Gérard Klein sur Actusf

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Modérateurs : Eric, jerome, Charlotte

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 12:53 am

Eric a écrit :Salut Gérard,

T'en as pas marre de voir tous ces sycophantes glaireux te tartiner de la demi-divinité à longueur de questions ?

Cela dit, il y en a une que je relèverais bien :

Comment fait-on pour garder la même fraîcheur de lecture après 38 ans à la tête d'une collection qui a publié à peu près tout ce qui a été fondateur de la SF moderne ?
Certes, mais ça leur fait tellement plaisir que je m'en voudrais de le leur interdire.

Il y a une solution simple: l'amnésie.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 1:31 am

Transhumain a écrit :Bonjour Gérard,

C'est bête, je vous ai croisé plusieurs fois ici ou là, mais sans jamais oser vous aborder. Il faut dire que pour moi, vous êtes - pardon - un monument, l'homme aux couvertures argentées, l'éditeur d'Herbert, Dick, Silverberg, Disch et Jeury, l'auteur des Seigneurs de la guerre et de La loi du Talion, et même du Gambit des étoiles (si, si). Bref. Je profite donc de l'occasion.
On vous reproche souvent de publier vos propres textes, à la fois chez A&D et au Livre de poche, alors même que vous n'avez publié aucun autre auteur français depuis vingt ans (il y a seulement eu Panchard, helvète).
Ceci m'amène à vous poser quelques questions, suivies d'autres, en vrac :

1) Êtes-vous donc le seul auteur français à la hauteur de vos ambitions éditoriales ? Je précise - on n'a pas le droit de le dire, je suis fou - que de mon point de vue, ce ne serait pas totalement infondé. Les équivalents récents, en SF, des meilleurs livres de Jeury ou Curval - ou des vôtres - sont rarissimes. Mais tout de même, cela ne vous pose-t-il aucun problème déontologique ?
2) Comment jugez-vous la SF française aujourd'hui ?
3) La date de sortie de Lothar Blues, le nouveau roman de Curval, est-elle arrêtée ?
4) Vous avez publié Téranésie d'Egan - que je trouve fort moyen - mais pas Diaspora ou Schild's Ladder. Heureusement que le Bélial est là pour les nouvelles, parce que franchement, qu'un auteur de cette importance - aussi inégales soient ses productions - reste impublié, c'est impossible ! Alors ? Hum ? Ah, ah !
5) Comptez-vous rééditer prochainement Camp de concentration de Thomas Disch ? Un de mes romans préférés, qu'hélas peu de lecteurs ont lu, faute de disponibilité du titre. J'ai bien offert à Systar un exemplaire laidissime de la version poche, mais bon, ça commence à bien faire.
6) Dans votre excellente préface du cycle de Dune (coll. Bibliothèque, et lisible ici : http://www.quarante-deux.org/archives/k ... /dune.html), vous faites une lecture très rationaliste, presque scientiste, du chef d'oeuvre d'Herbert. La religion dans Dune, à propos de laquelle il ne serait question selon vous que de technologie, n'est-elle vraiment qu'une fable, enjeu de pouvoir ? Le fait que le Kwisatz Haderach soit le produit d'une patiente sélection génétique n'empêche pourtant pas Paul Atréides d'assumer pleinement son rôle de messie - puis de demi-dieu... Et comment expliquer, de votre point de vue, le retour des Juifs à la fin du cycle ? N'échappent-ils pas, par leur survivance au champ - par ailleurs assez convaincant - de votre analyse ?...

Voilà, voilà. Désolé, c'est un peu long. Merci d'avance, maestro.

Olivier N.
Il ne faut jamais hésiter à aborder un monument. Mais pour parler franchement, ce que je n'aime pas trop, c'est qu'on grave sur mes murs, enfin sur mes joues, "Kilroy was here". En revanche, contrairement aux galeristes de Twombly, je supporte assez bien les baisers au rouge à lèvres. par exemple de Nicole Kidman ou de Diana Krall.

1) Non, pas vraiment. Mais j'ai pour principe de ne publier que les manuscrits que j'ai reçus. Indéniablement, en ce qui me concerne, les choses sont plus faciles de ce point de vue. Mais comme je l'ai déjà écrit, je suis attentif à d'autres talents, même moindres. Problème déontologique? Non, vraiment pas. Croyez-vous vraiment que j'aurais du mal à trouver un autre éditeur ? Et pire encore, un éditeur moins exigeant ? Si j'avais eu un scrupule, Robert Laffont me l'aurait ôté lorsqu'il m'a rétorqué alors que je lui faisais part de mon hésitation à paraître dans ma propre collection: voulez-vous vraiment faire la fortune d'un autre?
Ce n'était pas exactement ça, mais l'esprit était celui-là.

2) La science-fiction française me semble en plein renouveau. Pourvu que ça dure.

3) Lothar Blues doit sortir en mars 2008, avec une illustration de… Philippe Curval.

4) J'ai trouvé Diaspora et Schild's Ladder terriblement abstraits. Le succès, disons très relatif, des quatre romans de Greg Egan que j'ai publiés dans mes deux collections ne m'a pas vraiment incité à en remettre une couche. Cela dit, je publierai au Livre de Poche dans un avenir terrriblement éloigné qui doit vous inciter à vous tourner vers Le Bélial à moins que vous ne soyez semi-divin ou totalement post-singularité, les nouvelles de Greg Egan.

5) Je partage votre admiration pour Camp de concentration de Thomas Disch. Cela dit, je l'ai repris avec Génocides dans Ailleurs et demain: classiques. Je suis tout à fait prêt à en faire une réédition dans l'une ou l'autre de mes collections à un exemplaire, voire deux, au prix de: disons vingt mille euros l'unité. Si vous êtes intéressé, envoyez-moi un message personnel. Ce sera un collector.

6) Je pense vraiment que toutes les réponses sont déjà dans ma préface au Cycle de Dune, qu'il vaut mieux lire dans la version papier de La Bibliothèque. Le rôle de Messie de Paul se situe dans le symbolique, son capital génétique résulte d'une sélection, dans la réalité pratique. Je ne vois pas de contradiction. Concernant les Juifs qui réapparaissent à la fin du cycle, j'ai dit ce que j'en pensais dans cette préface, à savoir que peut-être Herbert regrettait de les avoir en quelque sorte négligés dans les étapes précédentes, et qu'ils représentent peut-être par ailleurs l'histoire par excellence, la tradition, à la fois continue et discrète, ce qui, dans la chair et dans l'esprit, transcende le temps sans jamais l'ignorer ni le négliger. Fragilité peu destructible.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 1:41 am

Olivier T a écrit :
zul595 a écrit :Pas de question particulière pour moi ... juste l'envie de saluer ce grand maitre de la S.F. francophone.
BRAVO !
+ 1 (comme le veut l'usage et surtout pour moi la facilité)

Je rajoute néanmoins que j'ai été particulièrement imprégné par deux de vos nouvelles ;
La planète aux sept masques découverte pour moi dans l'anthologie "Les mondes Francs" et Ligne de partage découverte dans le livre d'or de la S-F
J'en suis touché parce que ce sont deux textes que j'aime bien, moi aussi. Peut-être vaut-il d'attirer l'attention sur mon recueil Histoires comme si, où se trouve le premier et beaucoup d'autres textes aussi admirables. Il est épuisé, je sais. Mais on doit pouvoir le trouver en occasion et sinon, faites pression sur les éditeurs pour qu'ils le refassent paraître.
Comme déjà dit, canards encore un effort !!!

Papageno
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Message par Papageno » mar. nov. 20, 2007 8:22 am

[...] Le succès, disons très relatif, des quatre romans de Greg Egan que j'ai publiés dans mes deux collections ne m'a pas vraiment incité à en remettre une couche. [...]
Egan (dont je suis Fan) n'est-il pas un auteur typique pour public SF spécialisé - public qui apparemment n'est n'est pas assez nombreux pour transformer un livre d' Egan en Best-seller,ou même assurer un simple succès, même si tous acheter leur exemplaire.
A terme cela ne va t-il pas obliger les éditeurs à se tourner vers des romans de plus en plus grand public, pour assurer leurs ventes. Les lecteurs connaisseurs n'ayant commercialement qu'un poids très négligeable!
En est-on déjà arrivé la ou est-ce une vision trop pessimiste?

PS: Méfiez-vous de la reine de la nuit, c'est elle donne le poignard à Tamina et lui ordonne de tuer Sarastro. Certes, on peut se laissez séduire, avec sa série de contre-fa, elle ordonne joliment, mais...!

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Goldeneyes
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Message par Goldeneyes » mar. nov. 20, 2007 9:09 am

Merci pour toutes ces réponses qui nous permettent d'adoucir le mythe pour nous approcher (un peu) de l'homme ! Je vous souhaite toute la réussite que vous méritez et j'espère continuer à voir votre nom paraître aussi bien en tête de roman qu'en quatrième de couverture :D . Pour Nicole Kidman et Diana Krall (pour lesquelles je partage la même respectueuse admiration), gardez bon espoir. Car comme dit l'adage : l'attente du sage est toujours récompensée :wink:.

Ps 1 : et merci pour la découverte d'Edward Whittemore honteusement passé au travers du tamis de mes lectures hebdomadaires !
Ps 2 : vive Kubrick, Tangerine Dream, Pink Floyd, et Bartok !

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Eons
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Message par Eons » mar. nov. 20, 2007 9:14 am

Gérard Klein a écrit :Ayant travaillé, en moyenne, nettement plus de soixante dix heures par semaine, sans pour autant m'enrichir
Là, on a un point commun... :wink:

Tony
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Message par Tony » mar. nov. 20, 2007 11:22 am

Bonjour monsieur Klein,
Merci tout d’abord pour votre travail ! Je serais sans doute passé a côté de nombreux chef-d’oeuvres de la SF (vive les couvertures argentées ce fût d’une aide précieuse en bibliothèque). Dommage que vous n’ayez pas écrit davantage, ou si j’ose dire tant mieux, on a que des bonnes choses à se mettre sous la dent.

J'ai quelques interrogations sur les couvertures de votre collection. Quelle est votre part dans le choix du design ? Laissez vous toute latitude à l’illustrateur ? J’aimais bien l’aspect dépouillé des couvertures argentées, j’ai un peu plus de mal avec les couvertures actuelles, trop flashy et un peu trop "chargées" je trouve. Et parfois impossible de savoir ce qu'elles représentent. J’achète un livre pour le contenu mais dans notre société où l’aspect visuel, il me semble, est de plus en plus important (le développement des jeux vidéos ou des mangas où l’aspect graphique est essentiel mais je m’égare…) quelle importance accordez vous à cette aspect visuel ? Jusqu’à quel point le travail sur les couvertures peut influencer la vente d’un ouvrage et participer à la reconnaissance d’une collection (les fameuses couvertures argentées ayant marqué beaucoup de monde apparemment) ?

Merci et bonne continuation !

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k_tastrof
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Mémoire vive, mémoire morte

Message par k_tastrof » mar. nov. 20, 2007 11:26 am

Monsieur Klein


J'ai lu et apprécié votre recueil "Mémoire vive, mémoire morte" (compte rendu à paraître dans quelques jours sur actusf).

- On trouve dans la plupart des textes qui le composent un désespoir diffus, comme 'une impasse existentielle qu'on ne dépasserait que par une ouverture sur l'univers et ses éventuels habitants.
Est-ce là votre vision de la condition de l'homme?

- Plusieurs des nouvelles contiennent un même cri, un regret de l'insuffisance des mots pour expliquer, décrire, fixer les instants. Votre formulation de cette impossible quête du mot juste me pousse à vous demander si vous pratiquez la peinture et/ou la photographie. Ces arts vous paraissent-ils plus adaptés, plus adéquats pour attraper le temps?

- Comme à chaque fois que je lis un bon recueil de nouvelles, je repense à des réflexions entendues, çà et là sur la forme courte. Les recueils de nouvelles font-ils vraiment perdre de l'argent aux éditeurs?

- Nous avons eu, voilà peu de temps une discussion sur la SF écrite par les femmes, pour prolonger une table ronde des Utopiales. c'est ici
On a pu, parfois, accuser les éditeurs et directeurs de collection d'écarter les manuscrits de femmes pour répondre à une attente supposée du public.
Quelles sont vos pratiques en la matière? Accordez-vous une importance au sexe des auteurs dans vos choix de publication?

D'avance, merci de vos réponses

Kt
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orcusnf
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Message par orcusnf » mar. nov. 20, 2007 2:07 pm

(moi aussi j'abandonne l'obséquiosité, pfff)

Dans votre entretien autohagiographique dans bifrost, vous disiez qu'il y a avait beaucoup trop de livres sf publiés en france chaque année, et qu'il en faudrait plutôt 70 voire 100 pas plus. Qu'entendiez vous par là ? 100 inédits + 100 traductions + 100 rééditions ? 100 les 3 confondus ? 100 sf et fantasy mélangés ? En fait, y a t'il un modèle viable à long terme pour la sf française, vu son évolution actuelle ?
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Nébal
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Message par Nébal » mar. nov. 20, 2007 2:56 pm

Re-bonjour, donc (bah oui, j'avais bien dit que j'arrêterais de faire le "sycophante glaireux"... tsss, que les modérateurs soient des nazis, passe encore, c'est dans l'ordre des choses, mais qu'en plus ils n'aient pas d'humour... :P :wink: )

Pour en revenir sur "le Parthénon", comment expliquez-vous (talent mis à part, si si, ça n'explique pas tout quand même hein) la "survie" (en bonne santé semble-t-il donc ?) d'A&D, quand même assez unique dans le paysage éditorial français ? Sans doute suis-je naïf, mais j'ai du mal à croire que les gros vendeurs type Dune ou Hypérion suffisent à l'expliquer, du fait des quand même bien moins coûteuses éditions en poche (et en prenant en compte, d'accord, le délai entre la parution en A&D et la reprise en poche). Et là je rebondis sur la question d'orcusnf : j'ai l'impression (mais peut-être me goure-je) que le catalogue d'A&D est relativement restreint quantitativement, si on le compare à d'autres collections, surtout si l'on prend en compte son côté "vénérable" qui en fait un peu une "institution" ; y'a-t-il une volonté délibérée de publier peu pour assurer la pérennité de la collection, ou bien je me plante totalement ?

Autre question, concernant votre sentiment quant aux chroniques dans les revues spécialisées, les forums comme celui-ci et celui de Jules-de-chez-Smith-en-face, etc., et bien plus rarement dans la presse "généraliste", peut-être ? Ont-elles une influence décelable en termes de ventes (j'en doute, mais bon...) ? Ont-elles, au-delà, une influence sur les publications envisagées ? Même question, enfin, pour l'impact en termes de ventes ou de décisions de publication de prix tels que le Hugo et tutti quanti ?

Enfin, je rebondis également sur la question de k_tastrof concernant les recueils de nouvelles : quelle vous semble être aujourd'hui la place de la nouvelle dans la SF, au niveau mondial comme au niveau francophone ?

Merci d'avance.

PS : j'avais oublié de le noter précédemment, mais la sentence sur "la "science-fiction politique française", qui n'avait guère de politique que le cache-sexe", j'ai vraiment adoré... :lol: Et j'ai aussi noté plein de bonnes choses dans votre réponse au sieur Goldeneyes qui font plaisir à voir ; s'il ne restait qu'un seul roman, que ce soit Tristram Shandy, je plussoie autant qu'il est possible de plussoyer. :) Gérard Klein, en plus d'être talentueux et modeste, est de bon goût. C'est admirable.

Soleil vert
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Re: Mémoire vive, mémoire morte

Message par Soleil vert » mar. nov. 20, 2007 6:27 pm

k_tastrof a écrit :Monsieur Klein


J'ai lu et apprécié votre recueil "Mémoire vive, mémoire morte" (compte rendu à paraître dans quelques jours sur actusf).

- On trouve dans la plupart des textes qui le composent un désespoir diffus, comme 'une impasse existentielle qu'on ne dépasserait que par une ouverture sur l'univers et ses éventuels habitants.
Est-ce là votre vision de la condition de l'homme?

- Plusieurs des nouvelles contiennent un même cri, un regret de l'insuffisance des mots pour expliquer, décrire, fixer les instants. Votre formulation de cette impossible quête du mot juste me pousse à vous demander si vous pratiquez la peinture et/ou la photographie. Ces arts vous paraissent-ils plus adaptés, plus adéquats pour attraper le temps?

- Comme à chaque fois que je lis un bon recueil de nouvelles, je repense à des réflexions entendues, çà et là sur la forme courte. Les recueils de nouvelles font-ils vraiment perdre de l'argent aux éditeurs?

- Nous avons eu, voilà peu de temps une discussion sur la SF écrite par les femmes, pour prolonger une table ronde des Utopiales. c'est ici
On a pu, parfois, accuser les éditeurs et directeurs de collection d'écarter les manuscrits de femmes pour répondre à une attente supposée du public.
Quelles sont vos pratiques en la matière? Accordez-vous une importance au sexe des auteurs dans vos choix de publication?

D'avance, merci de vos réponses

Kt
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Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 6:29 pm

Papageno a écrit :
[...] Le succès, disons très relatif, des quatre romans de Greg Egan que j'ai publiés dans mes deux collections ne m'a pas vraiment incité à en remettre une couche. [...]
Egan (dont je suis Fan) n'est-il pas un auteur typique pour public SF spécialisé - public qui apparemment n'est n'est pas assez nombreux pour transformer un livre d' Egan en Best-seller,ou même assurer un simple succès, même si tous acheter leur exemplaire.
A terme cela ne va t-il pas obliger les éditeurs à se tourner vers des romans de plus en plus grand public, pour assurer leurs ventes. Les lecteurs connaisseurs n'ayant commercialement qu'un poids très négligeable!
En est-on déjà arrivé la ou est-ce une vision trop pessimiste?

PS: Méfiez-vous de la reine de la nuit, c'est elle donne le poignard à Tamina et lui ordonne de tuer Sarastro. Certes, on peut se laissez séduire, avec sa série de contre-fa, elle ordonne joliment, mais...!
Je pensais à l'interprétation de Nathalie Dessay ou à celle de Renée Fleming si toutefois cette dernière a jamais interprêté le rôle. Je rajoute ces deux divas à ma liste comprenant déjà Nicole Kidman et Diana Krall. Si Dessay me poignarde, je meurs assouvi.

À propos de Greg Egan, ne parlons pas à tort et à travers de best-sellers ni même de succès. Parlons plus simplement de livres qui font leurs frais. Je reviendrai plus loin en réponse à un autre message sur cette notion. Egan ne fait pas ses frais. Ou plus exactement, il n'a pas assez d'acheteurs en France pour couvrir les frais de traduction, d'édition, de publication et tout le reste. Il s'est vendu à ce jour 2861 exemplaires de Téranésie et à peine plus des précédents, ce qui couvre à peu près un quart des frais engagés.
Cela n'interdit pas de le publier mais cela incite à la réflexion. Imaginez que votre patron - enfin celui qui vous verse votre salaire ou vos subsides - vous dise, dommage, ce mois-ci pas de paie. Mais je compte bien que vous travaillerez pour la gloire. Quelle tête feriez-vous?

Bien entendu, les éditeurs qui essaient de survivre voire de vivre bien préfèrent publier des livres qui se vendent que des livres qui ne se vendent pas assez. Cela ne veut pas dire qu'ils renonceront à prendre des risques même lorsqu'ils savent la cause pratiquement perdue. Quand on n'aime, on ne compte pas (enfin pas toujours et généralement pas assez souvent).
Cela étant, le véritable problème est double: d'une part la volatilité du public qui se montre inconstant et imprévisible sauf en ce qui concerne d'indiscutables génies comme Bernard Werber ; d'autre part peut-être surtout la disparition de la notion de fonds chez les libraires, sans doute liée au point précédent. Au bout de trois à six mois, un livre de science-fiction est aujourd'hui pratiquement mort. Ce n'était pas le cas, il y a seulement vingt ans. Je faisais 50% des ventes d'Ailleurs et demain sur le fonds. Aujourd'hui plutôt 10%.Même chose, en pire, en édition de poche.
Certes, en littérature générale, la durée de vie, c'est trois semaines. Alleluiah, en science-fiction, nous avons presque trois mois devant nous. Pour combien de temps? Comme le bouche à oreille met d'un an à dix-huit mois à s'installer, quand un livre commence à faire son trou, il n'est pratiquement plus disponible en librairie. La surproduction y est pour quelque chose. La distribution du livre rejoint celle de la presse et des salades: la péremption est immédiate.
Admettons que pour un Egan, il y ait en France 10 000 amateurs, ce que je crois assez volontiers. Si, d'une part, on savait comment les toucher et si, d'autre part, ils groupaient leurs achats sur trois mois, il n'y aurait plus de problème. Mais le système actuel, que j'ai déjà décrit, consiste à envoyer presque au hasard des bouquins, en espérant que quelqu'un trébuchera dessus et voudra bien les acheter.
Je ne jette pas la pierre aux libraires : ils ne font que refléter le comportement du public même si, à force de l'anticiper, ils finissent par le provoquer.
Modifié en dernier par Gérard Klein le mer. nov. 21, 2007 12:48 am, modifié 1 fois.

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orcusnf
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Message par orcusnf » mar. nov. 20, 2007 6:35 pm

dieu a écrit :Admettons que pour un Egan, il y ait en France 10 000 amateurs, ce que je crois assez volontiers. Si, d'une part, on savait comment les toucher et si, d'autre part, ils groupaient leurs achats sur trois mois, il n'y aurait plus de problème. Mais le système actuel, que j'ai déjà décrit, consiste à envoyer presque au hasard des bouquins, en espérant que quelqu'un trébuchera dessus et voudra bien les acheter.
Je ne jette pas la pierre aux libraires : ils ne font que refléter le comportement du public même si, à force de l'anticiper, ils finissent par le provoquer.
En france, il y a beau y avoir des milliers de fans de vous, ils ont beau trébucher et errer sans fin dans les rayons des librairies, aucun n'a encore trouvé votre nouveau roman...
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 6:37 pm

Goldeneyes a écrit :Merci pour toutes ces réponses qui nous permettent d'adoucir le mythe pour nous approcher (un peu) de l'homme ! Je vous souhaite toute la réussite que vous méritez et j'espère continuer à voir votre nom paraître aussi bien en tête de roman qu'en quatrième de couverture :D . Pour Nicole Kidman et Diana Krall (pour lesquelles je partage la même respectueuse admiration), gardez bon espoir. Car comme dit l'adage : l'attente du sage est toujours récompensée :wink:.

Ps 1 : et merci pour la découverte d'Edward Whittemore honteusement passé au travers du tamis de mes lectures hebdomadaires !
Ps 2 : vive Kubrick, Tangerine Dream, Pink Floyd, et Bartok !
Merci de vos souhaits. En ce qui concerne Nicole et Diana, je préfèrerai tout de même, tout sage patient que je sois, les rencontrer avant qu'elles n'aient soixante-dix ans. Ce qui est hélas mon âge. Mais je ne le fais pas. Je suis trop paresseux pour ça comme disait Jacques Sternberg.

Whittemore, un génie. Ah oui, ventes nettes du dernier, paru en février, Ombres sur le Nil, au 31/10/2007: 795 exemplaires.

Comme disait Sade, Canards, encore un effort.

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Message par Gérard Klein » mar. nov. 20, 2007 6:58 pm

Tony a écrit :Bonjour monsieur Klein,
J'ai quelques interrogations sur les couvertures de votre collection. Quelle est votre part dans le choix du design ? Laissez vous toute latitude à l’illustrateur ? J’aimais bien l’aspect dépouillé des couvertures argentées, j’ai un peu plus de mal avec les couvertures actuelles, trop flashy et un peu trop "chargées" je trouve. Et parfois impossible de savoir ce qu'elles représentent. J’achète un livre pour le contenu mais dans notre société où l’aspect visuel, il me semble, est de plus en plus important (le développement des jeux vidéos ou des mangas où l’aspect graphique est essentiel mais je m’égare…) quelle importance accordez vous à cette aspect visuel ? Jusqu’à quel point le travail sur les couvertures peut influencer la vente d’un ouvrage et participer à la reconnaissance d’une collection (les fameuses couvertures argentées ayant marqué beaucoup de monde apparemment) ?
Comme je l'ai exposé dans quelques entretiens et peut-être sur quelques sites, nous avons dû abandonner les couvertures aluminium parce qu'elle devenaient trop chères. Un temps, nous avons retenu les couvertures "au rayon", provisoires et qui ont tout de même duré pas loin d'une dizaine d'années.
Je contrôle de très près l'aspect visuel des couvertures actuelles. Je m'en suis expliqué longuement sur un autre site et je n'ai pas l'intention d'y revenir ici dans le détail.
Une couverture est une affiche et le point central est qu'elle puisse attirer l'œil à cinq mètres. D'où l'importance de la couleur. Je déteste les illustrations en camaïeu, faciles à faire (un coup de jus suffira) et impossibles à distinguer les unes des autres. Trop chargées, les miennes, je ne vois pas. Souvent assez vives, oui. C'est voulu.

L'effet des illustrations de couverture sur les ventes est inconnu en librairie. Dans la presse, on sait assez bien. Cécilia double les ventes, enfin ces temps derniers et pour un temps. Pour le livre non. Les travaux des psychologues indiquent qu'un visage humain, de préférence féminin, attire le regard. Ensuite vient un corps féminin, si possible dénudé ou suggestif, y compris pour le public féminin. Consultez le magazine scientifique ELLE.
Une fois qu'on a dit ça, on n'a rien dit. J'essaie d'obtenir des illustrations à teneur symbolique du livre recouvert, que ce soit chez Laffont ou au Livre de Poche. J'y consacre beaucoup d'efforts comme ne le savent que trop Jackie Paternoster et Manchu, encore que j'aie tendance à me relâcher avec le temps.
Modifié en dernier par Gérard Klein le mar. nov. 20, 2007 8:09 pm, modifié 1 fois.

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