120 journées - Jérôme Noirez

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marie.m
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120 journées - Jérôme Noirez

Message par marie.m » lun. oct. 01, 2012 7:31 am

Un papier dans 20 Minutes

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Goldeneyes
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Message par Goldeneyes » dim. nov. 11, 2012 5:23 pm

On doit à Jérôme Noirez, jeune écrivain français, une production littéraire déjà conséquente qui s’impose par son univers intrinsèque, sa couleur particulière, et sa qualité poétique. Aussi à l’aise dans la littérature jeunesse (son dernier roman : Robin des bois, offre une relecture tout à fait personnelle du mythe), dans la fantasy crasse et cruelle (Féérie pour les ténèbres, tout récemment réédité et augmenté), que dans le fantastique du plus bel acabit (son recueil Diapason des mots et des misères, couronné du Grand prix de l’imaginaire 2010), l’auteur s’attaque avec 120 journées, son dernier roman, à un nouveau versant : celui de la littérature générale.

Et le pari et parti-pris narratif de départ est plutôt ambitieux : reprendre la structure formelle des 120 journées de Sodome d’un certain marquis de SADE (l’un de ses textes les plus sulfureux et les plus abjects, davantage connu du public par l’adaptation cinématographique magistrale qu’en a tiré le cinéaste italien Pasolini – pour public très averti) pour en établir le canevas de son roman, avec 120 journées se déclinant en autant de chapitres. Première gageure que vient seconder une autre : transposer le thème oh combien délicat de l’œuvre originelle (la séquestration et la torture de jeunes adolescents) dans une réalité actuelle. Dès lors, difficile de ne pas mettre en comparaison les deux œuvres. Si pour SADE, Les 120 journées de Sodome – composé fiévreusement lors de son incarcération à la prison de la Bastille en 1875 – peut être considéré comme une forme d’exutoire viscéral, impulsif, maladif, qui atteint des sommets émétiques dans la mise en scène de l’abjection humaine, de sa débauche et de sa perversion sexuelles, de son ignominie misanthropique, le tout tracé en lignes droites et serrées par une prose mécanique et froide, cuivrée dans une métrique clinique et symétrique, l’objectif de Jérôme NOIREZ est différent : cette relecture de l’œuvre originelle lui permet de s’attaquer à l’un de ses thèmes de prédilection, celui que l’on peut considérer comme le noyau vibrant de son œuvre : la thématique de l’enfance et de sa relation au monde (le monde réel, le monde des adultes, le monde scolaire)…

Le cadre, la situation, et la forme de 120 journées empruntent donc à SADE : NOIREZ nous rapporte le récit de huit collégiens (quatre filles et quatre garçons), âgés de douze à quinze ans, qui se voient arrachés à leur quotidien pour être jetés à Silling (référence directe au château des 120 journées de Sodome où se déroule l’action du roman sadien), sorte de bunker, cloître de terre, de briques et de poussière, labyrinthe tortueux de couloirs de béton et de salles au plafond écaillé qui cultive des allures de prison et de pensionnat. Leurs ravisseurs : une bande d’adultes dont les motifs et les desseins restent obscurs. L’un d’entre eux est un ancien criminel condamné pour pédophilie, une autre aurait tué sa propre fille… Si NOIREZ s’était arrêté à ce récit calfeutré, il est fort à parier que son roman se serait rapidement engagé sur le chemin de son illustre prédécesseur et inspirateur, se refermant sur lui-même, si l’on peut dire. Mais ce qui vient tempérer l’âpreté et le caractère dérangeant du sujet – et lui confère une toute autre dimension – c’est la mise en parallèle d’un second récit : celui, à la première personne, de Duclos, ancien animateur radio, père d’une petite Ninon, neuf ans, qu’il élève seul. Engagé par de mystérieux commanditaires (qui se révèlent rapidement être les kidnappeurs de Silling), Duclos doit, tous les dix jours, se glisser dans la peau du conteur qu’il incarnait autrefois pour livrer à un auditoire hypothétique des histoires sombres, cruelles, grinçantes, toutes frappées au coin d’une imagination véloce. Activité à laquelle il se plie moyennant finance et sans jamais chercher à en percer l’objectif. Le roman offre dès lors deux voies ou voix concomitantes : celle, angoissante, oppressante, parfois terrible, des huit enfants prisonniers livrés aux jeux pervers de leurs tortionnaires, et celle, éminemment plus humaine et personnelle, de Duclos et de sa fille aimée. C’est cette relation d’opposition entre un intérieur nauséeux, emmuré, embourbé dans une obscurité étouffante où se déploient les tentacules visqueux de l’adulte happant l’innocence de l’enfance (Silling) et un extérieur pétri d’amour et de tendresse, de complicité (le quotidien de Duclos et sa fille) qui découvre la beauté, l’intérêt, l’attraction, la dynamique, et finalement la réussite de ces 120 journées. Car la thèse sous-tendue par Jérôme NOIREZ est loin d’être si simple qu’elle n’y paraît. Ce qui continue de le hanter, en tant qu’écrivain, c’est cette figure obsessionnelle de l’enfance, associée aux rêves, à l’imagination, à l’innocence, à une forme de virginité (intellectuelle, physique, émotionnelle…), et, au-delà, ce qui la contamine pour la tirer douloureusement vers la maturité empesée de l’adulte, vers la perte d’un état, d’une identité, d’une compréhension subjective et empirique du monde. 120 journées se centre plus exclusivement sur cette période charnière, l’adolescence, sensée figurer un pont entre l’avant et l’après adulte. Quels moyens la conduisent ? Quels stimuli la nourrissent ? NOIREZ n’affirme rien. Il se contente de livrer des pistes : un terrain héréditaire et génétique (la filiation), une transition physiologique (la nature), et puis, bien sûr, un environnement social – scolaire – et familial – le rapport parent / enfant – (le conditionnement). Il met aussi en exergue les barrières poreuses et malléables de cette période que les adultes s’empressent de geler dans un écrin inamovible, fixité que certains réfractaires contredisent par leur comportement : il existe des adultes éternels adolescents, ou éternels grands enfants. A contrario, certains enfants marqués précocement par la vie profitent d’une vision du monde étonnamment mature et lucide. Les barrières sont lâches et imprécises. Elles délimitent moins un état transitoire qu’un état d’esprit, ou qu’un état d’être.

De tous les romans de l’auteur francophone publiés jusqu’alors, 120 journées est incontestablement celui où Jérôme NOIREZ se dévoile le plus. Si le récit consacré au calvaire des huit enfants de Silling s’inscrit dans la parfaite continuité de l’imaginaire personnel qu’il déploie au fil de ses romans et nouvelles (atmosphère dérangeante oscillant entre horreur et grotesquerie, réalité déformée par un prisme carrollien : impossible de ne pas rapprocher le personnage de Blangis terré dans son terrier au lapin d’Alice au pays des merveilles…), le récit de Duclos, lui, lorgne davantage sur un pendant autobiographique. On sent du vécu, du vrai, de l’authentique injecté dans la matière de cette relation attendrissante qui lie Duclos à sa fille Ninon. Et sur la longueur, 120 journées finit par perdre en épouvante ce qu’il gagne en chaleur, en humanité, car à partir de son deuxième tiers, le récit de Duclos prend nettement l’ascendant sur celui de Silling. Pourtant, chez Duclos, la nécessité de raconter des histoires persiste. Lorsque ce n’est pas à d’invisibles pensionnaires de Silling, c’est à sa fille. Les histoires sont les sentinelles vigilantes de l’enfance. Elles la circonscrivent et la protègent, la préservent et l’entretiennent comme la combustion nourrit le feu. Car les histoires véhiculent le rêve. Et le rêve, c’est le garant de l’enfance éternelle.

Pour un premier roman estampillé « littérature générale », Jérôme NOIREZ, avec 120 journées, relève haut-la-main le pari de départ qu’un tel sujet et parti-pris imposaient, et démontre une fois de plus toute l’étendue de son talent. S’il ne ménage pas au lecteur quelques scènes d’une dureté rare, si les cent premières pages sont toute imprégnées de cette ambiance poisseuse et étouffante propre au récit de claustration (digne héritage des 120 journées de Sodome), le regard si juste et si pertinent qu’il porte sur cette zone interstitielle qu’est l’adolescence, ce cri d’amour qu’il lance à l’enfance, constituent à eux-seuls de véritables enjeux de lecture.

120 journées conforte Jérôme NOIREZ dans sa place d’auteur français actuel qu’il faut avoir lu.

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Nébal
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Message par Nébal » dim. nov. 11, 2012 6:16 pm


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Jacques Ah !
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Message par Jacques Ah ! » lun. nov. 12, 2012 4:00 pm

Je viens de lir Salammbô et je m'attaque à "Les raisins de la colère" de John Steinbeck ; ludwing ; :wink:
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Patrice
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Message par Patrice » lun. nov. 12, 2012 4:04 pm

Salut,

Y a-t-il un rapport avec le roman de Jérôme Noirez???

A+

Patrice

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Message par Lensman » lun. nov. 12, 2012 6:22 pm

Patrice a écrit :Salut,

Y a-t-il un rapport avec le roman de Jérôme Noirez???

A+

Patrice
As tu vu de qui est le message ???

Oncle Joe

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Jacques Ah !
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Message par Jacques Ah ! » mar. nov. 13, 2012 10:15 am

Bien, on est dans le coin des dernières lectures et je ne vais pas ouvrir un sujet pour chaque livre que je lis. Je ne vois pas de sujet sur "Destination Univers" de Jeanne A Debats et JC Dunyach, est-ce normal ou ai-je mal regardé ?

Je n'ai lu que quelques nouvelles de Jérome Noirez dont je n'ai pas retenu grand chose, par contre, il faut reconnaître qu'il s'agite et publie assez régulièrement ; ludwing ; :?
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Message par MF » mar. nov. 13, 2012 10:28 am

Bien, on est dans le coin des dernières lectures et je ne vais pas ouvrir un sujet pour chaque livre que je lis. Je ne vois pas de sujet sur "Destination Univers" de Jeanne A Debats et JC Dunyach, est-ce normal ou ai-je mal regardé ?
on va tenter de communiquer

1, 2, 1, 2...

Ground control to Major Tom
... pardon, je m'égare

Allo, Jacques, ici la terre.


Pour trouver de manière assez simple un sujet, il suffit de passer par la fonction "rechercher" du forum (en haut, au milieu, entre "FAQ" et "Membres")

et là, habilement, dans le champ "recherche par mot-clés" de saisir "destination" et "univers", de ne pas oublier de cocher le sélecteur "chercher tous les termes" et de cliquer sur le bouton rechercher

oh, joie, apparaît une liste de sujet, dont le 4ème s'intitule "antho Destination Univers de J.-A Debats & J.-C. Dunyach" qui n'est peut-être pas complètement sans rapport avec ton envie d'exprimer ton ressenti à la lecture de cette antho

Fin de communication
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Patrice
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Message par Patrice » mar. nov. 13, 2012 2:15 pm

Salut,
Jacques Ah ! a écrit :Bien, on est dans le coin des dernières lectures et je ne vais pas ouvrir un sujet pour chaque livre que je lis. Je ne vois pas de sujet sur "Destination Univers" de Jeanne A Debats et JC Dunyach, est-ce normal ou ai-je mal regardé ?

Je n'ai lu que quelques nouvelles de Jérome Noirez dont je n'ai pas retenu grand chose, par contre, il faut reconnaître qu'il s'agite et publie assez régulièrement ; ludwing ; :?
Et quand bien même? Dans ce cas on ouvre un nouveau sujet, et on ne va pas balancer n'importe quoi dans n'importe quoi...

A+

Patrice

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Message par Jacques Ah ! » mer. nov. 14, 2012 9:23 am

S'cusez, mais merci pour la procédure... ludwing ;
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marie.m
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Message par marie.m » lun. nov. 19, 2012 8:41 am


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