Xavier Mauméjean a écrit :
Oh, parce que le temps est de l'ordre de l'esprit, or nous avons énormément de mal à concevoir ce qui est de nature spirituelle, nous l'imaginons à partir des corps, bref comme l'a montré Descartes de ce qui est spatial. C'est un peu ça que j'appelle concrétion. Quant à l'oeuvre, A la recherche du temps perdu me semble arriver au plus près de ce qui est possible, non ?
Sinon, je ne me considère pas comme un créateur de monde ou de temps...
Proust: le problème, c'est peut-être que le temps est nié comme tel, puisque finalement on parvient à une boucle rédemptrice, ou consolatrice, qui vient donner un sens final à tout cela: c'est la naissance de la vocation d'écrivain, l'entrée dans la vie authentiquement "vécue".
Ce temps-là ne dévore rien, mais il ne crée rien non plus, il n'y a pas d'irréversibilité, puisqu'on s'achemine vers le sens terminal.
J'ai bien apprécié certaines allusions philosophiques dans les deux premiers tiers de Lilliputia (je ne l'ai pas encore fini): tu parles clairement, dans une page que je n'ai pas encore retrouvée, d'un "élan vital", autrement dit de ce que Bergson décrivait comme une "création continue d'imprévisible nouveauté". Le temps est ainsi créateur, dans ton roman, ou du moins il a une réalité, et une efficace sur le réel.
J'aurais pensé au temps dévorateur (La mémoire du vautour de Colin, où on a une chaîne de prédation très déconcertante, au coeur du roman?) et en même temps réellement créateur dans des grands récits de filiation, comme par exemple Le Dernier des Justes, de Schwarz-Bart, où le temps est signifié non par de l'espace, mais par l'engendrement de nouveaux êtres qu'on visualise très mal, mais qui n'existent que par leurs actes (en l'occurrence: être à la fois persécutés ET invincibles...).
Une autre question sur l'ontologie présente dans le Scopas, notamment à propos de Priest: l'être, c'est ce qui est dit.
Pour écrire quand on est Xavier Mauméjean, faut-il en quelque sorte jouer à devenir un sophiste?
Autre question:
tu conclus le Scopas ainsi:
"Le lieu est temps, c'est-à-dire quelque chose du mouvement, et c'est pourquoi il passe. Il se fige uniquement dans l'espace de la tombe, lorsque précisément plus rien n'est. En dehors de la mort il n'y a que la vie, c'est-à-dire une infinie déambulation. "
Lorsque tu m'avais envoyé ce texte, j'avais été frappé par l'atmosphère naturelle de recueillement, de méditation sereine, qui émane de cette phrase.
D'où vient cette idée d'une déambulation? Que signifie-t-elle exactement?
Je voulais aussi te demander comment comprendre ta formulation: en dehors de la mort, il n'y a que la vie.
Faut-il comprendre que la mort est toujours première, est une sorte de fond primitif de la réalité, et que, parfois, il s'en extrait péniblement quelque chose comme un mouvement indéfini, qu'on appellerait la vie? La mort est-elle première dans ta définition de l'homme, ou de l'existence?