Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » mer. févr. 17, 2010 12:43 pm

Lensman a écrit :Pour moi, les "dénis" culturels littéraires ne sont pas liés à des contenus
Tu n'as pas les mêmes réticences quand il s'agit de parler du déni pour cause de science ou de futur. Là, tu es beaucoup plus prolixe, beaucoup plus analytique, et tu es capable d'expliquer longuement combien la littérature rejette la science-fiction parce qu'elle est scientifique. Il n'y a que sur le sujet du fil que tu refuses de regarder.

Cela dit, ton explication sociale tient la route.
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Lensman
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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 12:45 pm

Si j'étais méchant, je dirais que, pour marcher dans le système, on pourrait croire que ce serait mieux si la SF avait été inventée par un littérateur français honorable écrivant bien, plutôt que par un américain immigré luxembourgeois éditeur de revues minables à deux sous. C'est de la caricature, mais tu vois ce que je veux dire.
Seulement, c'est terminé, les places ont été distribuées. Et ça ne chagrine que ceux qui marchent dans le système.
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Message par MF » mer. févr. 17, 2010 12:52 pm

marypop a écrit :Et de plus cela rejoint l'hypothèse S (comme spéculative et non science).
Le "et si" n'est rien d'autre qu'une idée au départ.

Du reste, j'ai souvenir d'avoir entendu des auteurs parler de la grande époque du fleuve, en disant qu'un bouquin à cette époque là était en général basé sur une idée, quand les bouquins plus récents le sont souvent sur 2 ou 3 imbriquées.

Et l'on rejoint également le rejet de certains films SF par les fans de SF écrite, le motif est toujours le même : pas de scénario -> pas d'idées.

Pour Lem et ton hypothèse M, je dirais au sens plus large, la SF fait réfléchir, et certains n'aiment pas ça.
La métaphysique peut être l'un des champs de la réflexion, pourquoi pas, il n'est pas le seul.
ça me rappelle ce que j'avais mis en conclusion de ma lecture du texte de XM dans "Retour..."
Je sors donc de la lecture de ce texte avec plus de questions que de réponses.
Et si, finalement, c'était ça la SF ? Pousser le lecteur à s'interroger...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par MF » mer. févr. 17, 2010 12:58 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :Se prendre la tête sur les conséquences de l'urbanisme futur ou de la généralisation de l'énergie nucléaire ou du voyage dans l'espace
Ces sujets là sont largement traités dans la SF. Notre culture, si "rationaliste" d'après toi, devrait adorer. Non?
Non, car c'est contraire aux principes de "planification par la/le politique" érigé en dogme dans l'après-guerre.
Se prendre la tête, c'est le boulot du commissariat général du plan !
Pas question que des écrivains se mêlent de ça. Si ça se trouve, il y a même des gauchistes dans le tas !
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:00 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Pour moi, les "dénis" culturels littéraires ne sont pas liés à des contenus
Tu n'as pas les mêmes réticences quand il s'agit de parler du déni pour cause de science ou de futur. Là, tu es beaucoup plus prolixe, beaucoup plus analytique, et tu es capable d'expliquer longuement combien la littérature rejette la science-fiction parce qu'elle est scientifique. Il n'y a que sur le sujet du fil que tu refuses de regarder.

Cela dit, ton explication sociale tient la route.
Pour une bonne raison: il y a une césure "science" et "art" ancienne, où chacun a pris sa place. Faire de l'art en s'appuyant sur une vision "scientifique" du monde, ça ne va pas. L'art est "pur" de ce genre de considération.
La SF, elle a un côté littérature d'idée, c'est-à-dire littérature où les spéculations sont exposées objectivement, pour ce qu'elles sont (cf. mes remarques, qui t'ont peu impressionné, sur le problème de la traduction). Le message qui passe, il est au premier degré. Ce qui ne veut pas dire que ça doit être écrit n'importe comment, mais au fond du fond, je m'en fous un peu, ce n'est pas mon domaine de compétence. Par habitude de lecture, je vais forcément reconnaître un texte qui est "mieux écrit", "mieux construit", "plus esthétique" qu'un autre. J'aurais plus de difficulté que toi, par exemple, à expliquer pourquoi. Je ne tiens pas cet aspect pour négligeable. Il est nécessaire, indispensable. Mais c'est un "indispensable" qui n'est pas le premier "indispensable" que je ressens.
Je pense que beaucoup de lecteurs fonctionnent comme moi.
Or, même chez les tenants les plus "ouverts" de la Littérature, ce type d'approche est considéré comme pas vraiment "artistique". Le "vrai" Art littéraire devrait porter autre chose que du sens mis en fiction.
C'est bien possible. Mais la SF, elle me va comme elle est sans "vrai" Art, si c'est là le problème. Et je ne crois pas être le seul.
Ou alors, on redéfinit l'Art et la Littérature en particulier Je veux bien. Je crois que ça intéressera MF aussi…
Oncle Joe

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:11 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :
Lem a écrit :Se prendre la tête sur les conséquences de l'urbanisme futur ou de la généralisation de l'énergie nucléaire ou du voyage dans l'espace
Ces sujets là sont largement traités dans la SF. Notre culture, si "rationaliste" d'après toi, devrait adorer. Non?
Non, car c'est contraire aux principes de "planification par la/le politique" érigé en dogme dans l'après-guerre.
Se prendre la tête, c'est le boulot du commissariat général du plan !
Pas question que des écrivains se mêlent de ça. Si ça se trouve, il y a même des gauchistes dans le tas !
Science d'un côté, littérature de l'autre. On ne mélange pas les torchons et les serviettes, et il y a un accord tacite solide.
Changer cela, cela voudrait dire faire changer le regard de la société sur les places respectives de la science et de la littérature, et le rapport qu'elles doivent entretenir. Autant changer la société!
C'est pas avec la "métaphore réifiée" qu'on va y arriver, ou je mange le béret de mon père!
Oncle Joe

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Message par Lem » mer. févr. 17, 2010 1:17 pm

Une incidente liée à ce qui précède.

Le concept du Big Bang a bien suscité des réactions violentes à cause de son parfum M et R (indépendamment de toute question de valeur scientifique par ailleurs), comme le raconte le texte ci-dessous, lui-même extrait d'un papier sur Lemaître :
Mais c’est sur le plan philosophique que les idées de Lemaître causent la plus grande confusion. Le concept même de commencement de l’univers déclenche une tempête de protestations. Cela sent trop la genèse, surtout venant d’un prêtre. Chaque fois qu’il entend parler de l’atome primitif, Einstein s’écrie : « Non, pas cela, cela suggère trop la création ! » Lemaître affirme au contraire que sa théorie décrit un commencementpurement naturel de l’univers. « On peut voir cet événement comme un commencement. Je n’ai pas dit une création ». Mais rien n’y fait. Et les tentatives de récupération par certains représentants de l’Eglise n’aident pas à dissiper le malentendu. Malgré tout le respect que Georges Lemaître porte au pape Pie XII, il ne peut que se sentir consterné de l’entendre affirmer : « Plus la science progresse, plus elle découvre Dieu » et : « La science a réussi à se faire le témoin du ‘Fiat lux’ initial ». C’est tout le contraire de ce qu’il cherche à dire, mais personne ne semble vouloir le croire.
Si ce genre de réactions a eu lieu, je ne vois vraiment rien de problématique à faire l'hypothèse que la SF et son cortège de mirabilia flairant bon M et R aient pu en susciter aussi et que ces réactions aient nourri le déni.

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:22 pm

Lem a écrit :Une incidente liée à ce qui précède.

Le concept du Big Bang a bien suscité des réactions violentes à cause de son parfum M et R (indépendamment de toute question de valeur scientifique par ailleurs), comme le raconte le texte ci-dessous, lui-même extrait d'un papier sur Lemaître :
Mais c’est sur le plan philosophique que les idées de Lemaître causent la plus grande confusion. Le concept même de commencement de l’univers déclenche une tempête de protestations. Cela sent trop la genèse, surtout venant d’un prêtre. Chaque fois qu’il entend parler de l’atome primitif, Einstein s’écrie : « Non, pas cela, cela suggère trop la création ! » Lemaître affirme au contraire que sa théorie décrit un commencementpurement naturel de l’univers. « On peut voir cet événement comme un commencement. Je n’ai pas dit une création ». Mais rien n’y fait. Et les tentatives de récupération par certains représentants de l’Eglise n’aident pas à dissiper le malentendu. Malgré tout le respect que Georges Lemaître porte au pape Pie XII, il ne peut que se sentir consterné de l’entendre affirmer : « Plus la science progresse, plus elle découvre Dieu » et : « La science a réussi à se faire le témoin du ‘Fiat lux’ initial ». C’est tout le contraire de ce qu’il cherche à dire, mais personne ne semble vouloir le croire.
Si ce genre de réactions a eu lieu, je ne vois vraiment rien de problématique à faire l'hypothèse que la SF et son cortège de mirabilia flairant bon M et R aient pu en susciter aussi et que ces réactions aient nourri le déni.
Que veux tu que je dise? L'art conceptuel, aussi, a déchaîné des masses de remarques scandalisées. Et alors? Ce n'est pas considéré comme de l'art, au sens prescripteur? tu ne sens pas, toi, l'intuitif, qu'il y a d'autres problèmes en jeu?
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Message par Lem » mer. févr. 17, 2010 1:26 pm

Une dernière chose, Oncle.
Lensman a écrit :Pour moi, les "dénis" culturels littéraires ne sont pas liés à des contenus philosophiques, concernant la littérature, mais à des raisons sociales
On ne trouvera donc plus sous ta plume ici une explication du déni pour cause de science ou de futur puisque ce sont selon toi des prétextes, qui n'ont en eux-mêmes aucune importance. J'ai bien compris ?

Lem

Message par Lem » mer. févr. 17, 2010 1:34 pm

Lensman a écrit :L'art conceptuel, aussi, a déchaîné des masses de remarques scandalisées. Et alors? Ce n'est pas considéré comme de l'art, au sens prescripteur? tu ne sens pas, toi, l'intuitif, qu'il y a d'autres problèmes en jeu?
Les gens de ce mouvement, comme de tous les autres, ont répondu à cette question.

Ils ne se sont pas dit : oui, c'est vrai, ce qu'on fait, ce n'est pas de l'art.

Ils se sont battus pour affirmer la légitimité de ce qu'ils faisaient et au final, ils ont imposé leur vision. Et cela a transformé ce que la société appelait "art" – donc la société.

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:34 pm

Lem a écrit :Une dernière chose, Oncle.
Lensman a écrit :Pour moi, les "dénis" culturels littéraires ne sont pas liés à des contenus philosophiques, concernant la littérature, mais à des raisons sociales
On ne trouvera donc plus sous ta plume ici une explication du déni pour cause de science ou de futur puisque ce sont selon toi des prétextes, qui n'ont en eux-mêmes aucune importance. J'ai bien compris ?
De déni en tant que Littérature. Comme la SF n'est pas de l'art, l'accuser de nourrir des rapports avec la science est un excellent motif de déni, qui s'auto-entretient, puisque la Liittérature n'a rien à voir avec la spéculation scientifique. Une fois ce déni posé, tu peux le décliner de toutes les manières les plus absurdes, puisque la SF ne peut pas être de la Littérature.
Oncle Joe
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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:39 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :L'art conceptuel, aussi, a déchaîné des masses de remarques scandalisées. Et alors? Ce n'est pas considéré comme de l'art, au sens prescripteur? tu ne sens pas, toi, l'intuitif, qu'il y a d'autres problèmes en jeu?
Les gens de ce mouvement, comme de tous les autres, ont répondu à cette question.

Ils ne se sont pas dit : oui, c'est vrai, ce qu'on fait, ce n'est pas de l'art.
Dommage… je leur accorderais presque davantage de considération, s'ils avaient dit cela…
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le mer. févr. 17, 2010 1:46 pm, modifié 1 fois.

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 1:43 pm

Lem, d'après toi, des gens ne sont pas déjà usés à expliquer que la SF était de la Littérature?
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. févr. 17, 2010 2:13 pm

Lensman a écrit :Lem, d'après toi, des gens ne sont pas déjà usés à expliquer que la SF était de la Littérature?
A peu près tout le monde depuis 1950, je pense.

Depuis 1909 si on remonte jusqu'à Renard et au m-s.

Sur un siècle, l'effet cumulatif de ce refus de s'avouer vaincu est impressionnant.

Il y a eu des collections dédiées chez presque tous les éditeurs.

Quasiment tous les classiques étrangers ont été traduits.

Il y a une grande tradition critique qui commence dès l'avant-guerre.

Le genre fait désormais partie du background culturel normal (c'est une coïncidence peu vraisemblable mais pourtant bien réelle : Ariane vient à l'instant de me montrer sa liste de lectures conseillées – elle est en 4ème – et la section Fantastique-SF est la plus consistante de toutes).

Il y a un début de recherche universitaire.

On est donc dans la queue de comète du déni – à un cheveu de la liquidation – et on le doit à tous ceux qui nous ont précédés et qui n'ont rien lâché.

Mais si on ne s'occupe pas nous-mêmes de porter l'estocade, d'autres le feront à notre place, motivés par des intérêts conscients ou inconscients qui ne seront pas les nôtres.

On viendra par exemple justifier l'intérêt de la SF "parce que sous couvert de futur, elle parle du présent" (ce qui est une manière de neutraliser son étrangeté propre). On viendra nous expliquer qu'elle est utile "parce qu'elle éveille l'intérêt des jeunes pour la lecture" (ce qui est une manière implicite d'indiquer qu'il ne s'agit pas vraiment d'une lecture adulte). Ou "qu'elle suscite l'intérêt pour les sciences" (ce qui limitera sa portée culturelle aux seuls scientifiques).

On entend déjà ces choses. On les dit parfois nous-mêmes.

Je pense qu'on traverse une période critique. Je ne sais plus qui a dit "il faut autant de talent pour ouvrir une ère nouvelle que pour la clore" mais c'est ainsi que j'interprète le moment présent : c'est à nous qu'il revient de clore ce qui a été ouvert en 1909.

Clore ne signifie pas : renoncer aux collections dédiées, fondre le genre dans un grand tout flou, oublier son histoire, ni rien de ce genre.

Clore signifie : affirmer une fois pour toutes que la SF est un art (donc non-réductible à la catégorie de l'utile), une grande forme esthétique avec ses contradictions, ses relations problématiques à d'autres domaines, sa subculture particulière, sa façon de penser, son mystère éventuellement… et tout ce qu'on peut imaginer.

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Message par Lensman » mer. févr. 17, 2010 2:44 pm

Lem a écrit : Clore signifie : affirmer une fois pour toutes que la SF est un art (donc non-réductible à la catégorie de l'utile), une grande forme esthétique avec ses contradictions, ses relations problématiques à d'autres domaines, sa subculture particulière, sa façon de penser, son mystère éventuellement… et tout ce qu'on peut imaginer.
A peu près d'accord, mais je ne la vois pas comme une "grande forme esthétique", par contre. Une telle cohérence me paraît incompatible avec la SF, trop variée dans ce domaine.
Je ne vois pas non plus pourquoi tu précises "non réductible à la catégorie de l'utile". Même les détracteurs les plus furieux et les dénieurs les plus indifférents admettent que celle-ci est une manifestation culturelle. Mais dérisoire, ou de bas de gamme, pas sérieuse, etc…
Oncle Joe

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