Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

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Lem

Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Message par Lem » lun. janv. 24, 2011 12:26 pm

MF a écrit :Si on démarre sur l' (excellent) article d'Ecken...
Eh bien, parlons-en, ce sera quand même plus intéressant.

Je l'ai lu, cet article, et il me laisse une impression mitigée.

Je précise à toutes fins utiles que cette impression est respectueuse du travail de Claude, de son désir de prendre le sujet au sérieux et de, réellement, le penser. C'est bien parce qu'il accomplit cet effort qu'on peut discuter du résultat et le juger plus ou moins réussi.

Je ne fais pas une analyse détaillée – je n'ai pas le temps et je n'ai lu le texte qu'une seule fois, sans prendre de notes – mais un simple relevé de ce qui me semble ses points forts & faibles.

Deux points forts : l'ambition intellectuelle et la contextualisation historique qui est, selon moi, le fer de lance du papier. Cela dit, ce n'est peut-être pas ainsi que Claude l'a conçu. Son propos est de revenir une nouvelle fois sur le problème de la définition et de montrer que s'il reste sans solution depuis près d'un siècle, c'est parce que les définisseurs n'ont pas encore fait leur révolution copernicienne – ou plutôt "bohrienne" : la SF ce n'est pas X ou Y mais X et Y. Le mot-clé, ce n'est pas X, Y, ni aucun autre terme soi-disant définisseur mais "et". La SF est deux choses en même temps et il faut admettre cette dualité pour unifier ses propriétés en un tout cohérent. Bref, la SF est un objet quantique qui se comporte, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre. Ce découpage est posé au début de l'article ("la SF comme particule" ; "la Sf comme onde") et structure ses développements ultérieurs.

S'ensuit alors une longue récapitulation historique qui remonte au tout début du XXème siècle et s'intéresse aux premières perceptions/intuitions du genre naissant, montrant que ladite dualité était présente dès le départ. Le statut de Verne, Rosny, Wells, les travaux de Marcel Réza (que je ne connaissais pas), ceux de Maurice Renard, la faiblesse théorique de Gernsback lorsque vient son tour d'aborder le sujet vingt ans plus tard (mais Claude fait de cette faiblesse une force, expliquant que l'approche pragmatique de Gernsback est justement la clé de son succès)… tous ces moments fondateurs, non seulement du problème de la définition mais de la SF comme catégorie, sont racontés avec un grand souci du détail. A mes yeux – mais j'admets volontiers que tout ceci m'intéresse anormalement et que ma perception est orientée par le fait que les analyses de Claude recoupent à peu près les miennes, que je suis donc impartial –, ce passage est le plus réussi de l'article ; de ce point de vue, il pose des jalons que tout critique désireux d'aborder le domaine ne pourra plus négliger. Rien que pour cela, ce texte mérite d'être lu.

Les points faibles : le caractère arbitraire ou forcé de certains enchaînements logiques qui reflète à petite échelle – c'est du moins ainsi que je l'explique – le caractère arbitraire ou forcé du texte lui-même. Je donne deux exemples de tels maillons faibles :

– dès l'exposé de sa problématique ("la Sf comme particule", p. 117), Claude montre une tendance certaine à sauter directement des prémisses aux conclusions. Qu'est-ce que "la SF comme particule" selon lui ? "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache à ses thèmes et ses codes comme les robots, les images un peu jaunies du space opera, les histoires de voyages dans le temps" etc. Bref, c'est la SF comme inventaire, comme collection d'objets. Cette définition fonctionne-t-elle ? Claude répond : "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie – ce qui n'empêche pas d'en faire commerce avec les plus naïves franges de consommateurs, généralement enfants, qui peuvent aussi être grands."

On voit tout de suite le problème : à peine ébauchée la problématique de "la SF comme particule" (la difficulté de définir de cette manière), Claude introduit un jugement de valeur ("ça impose d'admettre la verroterie") qui n'a rien à voir. Il déduit d'une conséquence désagréable de son postulat (désagréable et surtout non prouvée : car il y a des tonnes de verroterie dans la SF qui sont bien… de la SF) l'inanité dudit postulat. C'est une faute de raisonnement qui se produit dès le début du papier et, à mon sens, entache toute la suite.

Qui plus est, cette faute est immédiatement suivie/compliquée d'une autre qui la démultiplie : "Définir un récit de SF par sa seule quincaillerie n'est pas pertinent. Mais son absence rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun. L'émerveillement seul ne suffit pas, ou alors il faut intégrer au corpus tout thriller technologique (…) qui déclenche cette émotion particulière. La SF n'a pas le monopole du sense of wonder."

Ceci arrachera peut-être un sourire à ceux qui se souviennent du fil M, mais peu importe. Claude pose une chaîne logique qui cède à la première traction :
1) il fait comme s'il avait démontré l'impossibilité de définir par la quincaillerie alors que sa démonstration n'est qu'un jugement de valeur (il faudrait admettre la verroterie)
2) il place à cet endroit stratégique une charnière logique tellement nébuleuse qu'il est presque impossible de l'approuver ou de la réfuter, tout simplement parce qu'elle ne veut rien dire : "L'absence [de quincaillerie] rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun." Le "aucun" final ne paraît renvoyer à rien. J'ai beau relire, je suis incapable de répondre à la question "aucun quoi ?". Le plus logique est de supposer qu'il s'agit d'une faute, que Claude voulait écrire "aucune" (auquel cas le mot renvoie alors à la quincaillerie.) Mais même si tel est bien le cas, ce moment-clé du raisonnement me paraît extraordinairement obscur. En substance : "Définir par la quincaillerie n'est pas pertinent mais l'absence de quincaillerie rend impossible le classement dans la SF d'un texte sans quincaillerie."

Ce n'est pas du pinaillage, c'est le cœur même de la démonstration de Claude. Il n'en est qu'au début de son papier, il commence à exposer les raisons pour lesquelles il va falloir adopter à l'endroit de la SF une attitude quantique (apprendre à la considérer comme particule et onde). Il essaie donc de prouve que la définition "comme particule" ne suffit pas. Le problème, c'est qu'il ne le prouve pas. Cela obère à mes yeux toute la suite du texte.

Deuxième exemple de maillon faible : la conclusion (p. 143). Je n'entre pas dans les détails, je suis déjà trop long. Après avoir posé sa problématique puis retracé l'histoire de la définition, Claude généralise son approche et multiplie les analogies quantiques à la recherche de conséquences inattendues et peut-être révélatrices (par exemple : "On pourrait poursuivre longtemps ce jeu, en tentant de se pencher sur le principe d'exclusion de Pauli pour vérifier, au sein de cette littérature, la façon dont la SF repose sur le critère d'originalité (…) Ces analogies très ludiques pourraient se révéler porteuses de sens.")

Pourquoi pas ? Mais outre que le "jeu" paraît de plus en plus artificiel et forcé au fil des pages (même en tenant compte de la dimension ludique revendiquée par l'auteur), le "sens" espéré paraît soudain extrêmement ténu quand on vient à la conclusion :
– "De l'incompatibilité entre la mécanique quantique et la relativité générale découle le fait qu'il ne sert à rien de tenter de faire admettre la SF auprès des instances de légitimation (les deux se développent indépendamment l'une de l'autre).
– De même il est tout aussi vain d'inscrire la SF dans un système macrocosmique soumis à l'influence de la gravitation : les jeux et les enjeux ne sont pas les mêmes. La manière d'aborder l'œuvre n'est pas la même : cela est visible chez les auteurs passés d'une littérature à l'autre ou dans la façon dont est "vendu" au lecteur de littérature tout court un ouvrage relevant de la SF. Les tentatives éditoriales ou marketing de la SF allant dans ce sens ont, à ce jour, échoué. La starisation de l'auteur, invité régulier des plateaux télé, au sommaire de magazines grand public, sollicité pour donner son avis sur n'importe quelle question, n'est pas envisageable, sauf à s'extraire du système quantique pour se densifier en relativité générale". Ces deux littératures restent incompatibles entre elles comme les deux systèmes physiques dont elles relèvent…


Je ne reviens pas sur le fait que le raisonnement de Claude est faussé dès le début. Même en faisant semblant de croire qu'il se tient de bout en bout, que l'analogie fonctionne et produit des conséquences logiques qui, transposées dans le monde normal (où la SF n'est pas un objet quantique), peuvent donner du sens, voilà un gros effort conceptuel pour aboutir, en substance, à… la réaffirmation que SF et littérature générale ne peuvent pas se mélanger – c'est à dire à pas grand-chose. (Je remarque d'ailleurs que Claude, dont la culture scientifique est très supérieure à la mienne, fait une proposition risquée quand il écrit que "les deux [mécanique quantique et relativité générale – ie – SF et littérature générale] se développent indépendamment l'une de l'autre." Ah bon ? La cosmologie ne se sert jamais des résultats de la MQ, ni vice-versa ?) Un pas grand-chose qui se rétrécit encore car Claude oublie un fait élémentaire dans toute sa démonstration : il n'existe pas non plus de définition de la littérature. S'il avait pris en compte cette donnée, il aurait rangé SF et littgen dans le même domaine quantique et tout aurait été à refaire. Mais – et c'est sans doute la raison pour laquelle il saute si vite des prémisses aux conclusions aux moments-charnières de son papier – Claude a probablement un but dès le départ et ce but est précisément sa conclusion : prouver l'incompatibilité. Son papier est, quoi qu'il arrive, intéressant, mais il est surtout intéressé. Il ne déduit pas les conséquences logiques de son analogie de base : il déduit de son analogie une conclusion qu'il veut rétro-prouver par des conséquences pseudo-logiques.

J'aime beaucoup Claude et j'ai le plus grand respect pour lui alors, ma propre conclusion sera souriante : bien essayé.
Modifié en dernier par Lem le lun. janv. 24, 2011 1:47 pm, modifié 2 fois.

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Message par MF » lun. janv. 24, 2011 12:37 pm

Je crois qu'il faudrait créer un fil spécifique.
Un admin dans le coin ?
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Message par bormandg » lun. janv. 24, 2011 12:39 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :Si on démarre sur l' (excellent) article d'Ecken...
Eh bien, parlons-en, ce sera quand même plus intéressant.

Je l'ai lu, cet article, et il me laisse une impression mitigée.
.
Je n'ai pas lu l'article de Claude, c'est dommage, seulement ton argumentation, à laquelle, pour une fois, je souscris totalement. Sous réserve que la lecture du texte de Claude (qui me l'envoie, je n'achèterai pas CE Bifrost?) soit conforme, je suis d'accord avec toi.
Dois-je rappeler que j'en suis arrivé à considérer comme impossible de définir LA SF et à parler DES SFs, avec plusieurs découpages en objets qui se recoupent, mais en partant de bases de règles et de méthodes différentes ?
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Message par MF » lun. janv. 24, 2011 12:43 pm

bormandg a écrit :... je n'achèterai pas CE Bifrost
alors, ça, c'est bêta ; juste comme il est dit du bien de toi dedans...
pour l'article de C.E., il suffit d'attendre ; j'imagine qu'il sera mis en ligne dans 12 mois...
et tu ferais mieux de le lire avant de risquer de te mettre à proférer des énormités sur ce qu'il n'est pas... si tu n'as pas déjà commencé ci dessus...
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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » lun. janv. 24, 2011 1:00 pm

J'ai l'impression que le propos de Claude est que l'on ne peut définir la SF que par une analogie scientifique car c'est une littérature des sciences et donc l'analyse littéraire est inopérante. De mon point de vue ça ne tient pas. Que ce soit par la métaphore quantique ou autre chose, on se trouve devant un monstre du type de ceux dénoncés en leur temps par Sokal et Bricquemont.
"Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie – ce qui n'empêche pas d'en faire commerce avec les plus naïves franges de consommateurs, généralement enfants, qui peuvent aussi être grands."
On en arrive à un moment où l'on va rejeter des textes qui sont reconnus comme faisant parti du genre parce qu'ils sont seulement une collection d'objets. Dans la Sf les éléments de quincaillerie sont des actants aussi importants que les personnages. L'univers est un acteur qui finalement va avoir un rôle plus important que les personnages eux même, sans sa nature même et ses particularités ils n'existent pas. Donc des éléments thématiques vont exister à cause de certaines particularités figuratives.
La SF se définit par la relation des éléments de quincaillerie avec l'univers. A partir du moment où les éléments de quincaillerie se suffisent à eux même comme dans certains blockbusters hollywoodiens on aura une SF cana dry, vu que l'univers n'y joue aucun rôle.
J'ai l'impression de ne pas être très clair.
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Message par Erion » lun. janv. 24, 2011 1:21 pm

Fabien Lyraud a écrit : La SF se définit par la relation des éléments de quincaillerie avec l'univers. A partir du moment où les éléments de quincaillerie se suffisent à eux même comme dans certains blockbusters hollywoodiens on aura une SF cana dry, vu que l'univers n'y joue aucun rôle.
J'ai l'impression de ne pas être très clair.
Tu as lu le texte de Claude Ecken ?
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Message par Fabien Lyraud » lun. janv. 24, 2011 1:31 pm

Je réagit à la présentation qu'en fait Lem. Ce qui fait que je peux me tromper.
Dans cette phrase je donne ma définition de la SF. Claude Ecken fait semblant de reconnaître que l'objet, la quincaillerie ne peut définir la SF, dans la citation reprise par Lem. Or je réponds que la quincaillerie est nécessaire mais pas suffisante. Mais pas pour des raisons quantiques.
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Re: Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Message par Erion » lun. janv. 24, 2011 2:19 pm

Lem a écrit : 1) il fait comme s'il avait démontré l'impossibilité de définir par la quincaillerie alors que sa démonstration n'est qu'un jugement de valeur (il faudrait admettre la verroterie)
2) il place à cet endroit stratégique une charnière logique tellement nébuleuse qu'il est presque impossible de l'approuver ou de la réfuter, tout simplement parce qu'elle ne veut rien dire : "L'absence [de quincaillerie] rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun." Le "aucun" final ne paraît renvoyer à rien. J'ai beau relire, je suis incapable de répondre à la question "aucun quoi ?". Le plus logique est de supposer qu'il s'agit d'une faute, que Claude voulait écrire "aucune" (auquel cas le mot renvoie alors à la quincaillerie.) Mais même si tel est bien le cas, ce moment-clé du raisonnement me paraît extraordinairement obscur. En substance : "Définir par la quincaillerie n'est pas pertinent mais l'absence de quincaillerie rend impossible le classement dans la SF d'un texte sans quincaillerie."
C'est un poil plus élaboré que ton résumé. Ce que Claude rattache à la quincaillerie, c'est le "sense of wonder". En clair, le ravissement devant ces inventions (d'où le concept de "merveilleux scientifique"). Du coup, si on établit une définition de la SF à partir des seuls objets, on doit y mettre tous les récits pour lesquels ils ne sont que de la verroterie (les Harlequins, les "Ma prof est une extraterrestre"), c'est à dire sans cette volonté de créer du "sense of wonder" à partir des inventions technologiques.
Enfin, en l'absence d'élément de quincaillerie, il est tout aussi impossible de rattacher un texte à la SF parce que le "sense of wonder" n'est pas propre à la SF.

Du coup, on se retrouve avec la double assertion :
- Si y'a quincaillerie, ce n'est pas forcément de la SF ---> verroterie
- S'il n'y a pas quincaillerie et qu'il y a sense of wonder, ce n'est pas forcément de la SF (cas des thrillers technologiques, ou même de certains romans à la Tom Clancy par exemple)
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Re: Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Message par MF » lun. janv. 24, 2011 2:32 pm

Lem a écrit :– dès l'exposé de sa problématique ("la Sf comme particule", p. 117), Claude montre une tendance certaine à sauter directement des prémisses aux conclusions. Qu'est-ce que "la SF comme particule" selon lui ? "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache à ses thèmes et ses codes comme les robots, les images un peu jaunies du space opera, les histoires de voyages dans le temps" etc. Bref, c'est la SF comme inventaire, comme collection d'objets. Cette définition fonctionne-t-elle ? Claude répond : "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie – ce qui n'empêche pas d'en faire commerce avec les plus naïves franges de consommateurs, généralement enfants, qui peuvent aussi être grands."

On voit tout de suite le problème : à peine ébauchée la problématique de "la SF comme particule" (la difficulté de définir de cette manière), Claude introduit un jugement de valeur ("ça impose d'admettre la verroterie") qui n'a rien à voir. Il déduit d'une conséquence désagréable de son postulat (désagréable et surtout non prouvée : car il y a des tonnes de verroterie dans la SF qui sont bien… de la SF) l'inanité dudit postulat. C'est une faute de raisonnement qui se produit dès le début du papier et, à mon sens, entache toute la suite.
Alors, on va essayer de faire plus simple.
1 °) "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache aux lézards à gros seins."
2 °) "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un lézard à gros seins."
Où est le problème de raisonnement ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Eons » lun. janv. 24, 2011 2:46 pm

Question : la présentation de Lem est-elle plus ou moins longue que l'article de Claude ? :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par Fabien Lyraud » lun. janv. 24, 2011 2:59 pm

D'après ce que disent Erion et Lem, Claude explique de manière complexe une chose simple.
La quincaillerie est une condition nécessaire mais non suffisante.
Le sense of wonder est une condition nécessaire à la SF mais non suffisante.
Dit comme ça c'est tout de suite beaucoup plus simple.
Après définir les conditions suffisantes, là on doit avoir une réflexion plus intéressante. Allez chercher du coté de Charles Sanders Peirce et ses systèmes ternaires me paraît une piste plus prometteuse que la métaphore quantique.
Modifié en dernier par Fabien Lyraud le lun. janv. 24, 2011 3:10 pm, modifié 1 fois.
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Message par jlavadou » lun. janv. 24, 2011 3:06 pm

[Mode modo on] La discussion s'annonce intéressante, alors je prierais humblement ceux qui veulent intervenir de ne le faire qu'après avoir lu l'article en question, plutôt que réagir aux réactions sans connaître le texte original. Ceci pour éviter les malentendus, les digressions, les blagues, et que l'on tente, pour une fois, de constituer un fil majoritairement sérieux (oui, je sais, ce mot fait peur, mais on peut y arriver). Merci.

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Re: Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Message par Le_navire » lun. janv. 24, 2011 3:15 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :– dès l'exposé de sa problématique ("la Sf comme particule", p. 117), Claude montre une tendance certaine à sauter directement des prémisses aux conclusions. Qu'est-ce que "la SF comme particule" selon lui ? "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache à ses thèmes et ses codes comme les robots, les images un peu jaunies du space opera, les histoires de voyages dans le temps" etc. Bref, c'est la SF comme inventaire, comme collection d'objets. Cette définition fonctionne-t-elle ? Claude répond : "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie – ce qui n'empêche pas d'en faire commerce avec les plus naïves franges de consommateurs, généralement enfants, qui peuvent aussi être grands."

On voit tout de suite le problème : à peine ébauchée la problématique de "la SF comme particule" (la difficulté de définir de cette manière), Claude introduit un jugement de valeur ("ça impose d'admettre la verroterie") qui n'a rien à voir. Il déduit d'une conséquence désagréable de son postulat (désagréable et surtout non prouvée : car il y a des tonnes de verroterie dans la SF qui sont bien… de la SF) l'inanité dudit postulat. C'est une faute de raisonnement qui se produit dès le début du papier et, à mon sens, entache toute la suite.
Alors, on va essayer de faire plus simple.
1 °) "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache aux lézards à gros seins."
2 °) "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un lézard à gros seins."
Où est le problème de raisonnement ?
A lire Lem, c'est aussi la question que je me posais... (pas taper, Jérôme, pas taper...)
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Message par bormandg » lun. janv. 24, 2011 3:50 pm

jlavadou a écrit :[Mode modo on] La discussion s'annonce intéressante, alors je prierais humblement ceux qui veulent intervenir de ne le faire qu'après avoir lu l'article en question, plutôt que réagir aux réactions sans connaître le texte original. Ceci pour éviter les malentendus, les digressions, les blagues, et que l'on tente, pour une fois, de constituer un fil majoritairement sérieux (oui, je sais, ce mot fait peur, mais on peut y arriver). Merci.
Plus ou moins d'accord avec toi. Parce que, qu'une affirmation soit de Claude ou de Lem ou d'une tierce personne se référant à la présentation de l'article de Claude par Lem, si je vopis une affirmation qui me choque, je réagirai à ladite affirmation. J'ai l'impression que ma propore grille d'analyse, maintes fois répétée depuis le cable maudit, et néanmoins évolutive, est adaptée à cette discussion.
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Re: Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Message par Lem » lun. janv. 24, 2011 3:56 pm

Erion, le problème de ce passage certes plus consistant que le résumé que j'en donne, c'est qu'il glisse insensiblement d'un registre à un autre.

"La SF comme particule", c'est selon Claude la SF vue par les objets (robots, etc.) C'est le principe définitionnel qu'il examine avant de conclure à sa non-complétude.

A un moment de son analyse, il dit effectivement : "L'aspect émotionnel est souvent caractérisé par le sense of wonder". Mais c'est une formulation de basse intensité, presque une remarque latérale. "Souvent caractérisé", ça ne signifie pas "est toujours". A ce niveau de généralité, le sense of wonder ne peut pas être considéré (dans la démonstration de Claude) comme un marqueur systématique de la technomerveille ; il ne peut donc être utilisé comme système définitionnel. C'est comme si, cherchant à définir les pommes, je disais qu'elles sont "souvent rouges". De l'absence de rouge, je ne pourrais pas déduire l'absence de pommes. Soit la relation est fixe et caractéristique, soit elle ne l'est pas.

Sous ce rapport, le raisonnement de Claude se présente ainsi :

1) Il y a la Sf vue par les objets

2) ces objets produisent souvent un état émotionnel appelé sow

3) il existe des romans Harlequins et des comédies qui emploient les objets (remarque : y a-t-il du sense of wonder dans ces œuvres ? Peut-être. Peut-être pas. On ne sait pas puisque la relation n'est pas systématique).

4) On ne peut donc déduire de la présence des objets que l'œuvre est SF. (Remarque : le sense of wonder ne paraît jouer aucun rôle dans cette exclusion. Tel que Claude raisonne : les Harlequins et les comédies ne sont pas de la SF parce que ce sont… des Harlequins et des comédies. "De la verroterie." L'implicite du raisonnement, c'est : il y a des Harlequins et des comédies avec des objets SF donc les objets ne suffisent pas à définir la SF. L'exclusion n'est pas démontrée, elle est posée pour prouver que les objets ne sont pas définitionnels.

5) Arrive alors la phrase : "Définir un récit de SF par sa seule quincaillerie n'est pas pertinent [puisqu'il y a des Harlequins qui ont de la quincaillerie] mais son absence rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun."

Qu'aucun se rapporte à quincaillerie ou à sense of wonder, cette phrase reste obscure. Elle semble signifier deux choses à la fois :

a) On ne peut définir la SF par la quincaillerie mais son absence ne suffit pas à exclure un texte. (Ce qui est un truisme : si la quincaillerie n'est pas définitionnelle, son absence ou sa présence ne peuvent justifier aucune exclusion).

b) On ne peut définir la SF par la quincaillerie mais son absence empêche de classer parmi la SF les textes qui n'en comportent pas. (Autrement dit : la quincaillerie n'est pas suffisante mais elle est nécessaire.)

En attendant que Claude précise ce qu'il voulait dire, il est difficile d'aller plus loin. Le paragraphe immédiatement suivant reparle du sense of wonder mais cette fois, comme s'il était une production systématique de la quincaillerie :

– "L'émerveillement seul ne suffit pas ou alors il faut intégrer au corpus tout thriller techno etc."). D'un seul coup, toutes les pommes sont rouges (le rouge seul ne suffit pas ou alors, il faut appeler pommes tous les fruits rouges). Conclusion : la SF n'a pas le monopole du sow. (Tout ce qui est rouge n'est pas une pomme.)

La conclusion est donc très en contradiction avec les prémisses du raisonnement de Claude. On est passé de "la quincaillerie produit souvent le sow" (caractéristique mineure) à "la quincaillerie produit toujours le sow mais il y a de la quincaillerie et du sow hors de la SF (chez Harlequins, dans les technothrillers à la Clancy) donc, le sow n'est pas un privilège de la SF. Donc la quincaillerie non plus.

Que veut démontrer Claude ? Que la SF n'est pas réductible à une collection d'objets (quincaillerie) ? Qu'elle n'est pas la seule à produire du sense of wonder ? Est-ce la même chose ? MF a son opinion :
MF a écrit :1 °) "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache aux lézards à gros seins." [la quincaillerie]
2 °) "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un lézard à gros seins."
Où est le problème de raisonnement ?

Le problème est dans le point 3 que tu ne reconstitues pas mais qui conclut cette partie du raisonnement de Claude : "S'il faut ranger dans le corpus tout ce qui comporte un LAGS, les LAGS en sont pas une définition pertinente puisqu'il y en a aussi dans Harlequin". Comme je l'ai dit dans mon post de départ, Claude saute directement à la conclusion. La non-appartenance de Harlequin et de Clancy n'est pas déduite de ses prémisses ; elle est posée. Dans ce papier, il va de soi que Harlequin et Clancy ne peuvent être de la SF et c'est cette évidence qui "prouve" l'impossibilité de définir par les objets.

Or… ce qui est tenu pour évident, dans ce cas, c'est précisément ce qu'il faut démontrer. Pourquoi Harlequin et Clancy ne sont-ils pas de la SF ? On encore : Harlequin et Clancy ne sont-ils jamais de la SF ? Sur le fil M, je me souviens qu'Erion défendait mordicus l'appartenance de la Soupe aux choux. Ce film est-il de la SF ? On ne peut pas à la fois dire qu'il n'existe pas de définition fiable de la SF et se comporter dans son raisonnement pour en trouver une comme si on en avait déjà une, qui permette de trier les œuvres à coup sûr. Parce que dans ces cas-là, la seule conclusion à laquelle on peut parvenir, c'est son point de départ.

C'est en ce sens que, selon moi, Claude saute des prémisses aux conclusions.
Modifié en dernier par Lem le lun. janv. 24, 2011 4:09 pm, modifié 1 fois.

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