silramil a écrit :Enfin, bref, c'est très compliqué, mais je me comprends.
Tiens ? On dirait moi. Il est contagieux, ce fil.
Contrairement à ce que j'espérais, je n'ai pas le temps, aujourd'hui.
Silramil, je reviendrai sur les questions en suspens plus tard, si tu veux bien.
Mais je précise ce que je voulais dire à propos de "se concentrer sur Star Wars et la Force".
J'élimine la question sur la légitimation. D'abord, parce que c'est du cinéma et que les critères sont différetns de ceux de la littérature. La SF en elle-même n'est pas un problème intrinsèque (personne n'écrit "c'est de la SF, donc pas du cinéma"). Et depuis
2001, il y a des cinéphiles et des critiques pour attriber à une œuvre SF la qualité "plus grand film de l'histoire du cinéma". Maintenant, si mes souvenirs sont bons (mais je n'avais que quatorze ans à la sortie de SW1, je ne lisais pas les critiques à l'époque, c'est plutôt une considération rétrospective), il me semble que le film a été perçu comme un événement – ce qu'il était –, pas comme un "bon" fillm. Mais je ne garantis pas la fiabilité de ce souvenir impressionniste. Et je suis sans doute influencé : j'ai vu SW à sa sortie avec mon père (cinéphile) et je me souviens qu'après, il a douché mon enthousiasme en disant un truc comme : "mouais… c'est quand même assez débile." Alors qu'il était pétrifié devat 2001 et qu'il allait être, quelques années plus tard, très admiratif d'
Alien,
Blade Runner et
Brazil.
Et puis, de toute façon, un film qui accroche pour deux décennies le titre de "plus grand succès de l'histoire du cinéma" échappe instantanément à l'idée même de légitimation. Nul ne peut faire comme si ce film et, par extension, ce
genre de film, n'existait pas. Ça règle la question. Pas de déni possible.
Que peut nous apprendre Star Wars sur la SF ?
D'abord, un point mineur. Les remarques d'Oncle sur "ce monde est sans enjeu, il y a le fameux "il était une fois"" m'arrachent quand même un sourire. Crois-tu vraiment, Joe, que si le texte inaugural n'avait pas précisé la situation spatio-temporelle de l'histoire, ou l'avait située dans l'avenir ("Dans un très lointain futur, la galaxie…") ça aurait changé quoi que ce soit à la nature ou à la réception du film ? J'avais signalé un jour que, dans le cycle de la
Culture, on découvrait que ce qu'on plaçait spontanément dans le futur pouvait finalement être rapporté à notre présent, via la novella
State of Arts. Qu'est-ce que ça change ? Rien. La charnière logique qui permet de rationaliser le statut d'un monde fictionnel en disant : "il est situé dans le futur, d'une manière ou d'une autre, il est le fruit d'une extrapolation par rapport au nôtre, c'est donc une conjecture rationnelle" est peut-être très pratique pour classer les œuvres quand on fait leur examen critique mais la critique analytique n'est pas la réception. Dans le cas de SW et d'innombrables œuvres SF, le lointain futur peut être remplacé par un lointain passé ou un monde parallèle, ça n'affecte pas ce qui se passe dans l'œuvre. C'est plus une procédure de "dépaysement", une manière de placer le lecteur ou le spectateur dans le bon esprit, le bon état de suspension de l'incrédulité. (Je ne parle évidemment pas des œuvres qui ont une véritable ambition prospective et se donnent explicitement comme telles.)
Sur la Force et la conception holistique de l'univers qu'elle réifie…
Si on prend un classique de la SF comme
Le monde des A, par exemple. La spéculation métaphysique qui structure ce monde est-elle nettement discernable de celle de SW ? Quand Gosseyn et les non-A peuvent, après un entraînement psychique, "similariser à la vingtième décimale" et donc agir directement, par l'esprit, sur la matière, n'est-ce pas à peu près la même chose ? Et pour obtenir un résultat somme toute assez proche : la création d'une élite (certes "philosophique" et non "religieuse" mais bon…) de surhommes galactiques dont les choix éthiques peuvent affecter l'univers entier. La rationalisation par la sémantique générale est évidemment importante mais en tant que système de pensée, elle renvoie à une conception holistique du monde dont les dérivées pratiques (quand une image mentale de quelque chose est précise à la vingtième décimale, ce n'est plus une image, c'est la chose elle-même, qu'on peut alors manipuler en pensée) peuvent être décrites comme une forme élaborée de la pensée magique qui s'exprime dans le concept de Force et de Jedi.
La suite plus tard…