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Posté : lun. déc. 15, 2008 7:14 pm
par Bruno
Francis Berthelot a écrit :Small soldiers ? Je n'y ai pas pensé une seconde. Surtout dans le chapitre 8, où mon seul objectif était de rendre la mort de Malejour le plus grotesque possible.
A la lecture, le personnage de Riquet qui poursuit Malejour m'a immanquablement fait penser aux Small Soldiers. En plus éthéré, certes, mais quand même.

Posté : lun. déc. 15, 2008 7:22 pm
par Francis Berthelot
Pour Bruno :

En fait, chaque lecteur fait ses propres associations en fonction de son imaginaire à lui. C'est là une part de liberté qu'on ne peut lui ôter. Mais elles ne sont pas forcément les mêmes que celles de l'auteur, lequel se trouve par rapport à l'ouvrage dans une position en tout point différente : dans un cas, les associations surgissent du texte ; dans l'autre, elles l'engendrent, le lieu d'où elles viennent restant souvent obscur.

Posté : lun. déc. 15, 2008 8:35 pm
par Bruno
Autre question, toujours sur le Rêve du Démiurge : ton cycle commence par des romans où, comme tu le dis, "l'élément magique reste sous-jacent". Depuis, il est devenu évident. As-tu eu à l'occasion de ce changement des réactions de rejet, une partie de ton lectorat qui n'a pas réussi à franchir le pas ?
D'autre part, tu as peut-être amené par le biais de ce cycle certains lecteurs de littérature générale à lire du fantastique ou de la SF, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant. Est-ce le cas, et as-tu songé à cet éventuel rôle de "passeur" que tu pouvais avoir ? Dans l'affirmative, cela a-t-il pu influencer ton écriture ?

(bon, j'arrête là pour les questions)

Posté : lun. déc. 15, 2008 8:48 pm
par Francis Berthelot
Pour Bruno :

En fait, j'ai eu très peu de lecteurs pour les volumes 3 et 4 du cycle (Mélusath et Le Jeu du cormoran). C'est d'aileurs une des raisons qui m'ont conduit à revenir dans les littératures de l'imaginaire, car je ne voulais pas que Nuit de colère connaisse le même sort.

S'il y a eu des réactions – de gêne plutôt que de rejet – c'est surtout à propos de Mélusath, où l'intrusion d'une surnature au milieu du roman a dérouté certains lecteurs de mainstream.

Quant à ma fonction de "passeur", j'en ai eu conscience, certes ; mais j'aurais bien aimé qu'elle soit plus efficace : je doute d'avoir amené beaucoup de lecteurs de mainstream à se pencher sur ce qui se passe chez nous. Et je ne crois pas qu'elle ait influencé mon écriture. En revanche, le fait d'avoir rencontré les auteurs de la Nouvelle Fiction et le travail théorique que j'ai effectué sur la littérature (en particulier sur les questions de narrateur et le dialogue), m'ont été d'une grande utilité.

Posté : lun. déc. 15, 2008 10:30 pm
par Eric
Bonsoir Francis,

Pas plus tard que samedi, à Sèvres, tu me disais que tu te sentais très éloigné de la science fiction pure. C'est finalement assez étonnant de la part de quelqu'un avec un parcours scientifique comme le tien. Hein ? Non ?

Posté : lun. déc. 15, 2008 10:35 pm
par Francis Berthelot
Pour Éric,

En fait, ayant pratiqué la "vraie" science jusqu'à l'overdose, je n'ai jamais eu la moindre envie d'introduire de la "fausse" science dans mes romans. Et, parmi les différents sous-genres de la SF, la hard science est celui qui m'intéresse le moins : dès que je vois poindre à l'hoirzon un discours pseudo-scientifique, je m'ennuie.

En un mot, je suis un scientifique défroqué ;-)

Posté : lun. déc. 15, 2008 10:44 pm
par Eric
Je n'avais pas osé le formuler conne ça, mais bon... je me disais aussi...

Posté : mar. déc. 16, 2008 7:44 am
par jerome
Parlons un peu d'ouverture :-)

Lors de la remise du grand prix de l'imaginaire aux Utopiales, tu as évoqué L'Autre rive de Georges-Olivier Châteaureynaud chez Grasset qui a eu le prix du meilleur roman francophone. (la vidéo de la remise des prix des sur la page d'accueil et ici)

Peux-tu tout d'abord nous parler de ce roman que tu as brillamment défendu ?

Et puis tu évoquais l'ouverture avec ce prix de la SF au monde de la littérature générale en espérant une réciprocité. Penses-tu que ce soit réellement possible ?

Posté : mar. déc. 16, 2008 11:17 am
par Francis Berthelot
Pour Jérôme :

L'Autre rive de Georges Olivier Châteaureynaud se situe à Écorcheville, sur les bords du Styx – le fleuve des morts. Autant dire qu'on y est confronté à toute sortes de phénomènes insolites, pluies de salamandres, irruptions d'un faune facétieux, etc, qui se mêlent au quotidien d'une population des plus pittoresques. Le héros est un adolescent, Benoît Brisé : né de père inconnu, il tente de se trouver lui-même au terme d'un étonnant parcours initiatique à travers les scandales sociaux, les amitiés à double tranchant, les affres de l'amour et les irruptions d'une surnature facétieuse.

Impossible de résumer ce roman débordant de vie, d'invention, d'insolence, attachant en diable, truculent à l'extrême, écrit d'une plume survoltée par un Châteaureynaud au sommet de son art – ce qui n'est pas peu dire pour l'auteur du Congrès de fantomologie et du Démon à la crécelle.

Je le répète : ce roman est un must absolu :D
Et puis tu évoquais l'ouverture avec ce prix de la SF au monde de la littérature générale en espérant une réciprocité. Penses-tu que ce soit réellement possible ?
Là, j'ai un doute. Il faudra encore quelques années pour que le parisianisme chic et chnoque qui gouverne la litt'gén consente à se décrasser les yeux et regarder ce qui se passe chez nous. Mais je ne désespère pas. Nous avons assez de jeunes surdoués (David Calvo, Fabrice Colin, Catherine Dufour, Mélanie Fazi, Johan Heliot, Xavier Mauméjean, Jérôme Noirez et plein d'autres) pour que la grande muraille finisse par se fissurer.

Posté : mar. déc. 16, 2008 11:48 am
par Lensman
Bonjour Francis!
As-tu un jour imaginé voir un de tes textes adapté au cinéma? Ou bien est-ce un univers qui ne t'attire pas plus que cela?
Joseph

Posté : mar. déc. 16, 2008 12:02 pm
par Francis Berthelot
Pour Lensman :

Soyons clairs. Spielberg n'arrête pas de me harceler pour porter mon cycle à l'écran : c'est moi qui ne veux pas :-D

Plus sérieusement : oui, j'aimerais beaucoup cela. D'autant que j'écris de façon assez visuelle, parfois même en indiquant la bande son. Mais ce ne serait pas une mince affaire, surtout pour mes derniers romans qui multiplient les modes narratifs (discours intérieur, dialogues avec didascalies, etc).

Cela dit, j'aurais bien aimé que Gabriel Axel, qui a tiré un film merveilleux du Festin de Babette de Karen Blixen, s'intéresse au Jongleur interrompu. Je pense que le résultat aurait été très beau. Si l'un d'entre vous le connaît, merci de transmettre :arrow:

Posté : mar. déc. 16, 2008 1:31 pm
par gutboy
Hello.
Imaginons un citoyen lamba n'ayant jamais lu Francis Berthelot, manqué l'occasion de le rencontrer, et cependant interessé.
Comment présenterais tu cet auteur (ses thèmes, ses obsessions, etc)?

Posté : mar. déc. 16, 2008 2:02 pm
par Francis Berthelot
Pour Gutboy :

Je dirais la chose suivante :

FB est un écrivain qui œuvre à la frontière entre les littérature de l'imaginaire et la littérature générale, dans la zone qu'il a baptisée lui même transfictions et qui rejoint d'un côté le réalisme magique, de l'autre la speculative fiction.

Auteur gay assumé, marqué par la psychanalyse, c'est également un mystique athée proche du bouddhisme. Quel que soit le domaine qu'il aborde, il tient à rester borderline, préférant être assimilé à lui-même plutôt qu'à une idéologie quelconque. Dans son œuvre, l'exploration de l'inconscient prime sur celle de la société, le politique intervenant plus dans l'analyse psychique des rapports de force que dans une exploration du champ social.

Foncièrement hostile à la notion de réalité, il déconstruit celle-ci au fil de ses romans par le recours à une surnature acceptée en tant que telle, de constantes plongées dans les fantasmes de ses personnages et l'introduction du monde du spectacle comme ouverture sur l'imaginaire.

Il est par ailleurs très attaché à des notions comme la liberté individuelle, la tolérance, le respect de l'autre. Autant de choses contredites sans cesse par un goût certain pour les rapports sado-masochistes.

En bref, son univers est schizoïde, les contraires y coexistant en permanence.

Posté : mar. déc. 16, 2008 2:24 pm
par Lensman
Envisages-tu d'approndir encore ta réflexion sur ton concept de Transfiction dans un nouvel essai, ou penses-tu que l'essentiel a été dit, de ton point de vue?
Joseph

Posté : mar. déc. 16, 2008 2:32 pm
par Francis Berthelot
Pour Lensman :

Sur les transfictions, j'ai dit ce que j'avais à dire. Il y a sans aucun doute des tas de choses à ajouter : ce n'est que la première pierre de l'édifice. Mais je laisse à d'autres le soin de poursuivre, s'ils le souhaitent. J'espère d'ailleurs de tout cœur qu'ils le feront, et porteront la réflexion aussi loin qu'elle mérite.

Moi, je ne m'occupe plus de théorie littéraire : je veux consacrer les quelques années qui me restent à écrire des romans, des nouvelles, et aussi... à vivre ;-)