Virprudens a écrit :Monsieur Klein, bonjour,
Sans tomber dans l'obséquiosité du sieur Nébal, dont on ne sait si elle relève de l'ironie ou du respect sincère, permettez moi de poser à l'éditeur que vous êtes, les questions suivantes :
1) pensez-vous que l'avenir de la littérature de SF (et par extension, toute la littérature) passe forcément par le livre ?
2) que pensez-vous du Creative Commons, tant plébiscité par Cory Doctorow ?
D'avance, merci.
La littérature, c'est du texte. Que ce texte soit accessible par le livre imprimé ou sur un écran est au fond une question secondaire.
Cela dit, et au risque de me répéter, je dirai que le livre est un produit de haute technologie, dont pratiquement tous les aspects de la fabrication ont radicalement changé au cours des vingt dernières années. Plus léger, plus maniable, plus lisible, plus fiable dans le temps, moins cher, c'est difficile à faire.
Je ne parle pas ici des encyclopédies, des gros ouvrages de référence ou des annuaires pour lesquels la question est déjà règlée. L'avenir est électronique. Je parle ici de ce qu'on lit, pas de ce qu'on consulte.
Le véritable problème du livre, ce n'est pas l'objet, c'est sa diffusion et sa distribution. Le système actuel, très onéreux, qui consiste à expédier dans la nature quelques milliers ou plus d'objets au petit bonheur en espèrant qu'ils rencontreront, by jest or by mistake, un acquéreur voire un lecteur, et qu'ils ne donneront pas lieu à des retours massifs et économiquement absurdes, est, pour dire le moins, peu satisfaisant. Il exclut de plus en plus le maintien d'un fonds.
Peut-on en imaginer un autre? C'est toute la question.
La diffusion électronique, indépendamment des problèmes de lecture, en soulève un autre abondamment discuté à propos de la musique et de l'image, celui des droits d'auteur et du piratage. Il est concevable - je ne le souhaite pas - qu'on s'achemine vers l'apparente "gratuité" généralisée. Mais cela a un prix, très élevé. Cela veut dire revenir à une situation antérieure en gros au dix-huitième siècle où l'artiste dépendait entièrement pour vivre et créer de "patrons", c'est à dire d'aristocrates, de financiers ou d'appareils d'état qui le financent. Avez-vous réellement envie de lire ce que Hitler, Staline, Ceaucescu, Bill Gates, Steve Jobs, le Sultan machin ou le surintendant Fouquet, dans leur munificence, vous octroieront?
C'est toute la question. Le dix-huitième siècle européen, en très gros, a inventé quelque chose de fondamental, le marché de l'art et le droit d'auteur, avec leurs imperfections mais aussi leur efficacité et la liberté de choix qui leur est associée. Comme j'ai déjà dit, acheter un livre, c'est en un sens voter.
Mais rien de tout cela n'est pérenne.
Je ne sais rien du Creative Commons. Mais j'ai l'impression que la réponse se trouve ci-dessus.