La SF n'est pas à la mode

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Bouse Bleuâtre

La SF n'est pas à la mode

Message par Bouse Bleuâtre » ven. déc. 28, 2007 3:31 pm

Un avis signé Ugo Bellagamba sur Génération Science-fiction.

Papageno
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Message par Papageno » ven. déc. 28, 2007 4:37 pm

Je suis impressionné, il est super bien cet article!

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marc
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Message par marc » ven. déc. 28, 2007 5:36 pm

Oui, il est bien cet article. Mais il est loin d'avoir cerner le problème, mais j'ai surtout l'impression que Bellagamba utilise la méthode coué. Si la SF est dans le creux de la vague, cela tient à plusieurs points :

1. L'absence de projets spatiaux de grande envergure. La NASA, l'ESA et la Russie ont des programmes qui ne font pas rêver les gens. L'iSS est est un gouffre à pognon dont les américains voudraient bien se séparer. Le programme navette est abandonné, etc. A part envoyé des satellites d'exploration du système solaire, et des télescopes en orbite, on ne fait plus grand chose.

2. Bon nombre de technologies aperçues en SF sont maintenant devenues quotidiennes. Les réseaux, les GSM, le virtuel, etc. Les communicateurs de grand-père James T. Kirk sont dépassés par nos GSM actuels. Le revers de la SF, c'est qu'elle a démocratisé beaucoup de technologies.

3. On est à l'heure de la fantasy, et on doit prendre son mal en patience jusque quand les gens en auront ras-le-bol des épées et des sortilèges.

4. Trop peu d'auteurs se lancent en SF et préfèrent la voie de la facilité en écrivant de la fantasy.
Modifié en dernier par marc le ven. déc. 28, 2007 6:27 pm, modifié 1 fois.
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Nébal
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Message par Nébal » ven. déc. 28, 2007 5:39 pm

marc a écrit :1. L'absence de projets spatiaux de grande envergure. La NASA, l'ESA et la Russie ont des programmes qui ne font pas rêver les gens. L'iSS est est un gouffre à pognon dont les américains voudraient bien se séparer. Le programme navette est abandonné, etc. A part envoyé des satellites d'exploration du système solaire, et des télescopes en orbite, on ne fait plus grand chose.
Oui, certes, et je le déplore, comme plein de gens qui voulaient être spationautes quand ils étaient gamins... :(

M'enfin, en même temps, la SF, c'est loin de n'être que la conquête de l'espace...
marc a écrit :3. On est à l'heure de la fantasy, et on doit prendre son mal en patience jusque quand les gens en auront ras-le-bol des épées et des sortilèges.

4. Trop peu d'auteurs se lancent en SF et préfèrent la voie de la facilité en écrivant de la fantasy.
Si la fantasy bouffe méchamment les étalages à l'heure actuelle, plus pour le pire que pour le meilleur hélas, je ne pense pas qu'il soit pour autant pertinent d'opposer les deux genres, et d'imputer le supposé triste état de la SF sur les brouzoufs engendrés par la fantasy. Ce n'est pas nécessairement le même public, ce ne sont pas nécessairement les mêmes auteurs, même s'il n'y a pas incompatibilité pour autant, et, très honnêtement, je n'attendrais rien de bon en science-fiction de ceux qui seraient supposés écrire de la fantasy par "facilité", alors bon...


Au-delà, la question ne me paraît pas forcément très pertinente, ou, plus exactement, je suis un peu perplexe : je n'ose imaginer ce que donnerait une SF "à la mode"...

Par contre, l'article est intéressant, effectivement.

Mais en ce qui me concerne, si par "SF pas à la mode", on entend "SF dénigrée", on en revient aux tristes clichés sur la science-fiction qui n'est pas vraiment de la littérature, le recours à la SF comme constat d'échec blah blah, et toutes ces sortes de choses. Et là les responsabilités sont probablement partagées, mais en fin de compte je m'en bats l'oeil alors ça va...

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. déc. 28, 2007 5:52 pm

L'expression « pas à la mode » décrit très précisément la situation : désintérêt des éditeurs, des médias, voire des auteurs pour la SF littéraire, celle qui fait avancer le schmilblick en osant regarder l'avenir en face.

En comparaison, ce qui est « à la mode » dans le — hum — voisinage de la SF, c'est la fantasy, le steampunk et les borderlineries à prétentions littéraires qui sont des littératures de fuite pour surtout ne pas regarder l'avenir en face.

Au fait, ce n'est pas défendu de laisser des remarques sur le blogue lui-même : les commentaires sont faits pour ça.
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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » ven. déc. 28, 2007 8:24 pm

Le problème c'est quand les arguments de la SF littéraire se limite à "ultra libéralisme = gros caca", ça ne fait pas avancer le schilblick.
Aujourd'hui la fantasy évolue. Ca ne se limite pas non plus à la BCF bas de gamme. Il y a des auteurs quji ont de réelles prétention littéraire : Guy Gavriel Kay, China Miéville, Robin Hobb; GRR Martin et beaucoup d'autres. Je crois que le problème comme le faisait remarquer Gabriel Chouinard il y a quelques années c'est que la SF n'est pas assez littéraire. Faire passer des messages c'est bien, mais à conditrion que derrière il y ait un univers, des personnages, une intrigue.
Autre raison qui fait que la Sf n'est pas à la mode c'est qu'une grande partie des bons romans de SF écrit par les auteurs les plus en vue du moment sont soit des romans de hard Sf qui nécessitent unminimum de bagage scientifique pour les lires et cqui sont souyvent ardus ainsi que de nombreux romans totalement déprimants et pessimistes. Dans le monde pas très joyeux où nous vivons je comprends que les lecteurs aient envie de lire des choses un petit peu plus gais.
Ce qui est bien c'est qu'en France nous avons des auteurs un petit peu plus optimistes que les anglo saxons qui ont su garder une sorte de foi humaniste comme Pierre Bordage, Serge Lehman, Laurent Genefort ou Roland C Wagner. Si nous en avions un peu plus de ce calibre je pense que la Sf interesserait un petit peu plus de monde.
Excuser moi si mon intervention est petit peu agressive.
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Eric
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Message par Eric » sam. déc. 29, 2007 12:26 am

Fabien Lyraud a écrit :Le problème c'est quand les arguments de la SF littéraire se limite à "ultra libéralisme = gros caca", ça ne fait pas avancer le schilblick.
Tu amalgames trop de choses. La SF littéraire (le terme à lui seul mérite sans doute définition, même si je pressens que tu l'opposes à la hard SF), n'est pas nécessairement une littérature engagée. Celle qui l'est n'est d'ailleurs pas exclusivement anti-libérale, il suffit de lire Crichton, Card, Benford ou en français dans le texte Antoine Bello. Tous sont des ultra-libéraux convaincus, et ça transparait très nettement dans leurs textes.

Il est vrai que cette argumentation anti-libérale est, assez majoritairement, une préoccupation française. Maintenant, elle va un peu plus loin que ce que tu laisses entendre. Comme le dit on ne peut plus justement Ugo, il est moins question de contester le modèle économique, que l'illusion collective consensuellement maintenue que le libre-échange est un état naturel des rapports humains.
Fabien Lyraud a écrit :Aujourd'hui la fantasy évolue. Ca ne se limite pas non plus à la BCF bas de gamme. Il y a des auteurs quji ont de réelles prétention littéraire : Guy Gavriel Kay, China Miéville, Robin Hobb; GRR Martin et beaucoup d'autres.
Vrai et faux à la fois. La marché de la fantasy en France (reflet finalement assez fidèle de la tendance mondiale) est tenu par Bragelonne, avec plus de 40% de ventes. Et force est de reconnaître que sur la totalité de leur catalogue, la BCF est largement prédominante.

Reste effectivement quelques auteurs qui se singularisent, mais si on excepte Miéville qui laisse son background politique très largement déteindre sur ses textes,, la fantasy reste une littérature de pur divertissement. Ce n'est pas un mal, ni une faute de goût, juste un constat, qui plus est bien eéoigné du débat qui nous occupe ici.
Fabien Lyraud a écrit :Je crois que le problème comme le faisait remarquer Gabriel Chouinard il y a quelques années c'est que la SF n'est pas assez littéraire. Faire passer des messages c'est bien, mais à conditrion que derrière il y ait un univers, des personnages, une intrigue.
Là encore, vrai et faux à la fois. Serge Lehman l'a très bien analysé dans sa préface d'Escale sur l'horizon, la SF n'est pas une littérature facilement abordable. Elle necessite un appareil, une grille de lecture particulière. C'est aussi le cas du polar. La différence c'est qu'on ne stigmatise pas le polar à cause de ses spécificités. Il dispose, lui, d'un appareil critique qui s'intègre dans la culture mainstream, et qu'on refuse toujours à la SF. Certainement parce qu'elle n'a pas eu son Jean-Patrick Manchette, mais peut-être parce qu'elle joue trop facilement (et à juste titre) les Cassandre ? Elle paye aussi une image soixante-huitarde qui n'a pas le vent en poupe en ce moment. Et si tu ls bien le texte d'Ugo jusqu'au bout, c'est précisément à un renouveau de ses images et de ses codes qu'il en appelle.

Je fais partie de ces gens qui ont la faiblesse de penser que nous avons sous la main, avec des gens comme Ugo justement, Xavier Mauméjean, Catherine Dufour, Jérôme Noirez, Alain Damasio, Stéphane Beauverger, Fabrice Colin, David Calvo Jean-Marc Agrati, etc... une génération de "jeunes auteurs" tout à fait à même de relever le défi. Le rapprochement qu'ils font naturellement avec les préoccupations des auteurs de la génération précédente, les Wagner, Lehman, Denis, Ecken, Berthelot, etc... est particulièrement significatif.
Fabien Lyraud a écrit :Autre raison qui fait que la Sf n'est pas à la mode c'est qu'une grande partie des bons romans de SF écrit par les auteurs les plus en vue du moment sont soit des romans de hard Sf qui nécessitent unminimum de bagage scientifique pour les lires et cqui sont souyvent ardus ainsi que de nombreux romans totalement déprimants et pessimistes. Dans le monde pas très joyeux où nous vivons je comprends que les lecteurs aient envie de lire des choses un petit peu plus gais.


Mouais... Affaire de goût. Moi, personnellement, c'est lire 99fr qui me déprime. Au passage, le monde que Beigbeider décrit ne me semble pas plus follichon que ça. Le problème, c'est que celui là, on ne peut pas dire qu'on n'aimerait pas y vivre, parce que c'est le cas.

Maintenant, je ne pense pas non plus que le monde des lecteurs se partage nécessairement en lecteurs exclusifs de compte-rendus de partie de AD&D d'un côté, et en lecteurs uniquement de fiction sociale inspirées par la gauche ultra de l'autre.
Fabien Lyraud a écrit :Ce qui est bien c'est qu'en France nous avons des auteurs un petit peu plus optimistes que les anglo saxons qui ont su garder une sorte de foi humaniste comme Pierre Bordage, Serge Lehman, Laurent Genefort ou Roland C Wagner. Si nous en avions un peu plus de ce calibre je pense que la Sf interesserait un petit peu plus de monde.
Mais justement, nous en avons ! Et un bon paquet. Ça fait même un sacré bout de temps qu'on n'avait pas eu un tel vivier. Maintenant, perso, ce que je recherche dans la SF, c'est une littérature d'idées, une littérature qui me fait progresser ans ma réflexion, m'ouvre sur de nouvelles porblématiques, ou de nouvelles manières de considérer celles qui sont déjà les miennes. Je ne peut pas me contenter de l'optimisme béat du marchand d'armes qui, le pieds dans les douilles encore fumantes viens me dire qu'au moins, il a permis aux ouvriers des usines d'armements de garder leur emploi. Quant à la foi en l'humanisme, un stage d'un dans n'importe quelle compagnie d'assurance, ou n'importe quelle compagnie transnationale t'en guérira à jamais. Si je schématise, la SF est pour moi une littérature de combat. Voire de résistance. C'est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu'un le fasse. Et à l'heure de la démission volontaire, comme Ugo l'analyse avec sa pertinence coutumière dans son texte, c'est plus que salutaire.
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marc
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Message par marc » sam. déc. 29, 2007 11:03 am

Je voudrais tout de même formuler une critique concernant l'article de Ugo Bellagamba. Et cela se voit dans sa dernière partie quand il parle de signification la plus politique, utopique, anthropologique. Désolé, mais pour moi ça n'a strictement rien à voir. On lit de la SF pour se divertir au même titre que pour extrapoler ce que pourrait être des civilisations basées sur certains modèles de société qui utiliseraient certaines sciences appliquées dans le futur. Pas pour faire uniquement de la politique ou de la philosophie. Dans science-fiction il y a science et fiction. A mon avis, dans son article, Ugo Bellagamba a confondu avec Politique fiction.
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Erion
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Message par Erion » sam. déc. 29, 2007 11:28 am

Même si je suis d'accord avec le constat que la SF n'est pas à la mode, je ne partage pas tout à fait les conclusions d'Ugo. Le problème est à la fois plus circonscrit et plus vaste.

1/ La SF a gagné.

Il y a quelques années encore, j'aurais été d'accord avec cette idée, sans réserve, mais plus maintenant.
La SF, telle que nous la connaissons est née à une époque industrielle sauvage dont le libéralisme actuel n'est qu'une version adoucie (le patronat français ayant été paternaliste, il n'y a pas eu, en France, les mêmes excès qu'ailleurs). Triomphe de la science (il faut se rappeler qu'avant 1900, la plupart des scientifiques pensaient avoir tout découvert) et de la technique (dont le Titanic était le plus parfait exemple). Et là, débarque "la guerre des mondes" qui montre que tout cela ne vaut rien face à des ET, et qu'un virus est une arme bien plus efficace qu'un char.
Bref, sur le rapport entre SF et monde réel, on se trouve grosso modo dans les mêmes conditions. Une chose a changé, en Occident, le respect et le désir pour la science et la technologie se sont effondrés. Peur des machines, peur du génie génétique, peur d'internet, peur d'à peu près tout ce qui est nouveau et qui est vécu comme une pression supplémentaire et pas comme une libération ou une amélioration. Et ce mouvement régressif est porté par les forces politiques qui naguère militaient pour le progrès (ce qui donne les coudées franches aux libéraux pour taxer de conservateurs les syndicats et partis qui défendent les avantages sociaux).
Il y a effectivement une attirance pour des biens technologiques individuels, mais pas d'effet global. On désire un objet moderne, mais sans se projeter dans le futur. Si on parle d'informatique dans un groupe quelconque, il est bien rare qu'on ne parle pas de bugs, plantages, et autres virus, très rarement de ce que l'on fait AVEC la technologie. Cependant, et c'est pourquoi j'ai tendance à penser que l'esprit SF est toujours présent, les industries qui sont capables de projeter leurs consommateurs dans l'avenir ont du succès. Apple y arrive avec ses mac et ses ipod/iphone en développant des produits qui mettent l'utilisateur en avant et non pas les fonctionnalités. Idem pour Nintendo avec la wii, qui ne s'adresse pas aux gamers expérimentés et ultraspécialisés, mais au joueur occasionnel et familial qui veut juste se détendre. En renversant la relation technologique, en ne soumettant pas son utilisation à l'apprentissage d'un manuel, mais bien en faisant de l'usage une contrainte de conception, on encourage un rapport avec la technologie plus serein. Cela reste marginal, mais tout ça pour dire qu'il y a différents désirs de consommation technologiques, et que l'on peut à la fois consommer et avoir peur.

Dans ces conditions, on peut dire que non, la SF n'a pas gagné, elle a même rendu les armes. Pire, elle s'est trompée de cible. La grande affaire du Cyberpunk a totalement tapé à côté en faisant des Corporations les nouveaux maîtres des relations internationales. Raté, les Etats restent aux commandes, et si le complexe militaro-industriel influence, il prend bien garde de ne pas empiéter : il en va de son propre intérêt de mutualiser les risques et privatiser les bénéfices. L'Internet a aussi été loupé, aussi bien par les pessimistes que par les optimistes. On est beaucoup plus dans le fantasme que dans le réel. En pratique, même, on se rend compte qu'internet exige tout simplement les mêmes compétences sociales que le monde réel. Les problèmes qu'il soulève viennent en général d'individus qui n'ont pas adopté les mêmes stratégies sociales et ont voulu passer outre. Si on respecte ce minimum, le réseau est un formidable lieu de rencontres et de lien social, à condition de poser des limites claires.

2/ Revenir à la SF
Dans le texte d'Ugo, il manque une chose, ou plutôt, il y a un implicite qui n'est pas énoncé et qui fausse la perspective. QUELLE SF ? En effet, il y a encore des collections de SF, mais est-elle celle qui est nécessaire ? Roland Wagner met en lumière que la tendance actuelle est au steampunk, aux "transfictions" et à la fantasy. On est a peu près certain du succès de la fantasy, pour le reste, ça reste à déterminer.
Si on examine le succès de la fantasy, on se rend compte qu'il repose sur la reproduction de schémas narratifs et une absence de compétence nécessaire. Pas la peine d'avoir lu le Seigneur des Anneaux pour lire de la fantasy (hélas). C'est un gros avantage, alors que lire un minimum de SF aide à apprécier la SF. Il s'ensuit un problème énorme qui n'est que mal abordé : quels sont les points d'entrée en SF ? En clair, comment créer de nouveaux lecteurs de SF ?
La solution actuelle éditoriale semble être la SF jeunesse. Mais c'est parfaitement insuffisant. On ne passe pas d'un ouvrage SF jeunesse à du Greg Egan ou du Vernor Vinge, il faut une transition. Et là, ça coince. A titre personnel, mon premier ouvrage de SF, c'était Fahrenheit 451, et je n'ai JAMAIS lu de SF jeunesse (ni même vraiment de littérature jeunesse) parce que je lisais en bibliothèque et que dès que j'ai pu quitter le coin enfant pour le coin adulte, je l'ai fait. Je n'aurais jamais construit ma culture SF sans l'aide de Roland Wagner et de sa chronique dans Casus Belli, à l'époque où je m'intéressais aux jeux de rôles (ce qui fait que Roland m'énerve souvent par certains côtés, mais je lui dois trop pour lui en vouloir définitivement). Quels sont désormais les supports que peuvent lire des lecteurs potentiels nouveaux ? Pas Libé, le Monde et la plupart des quotidiens, plutôt 20minutes, Métro et les journaux gratuits. Pas les grands newsmags, mais plutôt les magazines de jeu vidéo ou de culture asiatique. C'est là qu'on peut trouver un nouveau vivier de lecteurs.
Mais déterminer le public potentiel ne suffit pas. Il faut les oeuvres qui sont en adéquation avec l'imaginaire de ce public. La rubrique de Roland dans Casus, s'appelait "Inspi romans". Encore une fois, si l'on met en avant Greg Egan a un fan de jeu vidéo, on le prendra une fois, mais pas deux. En revanche, si on lui présente des oeuvres de SF qui tiennent compte de cet imaginaire et de l'acquis de la science-fiction littéraire, qui lui montreront que la SF littéraire est un plus, alors on pourra l'amener progressivement vers autre chose, par contamination. L'objectif, c'est d'amener un inconnu à fureter dans un rayon de librairie ou sur Amazon. C'est le principal défi actuel, et le seul de la SF actuelle : dire à un nouveau public qu'elle existe et qu'elle existe en même temps que les mangas, les jeux vidéos, les films. Mais si ça fonctionne pour la fantasy, ça peut fonctionner pour la SF. Il faut explorer les passerelles entre les supports.
Après, il reste les auteurs et leur propre foi dans la SF. De la jeune génération actuelle (donc post Lehman et consort), les seuls romanciers français écrivant de la SF avec une perspective future sont Catherine Dufour, Stéphane Beauverger et Johan Héliot quand il n'écrit pas du steampunk. Ca fait court. Colin et Calvo n'écrivent pas de SF pour adulte, ils ont leur propre imaginaire et ça remplit suffisamment leur oeuvre pour ne pas avoir besoin de plus. Mauméjean écrit de la SF dans le rétroviseur, ce qui est hors de notre propos, la Horde du Contrevent est certes un livre ambitieux, mais niveau prospective SF, on ne touche pas les sommets (ce n'est pas un jugement de valeur littéraire, ici, il s'agit de répertorier les auteurs de SF telle qu'on peut l'avoir lue et avoir envie de la lire, pour faire simple, des histoires avec des boulons et des petits hommes verts). Le paradoxe, c'est que les romanciers français écrivant de la SF se déroulant dans le futur, avec des clones et tout autre cliché de base, on les trouve dans... la littérature générale. Et comme c'est lu et critiqué par des journalistes ne lisant pas de SF, personne ne peut leur dire qu'il s'agit de vieux clichés et pas de nouveauté.
Mais bon, le problème de la légitimité de la SF est un faux problème. Le lectorat s'en fout. Ce n'est pas parce que la SF est un "mauvais genre" que les gens n'en lisent pas. Au contraire, cela pourrait être un atout (vous ne pouvez pas savoir combien les attaques contre les mangas "mal dessinés, violent, sexuels" ont fait pour créer un lectorat dynamique et mobilisés, majoritairement des adolescents utilisant cette culture pour s'opposer aux adultes, ou, au moins, pour s'en isoler), mais à condition de jouer le jeu.

De mes cours avec des élèves ingénieurs ou de discussions que j'ai eu avec des jeunes lecteurs, je constate qu'il existe un désir de SF constant et toujours présent. L'intérêt est là, mais la connaissance n'y est pas. L'imagerie SF est dans les têtes, mais rien ne la concrétise. Etrangement, l'imagerie fantasy est bien moins présente que l'imagerie SF. Il suffit de regarder certains clips de rappeurs pour s'en convaincre (références à Minority Report, à Akira, etc.). Aucune série télé de fantasy n'est en cours de tournage en ce moment (à la différence du fantastique et de la SF). En terme globaux, la SF est beaucoup plus présente dans la pop-culture que la fantasy. J'entends par là que les images de la SF ne se limitent pas aux oeuvres de SF, alors que les images de fantasy se limitent aux films adaptant des oeuvres de fantasy. Même les MMORPG comme World of Warcraft ont de fortes références SF (dont une notamment à "le jour où la Terre s'arrêta").
Tout est là, il faut juste traduire cet esprit-SF en quelque chose de plus concret, mais il faut pour cela mêler beaucoup d'éléments éditoriaux, publicitaires et autres. Ce n'est pas en accusant la fantasy de tous les maux qu'on relancera la SF. La SF n'est pas morte, un nouveau public existe, mais le pont ne se fait pas. Certes la SF jeunesse est un moyen, mais il ne sera pas suffisant. Il faut créer de nouveaux points d'entrée, reconnecter les différentes générations qui s'intéressent à ce genre non pas en les opposant, mais en les agrégeant.

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Eric
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Message par Eric » sam. déc. 29, 2007 11:31 am

marc a écrit :Je voudrais tout de même formuler une critique concernant l'article de Ugo Bellagamba. Et cela se voit dans sa dernière partie quand il parle de signification la plus politique, utopique, anthropologique. Désolé, mais pour moi ça n'a strictement rien à voir. On lit de la SF pour se divertir au même titre que pour extrapoler ce que pourrait être des civilisations basées sur certains modèles de société qui utiliseraient certaines sciences appliquées dans le futur. Pas pour faire uniquement de la politique ou de la philosophie. Dans science-fiction il y a science et fiction. A mon avis, dans son article, Ugo Bellagamba a confondu avec Politique fiction.
Comme dit dans mon post précédent, tout ça est affaire de goût. On y trouve ce qu'on veut y chercher. Si je n'y cherchais qu'une évasion, la fantasy me suffirait, or ce n'est pas le cas. Je pense qu'historiquement, la SF a toujours eu ce que Rushkoff appelle un hidden agenda, parce que la forme s'y prête particulièrement bien, c'estune littérature d'idée, même la hard SF. Lorsque tu lis Baxter, tu te rends bine compte que n'y voir qu'une littérature de divertissement, c'est passer à côté de ce qui fait le cœur de son travail, à savoir un propos politique, et j'emploie ici politique dans son sens premier, le plus global.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Lionel B
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Message par Lionel B » sam. déc. 29, 2007 12:21 pm

Hello,
cela faisait un certain temps que je n'avais plus visité des sites SF français.... et quelle bonne surprise ! Je me rappelle de l'époque où actusf ne s'appelait pas encore actusf ^_^ (c'était la 5ème quelque chose ? )

bref, je lurk d'habitude mais ces articles m'ont donné envie de réagir.

La SF est en train de changer. Comme d'autres mouvements artistiques, il y a un début et une fin, avec des sous-cycles et des sous-mouvements (âge d'or, cyberpunk...).

Elle est arrivée à une fin car elle a été digérée et intégrée dans le monde actuel et elle perd donc une partie de son intérêt "d'emerveillement" , remplacé par du "déja vu". Reste les qualités d'analyse.

Il y aura peut-être un nouveau mouvement dans quelques anées, je ne sais pas. Peut-être voit-on celui-ci se développer maintenant.

On peut en quelque sorte faire le parrallèle avec l'impact de mouvements comme le bauhaus des années 20 et 30. Le bauhaus, on n'en parle plus, mais son impact sur le design de notre mobilier quotidien est omni-présent. Certains meubles dessinés en 1920 se retrouvent presque tels quels dans les "supermarchés à meubles suedois"... et ce n'est pas une question de mode.

Le monde tourne encore.

De même les influences, les références, les outils d'analyse "SF" se retrouvent un peu partout dans le monde actuel mais seul un public averti peut les identifier.

Maintenant, arrêtons de fétichiser la SF. La SF des 50 dernières années est fondamentale pour comprendre la culture d'aujourd'hui. Elle est étudiée dans de nombreux cursus... Plus personne ne remet ça en cause, c'est un fait.

/troll : Mais à part quelques exceptions,honnetemment la SF m'emmerde maintenant. Quand je vois des "monstres" comme les P.F. Hamilton... j'en ai lu quelques tomes comme on mangerait un pop-corn XXXXXL.

Enfin c'est peut-être juste du à trop de lecture...
Ceci dit la SF m'emmerde pas tant que ça sinon je ne trainerais pas sur ce forum hein ? ^_^
... Merci pour le poisson.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » sam. déc. 29, 2007 1:00 pm

La SF littéraire c'est d'abord une littérature comme un autre. Dans sa théorie de la communication Daniel Bougnoux place la fiction du coté de la rationalité mythique alors que le divertissement est une rationalité hédonique et la critique sociale correspond à une rationalité technique. il peut y avoir contamination entre les différents genres mais bon, reconnaître que la SF c'est de la fiction et son but est de créer des mythes. Or aujourd'hui c'est la fantasy qui crée des mythes plus la SF. La SF se fait hard Sf ou critique socio politique. Moi lorsque je veux apprendre des choses sur des théories scientifiques je lis des revues de vulgarisation scientifique ou si je veux lire des critiques socio politique je lis la presse ou des essais pas de la SF. Il faut se garder du mélange des genres.
La SF est aussi un réservoir d'idées. Et souvent ceux qui innovent le plus sont les auteurs de SF populaire. Et plus tard les idées les plus audacieuses de ces auteurs populaires seront reprises par des auteurs plus ambitieux et donneront des chefs d'oeuvre. Aujourd'hui il existe une génération d'auteurs ambitieux mais la SF populaire a disparu avec le Fleuve Noir Anticipation à la fin des années 90. Or la SF populaire a à mon avis son utilité. Elle est nécessaire. La fantasy marche aujourd'hui, mais il existe une fantasy populaire ( la BCF) et une fantasy plus ambitieuse. Si la SF anglo saxonne a su évoluer et se renoueller c'est peut être parce que cette SF populaire a su se maintenir. Chez nous depuis quelques années on découvre que des conteurs populaires de FNA comme Limat ou Rayjean ont osé innover, investir des thèmes nouveaux certes traités de manière assez maladroite mais ont innové tout de même. Le snobisme dont a fait part une partie du milieux vis à vis de ces auteurs et de cette collection a fait certainement beaucoup de mal au genre. De même les auteurs anglo saxons osent puiser des idées dans la BD, le cinéma ou plus récemment les jeux vidéos. Chez nous on se fait une idée tellement haute de la littérature que ce dialogisme a été longtemps considéré comme contre nature. La jeune génération a osé briser le tabou à partir de la fin des années 90, notamment Serge Lehman et Laurent Genefort qui non content de s'inspirer de certains auteurs du FNA ont osé revendiquer leurs inspiration BD, ciné, anime etc...
Autre dialogisme qui fait cruellement défaut c'est celui entre les anciens et les modernes. Quand on voit qu'aujourd'hui l'éditeur qui fait le plus d'effort dans la redécouverte du patrimoine Sf francophone c'est Eons, un petit éditeur avec peu de moyens, c'est assez édifiant. Quand oàn sait que la majorité de l'oeuvre de Nathalie Henneberg, auteur majeur si l'en est n'est pas disponible. Que certains bouquins d'auteurs plus récents ne plus réédités, on se dit que quelque part on ne fait rien pour que la SF évolue. Or chez les anglo saxons les classiques ont été disponible de manière assez constante et il y a des programmes réguliers de réédition d'auteurs moins connus aussi bien chez de gros éditeurs - Baen - ou dans la small press - NESSFA.

Quand je regarde quels sont les pays européens où la SF marchent le mieux, il s'agit de la Grande Bretagne et de l'Espagne, curieusement deux pays qui ont opté pour des gouvernements de gauche. Et je persiste à croire que la volonté du milieu de la SF de privilégier la critique sociale pousse le genre à être selon les mots de Stéphanie Nicot il y a quelques années 'une littérature de combat" et le combat malheureusement obscurcit l'avenir du genre. Je suis persuadé que si nous avions un gouvernement de gauche aujourd'hui nous aurions une SF beaucoup plus pléthorique qui oserait jouer la carte de la littérature, du mythe et de la création d'univers.
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Dienstag
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Message par Dienstag » sam. déc. 29, 2007 1:32 pm

Fabien Lyraud a écrit :La SF littéraire c'est d'abord une littérature comme un autre.
Je suis dubitatif.
Modifié en dernier par Dienstag le mar. janv. 29, 2008 9:34 am, modifié 1 fois.

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Gui
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Message par Gui » sam. déc. 29, 2007 1:35 pm

Erion a écrit :Quels sont désormais les supports que peuvent lire des lecteurs potentiels nouveaux ? Pas Libé, le Monde et la plupart des quotidiens, plutôt 20minutes, Métro et les journaux gratuits. Pas les grands newsmags, mais plutôt les magazines de jeu vidéo ou de culture asiatique. C'est là qu'on peut trouver un nouveau vivier de lecteurs.

[...]

La SF n'est pas morte, un nouveau public existe, mais le pont ne se fait pas. Certes la SF jeunesse est un moyen, mais il ne sera pas suffisant. Il faut créer de nouveaux points d'entrée, reconnecter les différentes générations qui s'intéressent à ce genre non pas en les opposant, mais en les agrégeant.
C'est entre autres pour cette raison que j'écrivais des critiques sur Animeka

Mais toutes les bonnes choses ont une fin...
I've imagined many things... For example, what kind of dreams would you have in a spaceship flying at the speed of light...? With time drawn out infinitely, it might be a terrifying, unending dream...
Yukinobu Hoshino - 2001 Nights

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Message par Dienstag » sam. déc. 29, 2007 1:53 pm

Fabien Lyraud a écrit :Et je persiste à croire que la volonté du milieu de la SF de privilégier la critique sociale pousse le genre à être selon les mots de Stéphanie Nicot il y a quelques années 'une littérature de combat" et le combat malheureusement obscurcit l'avenir du genre.
Je te ferai remarquer que la critique sociale est au cœur de la SF depuis les années 50, avec des auteurs comme Pohl, Kornbluth, Dick, Sheckley, Heinlein, Bester, etc.

Je crois que tu confonds dans ton raisonnement critique sociale et militantisme. Ce qui revient à mettre dans le même sac Tous à Zanzibar et la collection complète d'Alerte !

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