jerome a écrit :Y'a-t-il des romans qui ont été plus difficile à illustrer que les autres ? Et ceux que tu as préféré ?
De mon côté, parmi les BD qui m'ont marqué de toi, il y a Scènes de la vie de banlieue. Je les ai lu il y a quelques mois et je les ai trouvé encore très pertinent, toujours d'actualité. Est-ce que je me trompe si je te dis que j'y ai cru décelé quelques correspondances avec certains album de Christin et Bilal ? Peux-tu nous raconter cette aventure des Scènes de la vie de banlieue ?
Je ne résiste pas à l'envie de mettre quelques images pour ceux qui ne connaissent pas.
Les romans les plus difficiles à illustrer sont souvent les meilleurs ! Non, pas forcément… En fait, il n'y a pas de loi… Mais un Dick (que j'adore), comme dit plus haut, c'est "dans la tête", il n'y a pas forcément d'éléments visuels excitants. Un Vance, par contre, c'est du gâteau : le texte donne déjà des formes, des couleurs, des goûts, des odeurs…
Je me rappelle avoir souffert avec "La Destruction du temple" de Barry Malzberg, surtout pour faire un Kennedy ressemblant. Un autre défi, un peu à la même époque, était "Les Femmes de Stepford" de Ira Levin : comme chaque fois qu'on a affaire à des robots parfaitement humanoïdes, comment donner un air SF sans révéler le pot aux roses? J'ai souffert aussi, par exemple, sur "Poker d'âmes" de Tim Powers… mais là, surtout pour lire le livre !
Après, il y a le problème des mauvais livres… mais ce ne sont pas forcément les plus difficiles : il suffit qu'il y ait une bonne scène bien spectaculaire (Je pense à la série de "La Cité des robots", d'après Asimov… ou j'ai fait des couvs parmi mes préférées). Sinon, mes bonheurs, ça a été les "Tschaï", bien sûr, ou "Le Troupeau aveugle" de Brunner, "L'île des morts", "Le Poids de son regard", "Le Créateur chimérique", "Message de Frolix 8"… Et sur les RCW, je me régale, aussi : c'est un défi, tant les bouquins sont foisonnants et presque anti-illustratifs (un héros transparent, c'est pratique, tiens !) mais justement…
Les Banlieues… Pilote, années 70… Donc effectivement, c'était un peu dans le même état d'esprit que Christin-Bilal, et pas mal d'autres à l'époque (il y a du gotlibisme aussi, là-dedans…). L'histoire, c'est que, après quelques petits trucs dans Pilote, j'ai fait une, puis deux, puis trois histoires où je me mettais en scène dans une "vie de banlieue" à la fois contemporaine et rêvé, et que Guy Vidal, qui était alors rédac chef, m'a poussé à insister dans cette direction parce qu'il aimait bien qu'on parle de l'actualité. Et il s'est avéré très intéressant de creuser ce sillon, de créer vraiment une série, avec des personnages récurants, avec beaucoup de liberté, allant de l'histoire très courte à la taille moyenne, passant du très caricatural à des choses plus noires, pouvant y pratiquer le pastiche et nombre de clins d'oeil à la SF, aux Contes de la crypte ou au cinéma, et pouvant m'y manifester politiquement… Le fait de m'y mettre en scène (dans des situations tantôt réalistes, proches de moi, tantôt complètement fantasmées) était une des clés : je parlais à la première personne, je me projetais dans des rôles, je réagissais à des situations réelles, à l'actualité… avec ma propre voix… (Cela dit, sur Arkadi, c'est un peu pareil, en fait…)