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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 11:59 am

Florent a écrit :Question indiscrète : arrives-tu à vivre de ton écriture et de tes traductions ? Si oui, à partir de quel moment, et de combien de livres parus as-tu pu (je sais, ça fait bizarre cette tournure, dite à haute voix) vivre décemment de l'écriture ?
Je vis de la traduction. L'écriture, en comparaison, c'est l'argent de poche. De toute façon, même en admettant que je veuille en vivre, je ne suis pas assez productive pour ça, et de très loin. Avec ma production actuelle, l'écriture me paierait de quoi vivre un mois ou deux sur l'année, pas plus - et encore, juste les années où je publie des livres. Mais ça tombe bien, l'écriture à temps plein ne me tente pas. J'ai déjà assez de mal à me discipliner au quotidien en tant que traductrice. Et je n'ai pas envie de me retrouver obligée d'écrire pour gagner ma vie.

La traduction, j'en vis depuis la signature de mon premier contrat de traduction de roman : c'était Le fléau de Chalion de Lois McMaster Bujold en 2002. Le jour même, j'ai démissionné de l'hôtel où je travaillais depuis trois ans. Depuis, j'ai toujours enchaîné les traductions et ce rythme de vie me convient très bien.

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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 1:04 pm

Je voulais rebondir sur ça et j'avais oublié :
Nick_Holmes a écrit :Tu as raison de dire que le film est "vieillot", je dirai old school années 80 :)
Mais à la lecture de la nouvelle (désolé mais ce format ne correspond pas pour moi à un roman), j'ai été ennuyé pour ne pas dire rebuté par le texte (scénario trop convenu, personnages pas attachants, ...).
On parlait de Hellraiser, donc. Je suis intriguée par cette remarque sur les "personnages pas attachants". J'ai envie de répondre par deux questions :

- Est-ce que c'est ce qu'on attend de Barker, des personnages attachants ? Je ne dis pas qu'ils ne le sont jamais chez lui, mais on ne peut pas dire qu'il cherche activement à créer des personnages auxquels le lecteur s'attache et dans lesquels il se reconnaisse.

- Tu trouves que les personnages du film l'étaient beaucoup plus ? Rory (qui porte un autre nom dans le film, j'ai oublié lequel) est un crétin fini totalement insipide, Kirsty la pire caricature des héroïnes ados des années 80, et son petit ami, n'en parlons pas... Il n'y a que Julia qui y soit intéressante. Ça tombe bien, c'est un personnage que j'adore dans le livre aussi. Elle n'est pas attachante, c'est sûr, mais je trouve qu'elle a une présence et une épaisseur qui font qu'on se souvient d'elle longtemps après. Frank est intéressant aussi, fascinant dans sa quête du plaisir et des sensations extrêmes. Ce ne sont pas des personnages attachants, mais des personnages troubles. Barker est très doué pour ça.

Edit : Je viens de penser à un truc, parce que Cabal (que j'ai lu avant de le voir) m'avait énervée pour les mêmes raisons : un des reproches que je fais à Barker en tant que cinéaste, c'est de créer des personnages marquants sur le papier mais d'être infoutu de les faire exister à l'écran.

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Message par Nick_Holmes » mar. avr. 08, 2008 2:10 pm

Mélanie a écrit : - Est-ce que c'est ce qu'on attend de Barker, des personnages attachants ? Je ne dis pas qu'ils ne le sont jamais chez lui, mais on ne peut pas dire qu'il cherche activement à créer des personnages auxquels le lecteur s'attache et dans lesquels il se reconnaisse.

- Tu trouves que les personnages du film l'étaient beaucoup plus ? Rory (qui porte un autre nom dans le film, j'ai oublié lequel) est un crétin fini totalement insipide, Kirsty la pire caricature des héroïnes ados des années 80, et son petit ami, n'en parlons pas... Il n'y a que Julia qui y soit intéressante. Ça tombe bien, c'est un personnage que j'adore dans le livre aussi. Elle n'est pas attachante, c'est sûr, mais je trouve qu'elle a une présence et une épaisseur qui font qu'on se souvient d'elle longtemps après. Frank est intéressant aussi, fascinant dans sa quête du plaisir et des sensations extrêmes. Ce ne sont pas des personnages attachants, mais des personnages troubles. Barker est très doué pour ça.
Moi j'aime bien les films séries B des années 80... :lol:
Et comme j'apprécie les personnages équivoques, je les trouve attachants (sans les cordes SVP). Sinon, ce n'est que mon ressenti sur des souvenirs, alors en revoyant la série de films je changerai peut-être d'avis ! :p
Om me souffle dans l'oreillette que Xavier V. de la librairie Scylla demande à apporter une précision :

Citation:
La fois où j'ai apporté chez Scylla des muffins chocolat/whisky, un certain libraire a prétendu qu'on ne sentait pas le goût du whisky.

Histoire qu'on ne le prenne pas pour un alcoolo, il me demande de rectifier : "Le libraire de Scylla aime le chocolat et aussi le whisky, accessoirement et avec modération."
Ceci était un encart publicitaire et culinaire offert par la librairie Scylla.

(Vous connaissez Liquor, le roman de Poppy Z. Brite qui met en scène un restaurant où chaque plat contient de l'alcool ? Faudrait faire pareil avec une pâtisserie, succès garanti.)
Je confirme que les brownies alcoolisés, c'est trèèès bon. (enfin c'était bien des brownies à la dédicace ?)

Liquor a été traduit en français ?

Sinon, dans un autre sujet, quelles sont tes relations - au sens large - avec les autres auteurs français ? Et vous faites un "club écrivaines" avec Catherine D. et d'autres filles ?

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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 2:28 pm

Nick_Holmes a écrit :Moi j'aime bien les films séries B des années 80... :lol:
Moi aussi, pour rigoler avec les copains en buvant de la bière. Quand tu en retrouves certains aspects dans un film signé Clive Barker, ça fait mal quand même.
Liquor a été traduit en français ?
J'entends parler de la traduction de ce livre depuis un bon moment, je ne sais pas pourquoi ça a tardé. Je crois avoir entendu dire qu'il pourrait paraître prochainement, mais je ne suis vraiment pas sûre de mes sources. Il y a plusieurs autres livres dans le même univers, inédits en français pour l'instant. Trois des nouvelles du recueil Petite cuisine du diable reprennent les personnages de cette série.
Sinon, dans un autre sujet, quelles sont tes relations - au sens large - avec les autres auteurs français ?
Très bonnes en règle générale. Une grande partie de mes amis sont d'ailleurs des gens de l'édition SF (auteurs, traducteurs, éditeurs, etc). Pour moi, les salons, c'est autant l'occasion de retrouver des potes que de rencontrer des lecteurs. Au tout début, j'y allais même surtout pour ça, vu que mes lecteurs se comptaient sur les doigts de la main. J'aime bien l'ambiance conviviale de certains salons, ça a un côté très familial.
Et vous faites un "club écrivaines" avec Catherine D. et d'autres filles ?
Presque. On s'est rendu compte il y a un peu plus d'un an, avec Catherine D. et d'autres collègues de l'édition (pas seulement auteurs), dont plusieurs traînent sur ce forum, qu'on était plusieurs à habiter le même coin. Depuis, on se croise régulièrement autour d'une bière ou d'un match de rugby (enfin ça, on ne l'a fait qu'une fois).
Sinon, je traîne souvent chez Scylla, qui se trouve à dix minutes à pied de chez moi, et j'y croise régulièrement des collègues, c'est sympa aussi

jerome
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Message par jerome » mar. avr. 08, 2008 3:07 pm

Mélanie a écrit :
Florent a écrit :Question indiscrète : arrives-tu à vivre de ton écriture et de tes traductions ? Si oui, à partir de quel moment, et de combien de livres parus as-tu pu (je sais, ça fait bizarre cette tournure, dite à haute voix) vivre décemment de l'écriture ?
Je vis de la traduction. L'écriture, en comparaison, c'est l'argent de poche. De toute façon, même en admettant que je veuille en vivre, je ne suis pas assez productive pour ça, et de très loin. Avec ma production actuelle, l'écriture me paierait de quoi vivre un mois ou deux sur l'année, pas plus - et encore, juste les années où je publie des livres. Mais ça tombe bien, l'écriture à temps plein ne me tente pas. J'ai déjà assez de mal à me discipliner au quotidien en tant que traductrice. Et je n'ai pas envie de me retrouver obligée d'écrire pour gagner ma vie.

La traduction, j'en vis depuis la signature de mon premier contrat de traduction de roman : c'était Le fléau de Chalion de Lois McMaster Bujold en 2002. Le jour même, j'ai démissionné de l'hôtel où je travaillais depuis trois ans. Depuis, j'ai toujours enchaîné les traductions et ce rythme de vie me convient très bien.
Et qu'est-ce qui t'éclate dans la traduction ? C'est qui le plus savoureux à traduire ? Graham Joyce ?
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Message par Célia » mar. avr. 08, 2008 3:12 pm

Une question ouverte : comme tu le disais plus haut, la musique est une source d'inspiration très forte dans tes textes. Je sais que tu es aussi grande amatrice de photo, tu peux nous en dire plus ?

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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 4:16 pm

jerome a écrit :Et qu'est-ce qui t'éclate dans la traduction ? C'est qui le plus savoureux à traduire ? Graham Joyce ?
Je ne dirais pas que la traduction "m'éclate". J'adore ce métier et je n'en voudrais pas d'autre, mais comme dans tout boulot, il y a des moments de frustration, de ras-le-bol, que sais-je encore. Je crois surtout que j'adore la langue anglaise et que c'est un bonheur de travailler dessus au quotidien. J'apprends des mots, des tournures, des structures que je ne connaissais pas. Il y a des grands plaisirs comme celui de trouver la formule adéquate pour traduire un jeu de mots ou une tournure un peu alambiquée. Et celui de se plonger dans un livre qu'on adore et de passer plusieurs mois en compagnie de ses personnages. Quand on aime moins le livre, ça peut être plus lassant.
Et puis j'aime aussi le fait de travailler chez moi. Le revers de la médaille, c'est que c'est parfois difficile de s'autodiscipliner (et on ne peut pas accuser un patron de tous ses maux, puisque le patron, c'est soi-même). Mais ça me convient très bien.

Graham Joyce est effectivement un auteur avec lequel je me sens à l'aise. Je me sens proche de son univers et il y a dans son style une aisance par laquelle je me laisse porter. Ces derniers temps, je me suis bien amusée à traduire Kelley Armstrong. Ce n'est pas une littérature extrêmement ambitieuse mais c'est vraiment une chouette série, plus subtile qu'elle n'en a l'air au premier abord. J'aime beaucoup ses personnages et son style est très agréable : très simple en apparence, mais chaque mot est à sa place, on sent que l'écriture est réfléchie et que l'auteur sait rythmer ses phrases. Le style de Glenda Larke me fait le même effet, d'ailleurs.
Sinon, il y a des auteurs comme Clive Barker ou Steph Swainston avec qui c'est plus ambivalent : j'ai adoré me plonger dans leurs textes mais je ne pense pas leur avoir rendu justice.

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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 4:34 pm

Célia a écrit :Une question ouverte : comme tu le disais plus haut, la musique est une source d'inspiration très forte dans tes textes. Je sais que tu es aussi grande amatrice de photo, tu peux nous en dire plus ?
La musique, c'est vrai que ça revient souvent. J'ai sur mon site une page de commentaires sur les nouvelles et une autre sur les déclics musicaux, et les deux se recoupent pas mal. Quelqu'un me faisait remarquer récemment que je dois être une des personnes qui alimentent le plus la rubrique "la play-list du moment" (oups, ça s'est vu). Faut dire que je vis en musique et que je continue à aller voir pas mal de concerts.

La photo, ça m'a pris il y a trois ans. Ado, j'ai eu un appareil mais ça ne m'intéressait pas plus que ça. Je me suis mise au numérique en 2005, avant un départ en vacances, et ça m'a tout de suite plus parlé que l'argentique. Surtout la possibilité de voir ce que je fais sur l'écran, et celle de multiplier les essais sans crainte de gaspillage puisqu'il me suffit d'effacer les ratées. Je me suis pas mal entraînée sur mes camarades dans les salons (pour peu qu'il y ait Claude Ecken dans les parages, on se retrouve toujours à mitrailler les mêmes sujets en même temps, c'est rigolo). Après avoir bidouillé un peu n'importe comment avec des réglages automatiques même pas adaptés, j'ai commencé l'an dernier à essayer de mieux comprendre ce que je faisais. Ensuite, j'ai changé d'appareil (j'ai reçu à Noël un Canon G9, pour ceux à qui ça parle, un très chouette jouet). Je continue à faire des conneries de débutante, à apprendre sur le tas en faisant n'importe quoi, je ne réfléchis pas encore assez à la façon dont je cadre, mais je vois en même temps que j'ai progressé et ça me fait plaisir.

L'exercice qui m'éclate le plus - et on en revient à la musique - c'est la photo de concert. Il se trouve que l'an dernier, j'ai commencé à m'impliquer un peu plus dans le webzine Le Cargo, dont je connais l'équipe depuis quelques années. Au départ, je fournissais plutôt des chroniques de disques et compte-rendus de concerts, ensuite j'y ai ajouté des photos. J'ai un niveau très nettement amateur par rapport au reste de l'équipe et j'aime vraiment ce que font certains - notamment, j'admire beaucoup le travail de Vinciane, qui a réalisé une série de photos de moi que j'utilise sur mon site (ici) et qui commence à travailler comme photographe pro. Donc, il y a un effet d'émulation, je regarde ce que font les autres, je leur demande des conseils, j'apprends à me concentrer sur des détails ou à faire des portraits plutôt que de bêtes photos de groupe... Et je cafouille encore pas mal, mais c'est un exercice que j'adore.

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Message par jerome » mar. avr. 08, 2008 4:37 pm

Mélanie a écrit : Sinon, il y a des auteurs comme Clive Barker ou Steph Swainston avec qui c'est plus ambivalent : j'ai adoré me plonger dans leurs textes mais je ne pense pas leur avoir rendu justice.
Pourquoi ? Tu as l'impression de ne pas avoir réussit à retranscrire leur style ?
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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 4:43 pm

jerome a écrit :Pourquoi ? Tu as l'impression de ne pas avoir réussit à retranscrire leur style ?
Y a de ça. Le problème de la traduction, c'est qu'on apprend sur le tas - et les erreurs de débutant, on les fait en direct, si je puis dire. Parfois, on traduit des livres pour lesquels on a le sentiment de ne pas avoir l'expérience nécessaire. Avec le recul, c'est mon sentiment pour ces deux-là. Cela dit, je n'ose jamais relire mes traductions, je ne sais pas ce que j'en penserais vraiment si je m'y replongeais.

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Message par jerome » mar. avr. 08, 2008 4:51 pm

Mélanie a écrit :
jerome a écrit :Pourquoi ? Tu as l'impression de ne pas avoir réussit à retranscrire leur style ?
Y a de ça. Le problème de la traduction, c'est qu'on apprend sur le tas - et les erreurs de débutant, on les fait en direct, si je puis dire. Parfois, on traduit des livres pour lesquels on a le sentiment de ne pas avoir l'expérience nécessaire. Avec le recul, c'est mon sentiment pour ces deux-là. Cela dit, je n'ose jamais relire mes traductions, je ne sais pas ce que j'en penserais vraiment si je m'y replongeais.
Tu en cause de ça avec les autres traducteurs comme Jean-Daniel Brèque ? Je me souviens de Jean-Daniel disant que plus il avançait, plus c'était difficile parce que plus il était méticuleux (Jean-Daniel, je te cite de mémoire, n'hésite pas à me corriger si c'est une bétise). C'est un sentiment que tu partages ?

Et puis allez avoue, quel est l'auteur que tu aimerais bien traduire ?
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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 5:01 pm

jerome a écrit :Tu en cause de ça avec les autres traducteurs comme Jean-Daniel Brèque ? Je me souviens de Jean-Daniel disant que plus il avançait, plus c'était difficile parce que plus il était méticuleux (Jean-Daniel, je te cite de mémoire, n'hésite pas à me corriger si c'est une bétise). C'est un sentiment que tu partages ?
J'en ai déjà parlé avec Jean-Daniel effectivement. En ce qui me concerne, je ne sais pas si je deviens plus méticuleuse, mais j'ai une conscience de plus en plus grande de l'impossibilité de faire le travail. La traduction, en soi, c'est une tâche impossible : il y a trop de différences entre le français et l'anglais pour que la traduction soit autre chose qu'une tentative d'adaptation. On essaie de limiter les pertes mais on sait que le texte traduit ne rendra jamais pleinement les effets du texte original.
Et puis allez avoue, quel est l'auteur que tu aimerais bien traduire ?
Alors là, tu me poses une colle. Quand je lis un bouquin dont le style m'emballe, il arrive souvent que je me dise en même temps "mais ça doit être un cauchemar de traducteur". Donc, de là à décider que j'aimerais bien le traduire, je ne sais pas... Je pense que, comme avec Barker ou Poppy Z. Brite, ça me ferait quelque chose de traduire des auteurs que j'ai beaucoup lus. King par exemple - mais lui, ça ne doit vraiment pas être de la tarte (je n'ose même pas imaginer à quel point les traducteurs de La tour sombre ont dû s'arracher les cheveux). Lisa Tuttle, j'aimerais assez - mais je ne suis pas sûre que ses inédits intéressent beaucoup de supports en France actuellement. Et Poppy Z. Brite, puisque j'en parle, j'aimerais bien la traduire à nouveau. Souvent, quand on se réjouit de traduire un texte, on ne se rend pas compte des difficultés qu'il va poser. Heureusement que l'enthousiasme qu'on a pour ce texte motive pas mal.

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Message par Bull » mar. avr. 08, 2008 5:28 pm

Bonjour Mélanie,

Est-ce que tu penses que "percer" dans le monde de l'Imaginaire aujourd'hui en France est toujours aussi dur pour un écrivain français, ou que la situation "s'améliore" ?


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Message par Florent » mar. avr. 08, 2008 5:34 pm

La Tour Sombre c'est un cas un peu particulier, vu que King utilise un langage d'une autre époque, et invente même parfois des mots.

Par contre pour le reste de son oeuvre, je pense que le gros problème vient surtout de ses multiples références au quotidien de l'Américain moyen (genre par exemple le nom d'une marque de céréales, si tu es le traducteur et que tu n'es pas américain, tu dois galérer un moment avant de comprendre qu'il parle de céréales).

A mon avis, s'il y a un auteur qui se fout royalement du public non américain, c'est bien lui (et il a bien raison, puisque ses livres marchent partout). Pour moi c'est un peu comme si un auteur français écrivait un bouquin traduit aux USA et qu'on y trouvait des allusions à Michel Drucker ou à Voici : le traducteur aurait quelques problèmes :lol:

(Quoique quand j'y pense, dans Plate Forme, Houellebecq fait référénce à Questions pour un Champion à un moment).
Modifié en dernier par Florent le mar. avr. 08, 2008 5:57 pm, modifié 1 fois.
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Message par Mélanie » mar. avr. 08, 2008 5:48 pm

Florent a écrit :La Tour Sombre c'est un cas un peu particulier, vu que King utilise un langage d'une autre époque, et invente même parfois des mots.
Yep. Cela dit, il le fait parfois dans d'autres romans (les termes inventés, y en a une floppée dans Histoire de Lisey).
Par contre pour le reste de son oeuvre, je pense que le gros problème vient surtout de ses multiples références au quotidien de l'Américain moyen (genre par exemple le nom d'une marque de céréales, si tu es le traducteur et que tu n'es pas américain, tu dois galérer un moment avant de comprendre qu'il parle de céréales).
En même temps, c'est aussi ce qui fait le sel de ses romans : cette impression de bouquins qui sont vraiment ancrés dans leur époque. J'ai appris pas mal de choses sur la culture populaire américaine en le lisant. J'ai l'impression qu'une partie de l'impact de ses livres vient de là.

Le vrai problème pour moi, si on veut traduire King, c'est qu'il a un style très particulier qui se situe à mi-chemin entre le langage oral et l'écriture littéraire. Et ça, c'est casse-gueule à rendre, parce qu'il n'en existe pas d'équivalent en français. C'est encore plus flagrant dans La tour sombre où il y a un jeu constant entre les registres de langage (le vocabulaire de Roland n'est pas celui de Jake, qui n'est pas celui d'Eddie ou de Susannah, etc), mais c'est vrai pour une bonne partie de sa production.

Je dois préciser quand même que j'ai traduit une fois King en réalité : une nouvelle pour Ténèbres qui ne m'avait pas emballée. J'en garde le souvenir d'un style neutre et assez bancal. Pas le style du King qui m'éblouit tellement, celui de Misery, de Sac d'os, etc. Je me demande dans quelle mesure son écriture a évolué avec le temps. Ça tombe bien, je viens de récupérer Carrie en anglais, ça me donnera une idée.

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