montag a écrit :Réponse à Systar à propos de "personnage du Prophète"
Voilà une lecture très intéressante de GJ. En la reliant à celle d'Artefact et à ma subjectivité non religieuse, je dirais que la révélation que met à jour Dantec dans son nouveau roman est celle de l'homme à lui-même, vers une annonce de lui même en temps que messie. Pour reprendre la "trinité" de mon précédent post, l'homme contient cette trinité hypostatique : l'initié-le prophète-le messie, la partie prophète révélant à l'initié qu'il peut devenir le messie. Le roman devient "l'objet transitionnel" de ce processus permanent qui fait de l'être humain ce qu'il est, un processus qui n'est plus dialectique (manichéisme) mais triangulaire, trinitaire. Pour moi, le messie est la figure de l'homme accompli, de l'homme complet, qui seul perçoit la réalité comme étant Dieu, c'est à dire comme ce qu'elle est : une titanesque narration, dont nous sommes les personnages mais aussi les narrateurs. Que ce soient Jésus ou Link de Nova, la figure du messie nous invite à devenir plus qu'à suivre.
Montag
Là, il faut réagir également, mais ça va être difficile, chacune de tes phrases appelant des commentaires approfondis.
- La révélation de l'homme à lui-même: si l'on reprend la scansion des trois processus fondamentaux chez Rosenzweig (tu en es familier, puisque tu as dû lire mon texte "par la voix de Jean-Baptiste" (Grande Jonction 4)), soit Création (mise en relation de Dieu et du monde) - Révélation (mise en relation de Dieu et de l'homme) - Rédemption (mise en relation de l'homme et du monde), on s'aperçoit qu'il restait à Dantec à traiter cette dernière. A priori, la révélation de l'homme à lui-même signifie qqch de l'ordre du "messianique" au sens d'une inscription de l'homme dans un temps radicalement nouveau, temps de la consolation, et temps vainqueur de la mort. Sans doute une révélation de l'homme à lui-même a-t-elle qqch à voir avec cet avènement du temps messianique qu'un penseur soucieux de la jonction judaïsme/christianisme comme Rosenzweig avait décrit.
- la trinité hypostatique initié-prophète-messie: notons l'origine grecque, là encore, du concept d'hypostase, qui grosso modo veut dire: réalité fondamentale/fondative, soubassement de l'être (avant qu'avec Kant, l'hypostase devienne la façon indue de la pensée de faire d'un concept une réalité existante). Ajoutons, pour créer un écho à ce que tu expliques, que tout chrétien, une fois baptisé, est habilité à porter les trois titres de "prêtre, prophète et roi", l'ensemble ne devant pas être interprété comme la matrice d'une théocratie, mais bien comme ce qui permet, une fois encore, la structuration messianique (consolée, rédimée, pardonnée, sanctifiée) de l'existence humaine.
- sur l'essence narrative de la réalité: il y a une profondeur vertigineuse dans cette idée. Je l'avais évoquée dans un post chez moi (Esquisses d'une phénoménologie de la vie universitaire) en me demandant si toute ontologie n'était pas d'abord un récit, une histoire, et si en lisant de la philo, on n'était pas d'abord invité à lire des gigantomachies entre concepts, processus, fonctions, etc.
- devenir plus que suivre: où l'on retrouve l'héritage deleuzien de Dantec, où priment les devenirs...