Gérard Klein a écrit :
Le problème est: qu'est-ce qui se passe si sur les liseuses déferlent cinq cent mille ou sept cent mille quasi-gratuits, et à mon avis plusieurs millions de titres si l'on y ajoute le dp. Les liseuses servent à lire du gratuit. Alors où est le marché pour les glorieux créateurs de nouveautés évidemment géniales?
J'estime, sans avoir revu récemment mon estimation, qu'il paraît sur le marché français 70 000 titres nouveaux par an dont seuls 10 000 au mieux trouveront un public raisonnable et un possible équilibre financier.
Vous balancez d'un coup ou même sur plusieurs années dix fois plus et qu'est-ce qui arrive? Vous avez quatre heures pour répondre.
Il arrive ce qui est arrivé à la musique et au cinéma, par la grâce de Youtube, des nouvelles générations ont accès à des oeuvres qui jadis étaient inaccessibles et acquièrent une connaissance plus large.
Si le piratage existe, c'est aussi parce que les éditeurs/maisons de disque/studios ne sont pas en mesure de mettre à disposition tout le catalogue qu'ils possèdent.
C'est une question de chronologie.
La Grande Anthologie de la SF n'est plus disponible, il n'existe aucune version numérique. Il ne reste que le marché de l'occasion. Pourquoi acheter un livre d'occasion défraîchi quand on peut l'avoir sur une liseuse ?
L'argument que la réédition papier n'est pas rentable ne tient plus à l'ère numérique. Les lecteurs ne semblent pas prêts à payer le prix actuel des éditions papier pour des "vieilleries". On peut le comprendre. Mais ils ne sont pas prêts non plus à payer le prix fort du numérique tel que pratiqué par la grande majorité des éditeurs français.
Quand la responsable numérique de Robert Laffont, interrogée par Capital, se voit demander pourquoi le prix du numérique est supérieur au poche, elle en bafouille comme un certain président quand on lui parle du Fouquet's.
Faut pas s'étonner après. Tant que l'offre légale des éditeurs ne sera pas abondante et facile d'accès (et pas bourrée de coquilles aussi, et pour l'avoir constaté sur des fichiers payants, ces coquilles ne sont pas orthographique mais typographiques et peuvent se résoudre avec un traitement automatique, sans aucune intervention humaine), l'offre pirate pullulera. Ils sont plus rapides, plus compétents, et n'ont pas mis en place une usine à gaz pour dissuader l'acheteur comme c'est le cas pour les plateformes de vente des éditeurs français.
L'abondance ne nuit pas. En revanche, cette abondance implique un travail accru des éditeurs et de toute la chaîne du livre pour offrir des services aux lecteurs, pour le guider, l'orienter. Aucun acteur sur le marché à part Amazon peut-être n'y a vraiment pensé, ou n'a trouvé de solution pertinente.
Pourtant, c'est précisément dans le domaine de compétence des éditeurs, c'est là où ils sont fort, dans la gestion de leur catalogue, pas dans le fait de freiner des quatre fers en espérant un miracle.