Comme vous avez promis qu'Alain allait passer sur le fil, je lui laisse quelques questions:
Alain, tu es un des rares auteurs d' "Imaginaire" que je connaisse qui, quand il prépare sa documentation en vue d'un roman, d'une nouvelle, voire d'une intervention, va puiser des infos et de l'inspiration dans les philosophes.
Bien sûr, il y a Deleuze, comme monument incontournable, qui pourrait expliquer que, comme tous les deleuziens qui se respectent, tu prennes ensuite en affection tous les auteurs que Deleuze lui-même aimait (Nietzsche, Bergson, Spinoza (?)...)
Mais ça va plus loin, je crois.
Simondon, Sloterdijk, Foucault, et même Heidegger (que je t'ai entendu citer rapidement en conférence sur les nouvelles technologies, je crois...)... apparaissent dans tes références.
Ma question, donc: comment expliques-tu que ce soit dans cette sécheresse, dans cette aridité du concept et de la raison, que tu tires une partie de ton matériau d'écriture et de pensée? La démarche allant du concept philosophique rigoureusement construit à l'image ou au récit, ou au poème, est-elle si répandue, si évidente que cela?
Certes, tous ces auteurs étaient aussi de bons écrivains, voire très bons écrivains. Mais tout de même: en philosophie (la vraie, pas la médiatique qui agite des formules), on subit toujours beaucoup de précautions de méthode, beaucoup de détours argumentatifs, de difficultés, d'apories, pour accoucher en général d'une souris, ou d'une thèse finalement moins spectaculaire qu'on ne l'aurait escompté. Comment composes-tu, dans tes lectures, avec ces auteurs, avec leur aridité, avec leur méticulosité, celle-là même qui nous fait entendre dans les classes: "la philo, ça prend la tête"?
Autre question, que je ne pouvais pas ne pas te poser:
une critique récente de La Zone du Dehors a estimé que le contenu politique de ce que tu y défends finit par ressembler à du "catho de gauche". J'imagine qu'on ne te l'avait encore jamais faite, celle-là... ça te fait quoi, de découvrir que tu coïncides avec la pensée catho de gauche?
(du reste, ce n'est pas forcément absurde: le besoin d'insularité, d'individualité, de rythmes non calqués sur ceux des réseaux technologiques mondiaux, le besoin aussi de "faire corps" avec autrui, la définition de l'être de l'homme comme relation-à , tout cela est bel et bien dans la pensée chrétienne...!)
Et enfin, sur les Furtifs: que peux-tu en dire pour l'instant? Sur le projet esthétique, intellectuel, que tu vas tenter d'y mener à bien...?