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Posté : lun. mars 02, 2009 5:35 pm
par Random
La question est doit-on se calquer sur des modèles tels que Twilight ou Harry P. ? Si oui, doit-on se calquer sur eux pour vendre ou parce que ceux ci sont intéressants ?

Parce qu'ils se vendent, sont-ils forcement de qualité ? Doit-on toucher un public massif pour être considérer comme un modèle ? La place finalement n'est-elle pas à la diversité, pour un public qui veut que Twilight se termine bien (je ne l'ai pas lu ou vu soit-dit en passant, je suppose) et un autre qui veut La Fin Du Monde et son cortège de morts (je ne l'ai pas lu non plus d'ailleurs) ?

Le public de l'un est-il forcement dissociable du public de l'autre ? Les "jeunes" sont-il si segmentés que cela ?

Et puis finalement, quelle est la part de communication dans tout ça ? Si La Malédiction d'Old Haven est adapté au cinéma à grand renfort de publicité de major US, les livres ne vont-ils pas connaitre une poussée de vente vertigineuse ?

Et quelle est la part d'audace des directeurs de collection ou des éditeurs ? Parce que des bouquins jeunesses "chocs", je pense que plein d'auteurs en ont dans leurs tiroirs (physiques ou imaginaires), non ?

Posté : lun. mars 02, 2009 6:37 pm
par fabrice
Random a écrit :La question est : doit-on se calquer sur des modèles tels que Twilight ou Harry P. ? Si oui, doit-on se calquer sur eux pour vendre ou parce que ceux ci sont intéressants ?
On se calque sur ce qu'on veut. Mais se calquer sur un modèle pour vendre, ça ne marche pratiquement jamais - ça se saurait.
Random a écrit :Parce qu'ils se vendent, sont-ils forcement de qualité ? Doit-on toucher un public massif pour être considérer comme un modèle ? La place finalement n'est-elle pas à la diversité, pour un public qui veut que Twilight se termine bien (je ne l'ai pas lu ou vu soit-dit en passant, je suppose) et un autre qui veut La Fin Du Monde et son cortège de morts (je ne l'ai pas lu non plus d'ailleurs) ?
On est tellement sur deux modèles différents qu'on parle à peine de la même chose. D'un côté, une série américaine, un thème sexy, un éditeur qui a accès à tous les réseaux de vente, des films...
De l'autre...
Random a écrit :Le public de l'un est-il forcement dissociable du public de l'autre ? Les "jeunes" sont-il si segmentés que cela ?
Non.
Qui a dit ça ? Je ne crois pas plus aux jeunes qu'aux Français ou aux électeurs de gauche ou aux écrivains de science-fiction. Ce sont des catégories vides de sens pour le problème qui nous occupe.
Random a écrit :Et puis finalement, quelle est la part de communication dans tout ça ? Si La Malédiction d'Old Haven est adapté au cinéma à grand renfort de publicité de major US, les livres ne vont-ils pas connaitre une poussée de vente vertigineuse ?
Si. Mais le fait est que La Malédiction... a un thème porteur : une jeune héroïne, sorcière mais gentille, un ennemi démoniaque, un message finalement positif (= le bien triomphe).
Random a écrit :Et quelle est la part d'audace des directeurs de collection ou des éditeurs ? Parce que des bouquins jeunesses "chocs", je pense que plein d'auteurs en ont dans leurs tiroirs (physiques ou imaginaires), non ?
Les éditeurs jeunesse veulent bien publier à peu près n'importe quoi. Dans Le Maître des dragons, il y a de la torture, des gens qui se droguent, des morts cruelles, une dépression, et ça passe comme une lettre à la poste. L'important, je crois, c'est de faire son truc sans se soucier des tendances. L'important, c'est d'y croire soi-même. Écrire pour la jeunesse n'est pas du tout quelque chose de cynique ou d'alimentaire à mes yeux. J'écris pour l'ado que j'étais.

Posté : lun. mars 02, 2009 6:49 pm
par Random
Pour le coup, ces question s'adressaient plus à (Johan ?) Heliot, suite à sa remarque sur Twilight. :D
fabrice a écrit :
Random a écrit : Et puis finalement, quelle est la part de communication dans tout ça ? Si La Malédiction d'Old Haven est adapté au cinéma à grand renfort de publicité de major US, les livres ne vont-ils pas connaitre une poussée de vente vertigineuse ?
Si. Mais le fait est que La Malédiction... a un thème porteur : une jeune héroïne, sorcière mais gentille, un ennemi démoniaque, un message finalement positif (= le bien triomphe).
Je pense pourtant que le même traitement marcherait sur un livre moins "positif" comme le semble être La Fin Du Monde. Peut-être y aurait-il édulcoration mais globalement cela se ressentirait sur la vente de livre néanmoins.

Pour rebondir la dessus, si adaptation audiovisuelle (soyons fous), quelle serait la part de liberté accordée aux adaptateurs ? Ou pour élargir la question, quel est ton rapport vis à vis des modifications de tes textes, que ce soit des suggestions plus ou moins poussées d'éditeurs, de dessinateurs ou l'hypothèse de l'adaptation ? As-tu déjà eu des clash à ce sujet avec des collaborateurs ?

Posté : lun. mars 02, 2009 7:19 pm
par fabrice
Random a écrit : Pour rebondir la dessus, si adaptation audiovisuelle (soyons fous), quelle serait la part de liberté accordée aux adaptateurs ? Ou pour élargir la question, quel est ton rapport vis à vis des modifications de tes textes, que ce soit des suggestions plus ou moins poussées d'éditeurs, de dessinateurs ou l'hypothèse de l'adaptation ? As-tu déjà eu des clash à ce sujet avec des collaborateurs ?
La part de liberté accordée aux adaptateurs dépend du contrat signé. Globalement, un jeune auteur n'a pas son mot à dire, à moins d'avoir vendu son bouquin à des millions d'exemplaires, ce qui peut éventuellement le mettre en position d'imposer un réalisateur, de refuser un acteur, de rejeter un scénario, etc.
Si on adaptait un de mes romans au ciné, je respirerais un grand coup et j'essaierais de penser à autre chose.
Dans la vraie vie, je vais rarement au clash, je suis gentil, je suis un adepte du signe de paix. J'ai fait refaire deux couvertures de romans en onze ans (Dreamericana et Le Réveil des dieux) parce que celles qu'on me proposait étaient totalement hors-sujet. Et aucun éditeur ne m'a jamais rien imposé sur le plan éditorial.

Posté : lun. mars 02, 2009 9:11 pm
par systar
Salut Fabrice,

1) ça te fait quoi de savoir que désormais, grâce au lobbying du systar, tes livres jeunesse seront lus au CDI du lycée Pierre Bourdieu de Fronton, dans la Haute-Garonne?

2) quelle impression cela fait-il quand des zozos sans scrupule herméneutique font dire à tes bouquins des trucs totalement tordus auxquels tu n'aurais pas pensé? (ou en tout cas: pas en ces termes?) D'abord gêné puis, juste après, un radieux "après tout, oui, pourquoi pas?" ?

3) Avec les Mendelsohn, tu vas proposer un roman où, j'imagine, tu te mets toi-même au clair avec la tendresse que tu portes pour la religion juive. D'où te vient cette tendresse? La richesse de sa théologie? le côté bouleversant de l'expérience juive? (déracinement, persécution...)

4) est-ce que quand même, tu ne serais pas prêt à reconnaître que, niveau mentor, Abellio c'est quand même une classe au-dessus de Gurdjieff?

5) La récurrence des crashs d'avion dans tes "flashs" ou intuitions d'auteur: as-tu maintenant une idée pour expliquer cela? Fascination pour la chute? les destins brisés? Obsession encore non assumée pour la "hauteur" (j'utilise ce mot pour en éviter de plus gros...)

6) Ton T-Shirt "Nietzsche is my co-pilot" est lamentable. Tu devrais avoir honte.

Voilà.
Et sinon, tant qu'à faire: je te redis ici que j'ai adoré ce que j'ai lu de toi, indépendamment de ce qu'intellectuellement j'en ai fait. Au commencement et à la fin de tout: le plaisir.
Entre les deux: quelques beaux moments où tu m'as permis de penser, un peu.

Posté : lun. mars 02, 2009 9:21 pm
par Bouse Bleuâtre
Une question facile :

Est-ce que tu te soucies de l'avenir de l'espèce humaine ?

Posté : lun. mars 02, 2009 9:29 pm
par systar
Une autre question:

étant entendu que Pynchon est le plus grand, que reste-t-il à faire après lui, ou à côté de lui?
(cette question idiote ne visant qu'à te demander de nous parler un peu de Pynchon, de ce que tu aimes chez lui, comment tu l'as découvert, lu, aimé, relu, re-aimé, commenté pour le "Face à Pynchon", etc...)

Posté : lun. mars 02, 2009 10:06 pm
par Alcor
Fab, dans cette discussion on a beaucoup parlé de ta Fin du monde : y a-t-il des ouvrages post-apocalyptiques qui t'ont marqué ou inspiré ?

(Je recentre mes questions sur la littérature vu le bide qu'a fait mon intervention précédente sur le foot... :roll: )

Posté : lun. mars 02, 2009 10:23 pm
par eleanore-clo
Bonjour Fabrice

Il fut question d'une édition chez Points du Parlement des Fées de John Crowley. Cet ouvrage est fabuleux mais souffre depuis 3 éditions (rivages, pocket et terre de brume) d'une traduction trop littérale et pas assez littéraire, trop (une fois n'est hélas pas coutume) respectueuse de l'américain et trop éloignée de la langue de Victor Hugo. Le texte français actuel manque d'ambition et les outils de traduction automatique du web auraient produit une prose approchante.
Avez-vous travaillé sur un projet d'édition ?

Merci
Cordialement
Eléanore-clo

Posté : lun. mars 02, 2009 10:34 pm
par Wandhero
Hello Fabrice,

Quel rapport entretiens-tu avec tes personnages ? Les vois-tu de l'intérieur et as-tu une relation affective/émotionnelle avec eux ou, au contraire, ne les vois-tu que de l'extérieur comme des entités dont tu peux décrire les actions sans qu'ils te touchent plus qu'un simulacre d'autrui ?

Posté : lun. mars 02, 2009 10:40 pm
par systar
Alcor a écrit :Fab, dans cette discussion on a beaucoup parlé de ta Fin du monde : y a-t-il des ouvrages post-apocalyptiques qui t'ont marqué ou inspiré ?

(Je recentre mes questions sur la littérature vu le bide qu'a fait mon intervention précédente sur le foot... :roll: )
Dans ta critique de La Route de McCarthy, tu parlais d' "immémorial".
Qu'est-ce que c'est? comment le définis-tu?
(y a des théories en philo sur l'immémorial, mais là encore c'est toi que je veux lire à ce sujet, parce que tes intuitions sont souvent fécondes)

Posté : lun. mars 02, 2009 11:11 pm
par fabrice
systar a écrit :Salut Fabrice,
1) ça te fait quoi de savoir que désormais, grâce au lobbying du systar, tes livres jeunesse seront lus au CDI du lycée Pierre Bourdieu de Fronton, dans la Haute-Garonne?
Salut Bruno,
Ça m'honore et ça me fout les jetons : t'as que ça à foutre ?
systar a écrit :2) quelle impression cela fait-il quand des zozos sans scrupule herméneutique font dire à tes bouquins des trucs totalement tordus auxquels tu n'aurais pas pensé? (ou en tout cas: pas en ces termes?) D'abord gêné puis, juste après, un radieux "après tout, oui, pourquoi pas?" ?

Ça m'honore et ça me fout les jetons : vous avez que ça à foutre ?
systar a écrit :3) Avec les Mendelson, tu vas proposer un roman où, j'imagine, tu te mets toi-même au clair avec la tendresse que tu portes pour la religion juive. D'où te vient cette tendresse? La richesse de sa théologie? le côté bouleversant de l'expérience juive? (déracinement, persécution...)
Un peu de tout ça. J'ai découvert la religion juive sur le tard, la kabbale, le hassidisme, Gershom Sholem, etc. et tout ce cortège de danses, de joie, de ferveur. Le mot tendresse me semble très juste et me pose question. Ces gens posent souvent un regard ironique sur leur propre existence et semblent toujours capables de folie. J'ai l'impression, en côtoyant leur histoire, d'être en présence de quelque chose de très ancien et de très profond. J'ai vécu ma première visite au musée du judaïsme à Paris comme une illumination.
systar a écrit :4) est-ce que quand même, tu ne serais pas prêt à reconnaître que, niveau mentor, Abellio c'est quand même une classe au-dessus de Gurdjieff?
Mais carrément. C'est marrant que tu parles de ça maintenant, parce que je viens de finir de lire Les yeux d'Ézéchiel sont ouverts. Je n'ai jamais pensé que Gurdjieff était un grand penseur : c'est un charlatan (mais Freud aussi). Par contre, en tant que figure romanesque, il est au poil.
systar a écrit :5) La récurrence des crashs d'avion dans tes "flashs" ou intuitions d'auteur: as-tu maintenant une idée pour expliquer cela? Fascination pour la chute? les destins brisés? Obsession encore non assumée pour la "hauteur" (j'utilise ce mot pour en éviter de plus gros...)
Il faudrait poser la question aux zones marécageuses de mon cerveau qui me tiennent lieu de subconscient. Cela fait des années, des décennies que je rêve de crashs d'avion. Ça et les bombes atomiques. Je ne sais pas ce que ça veut dire et je ne veux pas le savoir. Généralement, je me réveille à temps, mais pas toujours. Le crash est avant tout un son, un grondement qui enfle jusqu'à un point final, une boule de lumière et de chaleur - la mort. Débrouille-toi avec ça.
systar a écrit :6) Ton T-Shirt "Nietzsche is my co-pilot" est lamentable. Tu devrais avoir honte.
"La honte est une déesse paresseuse." (Euripide)
systar a écrit : Voilà.
Et sinon, tant qu'à faire: je te redis ici que j'ai adoré ce que j'ai lu de toi, indépendamment de ce qu'intellectuellement j'en ai fait. Au commencement et à la fin de tout: le plaisir.
Entre les deux: quelques beaux moments où tu m'as permis de penser, un peu.
Merci - c'est un très joli compliment.

Posté : lun. mars 02, 2009 11:16 pm
par fabrice
Bouse Bleuâtre a écrit :Une question facile :
Est-ce que tu te soucies de l'avenir de l'espèce humaine ?
Oui.
J'ai des enfants, j'essaie d'aimer mon prochain, le bien que je souhaite aux générations futures est au moins égal au respect que m'inspirent les générations passées.
En revanche, je ne pense pas avoir les bagages nécessaires pour aborder cette question de front dans mes romans.

Posté : lun. mars 02, 2009 11:26 pm
par fabrice
systar a écrit :Une autre question: étant entendu que Pynchon est le plus grand, que reste-t-il à faire après lui, ou à côté de lui ?
(cette question idiote ne visant qu'à te demander de nous parler un peu de Pynchon, de ce que tu aimes chez lui, comment tu l'as découvert, lu, aimé, relu, re-aimé, commenté pour le "Face à Pynchon", etc...)
Il ne reste rien à faire. Pynchon est, comme Nabokov, un écrivain très reposant pour moi - comme un nuage dérivant dans le ciel (vers la grâce ?). Je sais que je n'ai pas à me comparer à lui. Quand l'égo s'en va, ne reste que l'amour, voilà : c'est un écrivain que j'aime, au sens propre.
Je l'ai découvert avec Vineland au début des années 90, et c'est de Vineland que j'ai parlé dans Face à Pynchon : Claro me laissant le choix, il me paraissait logique de m'attaquer à ce roman-là, celui de mes premiers émois - par ailleurs l'un des plus abordables (et mélancoliques) du Pynch.
J'ai écrit un article dans le dernier numéro du Magazine Littéraire sur les possibles héritiers de Pynchon, bien que ce terme n'ait pas grand sens. Je cite quelques noms. David Foster Wallace est vraiment remarquable. Il y a aussi Richard Powers.
Ce qui est frappant c'est que, à l'instar de Nabokov, tous ces gens sont souvent accusés de produire une littérature cérébrale pour universitaires alors qu'à mes yeux, c'est tout le contraire. Leurs romans demandent des efforts, oui. Mais la récompense est immense, sans commune mesure avec ce qu'on peut trouver ailleurs.

Posté : lun. mars 02, 2009 11:30 pm
par fabrice
Alcor a écrit :Fab, dans cette discussion on a beaucoup parlé de ta Fin du monde : y a-t-il des ouvrages post-apocalyptiques qui t'ont marqué ou inspiré ?
(Je recentre mes questions sur la littérature vu le bide qu'a fait mon intervention précédente sur le foot... :roll: )
Un seul roman : La Route, que j'avais lu en anglais à mon retour d'un voyage aux Etats-Unis, justement.
Une BD : When the wind blows.
Et pas mal de vidéos sur youtube et de manuels de survie des années 50 : que faire si une bombe atomique vous tombe sur le coin de la gueule ? (très distrayant).