Lensman a écrit :[(les différentes traductions, parfois "oeucuméniques", de la Bible, exemple parfait)
A ce sujet, d'ailleurs, voici un extrait intéressant de la préface de Frédéric Boyer à la Bible entièrement retraduite parue il y a quelques années chez Bayard :
Notre traduction (…) entend d'abord répondre à cette nécessité : confronter les littératures de la Bible aux littératures françaises contemporaines. Les révolutions successives du langage littéraire et poétique du XXème siècle permettent souvent de prendre en charge les violences, les irrégularités, l'absence parfois d'une syntaxe formelle, la polyphonie des textes anciens. D'échapper également aux lourdeurs convenues d'une langue érudite, d'un français académique, et d'être plus sensibles aux jeux de langage. Rarement les traductions de la Bible en français ont tenu compte de la double dimension du texte original, écrit pour être lu mais aussi, et d'une manière non moins décisive, pour être entendu. Cette dimension orale est souvent écrasée par un français vieilli, une langue scolaire, une unité de ton et de style qui traduit dans la même langue, la même écriture, la Génèse, les Psaumes, un livre historique, une lettre ou les Evangiles…
Chaque livre fut confié à un exégète et à un écrivain. Chacun de ces couples traducteurs dut inventer et créer, souvent pendant plusieurs années, les conditions d'un travail commun. (…) Il n'est pas du tout évident que les règles d'un français standard soient aujourd'hui adéquates à la restitution de textes anciens, souvent audacieux,où les questions de rythme et de forme ne se posaient pas dans les mêmes termes que les nôtres. Des solutions originales et variées existent, que les auteurs de littérature contemporaines ont su créer et expérimenter depuis au moins un siècle (depuis Mallarmé et Apollinaire, par exemple) pour renouveler notre rapport à la langue et à l'écriture. Il fallait sans doute briser le sceau du consensus et rendre aux textes leur étrangeté, leur nouveauté. Etrangeté et nouveauté qui naîtraient de l'effet de la littérature contemporaine à l'écoute de ces textes, une certaine "logique du même" ayant trop souvent détourné la traduction de la Bible de sa propre étrangeté.
Pour que ce texte ne reste pas purement abstrait, voici la retraduction du début de la Génèse qu'il introduit :
Premiers
Dieu crée ciel et terre
Terre vide solitude
Noir au-dessus des fonds
Souffle de Dieu
Mouvement au-dessus des eaux
Dieu dit lumière
Et lumière il y a
Dieu voit la lumière
Comme c'est bon
Dieu sépare la lumière et le noir
Dieu appelle la lumière jour et nuit le noir
Soir et matin
Un jour