Cthulhu "système Gumshoe" (Trail Of Cthulhu)

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Nébal
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Cthulhu "système Gumshoe" (Trail Of Cthulhu)

Message par Nébal » mar. févr. 15, 2011 4:39 pm

Bon, je suis très jeu de rôle en ce moment. C'est pourquoi je propose de créer ici un fil consacré à Cthulhu "système Gumshoe" (en VO Trail Of Cthulhu) et à ses suppléments, en attendant, sous peu, un autre fil consacré au plus classique L'Appel de Cthulhu et ses suppléments.

Aujourd'hui, hop, Aventures extraordinaires.

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

Aventures extraordinaires est un supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » (Trail Of Cthulhu) écrit par Robin D. Laws et proposant sur 68 pages quatre scénarios d’inspiration pulp. On passera rapidement sur la laideur indicible de la couverture – à l’intérieur, ça va, par contre – et sur la qualité déplorable de la traduction et de l’édition (hélas une constante de la gamme) pour se plonger directement dans le vif du sujet.

Commençons donc avec « Les Dévoreurs dans la brume ». Il s’agit d’un hommage aux « aventures dans la jungle » typiques d’une certaine forme de pulps, et démarrant sur un bon vieux naufrage des familles, ce qui permet de l’insérer relativement facilement dans une campagne internationale – par exemple en prélude au scénario suivant, qui se déroule à Shanghai –, même s’il semble a priori plutôt conçu pour être joué en convention : il est en effet fort court… Mais ce n’est pas là son principal problème (si tant est que cela en soit un) ; non, ce qui me gêne un peu dans ce scénario, à vue de nez, c’est qu’il me semble demander un investissement énorme de la part tant du MJ que des joueurs pour instaurer une ambiance correcte, dans la mesure où une bonne partie de son efficacité repose sur son aspect « survivaliste » : les joueurs vont devoir passer du temps à trouver de l’eau, de la nourriture, etc. Le tout est d’arriver à rendre cela vivant et intéressant, ce qui ne me paraît pas si évident que cela à vue de nez… Mais, si l’on y parvient, je pense que l’on peut effectivement aboutir à quelque chose de pertinent. Je regretterai cependant également pour ma part la place importante accordée par l’auteur aux tests en tout genre, qui me paraît un peu contradictoire avec l’essence même du système « Gumshoe »… Pour le reste, c’est très classique, et finalement assez bourrin, même si pas excessivement dirigiste. Une bonne idée en passant : la référence au triste et mystérieux sort d’Amelia Earhart. On notera l’apparition d’une nouvelle créature, le Dévoreur, d’une nouvelle entité du Mythe, Abholos (mais elle n’est pas supposée survivre au scénario…), ainsi que d’une nouvelle Profession, le Charlatan (il y a en effet en fin de scénario des personnages pré-tirés, justement prévus pour le jeu en convention). Moyennement convaincant, donc.

« Des balles sifflent sur Shanghai » mêle intrigue policière un tantinet hard-boiled (on ne manquera pas de penser au Faucon maltais) et espionnage, dans le cadre interlope et ô combien fascinant du Shanghai des années 1930, encore sous la domination des Nationalistes, mais plus pour très longtemps, la guerre sino-japonaise se profilant à l’horizon. Les investigateurs doivent mettre la main sur un puissant et dangereux artefact, le Miroir-étoile, et le mettre en lieu sûr. Si le début de l’enquête est un peu linéaire (sans excès, toutefois), le scénario devient au fur et à mesure de plus en plus libre… jusqu’à une conclusion pour laquelle l’auteur laisse le champ libre à l’improvisation totale, ce qui me paraît un peu limite comme procédé pour un scénario acheté. Reste que l’histoire est assez intéressante, riche à foison en personnages hauts en couleurs, et que le cadre du « Paris de l’Orient » est superbe ; il devrait donc y avoir là de quoi offrir aux joueurs quelques agréables heures de jeu.

« La Mort a le dernier mot » mêle intrigue lovecraftienne et pulp super-héroïque à la The Shadow (ou préfigurant en quelque sorte Batman). C’est à nouveau une enquête policière (en principe new-yorkaise, cette fois, mais ça s’adapte) : les PJ doivent déterminer les raisons de la mort mystérieuse d’un riche philanthrope qui se révèle avoir été un justicier masqué. Or, comprendre que cette mort est en fait un suicide n’est a priori pas bien compliqué (dès la première scène, à vrai dire…) ; en saisir les tenants et les aboutissants, par contre, c’est une autre paire de manches… Et c’est ici que le Mythe intervient, avec une palanquée de Tcho-Tchos et une conclusion joliment atroce. Problème : le scénario, cette fois tout sauf dirigiste et c’est tant mieux, me semble cependant assez mal branlé ; le MJ va avoir du boulot pour en faire quelque chose de convaincant, et instaurer judicieusement du liant entre les scènes, sans quoi les investigateurs risquent vite, soit de tourner en rond, soit d’être trop maladroitement guidés… On peut également trouver, quand bien même l’horreur est de la partie, que le Mythe est un peu trop secondaire pour une partie de Cthulhu… Assez moyen, donc. Je noterai cependant une bonne idée pour la fin : la possibilité, en fonction des actions des PJ, pour l’un d’entre eux d’endosser à son tour le rôle de justicier masqué ; et une très mauvaise, absurde même à mes yeux (mais relevant de l’esprit pulp, certes) : la possibilité de regagner des points de santé mentale : PAS QUESTION !

Le recueil s’achève enfin avec « La Dimension Y » et son atmosphère de science-fiction pulp ; rien d’étonnant, dès lors, à ce que ce soit le plus classique de ces quatre scénarios. Mais c’est aussi probablement le plus efficace : cette course contre la montre regorge d’éléments horrifiques, la tension est bien maîtrisée, l’enquête complexe car regorgeant de fausses pistes et de diversions, et les personnages sont intéressants ; enfin, le Mythe y intervient cette fois de manière vraiment radicale, avec rien de moins qu’Azathoth et ses Flûtistes… Une réussite.

Il n’en reste pas moins que le bilan est assez mitigé : deux bons scénarios, deux autres plutôt moyens… pour 21 € tout de même. Autant dire qu’on ne fera pas de ces Aventures extraordinaires un supplément indispensable, à moins d’être fan à tout crin de l’approche pulp de Cthulhu « système Gumshoe ».

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Message par Sand » mar. févr. 15, 2011 5:02 pm

HS : mon premier Appel de Chtulu, ma troisième ou quatrième partie de JdR ; avertissement : "ici on joue avec la 3e édition !"
(Sur le moment, j'ai rien compris.)

Je vois que ce serait toujours d'actualité ^^

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Message par Nébal » mar. févr. 15, 2011 5:37 pm

Là c'est un système de jeu complètement différent, d'où la précision.

Quant à L'Appel de Cthulhu "classique", je crois qu'ils en sont à la sixième édition, maintenant.

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Message par Nébal » jeu. févr. 17, 2011 8:58 pm

Ombres sur Filmland.

Ombres sur Filmland (écrit par Kenneth Hite et Robin D. Laws, mais hélas toujours aussi mal traduit et édité) entend, sur environ 150 pages, conjuguer l’horreur cosmique lovecraftienne et l’horreur gothique des films en noir et blanc produits par Universal et RKO dans les années 1930 et des poussières. Ce qui, mine de rien, n’est pas si évident que cela. En témoigne un bref mais fort intéressant chapitre introductif, « Double séance », pointant les ressemblances et points de divergence entre ces deux modes de l’horreur apparus à la même époque, et qui, pour emprunter largement à des sources similaires – les gothiques anglais, Poe, etc. –, n’en ont pas moins développé chacun de leur côté leurs propres codes, éventuellement contradictoires, à tel point que, pendant fort longtemps (voire toujours ?), Lovecraft et le cinéma n’ont pas fait bon ménage… Autant dire que les scénarios que propose ce supplément, ou qu’il suggère de bâtir à partir de son décor gothique, risquent de détonner quelque peu par rapport aux investigations classiques de Cthulhu « système Gumshoe ».

Le chapitre suivant est donc consacré à la description d’un « décor gothique » abstrait, ne figurant pas sur les cartes. Si les lieux communs du genre sont finement analysés, ce qui est plutôt intéressant, ce chapitre, hélas, tend surtout à noircir des pages pour pas grand-chose. Il est en effet constitué pour l’essentiel de « séquences en stock » destinées au MJ, à mes yeux totalement inutiles et qui risquent d’être plus ridicules qu’autre chose… Plus utiles, mais à peine, on trouve également quelques descriptions de PNJ et, en fin de chapitre, quelques accroches de scénarios, dans l’ensemble assez peu intéressantes (avec une exception notable, « La Malédiction Derensberg » : là, il y a quelque chose à faire…).

Suivent douze scénarios, très variés. « Mort au-delà du Nil », comme son titre le laisse assez supposer, joue avec la figure classique de la momie ; en l’occurrence, il s’agit ici de toute une troupe de goules momies, venues régler une sordide histoire d’amour au-delà des millénaires, l’un des investigateurs étant la cible de la passion de l’ancienne reine Nitocris. Le scénario contient bon nombre d’éléments intéressants, mais il demande pas mal d’investissement de la part tant du MJ que des PJ (et a fortiori de l’investigateur-cible… sauf qu’il n’est pas supposé savoir qu’il est dans cette délicate position !). Assez libre dans un premier temps, le scénario devient par contre de plus en plus dirigiste et bourrin au fur et à mesure des séquences, avec parfois des retournements de situation et autres « énigmes » un peu too much. Correct, sans plus.

« Le Bokor blanc », comme son nom l’indique, s’inspire du cultissime film de Victor Halperin avec Bela Lugosi Les Morts-vivants, plus connu sous son titre original de White Zombie ; il en constitue même une suite directe… mais à la sauce Romero. Autant dire qu’en fait de scénario de Cthulhu, on est en fait en présence d’un délire survivaliste très bourrin et frénétique, très court aussi, riche en action et pauvre en investigation, pas vraiment approprié au « système Gumshoe », donc. Bien que très fan de Romero, vous aurez compris que ce scénario me paraît d’un intérêt plutôt douteux… On notera cependant que l’on y trouve un nouveau grimoire, Le Culte des morts d’Hugues Caverne (1661, français).

« Dr. Grave Dust » s’inspire bien évidemment de Frankenstein, mais à vrai dire surtout de « Herbert West, réanimateur », dont il constitue dans un sens une suite, simplement transposée dans le décor gothique, qui trouve là sa première utilisation. Le scénario commence par une enquête policière relativement simple mais à l’atmosphère intéressante, avant de devenir plus dirigiste et un tantinet bourrin pour un final apocalyptique. Pas mal, ceci dit.

« Les Rêves de Dracula » s’inspire de… Dracula, oui, bravo (celui de Tod Browning avec Bela Lugosi, of course), avec une pincée de « L’Affaire Charles Dexter Ward ». Le problème, cependant, encore plus flagrant que dans le scénario précédent, est que tout le monde connaît Dracula, et que le nom du comte vampire est lâché très tôt… Cela demande à mon sens aux joueurs de faire trop « semblant », et rend le scénario vraiment trop peu intéressant, d’autant qu’il ne s’éloigne vraiment guère des canons du genre. Mieux vaut donc le laisser de côté. On notera cependant la présence d’un grimoire, la Bibliotheca Chimica de Petrus Borellus (1671, latin).

« Le Grand Singe vert » s’inspire bien évidemment de King Kong. Par voie de conséquence, c’est un scénario très pulp, et, autant le dire de suite, très dirigiste et bourrin. Ca ne serait pas forcément dramatique… si les implications du Mythe ne donnaient pas autant l’impression de tomber comme un cheveu sur la soupe, pour un résultat franchement ridicule. On passe.

« Le Seigneur de la jungle » emprunte à une multitude de sources, des innombrables Tarzan à L’Enfer vert de James Whale. Hélas, cette quête de la cité perdue d’Ilarnek (que je garderais personnellement plutôt pour les Contrées du Rêve, avec sa voisine maudite Sarnath) est ultra linéaire et bourrine, le MJ se contentant de balancer des événements et de tenir sa compta : on n’a vraiment pas l’impression de jouer à Cthulhu… Noter un grimoire éventuel, Les Inscriptions d’Ilarnek. Sinon, absolument aucun intérêt.

Changement radical d’atmosphère, et c’est tant mieux, avec « La Nuit de ma mort », qui s’inspire des productions de Val Lewton dans les années 1940 (on pense bien sûr à ses collaborations avec l’immense Jacques Tourneur). Ce scénario « urbain » repose sur la suggestion et l’ambiguïté, et le surnaturel s’y révèle en fin de compte très naturel, ce qui peut décevoir les joueurs… ou pas, et peut de toute façon s’arranger. Pour ma part, j’ai trouvé cette enquête fine et palpitante. À ce point du recueil, c’est de très loin le meilleur scénario d’Ombres sur Filmland, et ce quand bien même le Mythe en est éventuellement absent (étrange paradoxe !).

« L’Homme non-euclidien » est une variation psychopathe sur L’Homme invisible d’H.G. Wells, empruntant à nouveau le décor gothique (mais ça s’adapte). On pourra regretter le côté passablement dirigiste de ce scénario, tout en lui reconnaissant une ambiance efficace et joliment atroce, même si le Mythe est à peu de choses près aux abonnés absents. Faut voir (aha)…

« Le Château noir » est un hommage au Chat noir d’Edgar Ulmer avec Bela Lugosi et Boris Karloff que, je le confesse, je n’ai pas vu. C’est en tout cas un scénario particulièrement diabolique, confrontant les joueurs à une « maison hantée » d’un genre pour le moins original, mais qui demande de leur part un investissement de tous les instants : ceux-ci se retrouvent en effet possédés par des « victimes » qui se sont suicidées dans ce château voué à Hastur, et dont l’emprise devient de plus en plus prégnante, ce que les PJ doivent interpréter, sans disposer véritablement d’indications pour cela : à eux d’improviser lors de flashbacks réclamés par le MJ, qui les guide également sur le caractère qu’ils sont supposés adopter au fur et à mesure que la possession s’accroît. Voilà qui peut être très intéressant, mais demande à mon sens des joueurs très motivés et expérimentés (qui plus est, il faut en principe que ces joueurs soient au nombre de quatre). Un regret, toutefois : la fin du scénario me paraît bien capillotractée (tout le monde n’est pas chimiste…). Un scénario original et perturbant, donc, qui peut fournir une expérience de jeu assez unique, mais nécessite des conditions bien particulières pour être correctement interprété, ce qui n’est pas évident à vue de nez. Intrigant…

« Pleine Lune », au titre mensonger d’ailleurs, est bien entendu une histoire de loup-garou. L’originalité, c’est que le lycanthrope est, sans le savoir, un des PJ… Si le scénario est assez dirigiste, il offre de jolis cas de conscience, et une sympathique variation sur la lycanthropie – le PJ se révèle être un fils de Yog-Sothoth, rien que ça ! – dans le décor gothique, qui le rendent finalement plutôt correct. Assez intéressant, à condition de trouver un joueur qui soit prêt à laisser manipuler ainsi son personnage (la Motivation « Atavisme » étant alors la bienvenue…).

« La Réserve », scénario pulp censément plus « léger » que les autres, a une double inspiration : en effet, sur un canevas emprunté aux Chasses du comte Zaroff, il consiste en un crossover faisant intervenir trois méchant des précédents scénarios, en l’occurrence ceux de « Dr. Grave Dust », « Les Rêves de Dracula » et « L’Homme non-euclidien ». Dès que la chasse commence, c’est évidemment assez bourrin, et donc moyennement convaincant, même s’il y a l’occasion de mitonner quelques séquences assez fun. Bon, pas terrible…

Reste « La Dernière Bobine », qui clôt le recueil sur une note toute différente. Ce scénario ne s’inspire en effet pas directement d’un classique du cinéma d’épouvante hollywoodien des années 1920-1930, mais se veut un hommage à ceux qui l’ont fait (les allusions sont flagrantes). Les investigateurs sont en effet engagés pour arrêter la production d’un film intitulé… L’Appel de Cthulhu. Cela cache-t-il une manifestation du Mythe ? Quelles seraient les conséquences d’un tel film sur la santé mentale des spectateurs ? Le FBI a les mains liées, aux investigateurs d’agir, soit en « fouillant les poubelles », soit en établissant un lien entre le culte de Cthulhu et cette production. Ce scénario, assez original, est cette fois tout sauf dirigiste – à vrai dire, il ne consiste presque qu’en une liste de PNJ. Mais, pour le coup, il m’a l’air diablement intéressant.

N’empêche, si l’on excepte deux, trois réussites, Ombres sur Filmland est un supplément très décevant au regard de ses ambitions… Ce n’est pas encore le bon supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » que j’attendais. On verra bientôt ce qu’il en sera avec L’Affaire Armitage.

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Message par Nébal » ven. févr. 18, 2011 4:24 pm

L'Affaire Armitage.

L’Affaire Armitage, écrit par Robin D. Laws et toujours aussi mal traduit et édité, est une campagne « ouverte », entendre par là fondée sur l’improvisation à partir de quelques éléments, pour Cthulhu « système Gumshoe ». Idéale pour des PJ faisant partie du Groupe d’enquête Armitage – mais ce n’est pas une nécessité –, elle suppose néanmoins des joueurs ayant une certaine expérience, eux-mêmes prêts à improviser, et dont les personnages ont au moins quelques connaissances basiques en Mythe de Cthulhu.

Le canevas de la campagne, tel qu’il est présenté dans le premier chapitre, « Ces pages terribles », est relativement simple. Des documents écrits de la main du professeur Armitage font mystérieusement leur apparition dans les endroits les plus improbables de l’Université Miskatonic, à Arkham, décrivant une soudaine apocalypse. Or Armitage ne se souvient pas les avoir écrits ; et pour cause : ces documents viendraient du futur ! Canular ? Authentique menace ? Aux PJ d’enquêter à partir des éléments épars contenus dans les documents qui apparaissent au fur et à mesure (il y en aura dix en tout, de taille variable ; les PJ commencent leur enquête après l’arrivée des deux premiers) ; mais peuvent-ils seulement, le cas échéant, changer le futur ? Le premier chapitre précise comment introduire les PJ dans la campagne, puis les documents au fur et à mesure que l’enquête avance ; il indique également quels sont les points clés des documents, c’est-à-dire les personnes, organisations, lieux, objets et grimoires auxquels ils se réfèrent, et qui seront décrits plus avant dans l’ouvrage. Il s’achève enfin sur des conseils concernant l’improvisation destinés au MJ (pas forcément très utiles, mais il est quelques rappels qui ne peuvent pas faire de mal).

Suit un (heureusement) très bref article de Steve Dempsey intitulé « Improviser avec Gumshoe » qui m’a laissé pour le moins perplexe : outre qu’il dépasse largement le contexte de Cthulhu, et a fortiori de L’Affaire Armitage, il me paraît au mieux redondant avec ce qui précède, au pire très contestable dans l’implication des joueurs qu’il recommande (à mes yeux, désolé, mais ce n’est pas aux joueurs de définir préalablement le thème, et certainement pas à eux de dire que lors de telle ou telle scène il y aura un indice majeur !).

On passe ensuite à une liste de 42 « Personnages non-joueurs », désignés ou non dans les documents. Ceux-ci sont distingués selon plusieurs catégories (Universitaires, Professionnels, Police, Haute société, Citadins, Représentants et commerçants, Campagnards, Ouvriers, Marins, Soldats, Durs à cuire, et Forains), et se voient confier trois attitudes possibles, avec leurs justifications, à l’égard des PJ (néfaste, inoffensif ou allié), au choix du MJ (sachant que ces attitudes peuvent en outre évoluer au cours de la campagne…). On trouve également dans leurs descriptions des noms, portraits et manies alternatifs pour élaborer d’autres personnages de même type si besoin. Au final, on a donc là une mine de PNJ, dans laquelle les joueurs auront amplement de quoi se perdre… Ils comprendront vite qu’il vaudra mieux pour eux prendre des notes… et pour le MJ de même, qui va avoir une sacrée foule à gérer.

Sont ensuite présentées douze « Organisations » (loge, club, gangs, parti politique…), sur un schéma un peu similaire. Leur image, tout d’abord, correspond à leur caractère inoffensif ; mais suivent leurs éventuelles attitudes néfaste et alliée. Sont également évoqués les PNJ qui peuvent en faire partie, et les références qui y sont faites dans les documents.

« Les lieux » est par contre un chapitre parfaitement inutile, puisque reposant sur le principe des « banques de séquences » développé pour le « décor gothique » d’Ombres sur Filmland. Pour chaque type de lieu, on a ainsi deux descriptions, une « neutre », et une « sinistre » ; je maintiens que ce genre de procédés n’a pas d’intérêt, et qu’y avoir recours risque d’être plus ridicule qu’autre chose…

Le chapitre suivant, « grimoires et magie », décrit cinq grimoires, deux artefacts et deux sorts (sachant que le second, destiné à faire avancer le jeu, me paraît franchement inutilisable, là où le premier, « Invocation du temps non-euclidien », est fondamental, puisque c’est celui qui justifie l’envoi des documents dans le passé : les PJ pouvant eux-mêmes l’utiliser, gare aux paradoxes…). Pour ce qui est des grimoires et artefacts, à la discrétion du MJ, il est possible qu’il s’agisse d’objets majeurs, d’objets mineurs, ou de faux, les effets variant bien entendu en fonction de leur statut. Il est également possible qu’un même objet réapparaisse plusieurs fois dans la campagne sous des statuts différents : les investigateurs, par exemple, peuvent d’abord tomber sur un faux des Larmes d’Azathoth… puis, plus tard dans la campagne, sur un véritable exemplaire complet, objet majeur !

« Structures et scénarios » donne des exemples d’improvisation à partir des documents, et témoigne de la souplesse de l’ensemble. Ça n’est pas forcément très utile, mais c’est assez intéressant, notamment pour ce qui est du dernier exemple, présenté sous la forme d’un extrait dialogué…

Puis on en arrive à l’essentiel : les documents Armitage à proprement parler, qui occupent une soixantaine de pages. Ceux-ci, au nombre de dix, donc, sont en effet présentés sous deux formats : d’abord sous la forme de feuillets manuscrits, salis, émaillés de croquis, etc. – on peut les télécharger sous cet aspect et ainsi les distribuer aux joueurs – ; ensuite sous une forme « ordonnée », mise au propre, afin d’en faciliter la lecture pour le MJ. Enfin, « faciliter »… ça reste pour le moins cryptique. Mais fascinant aussi. Je serais vraiment très curieux de voir ce que des joueurs motivés en feraient… Évidemment, cela demanderait un gros investissement de la part du MJ, mais je serais prêt à tenter le coup.

Parce que ça y est, je crois qu’on le tient, le grand et bon supplément pour Cthulhu « système Gumshoe ». Enfin ! Z’auront mis le temps, mais ça y est. L’Affaire Armitage semble promettre des dizaines d’heures de jeu palpitantes, avec une intrigue fascinante et horrible susceptible de mille et une variations. Alors que demande le peuple ?



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Message par Nébal » lun. févr. 21, 2011 8:38 pm

Materia Magica.

Materia Magica est un très bref (une quarantaine de pages) supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » écrit par Kenneth Hite, et destiné à envisager la magie sous tous ses aspects dans l’univers lovecraftien.

Il commence ainsi fort logiquement par un très court (deux pages) chapitre intitulé « Quelle magie ? », bâti sur un schéma similaire à l’excellent chapitre du livre de base consacré aux entités du Mythe, et présentant les différentes versions concurrentes voire contradictoires de la perception de la magie dans l’univers lovecraftien ; cela n’est certes pas fait avec le même brio, mais c’est assez intéressant (on appréciera notamment la récurrence des métaphores – ou pas – quantiques et/ou informatiques).

« La compétence Magie » décrit donc une nouvelle compétence générale. Celle-ci, à l’instar de Mythe de Cthulhu, ne peut pas être acquise lors de la création du personnage. Mais il ne suffit pas non plus de dépenser ultérieurement des points pour l’acquérir : il faut pouvoir l’apprendre, soit en raison d’un Atavisme, soit d’un grimoire, soit d’une entité, soit d’un professeur, soit enfin d’un lieu. Sont ensuite précisés quelques points de règles sur la compétence Magie qui viennent apporter des errata au livre de base, notamment en ce qui concerne les capacités magiques des monstres.

« Lancer un sort mortel » commence par décrire douze nouveaux sorts… ce qui est peu pour un supplément en principe dédié à ce sujet ! Il apporte ensuite quelques variantes aux sorts que l’on trouvait dans le livre de base, fournit une liste de grands sorciers du Mythe, s’interroge sur le Signe des Anciens, se penche sur les traces laissées par l’usage de la magie, et enfin sur ce que peuvent faire les sorciers les plus puissants. Bref : un chapitre un peu foutraque, qui aurait mieux fait de se concentrer sur son sujet de base, même si le reste n’est pas inintéressant…

Suit un court chapitre à mon sens totalement inutile, « Magie personnelle avancée », qui réactualise les règles de magie personnelle à l’heure de la compétence générale Magie. Or, si ce système peut autoriser de jolies séquences d’improvisation – le chapitre est essentiellement composé d’exemples pour chaque compétence générale –, je me refuse pour ma part à adopter ces règles, qui me paraissent trop tendre vers l’antijeu… D’où : je passe.

Reste enfin un bref chapitre intitulé « Lovecraft et les théories sur la magie », un peu redondant avec le premier, même s’il a pour particularité de se fonder cette fois directement sur les textes, ce qui n’est pas inintéressant.

En annexe, on trouvera une nouvelle feuille de personnage intégrant la nouvelle compétence générale Magie, et une fiche sur les sorts, objets, grimoires et indices.

Beaucoup trop court et foutraque pour être véritablement intéressant, Materia Magica est – une fois de plus – un supplément hautement dispensable, qui n’apporte pas grand-chose à la gamme maigrichonne de Cthulhu « système Gumshoe ». Décidément, à part L’Affaire Armitage, c’est pas gégé… Du coup, je me suis tourné vers L’Appel de Cthulhu, autrement mieux édité, et à la gamme autrement conséquente…

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