Ludovic Debeurme

<i>Les infos, les dédicaces etc</i>

Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Répondre
Avatar du membre
Soslan
Messages : 3051
Enregistré le : sam. juin 13, 2009 1:22 pm
Localisation : Lille (ou presque)
Contact :

Ludovic Debeurme

Message par Soslan » lun. août 09, 2010 4:53 pm

Voilà un auteur de BD sur lequel je projetais depuis longtemps d'écrire une chronique, mais vous savez comme ça va, flemme tout ça.

Donc, je vais parler de Ludovic Debeurme, mais uniquement des albums que je connais, c'est à dire Céfalus, Mes ailes d'hommes et celui par lequel je l'ai découvert, Le Grand Autre.

Commençons par le premier dans l'ordre chronologique, qui a d'ailleurs révélé l'auteur en 2002, Céfalus. Une histoire pour le moins bien barrée : un homme se jette du haut d'une falaise, mais son double (dont on ignore la nature) se relève. Il prend la tête du mort avec lui. Aprés une rencontre dans le ventre d'un géant avec un Pinocchio devenu SM en compagnie de ses pino-girls (parceque le gentil petit garçon, faut pas croire, il a menti), il échoue dans le cirque d'un certain Dr Krü, qui lui greffe la tête du mort en plus de la sienne, et l'ajoute à sa collection de phénomènes, parmi lesquels Sainte-Lucie énucléée.
Il faut préciser que c'est le dernier album de Debeurme que j'ai lu, et il m'a laissé un avis plutôt mitigé, qui est peut-être trés subjectif. L'oeuvre est encore un peu immature, mais elle ne manque pas de qualité, notamment grâce à son univers surréaliste et poétique. Debeurme a un don pour les images étonnantes et burlesques, il sait détourner joyeusement les références et transformer un cliché en poésie (la Transylvanie, pays des légendes où les monstres sont vues comme de grands artistes...souvenir d'Isabelle de Will et Franquin ?). Le dessin y sers trés bien : en apparence assez rudimentaire et peut-être pas forcément beaux aux yeux de tous le monde (on dit la même chose de Joann Sfar, remarquez) il peut aussi jouer avec des codes possibles uniquement en dessin (à la rigueur dessin animé) comme dans cette parodie de dessin animé gnangnan sur les gentils animaux.
Le probléme sur cet album c'est que l'auteur hésite encore entre poésie et provocation trash, n'hésitant pas à flirter avec le porno par moment -de façon gratuite et inutile pour moi. Je trouve le mélange pas très heureux, surtout en ayant d'abord eu sous les yeux l'exemple du Grand Autre ou noirceur et poésie étaient intiment mêlée (j'y reviendrai). La deuxième partie de l'album est à mes yeux bien meilleure que la première, plus équilibrée.

J'ai parlé d'immaturité, mais à l'époque (2002 donc), l'auteur a aussi sorti le trés beau Mes Ailes d'hommes, une BD au format curieux, sorte de version adulte d'un album pour enfant, avec une image par page (en un peu plus long pour ne pas laisser sur sa fin). Il s'agit d'un récit à la première personne qu'il est difficile de résumer sans spoiler, mais traite de la différence, des monstres, de façon trés sturgeonienne avec en plus une poésie de l'absurde trés émouvante en même tant qu'inquiétante. Déjà du grand Debeurme, sans aucun doute.

On arrive enfin au Grand Autre, énorme pavé paru en 2007, et oeuvre maîtresse de l'auteur selon moi. Encore des monstres, cette fois un jeune ado du nom de Louis, qui outre le fait qu'il ait une fausse jambe en titane et des phobies alimentaires, a échangé dans son enfance ses yeux avec ceux d'une divinité marine. Conséquence, il a acquis une vue "de l'intérieur", c'est à dire qu'il voit l'âme humaine et sa laideur. Mais ses épiasses lunettes remédie à cet état de fait dont il n'a pas conscience, pour lui il louche simplement (ben oui, avec une vue de l'intérieur c'est normal).
L'intrigue se présente d'abord comme une banale histoire de djeun's, avec notre Louis qui tombe amoureux d'une "gothic" du collége, Célia (que l'auteur aura le bon goût de ne pas changer en cliché de l'âme pure quand Louis perdra ses lunettes au fond d'une piscine, préféfant une sorte, euh, d'érotisme morbide).
L'épisode de la piscine et la perte des lunettes, donc, termine le cliché ado et entame, via les égoûts, la grande odyssée centrale du livre, au coeur de la forêt. Louis devient un homme des bois, se lie d'amotié avec des insectes puis sans grand cas de conscience (juste quelques larmes) avec les oiseaux qui dévorent ceux-ci. Des ailes lui poussent. L'ayant vu à se fenêtre, Célia rejoint l'homme volant et ils vivront leurs aventures ensemble.
Quand je dis que c'est l'oeuvre maîtresse de Debeurme, c'est pas pour rigoler. J'avais déjà dis que noirceur (qui penche plus du côté du gore, parfois éprouvant, que de la pornographie qui a disparue) et poésie était imbriqué dans le récit : cette fusion est en fait réalisée dans l'esprit d'un artiste que quand même comme référence y a pire, j'ai nommé Topor.
Concernant le récit, cette espéce de conte de fée un peu trash devient un rébus surréaliste ouvrant la voie à toutes les interprétations. A cet égard, le mystére laissé par la fin de l'album, et la lecture nouvelle qu'elle entraine de passages précédents (dur de ne pas en dire plus), m'en suis toujours pas remis d'émotion.

Bref, au risque de paraître peu original, Ludovic Debeurme c'est bon, mangez-en !
"La Lune commence où avec le citron finit la cerise" (André Breton)

http://karelia.over-blog.com/
Et pour ne pas faire que ma propre promo :
http://musardises.moonfruit.fr/

Avatar du membre
Soslan
Messages : 3051
Enregistré le : sam. juin 13, 2009 1:22 pm
Localisation : Lille (ou presque)
Contact :

Message par Soslan » sam. nov. 05, 2011 3:32 pm

Je viens de poursuivre mon exploration avec le dyptique Lucille/Renée, et c'était vraiment magnifique

(J'en profite lâchement pour promouvoir un peu mon premier article sur Debeurme, parce qu'à priori il ne fait que reprendre le post ci-dessus, mais avec quand même des détails en plus)
"La Lune commence où avec le citron finit la cerise" (André Breton)

http://karelia.over-blog.com/
Et pour ne pas faire que ma propre promo :
http://musardises.moonfruit.fr/

Actuhallu
Messages : 8
Enregistré le : mar. oct. 25, 2011 10:23 am

Message par Actuhallu » lun. nov. 07, 2011 2:47 pm

Je ne connaissais pas l´auteur avant de te lire (j´appécie plutôt Joann Sfar) mais ton commemntaire de l´oeuvre, bien renseigné et averti pousse á la lecture...


Je réagirai á cet article en connaissance de cause et aprés seconde lecture.
á trés bientôt

AH

Avatar du membre
Vladkergan
Messages : 510
Enregistré le : lun. juil. 06, 2009 6:12 pm
Contact :

Message par Vladkergan » lun. nov. 07, 2011 6:03 pm

A noter qu'il est également l'illustrateur du Lac aux vélies, le dernier album de Nosfell sorti. Un livre-objet inclassable qui revient sur l'univers de Nsofell, qui réinterprète ses principaux titres de manière plus dépouillée, les intégrant dans une sorte de continuité, qui du coup est mis en image par Debeurme sur le livret joint.

sorwell
Messages : 11
Enregistré le : mar. nov. 15, 2011 11:53 am
Localisation : Nantes
Contact :

Message par sorwell » mar. nov. 15, 2011 12:05 pm

Je ne peux que plussoyer. Le Grand Autre, c'est vraiment pas de la merde. Ça m'a foutu une claque, à l'époque... Debeurme est un grand bonhomme.

Répondre

Retourner vers « La BD »