L'empire spatial des morts de Tsiolkovski à P. F. Hamilton

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Lensman
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Message par Lensman » mar. oct. 26, 2010 8:00 am

Patrice a écrit : Il m'est arrivé par le passé d'employé le terme d'archétype, mais je pense maintenant ne plus être en mesure de le faire.

Autre cas: j'emploie en permanence la typologie d'Aarne et Thompson, leur classement des contes-types. Ce classement permet un rapprochement des contes en fonction de leur structure. Il est à mon sens farci de défaut, mais on arrivera difficilement à faire mieux. Ce classement est utile pour déterminer des parentés, des filiations entre versions. Et il peut être appliqué aussi à des récits fantastiques ou de fantasy, lorsque ceux-ci font preuve de peu d'innovation. Par contre, je n'ai jamais réussi à l'appliquer à des textes de SF...
Mais tout utile qu'il est, il faut garder en mémoire que ce classement ne se fonde que sur la structure des récits, et qu'il fait totalement l'impasse sur le sens. Or deux versions d'un conte appartenant à la même catégorie peuvent avoir un sens totalement différent selon qu'elles ont été collectées pour l'une chez les Bambara et pour l'autre chez les Toungouses.
Donc là encore, le conte-type, c'est bien, mais c'est d'un usage limité.

A+

Patrice
Je note ta réserve quant à l'emploi de la notion d'"archétype".
Je ne peux qu'être complètement d'accord avec toi. L'étude des structures est hautement utile, mais elle a un usage limité. Faire l'impasse sur le sens rend impossible la... compréhension de de ce que l'on étudie. J'ai l'impression d'énoncer une sorte de truisme...
Oncle Joe

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silramil
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Message par silramil » mar. oct. 26, 2010 10:39 am

Je ne crois pas que les distinctions que je propose soient trop subtiles ici.
Concernant les dieux...

Postulat initial : il existe des entités dénommées 'dieux' dans la science-fiction, mais ce sont des versions naturalisées des entités métaphysiques imaginées par ailleurs : des êtres non pas surnaturels mais y ressemblant fortement.
OK

Hypothèse de Lem : ces entités 'opèrent' de la même manière qu'elles soient surnaturelles (les dieux de la fantasy, du merveilleux, du fantastique, des contes et légendes, des mythes...) ou naturelles (la science-fiction).

Note : que signifie 'opérer' ? Dans les exemples de Lem, il y a déjà une confusion entre l'essence fictionnelle et la fonction narrative. Par exemple, l'immortalité des dieux n'est pas une fonction, mais une propriété établie dans le cadre de la fiction.
Ce n'est pas du pinaillage : il existe une immortalité fonctionnelle - certains personnages sont immunisés à la mort du fait même de leur position dans le récit, en particulier le héros/personnage principal (d'où l'impression d'audace lorsqu'un personnage principal meurt... voire est ressuscité). L'immortalité fonctionnellle n'a pas vraiment de sens pour les dieux de Lovecraft.

Quelles sont les opérations classiques des dieux ? (hors Lovecraft)
- Ils tuent (foudroient, empoisonnent...)
- Ils maudissent
- ils guérissent, voire ressuscitent
-ils inspirent (rêve, prophétie)
- ils assignent des quêtes, récompensent, assistent en chemin
- ils bloquent les quêtes par ennemis interposés
etc.

Inversement, quelles sont les opérations classiques des personnages confrontés à des dieux ?
- Ils prient
- Ils blasphèment
- Ils obéissent /désobéissent
- Ils interprètent et cherchent à connaître leur volonté, mais pas leur nature.
- Ils combattent en leur nom

A l'observation de ces quelques exemples d'opérations, la logique des interactions entre ce type de personnages peut sempbler liée en partie à des caractéristiques essentielles, mais en fait il n'y a pas de relation automatique entre caractéristiques et fonctions.
Elric passe son temps à désobéir à Arioch, alors que ce dernier est puissant et menaçant. De même que les autres champions éternels, il tue un sacré paquet de dieux.
Dans Les Petits Dieux, le dieu Om est au bord de la disparition, il n'a aucun pouvoir ou presque et pourtant il impose une quête à son seul fidèle. Ce n'est pas en raison d'une caractéristique particulière qu'il accomplit cette fonction-là.

De plus aucune opération qui me vienne à l'esprit n'est marquée en son principe comme 'divine', réservée aux dieux.

Venons-en aux questions posées par Lem

Question 1 et 2 : quel est le rôle joué par les dieux de Lovecraft dans ses récits // ce rôle est-il le même que dans le corpus mythologique et religieux antérieur ?

En quelques mots, je dirais qu'on retrouve certaines opérations classiques - assignation de quêtes (paradoxales et piégées), obstacles, malédictions, morts et résurrections, etc.
De plus, on a dans le cas précis des textes de Lovecraft une position similaire à ce qui se passe dans la religion : les personnages n'ont pas accès directement au 'plus qu'humain', et sont réduits à des conjectures et des tentatives empiriques. La relation des personnages aux dieux de Lovecraft est le versant négatif du protestantisme : chaque homme est coincé dans une relation personnelle au 'divin', ce qui le transforme ou le rend fou.
En revanche, le rôle des dieux de Lovecraft est très différent de celui des dieux de la mythologie.
Dans les récits mythologiques mettant en scène les dieux eux-mêmes, leurs fonctions deviennent celles de personnages principaux (un équivalent en SF serait les récits mettant en scène des êtres à super pouvoirs, psychiques, cybernétiques ou nanotechs ; pour le fun, on pourrait mettre en parallèle Slan et l'ascension de certains dieux, comme Apollon Héraklès ou Dionysos).
Dans les mythes racontant les exploits de héros, les dieux ne sont pas toujours présents ; ils interviennent en général quand il y a un monstre à tuer et ils sont presque exclusivement positifs. Les dieux en colère tels que Poséidon contre Ulysse ou Héra contre Héraklès sont plus marrants, donc on s'en souvient, mais la plupart du temps, les dieux aident les héros.
Les épopées contiennent une multitude d'opérations faites par des dieux. Ces derniers sont dynamiques, clairs et précis dans ce qu'ils demandent.
Les tragédies montrent soit les dieux eux-mêmes, soit des héros punis par les dieux. C'est peut-être le modèle de la tragédie qui se rapprocherait le plus de Lovecraft : des dieux impossibles à comprendre, qui poursuivent de leur haine les impies, qui les rendent malades et fous, qui les poussent au suicide...

Ma conclusion sur ces deux questions : Lovecraft, et chaque auteur de SF ou fantasy à sa manière, reprend les images et les idées des dieux qui lui pré-existent, pour produire un effet dans sa fiction - donc pour que ces dieux semblent être des dieux aussi dans le monde de la fiction, il leur assigne des fonctions traditionnelles, il s'appuie sur des objets préexistants. Cette méthode est d'ailleurs celle qui est toujours employé en SF, il n'y a donc rien de surprenant à cela.

Je valide donc l'idée que les pseudo-dieux de la SF se comportent comme des dieux mythiques/religieux mais je n'en tire pour l'instant aucune conclusion.
Je précise qu'il en est de même dans les récits fantastiques et fantasy.
J'ajoute, pour faire bonne mesure, que dans mon expérience, on n'observe presque rien de nouveau sur les dieux dans les récits contemporains. C'est presque uniquement du réemploi de catégories antérieures.
Les seules nouveautés auxquelles je pense sont des humanisations des dieux - chez Pratchett et Gaiman, par ex, les dieux se comportent comme des êtres humains.

Enfin, je remarque un usage étrange du terme d' "actant", potentiellement trompeur.
Il n'existe pas d'actant en soi. Un actant est déterminé par sa position dans un récit, par les fonctions qu'il remplit.
On ne peut donc pas dégager un actant qui serait "un dieu typique chez Lovecraft", car chaque texte implique des actions et des fonctions différentes.
Ce n'est donc pas un actant unique/unifié qui se dégage, mais une multitude d'actants différents.

Les structures dégagées par ce type d'analyse ne permettent pas de dire des choses sur les objets du monde fictionnels, mais seulement de faire des listes de leurs actions possibles.
Dans un schéma actanciel, peu importe que l'actant qui impose une quête soit un dieu, un super ordinateur, ma mère ou moi-même. (d'ailleurs, je pense que la liste des opérations classiques des dieux marcherait bien si on remplaçait le dieu par la mère du protagoniste, au hasard dans L'étranger).

Au risque de paraître peu constructif, je maintiens que cette voie d'exploration me paraît peu pertinente pour l'étude de la SF.

Question 3 : y a-t-il des exemples de cela dans la littérature blanche ?
Cette question est un peu étrange, en fait. Son objectif avoué entre parenthèses est d'établir ce que la SF peut avoir de spécifique à cet égard.
Je rappelle pour la forme qu'à ce sujet, il n'y aura rien de spécifique, puisque le fantastique et la fantasy font aussi intervenir des figures divines.
A contrario, trouve-t-on beaucoup de figures divines dans le roman policier, ou historique ? Ces genres font-ils partie de la littérature blanche ?
Encore une fois, ce n'est pas pour pinailler, mais un critère qui ne permet pas de distinguer nettement ne me semble pas déterminant.

Ainsi, plutôt que de céder à la tentation de trouver des oeuvres répondant plus ou moins au critère 'présence d'un personnage opérant comme un dieu' dans la littérature blanche contemporaine, j'aimerais poser quelques questions complémentaires :

Est-ce que la faible manifestation de figures divines dans la littérature blanche contemporaine n'est pas le résultat d'un primat, au sein du champ littéraire, d'un genre particulier qui en refuse la pertinence, à savoir le réalisme ?
Y avait-il, avant le XXe siècle, beaucoup de récits littéraire faisant intervenir les dieux, ou des opérateurs équivalents ? En d'autres termes, est-ce que la littérature se soucie des dieux ?
En quoi la présence de figures divines serait-elle caractéristique de la SF, puisqu'on en trouve ailleurs qu'en SF et que de nombreux récits de SF ne font pas intervenir de figures divines ?

Lem

Message par Lem » mar. oct. 26, 2010 11:49 am

Très intéressant : j'y reviendrai dès que j'aurai le temps, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Merci, Silramil.

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bormandg
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Message par bormandg » mar. oct. 26, 2010 11:58 am

silramil a écrit : Question 3 : y a-t-il des exemples de cela dans la littérature blanche ?
Cette question est un peu étrange, en fait. Son objectif avoué entre parenthèses est d'établir ce que la SF peut avoir de spécifique à cet égard.
Je rappelle pour la forme qu'à ce sujet, il n'y aura rien de spécifique, puisque le fantastique et la fantasy font aussi intervenir des figures divines.
A contrario, trouve-t-on beaucoup de figures divines dans le roman policier, ou historique ? Ces genres font-ils partie de la littérature blanche ?
Encore une fois, ce n'est pas pour pinailler, mais un critère qui ne permet pas de distinguer nettement ne me semble pas déterminant.

Ainsi, plutôt que de céder à la tentation de trouver des oeuvres répondant plus ou moins au critère 'présence d'un personnage opérant comme un dieu' dans la littérature blanche contemporaine, j'aimerais poser quelques questions complémentaires :

Est-ce que la faible manifestation de figures divines dans la littérature blanche contemporaine n'est pas le résultat d'un primat, au sein du champ littéraire, d'un genre particulier qui en refuse la pertinence, à savoir le réalisme ?
Y avait-il, avant le XXe siècle, beaucoup de récits littéraire faisant intervenir les dieux, ou des opérateurs équivalents ? En d'autres termes, est-ce que la littérature se soucie des dieux ?
En quoi la présence de figures divines serait-elle caractéristique de la SF, puisqu'on en trouve ailleurs qu'en SF et que de nombreux récits de SF ne font pas intervenir de figures divines ?
Pour ma part, je crois qu'à moins de qualifier systématiquement de récit fantastique tout récit où interviennent des dieux et sans tenir compte du fait que le fantastique ne s'est réellement dégagé comme une branche spécifique que, au maximum, dans le cours du dix-huitième siècle, la science-fiction et la fantasy étant encore plus récentes, on trouve des quantités d'oeuvres de littérature blanche qui font intervenir des dieux. Et, nonobstant la tentative de récupération bragelonnienne, les Mémoires de Zeus possèdent toutes les qualités (ou plutôt tous les défauts) d'une oeuvre de "pure" littérature blanche. Pour ne citer que cet exemple.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mar. oct. 26, 2010 12:21 pm

Les Dieux de Lovecraft n'ont de dieux que le nom. Et les personnages possédant des attributs divins aussi bien en SF qu'en fantasy ne sont que des jouets utilisés par les auteurs et avec lesquels ils vont s'amuser.
J'ai démontré la nature ludique de la Sf dans un article de mon blog ici :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com ... dique.html

Un certain nombre de ces jouets sont liés à des invariants anthropologiques. La connexion entre eux d'un certain nombre de jouets va faire naître des motifs figuratifs qui vont avoir des échos dans l'inconscient collectif : on pourra les appeler archétypes si on le veut. Mais je pense que là n'est pas la question.
Question 1 : il faut vérifier cela. Que font les dieux dans les récits de Lovecraft et des autres ? Quel rôle jouent-ils dans le récit ? Peut-on les ramener à un ensemble d'actions caractéristiques ? etc (démarche de Propp).
Dans les récits de Lovecraft les dieux sont des entités qui n'ont que faire de l'humanité. Ils poursuivent des buts qu'ils sont les seuls à comprendre. Seul Nyarlathotep est compréhensible en essayant de dominer la Terre.
Généralement dans bon nombre de récit de SF les dieux sont des humains ayant acquis et l'immortalité et des pouvoirs psychiques très puissant. Ce ne sont pas des dieux mais bien des pots humains. Et il y a là aussi une différence de taille avec la mythologie. Puisque le dieu de SF est soi un humain qui a transcendé sa nature pour devenir autre chose, soit une entité extra terrestre aux pouvoirs démesurés. Donc une créature vivant sur le même plan que les autres personnages. Pas un personnage d'une nature supérieure par nature mais dont la nature supérieure s'affirme par différence avec les autres personnages.

Question 2 : l'actant ainsi dégagé existe-t-il dans le corpus mythologique et religieux antérieur à la sf ? (pour vérifier qu'il y a eu "passage de relai" ou non).
Un actant déjà n'est pas un invariant. Un actant est un élément propre à un schéma narratif donné et qui occupe une position dans le récit et qui va se manifester par des interactions avec des objets de valeur. Parler d'invariants anthropologiques aurait été à mon avis plus correct.
Comme l'a dit Silramil, le dieu qu'il soit immanent ou transcendant n'a strictement rien à voir avec la figure désigné comme telle en SF. Déjà le post humain qui accède à la dimension divine ou même l'IA toute puissante n'ont pas d'adorateurs. Même si un auteur de SF malin introduit cet élément, leur force ne viendra pas de ces adorateurs mais de la technologie ou de pouvoirs psychiques. Déjà le pseudo dieu science fictif ne sera pas tout puissant et ne pourra intervenir à tout bout de champ dans le réel. En fantasy par contre nous rencontreront des dieux qui correspondent à la définition traditionnelle du mot. La fantasy étant la littérature du "d'où venons nous" c'est assez logique.
Question 3 : le même actant existe-t-il dans la littérature blanche au XXème siècle ? (pour vérifier que sa présence est ou non une caractéristique de la sf)
Ce modèle n'existe à mon avis pas dans la littérature blanche. Car la littérature blanche ignore le mutant, les pouvoirs psychiques, la technologie ou les extra terrestres, de même que les figures divines traditionelles (un récit mettant en scène des dieux mythologique est forcément du fantastique ou de la fantasy, si on le vend sous l'étiquette blanche ce n'est que du marketing). Bref les figures divines traditionnelles aussi bien que les pseudo dieux de la sf sont des jouets littéraires, les premiers de la fantasy et les seconds de la SF. J'ai montré que la présence des ces jouets étant une des caractéristiques de la fiction populaire et notamment des littératures de l'imaginaire qui sont sans doute celles qui quantitativement y font le plus appel.
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

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Message par bormandg » mar. oct. 26, 2010 3:32 pm

Fabien Lyraud a écrit :Ce modèle n'existe à mon avis pas dans la littérature blanche. Car la littérature blanche ignore le mutant, les pouvoirs psychiques, la technologie ou les extra terrestres, de même que les figures divines traditionelles (un récit mettant en scène des dieux mythologique est forcément du fantastique ou de la fantasy, si on le vend sous l'étiquette blanche ce n'est que du marketing).
Pas d'accord avec cette dernière affirmation, parce qu'il y a des manières de jouer avec les dieux en fantasy et les pseudo-dieux en SF que certains livres de littérature blanche n'utiliseront pas. Tu ne m'oteras pas de l'idée que publier Druon dans une collection blanche est normal, mais le publier dans une collection de fantasy c'est Là le marketing (à rebours: on veut valider la fantasy en y incluant Druon).
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Shagmir
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Message par Shagmir » mar. oct. 26, 2010 3:58 pm

Vous dites, au fond, exactement la même chose, à savoir : les étiquettes, c'est du marketing.
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Message par MF » mar. oct. 26, 2010 5:34 pm

Lensman a écrit :C'est intéressant, ça ressemble à un processus sans fin. Certains de ces "micro-archétype" (je n'aime guère le terme, mais on fera avec pour l'instant) s'incrustent, d'autres disparaissent, d'autres se construisent.
Certains philosophes mathématiciens (ou l'inverse, d'ailleurs) considèrent que les archétypes sont des attracteurs du phénomène biocomplexe -et sans doute fractal- qu'est le processus de pensée.

Je sais, ça n'aide pas à éclairer le débat...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par MF » mar. oct. 26, 2010 5:54 pm

Lem a écrit :Comme les trois dernières pages le montrent, l'usage du concept d'archétype risque d'être tout aussi compliqué. Tu les qualifies de "formes vides". C'est un usage personnel ou bien l'as-tu trouvé quelque part, dans un corpus théorique qui fait autorité ? La page wikipédia, sous les réserves habituelles, ne mentionne pas une telle acception.
C'est juste que tu n'as pas bien cherché
wikipédia a écrit :Un archétype (du grec arkhetupon, « modèle primitif », par l'intermédiaire du latin archetypum) est, en littérature et en philosophie, un modèle général représentatif d'un sujet. Employé en psychanalyse, la notion d'archétypes recouvre une signification propre définie par Carl Gustav Jung : des préformes vides qui organisent la vie instinctive et spirituelle, structurent les images mentales (pensées, fantasmes, rêves ...). On peut aussi définir un archétype comme un point de vue analogique sur une réalité sensible, susceptible d'intégrer la totalité des points de vue qu'on peut en avoir.
Il me semble qu'il suffit de préciser "1°) archétype philosophique" ou "2°) archétype psychanalytique" pour distinguer :
1°) un modèle, défini par surjection à partir de sujets similaires ;
2°) un modèle, définissant par injection des sujets.

Il n'y a quele second, l'archétype psychanalytique, qui nécessite l'existence une "transmission phylogénétique des traces psychiques du passé". Le premier n'est qu'un outil, qu'un moyen d'identification des schémas.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par Lensman » mar. oct. 26, 2010 6:21 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :C'est intéressant, ça ressemble à un processus sans fin. Certains de ces "micro-archétype" (je n'aime guère le terme, mais on fera avec pour l'instant) s'incrustent, d'autres disparaissent, d'autres se construisent.
Certains philosophes mathématiciens (ou l'inverse, d'ailleurs) considèrent que les archétypes sont des attracteurs du phénomène biocomplexe -et sans doute fractal- qu'est le processus de pensée.

Je sais, ça n'aide pas à éclairer le débat...
Ah, c'était ça! Je me disais aussi...
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Message par MF » mar. oct. 26, 2010 6:24 pm

Lem a écrit :[Mais on peut dire : "on retrouve un certain nombre d'images métaphysiques et religieuses dans la sf" sans impliquer un système critique. Et contrairement à ce que tu as l'air de croire, ça n'implique pas d'avoir soi-même une métaphysique ou une religion.
Ça n'implique même pas que l'objet (je préfère ce terme à "image") métaphysique ou religieux soit utilisé par l'auteur de SF pour ses caractéristiques métaphysiques ou religieuses.

Avant que la modération ne ferme le fil en M, nous avons traités, avec brio et l'aide de Bester, des récits de SF dans lesquels la chantilly monte à tel point que l'auteur, pour faire une fin, sort de sa besace, tel un deus ex machina, un objet philosophique qu'il jette en pâture aux lecteurs, en leur disant, en douce : "Faites vous les dents là dessus, les gars, moi je n'ai pas réussi à m'en sortir."

Mais qu'en est-il des récit de SF où l'objet métaphysique ou religieux est une prémisse ?
N'avons nous pas à plusieurs reprises cité comme archétype (ouarf, ouarf...) "En remorquant Jéhovah" ?
Y-a-t'il dans ces récits l'idée d'un "refuge" pour une métaphysique ou une religion chassées de la littérature noble et obligées de se réfugier, honteusement, dans un genre un peu glauque ?

A mon avis, non. Ce type de récit répond à un schéma SF classique : prendre un objet/concept/personnage situé hors de notre (une ?) réalité et regarder comment la (cette ?) réalité réagi face à l'intrusion d'un externe.
Comment la réalité se déforme-t-elle sous l'apparition d'une matière étrangère, masse qui va peser sur la structure sous-jacente et déformer les géodésiques constituant les fibres qui supportent les liens sociaux, culturels, historiques...

Prenons, Egan, Morrow, Chiang... tous utilisent ce même procédé : prendre un concept/objet/schème et décrire la modification de la réalité face à l'intrusion.
Mais où aller pêcher ces concepts/objets/mêmes qui ne font pas (encore ?) partie de la réalité.
Et bien, selon que l'on est Egan ou Morrow, on ira le chercher dans la pointe scientifique ou dans la religion. Et si l'on est Chiang, on choisir une fois l'un ("L’histoire de ta vie"), une fois l'autre ("L’enfer, quand Dieu n’est pas présent"). On pourra même, quand on a son talent et son imagination, piocher sa prémisse à l'interface des 3 "disciplines" (science, métaphysique, religion) en écrivant "Soixante-douze lettres".

Mais cela ne devrait pas conduire, amha, à croire que la SF serve de "refuge" à M ou R. Sinon, faudrait-il dire aussi qu'elle sert de "refuge" à S ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par MF » mar. oct. 26, 2010 6:31 pm

Lem a écrit :Question 1 : il faut vérifier cela. Que font les dieux dans les récits de Lovecraft et des autres ? Quel rôle jouent-ils dans le récit ? Peut-on les ramener à un ensemble d'actions caractéristiques ? etc (démarche de Propp).
Ils déforment notre réalité.
Question 2 : l'actant ainsi dégagé existe-t-il dans le corpus mythologique et religieux antérieur à la sf ? (pour vérifier qu'il y a eu "passage de relai" ou non).
On s'en fout un peu. Si l'auteur à une immense imagination, l'actant, il l'invente. Sinon, il va le chercher où il y en a : mythe, religion, contes, histoire de toto...
Question 3 : le même actant existe-t-il dans la littérature blanche au XXème siècle ? (pour vérifier que sa présence est ou non une caractéristique de la sf)
Si tu définis la "blanche" par la notion de littérature de la réalité (ou "réaliste" ?), tu réponds à la question. Une littérature de la réalité ne peut pas accepter des éléments situés, explicitement, hors de la réalité.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Hoêl » mar. oct. 26, 2010 7:45 pm

Si tu définis la "blanche" par la notion de littérature de la réalité (ou "réaliste" ?), tu réponds à la question. Une littérature de la réalité ne peut pas accepter des éléments situés, explicitement, hors de la réalité .
Déjà que j'ai du mal avec le concept de "littérature blanche" , si , en plus , on la limite à une "littérature de réalité" , c'est ignorer bien des auteurs qui ne sont , a priori , pas censés faire partie de "notre club" : allez , pêle-mêle , Baudelaire , Huysmans , Hugo (parfois) , Rimbaud , Snt John Perse , Breton , Cohen , Dumas , Molière , Voltaire , Rabelais , Villon , j'en pass (ô combien !) et des meilleurs !
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Message par Erion » mar. oct. 26, 2010 7:54 pm

Hoêl a écrit :
Si tu définis la "blanche" par la notion de littérature de la réalité (ou "réaliste" ?), tu réponds à la question. Une littérature de la réalité ne peut pas accepter des éléments situés, explicitement, hors de la réalité .
Déjà que j'ai du mal avec le concept de "littérature blanche" , si , en plus , on la limite à une "littérature de réalité" , c'est ignorer bien des auteurs qui ne sont , a priori , pas censés faire partie de "notre club" : allez , pêle-mêle , Baudelaire , Huysmans , Hugo (parfois) , Rimbaud , Snt John Perse , Breton , Cohen , Dumas , Molière , Voltaire , Rabelais , Villon , j'en pass (ô combien !) et des meilleurs !
D'un autre côté, la littérature de "l'imaginaire" est censée être un concept suffisant pour se distinguer de tous ces auteurs là.
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Message par bormandg » mar. oct. 26, 2010 9:52 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :C'est intéressant, ça ressemble à un processus sans fin. Certains de ces "micro-archétype" (je n'aime guère le terme, mais on fera avec pour l'instant) s'incrustent, d'autres disparaissent, d'autres se construisent.
Certains philosophes mathématiciens (ou l'inverse, d'ailleurs) considèrent que les archétypes sont des attracteurs du phénomène biocomplexe -et sans doute fractal- qu'est le processus de pensée.

Je sais, ça n'aide pas à éclairer le débat...
On savait déjà que le problème était chaotique, alors un peu de calcul fractal en plus... :wink:
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