L'exception culturelle française en SF

Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Avatar du membre
Byrautor
Messages : 77
Enregistré le : sam. janv. 13, 2007 10:44 am
Localisation : IdF
Contact :

L'exception culturelle française en SF

Message par Byrautor » ven. août 31, 2007 2:03 pm

Considérations sur l'exception culturelle de la littérature de SF en France

Pendant que les aficionados de la Science-Fiction « française » (dont je suis bien volontiers) polémiquent autour des droits de l’auteur à considérer sa prose comme « intouchable », les imprimeurs de livres (*), l’édition SF en France, ne publient pratiquement que des auteurs étrangers. Hors de toute xénophobie rétrograde, on peut s’interroger sur le devenir de la littérature française, en dehors du naturel support populaire nécessaire à une langue régionale. (pour ma part, le Marchois !)

Sur les 26 publications du dernier relevé de Patrick (INDI59@aol.com) sorti dans la liste des dernières parutions NooSFere, deux en français ne sont pas des romans. La plupart des 24 restantes sont des romans écrits en anglais-américain et traduits. En dehors des possibilités des traducteurs et de la double compétence littéraire qu’il leur faut posséder et que je leur souhaite, on peut se demander si la langue française a encore vocation à la fiction, ainsi nos éditeurs "français" pratiquent-ils l'exception culturelle inversée.
Peut être n'ont-ils pas d'autres choix pour vivre !

Pour les ouvrages techniques, il est pratiquement indispensable d'écrire en anglais « international » (même mauvais, sa re-traduction est plus facile ; vive la technique !).
J’aurais manifestement dû faire ainsi pour mes derniers bouquins sur les réseaux (1995-1997) dont la diffusion a été limitée aux pays francophones.
" HEUREUSEMENT " qu’aujourd’hui, le diplôme d’ingénieur n’est décerné qu’aux élèves parlant suffisamment l’anglais. La plupart d’entre-eux écrivent et parlent probablement en anglais dans leur profession.

Gérard Bouyer, d’un autre siècle.

Nota (*) Je tire mon chapeau, hélas c’est tout ce que je peux faire, aux quelques éditeurs "résistants" qui se heurtent aux mammouths de la diffusion de masse.
http://www.vegafed.com
L'Espoir est le soleil de l'Esprit

Avatar du membre
Jean
Messages : 546
Enregistré le : dim. janv. 22, 2006 4:57 pm
Localisation : Yvelines
Contact :

Message par Jean » ven. août 31, 2007 6:32 pm

D'abord, pour ma part, je tiens à préciser que, tant que le livre que je lis est en français, son origine n'est que de peu d'importance - ni chauvinisme, ni snobisme outratlanticien.

Je voudrais revenir sur la fin de ton intervention.
En effet je suis clairement classé par mon activité professionnelle dans les ingénieurs parlant et écrivant en anglais dans leur travail.

Mais par contre - ou à cause de cela - je n'imagine même pas de lire pour le plaisir un texte en anglais. Ni même d'aller voir un film en VO (sous-titré ou pas). Ma vie privée est bien séparée de mon travail, au moins sur ce point.

Donc, parler et écrire anglais ne fait pas forcément de nous des lecteurs anglophiles. D'autant plus que, comme tu le notes, le "globbish" que l'on utilise internationalement pour se comprendre est fort loin de l'anglais académique.
C'est moins grave que si c'était pire ! (S.A.)

tj
Messages : 171
Enregistré le : mer. juin 20, 2007 1:56 pm

Message par tj » ven. août 31, 2007 8:10 pm

Donc, parler et écrire anglais ne fait pas forcément de nous des lecteurs anglophiles
Tout à fait d'accord .
Un bémol : je ne suis pas d'accord "
" HEUREUSEMENT " qu’aujourd’hui, le diplôme d’ingénieur n’est décerné qu’aux élèves parlant suffisamment l’anglais" .

ce n'est pas vrai : la plupart sont très mal à l'aise dès qu'il s'agit de s'exprimer ou de s'insérer dans des conversations en anglais :mauvaise saisie des contextes , complexes pour s'exprimer en public .
La plupart du temps, le vocabulaire maitrisé est très pauvre ( tu es gentil en parlant de globish) , et la personne en question se focalise sur la maitrise grammaticale de sa propre expression au lieu de se focaliser sur le contexte et le sens des propos de leur interlocuteurs . Bref , c'est une maîtrise relative d'un anglais essentiellement technique , donc pauvre .
La plupart d’entre-eux écrivent
: oui
et parlent probablement en anglais dans leur profession
: non, ou souvent très mal .

Avatar du membre
Byrautor
Messages : 77
Enregistré le : sam. janv. 13, 2007 10:44 am
Localisation : IdF
Contact :

Observations

Message par Byrautor » ven. août 31, 2007 8:47 pm

Tj , tu remarques que j'ai mis -heureusement- entre parenthéses. :?
Pour l'obligation de connaître l'anglais et de passer des tests standards dont je ne me souviens plus des noms c'est bien exact !

Donc, parler et écrire anglais ne fait pas forcément de nous des lecteurs anglophiles
Voire ? Il y a probablement un lien positif ou négatif qui se créé à ce niveau. La langue est un outil puis devient autre chose. Elle supporte des abstractions profondes qui modifient nos façons de penser, de réfléchir. Il y a un parallèle en musique, mais je stoppe ici.
http://www.vegafed.com
L'Espoir est le soleil de l'Esprit

Avatar du membre
Jean
Messages : 546
Enregistré le : dim. janv. 22, 2006 4:57 pm
Localisation : Yvelines
Contact :

Re: Observations

Message par Jean » ven. août 31, 2007 8:54 pm

Byrautor a écrit :
Donc, parler et écrire anglais ne fait pas forcément de nous des lecteurs anglophiles
Voire ? Il y a probablement un lien positif ou négatif qui se créé à ce niveau.
Pour moi, c'est franchement négatif...
Je n'utilise l'anglais que contraint et forcé (et si je suis payé pour le faire). Hélas, je suis effectivement payé pour ça... :evil:

Il y a une exception notable : le Rock ! Car là, il faut le dire, ben ils cartonnent quand même très fort.
C'est moins grave que si c'était pire ! (S.A.)

PierrePaul
Messages : 260
Enregistré le : ven. févr. 10, 2006 3:19 am
Localisation : Sol-3

Message par PierrePaul » ven. août 31, 2007 9:12 pm

Je crois que ce phénomène a deux causes principales, d'ailleurs étroitement liées.

1. Les lecteurs, dans leur majorité, se méfient de la SF française.

2. Comme, de ce fait, la SF française se vend moins, les éditeurs sont amenés à en publier moins -- ce qui, évidemment, renforce la méfiance des lecteurs.

Il faudrait développer longuement les raisons de cette méfiance, mais elle est ancienne. (Cf. le Courrier des lecteurs de Fiction dans les années 50-60-70... tout du long, en fait.)

Disons que, suite à certains accidents historiques (Serge Lehmann a montré l'importance de la Première Guerre mondiale; et la Seconde guerre mondiale a tué dans l'oeuf le projet d'une première revue spécialisée en français, et tué Régis Messac, qui aurait pu être une sorte de passeur providentiel) et à la prévalence d'un esprit catholique, qui a longtemps été, voire est encore, plutôt opposé à l'esprit scientifique contrairement à son homologue protestant ou anglican qui prévaud dans les pays anglosaxons, la SFF qui était en voie de constitution a disparu des radars (encore à inventer) vers la fin du premier quart du 20ème siècle. Lorsqu'elle est réapparue, ç'a été comme une importation anglosaxonne vers 1950. (On pourrait établir un parallèle, incidemment, entre le statut du jazz français et celui de la SF française.) Dès lors, les tentatives autochtones sont apparues comme relevant de l'imitation ou du suivisme.

Mais peu à peu, une véritable nouvelle école de SFF s'est créée, dans la douleur, qui aurait pu porter ses fruits. Après tout, des gens comme Klein, Demuth, Wul, Carsac et d'autres n'avaient rien à envier à leurs confrères d'outre-Manche et -Atlantique, et dans certains cas ils se sont très bien vendus.

Survient un nouvel accident historique: mai 1968. De nouvelles problématiques, plus politiques, surgissent, que personnellement je trouve fécondes, mais qui vont rapidement lasser les lecteurs (le même phénomène se produira à peu près en même temps dans les pays anglosaxons avec l'irruption de la New Wave, et avec des résultats similaires). La SFF se politise donc, mais, en outre, elle se "dickiennise": Jeury, Douay, d'autres. Ces phénomènes, qu'on les apprécie ou non d'un point de vue littéraire, n'auraient guère d'incidence... si le domaine était plus vaste. Mais quand on a cinq ou six collections et que trois ou quatre directeurs littéraires s'entichent d'une mode, on a vite l'impression que TOUT ce qui se publie en SFF est de la même eau -- même si ce n'est pas vrai. Les deux courants précités se combinent et culminent à partir de 1977, plutôt mal, pour moi, avec les collections Kesselring et Encre. Là encore, ces productions ne représentent pas la majorité de ce qui se publie, mais on en parle beaucoup, ce qui donne de nouveau l'impression qu'il n'y a que ça.

En réaction, de nouveaux auteurs apparaissent, qui cherchent à redonner ses lettres de noblesse au genre par le style: c'est le néo-formalisme des Jouanne, Lecigne et autres Martinange. Une fois de plus, les éditeurs soit tombent dans le panneau, soit adhèrent par conviction, soit emboîtent le pas à la mode, et les lecteurs ne suivent pas, ou peu, d'autant qu'ils ont l'impression, renforcée par le petit monde de la SFF, qu'il n'y a que ça. (Si vous commencez à voir là une sorte de cercle infernal, vous avez sans doute raison.)

Bref, on pourrait multiplier les exemples, et, aujourd'hui, pointer du doigt la prévalence du steampunk dans ce qui se publie de français.

La SFF, donc, à mon sens, rate souvent son rendez-vous avec son public parce qu'elle paraît -- et soyons honnêtes: parce que, parfois, elle est -- univoque.

Mais surtout, ce que tous ces courants successifs ont en commun, c'est leur peu d'empressement à inventer le futur. Gérard Klein a analysé plusieurs fois, et avec beaucoup de pertinence, les motifs sous-jacents de cette désaffection, motifs qui ne sont d'ailleurs pas exclusifs à la SFF, mais participent d'un mouvement plus général. Le résultat, c'est qu'une grande partie du lectorat, qui cherche dans la SF un dépaysement, ne le trouve pas dans la SF française. Il ne la lit donc pas. Et si une collection comme "Ailleurs & Demain" peine autant à trouver des romans français, c'est peut-être tout simplement parce que nos auteurs tendent à travailler sur le presqu'Ici et le juste-après Maintenant.

Bien sûr, il y a des exceptions.

Bien sûr, il suffit de quelques éditeurs volontaristes pour infléchir la tendance.

Mais il y a longtemps que le pli est pris, et il ne faudra pas s'attendre à des miracles bien vite.

D'ailleurs, les miracles, c'est du ressort de la fantasy. ;)

Avatar du membre
Nébal
Messages : 4266
Enregistré le : ven. mai 04, 2007 5:45 pm
Localisation : Paris
Contact :

Message par Nébal » ven. août 31, 2007 9:27 pm

Très intéressant, tout ça !

A mon niveau de jeune couillon de lecteur d'une inculture crasse, je ne peux que témoigner du fait que je me suis longtemps méfié de la SF française. D'où un retard énorme, que je suis à l'heure actuelle en train d'essayer de combler parce que, oui, il y a de très bonnes choses ici tout de même.

Maintenant, pourquoi cette méfiance ? Le message précédent fournit pas mal de raisons qui me semblent très pertinentes. Mais je dirais que, en ce qui me concerne tout du moins (mais je ne crois pas être le seul dans ce cas), il y a aussi une forme de rejet de cette inévitable "exception culturelle française" (que personnellement, je la prends, je la retourne et je n'en dirais pas plus...), avancée systématiquement pour porter bien haut la défense des intérêts de nos valeureux auteurs gaulois contre les vilains envahisseurs impérialistes d'outre-Atlantique (qui n'ont pas de culture, c'est bien connu...). Je ne parle pas ici que de la littérature, bien sûr : cela s'applique tout autant à la musique, et sans doute plus encore au cinéma. Et j'ai le sentiment que, dans ces deux derniers domaines en tout cas, on a longtemps cautionné - et à vrai dire on continue - d'infames bouses pour la seule raison que ces bouses étaient françaises, Môssieur. Et c'est agaçant. D'où rejet, et conséquence parfaitement injuste : on noie les perles sous le fumier...

... Bon, c'était peut-être pas bien intéressant, mais... voilà.

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » sam. sept. 01, 2007 7:56 am

Ce débat, sous une forme ou une autre, ré-apparait régulièrement sur la "toile".
A titre personnel, je suis encore plus simple dans mon raisonnement.

Je suis d'un naturel profondément optimiste.

Pas la SF française.

Papageno
Messages : 2270
Enregistré le : dim. sept. 10, 2006 10:28 am
Localisation : Auxerre (Yonne)

Message par Papageno » sam. sept. 01, 2007 8:49 am

Pour la langue anglaise, je confirme que, même si, professionnellement je suis bien obligé d'y passer, c'est a contre coeur. Mon anglais est si rudimentaire que le lire s'apparente plus a du déchiffrage qu'a de la lecture et quand il faut s'exprimer dans cette langue, c'est un vrai supplice.
(Par contre je parle correctement et avec beaucoup de plaisir, L'italien - à cause de l'Opéra :-) )

Pour ce qui est Science-fiction française, j'adhère complètement à ce qu'a écrit PierrePaul - A l'époque, quand je lisais le livre-revue "Univers" je pestais contre les écrivains français, contre la politisation a outrance de leurs science-fiction, contre leurs recherches stylistiques agaçantes et souvent sans intérêt. Mais aujourd'hui, avec le recul, on se rend contre que, d'abord certains de ces écrivains étaient excellents, et que, d'autre part, ils ont a leurs actif un certain nombre d'apport dont la SF française ne pourrait plus se passer.

PS: Comme quoi la recherche sur le style de certains écrivains actuelles, n'est pas quelques chose de bien nouveau - quoi qu'ils en disent!

Pour Bull: L'optimiste, Cela dépend bien plus de la personnalité de l'auteur que de sa nationalité, non?

Avatar du membre
Byrautor
Messages : 77
Enregistré le : sam. janv. 13, 2007 10:44 am
Localisation : IdF
Contact :

Message par Byrautor » sam. sept. 01, 2007 8:59 am

:D
Merci à tous pour l'expression de vos avis, vos regards, vos sentiments et les informations que vous donnez.
Gérard.
:)
http://www.vegafed.com
L'Espoir est le soleil de l'Esprit

Avatar du membre
kibu
Messages : 2901
Enregistré le : mer. mars 08, 2006 3:54 pm

Message par kibu » sam. sept. 01, 2007 10:27 am

Les optimistes pensent que nous vivons dans le meilleur des mondes possible. Les pessimistes craignent que ce ne soit vrai.

Sans être totalement optimiste, ni pessimiste, je pense que l'incapacité à inventer le futur est la raison la plus probable du peu de succès des auteurs français de SF.
Mais en même temps, il existe des futurs bien engageants en SFF : R. C. Wagner, L. Genefort, Sylvie Denis etc...
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » dim. sept. 02, 2007 8:47 pm

PierrePaul a écrit :Les lecteurs, dans leur majorité, se méfient de la SF française.
Les lecteurs seraient-ils donc en majorité des cons ?
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Avatar du membre
Patrice
Messages : 3535
Enregistré le : jeu. mai 04, 2006 10:26 am
Contact :

Message par Patrice » dim. sept. 02, 2007 10:12 pm

Salut,
Les lecteurs seraient-ils donc en majorité des cons ?
Peut-être lisent-ils comme ils votent...

A+

Patrice

PierrePaul
Messages : 260
Enregistré le : ven. févr. 10, 2006 3:19 am
Localisation : Sol-3

Message par PierrePaul » dim. sept. 02, 2007 10:38 pm

Roland C. Wagner a écrit :
PierrePaul a écrit :Les lecteurs, dans leur majorité, se méfient de la SF française.
Les lecteurs seraient-ils donc en majorité des cons ?
Un peu simple, mon bon Roland. Mais des gens mal informés? Oui, je crois bien.

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » lun. sept. 03, 2007 12:06 am

Ce que je voulais suggérer, c'est que ça n'est franchement pas très malin d'avoir un tel a priori en fonction de la nationalité d'un écrivain.

Personnellement, je me considère comme un auteur de science-fiction. Et c'est tout.

Le premier qui me traite d'auteur français, je lui fais manger les œuvres complètes de Brussolo, avec quelques Werber et Dantec en guise de dessert.

Eux, ce sont des auteurs français.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Répondre

Retourner vers « Les infos sur la Science Fiction, la Fantasy et le fantastique en général »