne pas comprendre les textes). Mais je pense qu'il ne faut rien lâcher sur le plan esthétique. Si on vise à terme un champ littéraire, non pas unifié, mais réconcilié avec la diversité de ses engendrements, il n'y a aucune raison de renoncer à ce que la science-fiction possède de plus spécifique (je laisse à chacun le soin de dire ce qui entre dans cette catégorie). Pour le coup, c'est là qu'on serait méprisable.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:52 pm
par zomver
Roland, il est hors-sujet ici de débattre des compétences de Daylon. Laisse-moi la liberté de lui en trouver. La suite en mp si tu le souhaites. :)

Posté : jeu. oct. 25, 2007 12:56 pm
par Roland C. Wagner
Lem a écrit :Si on vise à terme un champ littéraire, non pas unifié, mais réconcilié avec la diversité de ses engendrements, il n'y a aucune raison de renoncer à ce que la science-fiction possède de plus spécifique (je laisse à chacun le soin de dire ce qui entre dans cette catégorie). Pour le coup, c'est là qu'on serait méprisable.
Ouaip, mais pour l'instant, ça serait plutôt la levée de boucliers dès qu'on prononce/écrit le mot « science ». Par exemple, si tu rappelles que dans « science-fiction » il y a « science », tu es bon pour qu'on t'accuse de considérer la SF sous ce seul angle. Ce qui, depuis Damon Knight, est ridicule.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 1:16 pm
par Lensman
Les chiens de Tindalos aboient, la caravane des comédiens de la Planète Géante passent. Ils ne faut rien lacher!
Oncle Joe

Posté : jeu. oct. 25, 2007 1:38 pm
par Papageno
Et cette attitude et même le plus souvent reprise de l’intérieur du genre,
On est infiltrés – Trahison - à mort !!!
Bon, j’avais une question pour Serge : lui demander, si il pensait publier une synthèse de ses réflexions théoriques sur la SF, mais ils a déjà répondu plus haut.
En tout cas, je serais très intéressé par une publication de ce genre.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 1:41 pm
par Lem
Roland C. Wagner a écrit :Ouaip, mais pour l'instant, ça serait plutôt la levée de boucliers dès qu'on prononce/écrit le mot « science » etc.
Je suggère prudemment de reconsidérer la chose à l'envers.
Si je me suis tant impliqué dans la défense publique de "la SF" (en tant que milieu, culture, courant littéraire doté d'une histoire et d'une esthétique autonomes, vécu collectif, peu importe) pendant les années 90, c'est au moins autant parce que j'étais convaincu de la valeur intrinsèque de ce milieu/culture/courant etc. que parce que je sentais qu'en tant qu'écrivain, j'avais besoin de lui pour exister. Ma compétence littéraire reposait sur une connaissance intime de l'histoire de la SF et le maniement plus ou moins habile de ses codes. Comme je n'étais pas capable de transcender cette compétence pour produire une œuvre vraiment personnelle, j'ai consacré un temps et des efforts croissants à vulgariser l'histoire et les codes en question avec l'espoir d'élargir le lectorat spécialisé. La stratégie de communication exploitait les arguments habituels : vous aimez la SF mais vous ne le savez pas (vous êtes mal informés) ; dans un monde où la technoscience est devenue le moteur de l'Histoire, il est stupide, sinon suicidaire, de continuer à ignorer la seule littérature qui rende compte de ce phénomène, etc.
D'une certaine manière, c'est encore vrai aujourd'hui. Je veux dire que ces arguments me semblent toujours valables, même si je discerne rétrospectivement à travers eux, un aveu d'impuissance littéraire de ma part. J'ai fait le prof parce que je n'arrivais pas à faire l'écrivain.
A l'inverse, comment ne pas être frappé par l'absence totale d'inhibitions de Houellebecq, Truong, Dantec et même Werber – connard, tu t'étais juré de ne pas citer ce nom ici, trop tard, tant pis – sur le sujet ? Il est vrai qu'ils n'arrivent pas avec le badge sur les plateaux télé, ils ne disent pas : "je suis un auteur de science-fiction" et ce faisant n'exigent aucun prérequis de la part du lecteur mais quand on leur demande s'ils écrivent de la SF, ils répondent oui sans état d'âme. Ça n'a pas toujours été vrai. Mais ça l'est maintenant. C'est quand même une indication intéressante sur les données stratégiques du problème.

Ceci étant, Roland, je reconnais que ça ne répond que partiellement à ton objection.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 2:13 pm
par Fabien Lyraud
Pour toi SF, roman scientifique, anticipation c'est la même chose ? Ou ce sont des littératures différentes ?

Posté : jeu. oct. 25, 2007 2:38 pm
par Lem
Dans l'intérêt de la raison (dirait Van Vogt), on peut découper l'objet en morceaux de taille décroissante. Mais si on arrivait à faire comprendre au grand public que la scientific romance anglaise, le roman scientifique français et la science-fiction américaine (et pourquoi pas le zukunft roman allemand et la fantascienza itialienne, même si elle est plus tardive) sont les différentes appellations d'un seul courant littéraire, on aurait peut-être fait un pas vers la détente.
Du point de vue purement historique, le "roman scientifique", c'est la forme fictionnelle théorisée par Renard en 1909 (d'abord sous le label "merveilleux-scientifique") qui va de Rosny-Wells à Barjavel et le premier Bruss. Disons la vieille SFF entre 1900 et 1950. Et l'anticipation, c'est une des procédures spéculatives de la SF.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 2:55 pm
par Fabien Lyraud
personnellement j'ai l'intuition que la SF et l'anticipation ont des fonctionnements sémiotiques différents. La SF c'est un ailleurs et un demain, l'antcipation c'est un ici et un demain.
Pour le romans scientifique je n'y ai pas réfléchi. Mais Miske Ashley dans ses articles sur Amazing fait la distintion entre les nouvelles de pure extrapolation scientifique que faisait publier Gernsback et les récits appelés à l'époque de Super Science qui eux était des récits d'aventures utilisant des éléments scientifiques. Et ça m'avait fait réfléchir à l'époque.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 3:09 pm
par caliban
Roland C. Wagner a écrit :Ouaip, mais pour l'instant, ça serait plutôt la levée de boucliers dès qu'on
prononce/écrit le mot « science » etc.
Papageno a écrit :Et cette attitude et même le plus souvent reprise de l’intérieur du genre,
On est infiltrés – Trahison - à mort !!!
« Le plus souvent », en effet. (J'ajouterai les journalistes et assimilés, qui se sentent
obligés de ramener le débat à un niveau minimaliste dès que quelqu'un évoque,
non pas tant la science en général, mais un concept scientifique particulier).
Ailleurs, le mot « science » reste plutôt bien accueilli, il me semble.

Bref : pas d'accord avec la prémisse de Roland. Mais tout ça est assez déroutant...


Lem a écrit : j'ai consacré un temps et des efforts croissants à vulgariser l'histoire et les codes
en question avec l'espoir d'élargir le lectorat spécialisé. La stratégie de communication
exploitait les arguments habituels : vous aimez la SF mais vous ne le savez pas (vous
êtes mal informés) ; dans un monde où la technoscience est devenue le moteur de
l'Histoire, il est stupide, sinon suicidaire, de continuer à ignorer la seule littérature qui
rende compte de ce phénomène, etc.
D'une certaine manière, c'est encore vrai aujourd'hui. Je veux dire que ces arguments
me semblent toujours valables
Certainement. Mais ils font l'impasse sur la question de la qualité littéraire de la SF.
Y a-t-il un seul "grand" écrivain dand l'histoire de la SF ? — du calibre Hugo
ou Shakespeare, j'entends, de ceux qui font de la littérature un autre moteur de l'histoire.
J'ai bien peur que non (et c'est assez logique, d'un simple point de vue statistique :
il y a très peu d'écrivains de SF au total...). Est-il alors réellement suicidaire,
culturellement, d'ignorer une littérature qui est tout aussi incapable de changer le monde
que celles qui ne rendent pas compte du phénomène technoscientifique ?
même si je discerne rétrospectivement à travers eux, un aveu d'impuissance
littéraire de ma part.
Je soupçonne donc que cette impuissance est celle de toute la littérature du XXe siècle.

Mais, aveu pour aveu — j'admire ton discours à son propos. Moteur de l'histoire ou pas,
"égofiction" ou pas, c'est de la littérature, et plus puissante que tu ne veux bien l'admettre.

Posté : jeu. oct. 25, 2007 3:18 pm
par Leeming
Lem,

Concernant Houellebecq, Dantec, Truong et même Werber dans une certaine mesure, est-ce que leur place dans le paysage éditorial ne tient pas autant (plus) du personnage qu'ils incarnent que de leurs écrits (sans dénigrer).

Finalement le fait qu'ils écrivent de la SF est un moindre mal pour les garants de la littérature blanche puisqu'ils font vendre d'abord sur leur image.

Dans la création de la réalité du monde de l'édition, si on reprend la métaphore de l'immeuble, il y a une place pour chaque archétype qu'ils représentent.

Leeming