Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
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Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
Hop !
Ce bouquin, il était tellement bon que je n’en revenais pas qu’il soit français.
(Je trolle si je veux.)
Autant le dire tout de suite, en effet : avec Les Soldats de la mer d’Yves et Ada Rémy, on joue, comme trop rarement en France à mon goût, dans la cour des très grands, et cette fois le qualificatif de chef-d’œuvre ne serait pas usurpé comme il l’est trop souvent dans notre petit landernau (même si j’aurais une petite réserve, mais j’y reviendrai). C’est dire si ce bouquin m’a collé une baffe. Salutaire.
À plus d’un titre, d’ailleurs. Parce qu’elle intervient aussi dans le toujours pénible et fâcheux débat sur les étiquettes. En effet, les étiquettes, Yves et Ada Rémy semblent s’en contrefoutre, eux qui mélangent sans vergogne science-fiction, fantastique et ce que l’on n’appelait pas encore (en France en tout cas) fantasy dans cet étonnant recueil de nouvelles pour lequel la meilleure désignation, n’en déplaise aux culs serrés, restera celle d’imaginaire. Alors, certes, Les Soldats de la mer, ça n’est probablement pas de la science-fiction selon la définition stricte du genre ; mais qu’est-ce qu’on s’en branle… On pourrait par contre, si on voulait, parler de "transfiction", dans la mesure où les frontières des genres sont ici sacrément floutées, mais bon, cette notion ne m’apparaît que moyennement pertinente. Et puis on s'en fout. On ne retiendra ici que l’essentiel : Les Soldats de la mer sont d’autant meilleurs qu’ils apparaissent inclassables ; aujourd’hui encore, ce recueil thématique est unique en son genre (pour ce que j’en sais tout du moins).
Le cadre : un monde très semblable au nôtre, si ce n’est qu’il a deux lunes et que ses villes portent des noms différents. L’atmosphère évoque un long Premier Empire, qui évolue peu à peu mais sans jamais trop s’éloigner de cette première base. Tout commence avec la création par les villes souveraines de Laërne, Lauterbronn et Ozmüde de la Fédération. Celle-ci ne manque pas d’ennemis, à l’intérieur comme à l’extérieur. Aussi le recueil sera-t-il focalisé sur la guerre et ses héros seront-ils tous ou presque des soldats, dragons, hussards, chevau-légers ou grenadiers… Il faut dire que la Fédération développe vite une politique expansionniste, pour ne pas dire impérialiste. Et c’est ainsi que, au fil des pages et des nouvelles, nous passerons de la première à la deuxième, troisième, quatrième et enfin cinquième Fédération, quand Torre Bianca, Libemoth, Durango et Doña Real rejoindront les trois premières villes ; ceci sans compter, bien sûr, les protectorats et colonies… Les nouvelles sont par ailleurs encadrées par des extraits de manuels destinées à les situer dans un cadre historique et géopolitique. Au fil des textes, c’est ainsi tout un monde que l’on voit se constituer. Et, en fait de recueil thématique, Les Soldats de la mer prend à vrai dire des allures de fix-up.
Mais ce monde a une autre particularité par rapport au nôtre : c’est la présence de la surnature. On y croise régulièrement, au fil des pages, des fantômes, des vam… pardon, des oupires et autres morts-vivants, on y trouve des passages entre les mondes, des forêts pétrifiées, des lacs sans fond, des îles ensorcelées, des dieux enfin… Chaque nouvelle explore ainsi un thème fantastique, et le recueil dans son ensemble creuse à peu près toutes les veines du genre, du simplement insolite ou du merveilleux à la terreur pure éventuellement saupoudrée de gore, en passant par la ghost story ou l’horreur vaguement lovecraftienne. Sur une gamme de tons par ailleurs très variée : si le style reste tout du long d’un certain baroque qui colle à l’atmosphère (mais peut rebuter, je le conçois), le ton peut passer d’un extrême à l’autre entre les nouvelles, tantôt gothiques ou romantiques, tantôt burlesques ou satiriques, etc.
Et c'est un vrai régal tout au long de ces dix-sept nouvelles, dans lesquelles il n'y a à peu près rien à jeter.
Ma seule réserve porte sur la toute fin du recueil, les sept ou huit dernières pages de la dernière nouvelle (jusque-là excellente). En effet, comme la quatrième de couverture le laisse entendre, elle vient tout expliquer. Tout. Absolument tout. Le titre du recueil, la Fédération, les deux lunes, et chaque nouvelle. Et j’avoue avoir trouvé ça un peu too much, et à vrai dire pas nécessaire. Peut-être s’agissait-il d’essayer de tirer le recueil vers la SF en définitive (mais bon, avec toute la magie qui traîne malgré tout, ça ne convaincra pas grand monde…) ? Mais était-ce vraiment indispensable ? Pour ma part, je ne le pense pas. Non, je pense plutôt que le recueil aurait gagné à rester dans le mystère, le non-dit, qui se suffit très bien à lui-même. Cette volonté de tout vouloir expliquer me paraît nuisible, et à vrai dire absurde. À mon sens, ces sept ou huit dernières pages – c’est tout ! – sont la seule chose qui empêchent Les Soldats de la mer de prétendre totalement au statut de chef-d’œuvre, c’est là le seul bémol que j’y mettrais. Un bémol bien mince, on le voit… Alors, on peut bien mettre un voile pudique là-dessus, faire comme si on n’avait pas lu ces dernières pages, ou comme si on les avait trouvées plus convaincantes et effectivement nécessaires, et allez, hop : chef-d’œuvre.
Hop, vous dis-je.
Hop !
Demi-tour, droite ! En avant, marche ! Pour la plus grande gloire de la Fédération !
Ce bouquin, il était tellement bon que je n’en revenais pas qu’il soit français.
(Je trolle si je veux.)
Autant le dire tout de suite, en effet : avec Les Soldats de la mer d’Yves et Ada Rémy, on joue, comme trop rarement en France à mon goût, dans la cour des très grands, et cette fois le qualificatif de chef-d’œuvre ne serait pas usurpé comme il l’est trop souvent dans notre petit landernau (même si j’aurais une petite réserve, mais j’y reviendrai). C’est dire si ce bouquin m’a collé une baffe. Salutaire.
À plus d’un titre, d’ailleurs. Parce qu’elle intervient aussi dans le toujours pénible et fâcheux débat sur les étiquettes. En effet, les étiquettes, Yves et Ada Rémy semblent s’en contrefoutre, eux qui mélangent sans vergogne science-fiction, fantastique et ce que l’on n’appelait pas encore (en France en tout cas) fantasy dans cet étonnant recueil de nouvelles pour lequel la meilleure désignation, n’en déplaise aux culs serrés, restera celle d’imaginaire. Alors, certes, Les Soldats de la mer, ça n’est probablement pas de la science-fiction selon la définition stricte du genre ; mais qu’est-ce qu’on s’en branle… On pourrait par contre, si on voulait, parler de "transfiction", dans la mesure où les frontières des genres sont ici sacrément floutées, mais bon, cette notion ne m’apparaît que moyennement pertinente. Et puis on s'en fout. On ne retiendra ici que l’essentiel : Les Soldats de la mer sont d’autant meilleurs qu’ils apparaissent inclassables ; aujourd’hui encore, ce recueil thématique est unique en son genre (pour ce que j’en sais tout du moins).
Le cadre : un monde très semblable au nôtre, si ce n’est qu’il a deux lunes et que ses villes portent des noms différents. L’atmosphère évoque un long Premier Empire, qui évolue peu à peu mais sans jamais trop s’éloigner de cette première base. Tout commence avec la création par les villes souveraines de Laërne, Lauterbronn et Ozmüde de la Fédération. Celle-ci ne manque pas d’ennemis, à l’intérieur comme à l’extérieur. Aussi le recueil sera-t-il focalisé sur la guerre et ses héros seront-ils tous ou presque des soldats, dragons, hussards, chevau-légers ou grenadiers… Il faut dire que la Fédération développe vite une politique expansionniste, pour ne pas dire impérialiste. Et c’est ainsi que, au fil des pages et des nouvelles, nous passerons de la première à la deuxième, troisième, quatrième et enfin cinquième Fédération, quand Torre Bianca, Libemoth, Durango et Doña Real rejoindront les trois premières villes ; ceci sans compter, bien sûr, les protectorats et colonies… Les nouvelles sont par ailleurs encadrées par des extraits de manuels destinées à les situer dans un cadre historique et géopolitique. Au fil des textes, c’est ainsi tout un monde que l’on voit se constituer. Et, en fait de recueil thématique, Les Soldats de la mer prend à vrai dire des allures de fix-up.
Mais ce monde a une autre particularité par rapport au nôtre : c’est la présence de la surnature. On y croise régulièrement, au fil des pages, des fantômes, des vam… pardon, des oupires et autres morts-vivants, on y trouve des passages entre les mondes, des forêts pétrifiées, des lacs sans fond, des îles ensorcelées, des dieux enfin… Chaque nouvelle explore ainsi un thème fantastique, et le recueil dans son ensemble creuse à peu près toutes les veines du genre, du simplement insolite ou du merveilleux à la terreur pure éventuellement saupoudrée de gore, en passant par la ghost story ou l’horreur vaguement lovecraftienne. Sur une gamme de tons par ailleurs très variée : si le style reste tout du long d’un certain baroque qui colle à l’atmosphère (mais peut rebuter, je le conçois), le ton peut passer d’un extrême à l’autre entre les nouvelles, tantôt gothiques ou romantiques, tantôt burlesques ou satiriques, etc.
Et c'est un vrai régal tout au long de ces dix-sept nouvelles, dans lesquelles il n'y a à peu près rien à jeter.
Ma seule réserve porte sur la toute fin du recueil, les sept ou huit dernières pages de la dernière nouvelle (jusque-là excellente). En effet, comme la quatrième de couverture le laisse entendre, elle vient tout expliquer. Tout. Absolument tout. Le titre du recueil, la Fédération, les deux lunes, et chaque nouvelle. Et j’avoue avoir trouvé ça un peu too much, et à vrai dire pas nécessaire. Peut-être s’agissait-il d’essayer de tirer le recueil vers la SF en définitive (mais bon, avec toute la magie qui traîne malgré tout, ça ne convaincra pas grand monde…) ? Mais était-ce vraiment indispensable ? Pour ma part, je ne le pense pas. Non, je pense plutôt que le recueil aurait gagné à rester dans le mystère, le non-dit, qui se suffit très bien à lui-même. Cette volonté de tout vouloir expliquer me paraît nuisible, et à vrai dire absurde. À mon sens, ces sept ou huit dernières pages – c’est tout ! – sont la seule chose qui empêchent Les Soldats de la mer de prétendre totalement au statut de chef-d’œuvre, c’est là le seul bémol que j’y mettrais. Un bémol bien mince, on le voit… Alors, on peut bien mettre un voile pudique là-dessus, faire comme si on n’avait pas lu ces dernières pages, ou comme si on les avait trouvées plus convaincantes et effectivement nécessaires, et allez, hop : chef-d’œuvre.
Hop, vous dis-je.
Hop !
Demi-tour, droite ! En avant, marche ! Pour la plus grande gloire de la Fédération !
Hop : Cédric FERRAND, Wastburg
Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
Mauvais patriote ! (Fais gaffe, en ce moment, être mauvais Français devient presque aussi dangereux que d'être contempteur de van Vogt, tout au moins dans le monde "normal"...)Nébal a écrit :Hop !
Ce bouquin, il était tellement bon que je n’en revenais pas qu’il soit français.
Mais enfin, c'est vrai que c'est un grand bouquin...
Oncle Joe
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Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
C'est vrai que dans la France de Pasqua et Sarkozy, avoir ne serait-ce qu'un grand-parent étranger est criminel (familles Sarkozy et Bruni-Tedeschi exceptées, bien sûr). Je suis sûr que les Rémy aussi sont de faux français...Lensman a écrit :Mauvais patriote ! (Fais gaffe, en ce moment, être mauvais Français devient presque aussi dangereux que d'être contempteur de van Vogt, tout au moins dans le monde "normal"...)Nébal a écrit :Hop !
Ce bouquin, il était tellement bon que je n’en revenais pas qu’il soit français.
Mais enfin, c'est vrai que c'est un grand bouquin...
Oncle Joe
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
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Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
J'en suis donc, comme un paquet de millions d'autres.bormandg a écrit :C'est vrai que dans la France de Pasqua et Sarkozy, avoir ne serait-ce qu'un grand-parent étranger est criminel.
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
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Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
Perds pas ta carte d'identité, alors, parce que tu verras combien de temps et de démarches il faudrait pour la renouveler.Eons a écrit :J'en suis donc, comme un paquet de millions d'autres.bormandg a écrit :C'est vrai que dans la France de Pasqua et Sarkozy, avoir ne serait-ce qu'un grand-parent étranger est criminel.
Modifié en dernier par bormandg le lun. sept. 13, 2010 10:58 am, modifié 1 fois.
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J'avais eu des nouvelles, il y a quelques années (une ou deux). Je crois qu'ils ne sévissaient plus que dans le domaine du documentaire (qui les nourrissait plus sûrement que leur – pourtant incontestable – talent littéraire). Quand je les ai connus, ils travaillaient essentiellement pour le service cinéma de l'armée, s'amusant comme des petits fous à fouiller les archives filmées du Fort d'Ivry. Ils bossaient énormément sur la Première guerre mondiale. Je crois que, depuis, ils ont pris leur retraite.Lensman a écrit :Qui sait ce que sont devenus Yves at Ada Rémy ? Ecrivent-ils toujours?
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Quand on travaille dans l'armée, la retraite s'impose.Eric a écrit :J'avais eu des nouvelles, il y a quelques années (une ou deux). Je crois qu'ils ne sévissaient plus que dans le domaine du documentaire (qui les nourrissait plus sûrement que leur – pourtant incontestable – talent littéraire). Quand je les ai connus, ils travaillaient essentiellement pour le service cinéma de l'armée, s'amusant comme des petits fous à fouiller les archives filmées du Fort d'Ivry. Ils bossaient énormément sur la Première guerre mondiale. Je crois que, depuis, ils ont pris leur retraite.Lensman a écrit :Qui sait ce que sont devenus Yves at Ada Rémy ? Ecrivent-ils toujours?
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Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
Elle est encore valide jusqu'au printemps 2013. D'ici là, l'ersatz miniature aura dégagé et ça devrait avoir commencé à s'éclaircir.bormandg a écrit :Perds pas ta carte d'identité, alors, parce que tu verras combien de temps et de démarches il faudrait pour la renouveler.Eons a écrit :J'en suis donc, comme un paquet de millions d'autres.bormandg a écrit :C'est vrai que dans la France de Pasqua et Sarkozy, avoir ne serait-ce qu'un grand-parent étranger est criminel.
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr
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Re: Yves & Ada REMY - Les Soldats de la mer
Si Murphy est de bonne humeur. Je tablerais pas dessus.Eons a écrit :Elle est encore valide jusqu'au printemps 2013. D'ici là, l'ersatz miniature aura dégagé et ça devrait avoir commencé à s'éclaircir.bormandg a écrit :Perds pas ta carte d'identité, alors, parce que tu verras combien de temps et de démarches il faudrait pour la renouveler.Eons a écrit :J'en suis donc, comme un paquet de millions d'autres.bormandg a écrit :C'est vrai que dans la France de Pasqua et Sarkozy, avoir ne serait-ce qu'un grand-parent étranger est criminel.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Dites, vous voudriez pas plutôt qu'on parle de cet excellent bouquin ?
Hop : Cédric FERRAND, Wastburg