Voici le début
Ma rencontre récente avec un jeune homme porteur de quelques questions sur le métier d’éditeur, qu’il entend embrasser — ô courageux inconscient ! —, m’a fait prendre conscience de la complète hébétude des béotiens quand on leur parle de « retours ». Qu’est-ce que c’est que cette bête-là ? Tout simplement une très grosse branche sur laquelle sont assis éditeurs, diffuseurs et libraires (de neuf), et que chacun d’entre eux s’emploie, à sa place, à scier avec application.
Saturne dévorant un de ses fils (Peter Paul Rubens, 1637).
Cette histoire commence plus ou moins lorsque la Librairie générale française - filiale de Hachette - crée en 1953 de la collection Le Livre de Poche, qui lança réellement ce format en France. Pour faire passer la pilule aux libraires, qui rechignaient à vendre ces bouquins mal imprimés — et dont le prix faisait baisser les recettes, surtout —, Hachette proposa un « droit de retour »… Le diffuseur passait un contrat(1) avec les libraires : ceux-ci recevaient les nouveautés du LdP, mais avaient le droit, après un délai convenu, de retourner les invendus ; un peu sur le modèle des détaillants de presse, en somme. D’ailleurs, comme ces derniers, pour certains titres, ils n’avaient même pas besoin de renvoyer les livres eux-mêmes, il leur suffisait d’expédier à Hachette les couvertures arrachées pour être crédités des « retours ». Les PUF pratiquaient aussi cet arrachage de couvertures pour leurs Que sais-je. Harlequin le pratique encore.