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par Gérard Klein » lun. déc. 31, 2012 8:21 pm
Bien qu’il témoigne souvent d’une certaine insécurité psychologique, tantôt feinte ( afin d’attirer par une manipulation l’attention sur lui et même la sollicitude, et le clinicien averti ne s’en laissera pas conter), parfois réelle (et le même clinicien y portera attention), le sujet étudié, comme ses semblables, a tendance à se croire le centre du monde et le référent absolu. Une de ses formules favorites est: « je sais… ». Il en résulte que ses jugements notamment littéraires sont catégoriques, abrupts, tranchés, à l’emporte-pièce, et qu’ils procèdent d’une dichotomie sans nuances entre l’admiration sans borne et le rejet sans appel qui se traduit dans les termes scatologiques précités. Il peut difficilement imaginer qu’on juge autrement, s’attend à ce qu’on tienne son opinion pour vérité révélée, que tout le monde s’y range. Son plaisir ou son déplaisir doivent faire loi, et au moyen de ce critère sans fondement, il établit une hiérarchie toute personnelle mais qu’il décrète comme immarcescible entre des œuvres qui, bien souvent, n’ont rien à voir entre elles.
Il espère, sans doute sincèrement, de la sorte prévenir ses lecteurs contre ce qu’il estime de possibles et gravissimes erreurs et en attend une reconnaissance éperdue puisqu’il pense leur avoir rendu le service d’éviter d’avoir à penser autrement que lui. Quoi ! Ils auraient pu perdre leur temps à lire une « bouse » (sic) ou inversement, ils auraient pu perdre leur vie en ignorant plus longtemps les fruits du génie (selon lui).
Considérons deux exemples à travers ses productions.
Le sujet a lu ou dit avoir lu de Kurt Steiner Aux armes d’Ortog et Ortog et les ténèbres. Bien qu’il accepte de les dater, comme à regret, il ne tient aucun compte de leur environnement et des conditions objectives (dirait un marxiste stalinien) et économiques (dirait plutôt un marxien) de leur production. Il les condamne sans autre procès, ce qui est caractéristique de l’immature, et exécute en particulier Ortog et les ténèbres. Il ne se pose pas un instant la question de savoir dans quel contexte (pour mémoire, la collection Anticipation du Fleuve Noir) ces œuvres ont été écrites et publiées ni pourquoi elles ont pu être appréciées en leur temps et le sont peut-être encore aujourd’hui par certains dont la sureté du jugement, l’étendue de la culture, la pertinence des propos, comme celles de l’Oncle (et puis-je le préciser, les miennes aussi), font l’admiration des élites universitaires comme celle des foules. L’idée que ces œuvres ont pu représenter, dans un milieu et à un moment bien précis, une innovation notable ne l’effleure même pas. Il aurait par exemple pu relever que les deux textes publiés respectivement en 1960 et 1969 préfiguraient la vague et la vogue de la fantasy. Il ne tient aucun compte du fait que cet auteur (et d’autres dont par exemple Stefan Wul et Gilles d’Argyre pour son Sceptre du hasard) savait parfaitement pour quelle collection et pour quel public ils écrivaient des romans dont ils ne s’exagéraient nullement la portée mais dans lesquels ils s’efforçaient de concilier la nécessité alimentaire et le souci d’une sincérité certaine et d’une certaine qualité. Le sujet manque également de situer, même rapidement, le texte dans une œuvre riche et variée, s’agissant de Kurt Ruellan et d’André Steiner (sans négliger Kurt Wargar (quelque peu dispensable selon le vocabulaire du sujet) ni Kurt Dupont), ce qui l’éclaire.
(à suivre)
Mon immortalité est provisoire.