gutboy a écrit :Bonjour Xavier.
J'ai lu Car je suis légion l'an dernier, c'est une de mes meilleures lectures récentes.
Je viens tout juste de finir Ganesha, et j'avoue avoir du mal à me faire une opinion. L'impression est très forte, en reposant ce roman, d'en avoir manqué la moitié - au moins- par manque de connaissance des mythologies, symboles et autres qui semblent parsemer le texte.
Considères-tu ce roman comme facilement accessible, ou bien est il réellement bourré de références, allusions, allégories et métaphores qui demandent à être maitrisées pour mieux saisir le livre?
Bonjour Gutboy,
Merci à toi !
Concernant
Ganesha, tu as raison, ce n'est pas un roman immédiatement accessible, moins en tout cas que sa première version. Toutefois, je ne pense pas qu'une connaissance des symboles évoqués soit nécessaire. Disons que, quand on les connaît, c'est un bonus, comme ceux qui figurent dans les très belles illustrations de mon ami Bruno Lachard, mélange d'hindouisme et du tarot d'Aleister Crowley.
Mais ta remarque soulève un problème dont je n'ai pas la solution. Dès lors que l'on décide d'écrire un roman (et cela indépendamment de sa réussite ou de son accueil public) jusqu'où doit-on aller dans l'intégrité des personnages, du récit ? Faut-il le faire comme "on le sent", ou au contraire faire des concessions pour faciliter sa réception publique ?
Attention, je ne parle pas de la gestion de la documentation. Un auteur intéressant, comme Philip Kerr, qui a écrit
La trilogie berlinoise et au moins deux bons romans de SF, tombe souvent dans le travers de rentabiliser ses fiches de notes en fourguant tout.
Non, là je parle du respect (faute d'autre mot) que l'on doit, d'une part à son propre récit, d'autre part aux lecteurs. Par exemple, pour
La Ligue des Héros et
L'Ere du Dragon on m'a parfois reproché d'en avoir trop fait. Ce que j'entends. Mais de mon côté, je pense au contraire qu'il s'agit de romans
courts là où d'autres auraient tiré à la ligne tout au long d'une série. N'oublions pas que l'un des buts était de parodier une série : avec deux volumes, on s'en sort à bon compte. Pour
Car je suis Légion il fallait exposer quantités de détails puisque c'est la civilisation babylonienne qui est au coeur du récit. Par exemple, je me souviens que dans une scène, le héros rentre chez lui et....et....embrasse-t-il sa femme ou non ? J'ai mis deux jours à trouver la réponse, fournie par Hérodote (j'arrête le suspens : il l'embrasse, les babyloniens pratiquaient le baiser autre que celui d'allégeance, commun à l'Antiquité).
Pour
Ganesha il fallait que, tout au long du récit, on hésite entre l'éventuelle nature divine du héros, ou son caractère humain (trop humain). Or, historiquement, Joseph Merrick était un autodidacte, qui trouvait confort et assurance à étaler son (authentique) culture. Cela devait donc apparaître dans le récit, au point d'équilibre entre son origine indienne, et son état de lettré. De même, la façon qu'il a de s'exprimer alterne préciosité et gouaille foraine.
Dans
La Vénus anatomique tout était plus facile car l'authentique Julien Offray de la Mettrie était un merveilleux styliste, doublé d'un esprit rigoureux mais vagabond, et d'une parfaite langue de pute. Il suffisait de suivre le modèle.
Ce qui ne règle pas le problème de savoir jusqu'où on peut aller trop loin.