Xavier Mauméjean sur le forum d'Actusf

Dialogue en ligne avec Xavier Mauméjean du 3 au 5 octobre inclu

Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Charlotte

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 9:50 am

Eric a écrit :Bonjour Xavier,

Bon, merci d'être là, cloué sur ton lit de douleur à répondre à nos petites questions.

Car, Je suis Légion, et Lilliputia sont tous les deux des romans initiaques, et tous les deux sont construits de manière parallèle, allant vers sinon la désillusion, du moins le constat qu'il ne faut pas faire confiance en ce à quoi l'on croit.

Et toi, à tu confiance en ce en quoi tu crois ?

Hello Eric,
C'est vrai que Car je suis Légion et Lilliputia sont des romans initiatiques, et que la dernière phrase de chacun renvoie d'une certaine façon à l'autre. Ce qui est curieux, c'est que je ne m'en étais pas rendu compte, jusqu'à ce que mon épouse et toi me le fassiez remarquer. Et je suis parfaitement sincère, je ne l'avais pas vu. Preuve que tout est loin d'être planifié dans mon boulot, cela ne m'étonne pas.
Ce qui va me permettre de te répondre, ainsi qu'à Systar. Je n'ai pas l'impression d'avancer, dans mon travail d'auteur et même dans la vie. J'entends par là une (dé)marche qui tendrait vers un but, des objectifs à atteindre, un Plan B sous le coude. En fait, je déambule, un peu comme dans le très joli roman La promenade de Robert Walser. Quand on se promène, on avance, certes, mais sans autre véritable but que la promenade elle-même. C'est d'ailleurs ce qui en fait l'intérêt. Ce qui n'exclut pas que des finalités se présentent en chemin. Mais ce sont des buts générés par la promenade. Le réel se réorganise là où on s'arrête, un instant. Et puis la déambulation reprend, et les choses se présentent ou pas au gré des rencontres. Je crois et j'ai confiance en cette "finalité hasardeuse".

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 9:55 am

k_tastrof a écrit :
Xavier Mauméjean a écrit :Lilliputia est né d'un intérêt (et pas une fascination ni une obsession) remontant à loin pour les monstres, nourri par mon expérience personnelle des foires (et je ne précise pas plus : à vous d'imaginer mon nom de Freak).
Le nom? Je ne sais pas, mais tu devais être avaleur de sabres ! C'est dangereux de s'entraîner en lisant.


Kt

A lire absolument : Step right up ! de Dan Mannix. C'est un livre qui m'a tourné la tête quand j'étais enfant (dans sa version Reader's Digest, c'est dire ! ) Depuis je l'ai lu en VO, ça se trouve pour rien sur eBay. C'est l'histoire vrai d'un jeune journaliste qui assiste dans un petit cirque américain à la combustion de l'avaleur de feu. Et Dan Mannix, tout juste un gamin perdu dans le public, dit qu'il ne voit aucun problème à le remplacer. Il va alors apprendre à avaler du feu, des lames etc. J'adore ce livre, et l'ai mentionné dans une de mes nouvelles : Pour mon dernier anniversaire paru dans le n° anniversaire de Bifrost.

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 10:16 am

k_tastrof a écrit :
- à Propos du CVH :
Xavier Mauméjean a écrit :C'était une jolie idée, qui a donné lieu à de jolis romans. C'est ce que je retiendrai.
Au delà des potins, peut-on savoir ce qui t'a attiré dans cette idée? On voit bien quelques points communs avec ton œuvre personnelle, mais est-ce tout ? Que voulais-tu faire ? Envisages-tu d'essayer autrement ?





Kt
Ce qui me séduisait, et me séduit toujours, ce n'est pas tant le contenu du projet que sa forme : pouvoir travailler avec des auteurs sur un univers commun. C'est assez rare en littérature, mais commun en BD ou en cinéma et télévision.
Rod Serling sur Twilight Zone, Stan Lee et Jack Kirby chez Marvel, toute proportion gardée, évidemment, c'était cela que je voyais. Serling a fait appel à Charles Beaumont ou Richard Matheson, Chris Claremont a révolutionné X Men, j'aimais bien cette idée que des auteurs talentueux se réapproprient l'univers de base. Et cela a été atteint, et dépassé dans certains romans de la série. Voilà.

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 10:26 am

k_tastrof a écrit :

- Pour ce qui est de ta collaboration avec Johan Héliot, il y a sûrement des réponses à cette question ailleurs, mais peux-tu nous rappeler comment est née l'idée d'écriture à quatre mains? Pourquoi lui ?
Je ne me souviens plus à quand remonte l'idée d'écrire avec Johan, mais cela a dû venir très vite. Car dès que l'on est ensemble, ça démarre, il nous est arrivé d'avoir l'idée d'un roman jeunesse, avec un plan détaillé, en attendant un bus. Bon, d'accord le car avait tardé un peu... Et pourquoi Johan ? Parce que c'est lui. Et puis il est quand même le seul joueur de Cocciballe que je connaisse, avec ma fille Zelda.

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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 10:57 am

k_tastrof a écrit : [




- La direction de collection est venue s'ajouter à ton travail d'écriture. Sont-ce des activités très différentes ? Quels plaisirs (éventuels) trouves-tu dans cette seconde activité ?



Kt
Ce sont effectivement des activités très différentes puisqu'on passe de l'autre côté de la barrière. Le plaisir consiste à mener une idée globale en travaillant avec des auteurs. Il y a aussi des inconvénients, voire des déplaisirs, qui sont inhérents à cette activité et doivent donc être acceptés comme tels. Pour faire simple, refuser des textes. Honnêtement, je n'assouvis aucune volonté de puissance en disant "Non" à des auteurs, débutants ou confirmés. Pour les débutants, je réponds par mails, courriers postaux ou plus rarement, par téléphone. Mais je réponds toujours, plus ou moins vite. Pour les confirmés, ça se passe par mail ou téléphone. En général ça ne pose aucun problème, parce que les auteurs sont des pros. Cela dit, j'ai eu quelques -rares- mauvaises surprises, qui peuvent changer la perception que l'on a d'un auteur, et même de la personne. Mais j'admets que l'inverse soit vrai, c'est le jeu.

Bon, maintenant je suis ravi de diriger Royaumes Perdus, parce que l'idée de la colllection me tient à coeur, et que les titres parus me plaisent. A ce sujet, surtout ne loupez pas Le chemin des ombres de Jérôme Noirez qui paraît le mois prochain. C'est un superbe récit, très sombre, pour la jeunesse quant on entend par là des lecteurs à qui l'on propose un texte non balisé par l'idée que l'on se fait des djeunz. Le roman de Noirez est tout simplement excellent, une perle noire. Et puis c'est un type sympa en plus d'être talentueux.

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 11:00 am

k_tastrof a écrit :


- Vis-tu de ta plume aujourd'hui ?



Je pourrais en vivre mal, ce n'est pas mon choix.

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 11:14 am

k_tastrof a écrit :
- Comment organises-tu ton travail d'écriture ? Es-tu de ces auteurs qui travaillent régulièrement au même endroit et à la même heure ou est-ce plus aléatoire ?
- As-tu des rituels personnels?


- Que lis-tu ?



Kt
Je peux travailler n'importe où, n'importe quand. Il m'est arrivé d'écrire une grosse partie de roman sur un carton de déménagement, télé allumée (les mauvaises langues diront que cela explique tout) parce que je ne vais pas demander que la vie s'arrête autour de moi quand j'exerce mon pouvoir créateur (coup de tonnerre). C'était au début, maintenant j'ai la chance d'avoir un bureau au deuxième étage, où j'écris tranquillement. Pas d'emploi du temps, de rituels préparatoires, de musique, etc. Si, tout de même un truc drôle. Je ne fume pas dans la vie, sauf quand j'écris, et là je dézingue un paquet de clopes en trois heures.
Sinon, je lis de tout. Une part utile, en vue d'un projet, et une part pour le simple plaisir de lire.

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Message par systar » dim. oct. 05, 2008 11:16 am

Xavier Mauméjean a écrit : télé allumée (les mauvaises langues diront que cela explique tout)
Mais comme tu es un prof, c'est forcément Arte.
Donc ça va.

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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 11:26 am

systar a écrit :
Xavier Mauméjean a écrit : télé allumée (les mauvaises langues diront que cela explique tout)
Mais comme tu es un prof, c'est forcément Arte.
Donc ça va.

Nope. Tu dois savoir que j'ai adoré la série Femmes de footballeur moins que Francis Berthelot mais accro tout de même. C'est ce que j'aime bien dans notre milieu, les gens sont sérieux mais ne se prennent pas au sérieux.

Tiens, mon prochain roman, La guerre spéciale à paraître chez Autres Mondes dirigée par Audrey Petit, est à la croisée de La Guerre éternelle, Starship Troopers et Beverly Hills 90210.
Rien que ça, mec. Quelqu'un devait le faire, alors je m'y suis collé.

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Message par systar » dim. oct. 05, 2008 11:33 am

Xavier Mauméjean a écrit :
systar a écrit :
Xavier Mauméjean a écrit : télé allumée (les mauvaises langues diront que cela explique tout)
Mais comme tu es un prof, c'est forcément Arte.
Donc ça va.

Nope. Tu dois savoir que j'ai adoré la série Femmes de footballeur moins que Francis Berthelot mais accro tout de même. C'est ce que j'aime bien dans notre milieu, les gens sont sérieux mais ne se prennent pas au sérieux.

Tiens, mon prochain roman, La guerre spéciale à paraître chez Autres Mondes dirigée par Audrey Petit, est à la croisée de La Guerre éternelle, Starship Troopers et Beverly Hills 90210.
Rien que ça, mec. Quelqu'un devait le faire, alors je m'y suis collé.
Je suis sûr que si on creuse un peu, tu vas avouer que parfois tu regardes TF1 et M6!!!
(ce qui est une hérésie, pour notre vénérable corporation)
(j'aime les hérésies)
(souvent, dans les religions, elles sont ce qu'il y a de plus intéressant)
(oui, je sors) ---------------->
C'est malin, tu m'as donné envie, avec ta Guerre Spéciale.
Est-ce que, dans ton roman, Dylan se rend enfin compte qu'il préfère Brandon à Brenda?

La guerre éternelle, c'était juste magnifique. Ah bah tiens, en voilà un exemple de roman qui utilise le temps (ou les distorsions temporelles) comme métaphore des mutations de la conscience (celui qui part à la guerre ne retrouvera plus jamais le même monde à son retour, il y sera par définition inadapté, etc.). On a trouvé!

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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 11:45 am

systar a écrit : La guerre éternelle, c'était juste magnifique. Ah bah tiens, en voilà un exemple de roman qui utilise le temps (ou les distorsions temporelles) comme métaphore des mutations de la conscience (celui qui part à la guerre ne retrouvera plus jamais le même monde à son retour, il y sera par définition inadapté, etc.). On a trouvé!
En fait, depuis trois ans, je lis quantité de mémoires de pilotes de la seconde Guerre mondiale : Galland, Clostermann, Nagatsuka, etc.

Je suis fasciné par ce que décrivent tous les pilotes, et qui s'apparente à la réduction eidétique. Entre deux missions, le pilote vit ou survit à sa peur, aux enjeux, à la quotidienneté. Puis, une fois dans son cockpit, il annule le monde et une bonne partie de son Moi. Tous le disent. La mission, loin de s'apparenter à une trajectoire linéaire, d'un point A à un point B, relève plutôt de la déambulation, d'une finalité hasardeuse qui tient aux conditions météo et à l'Autre en face, présent ou pas, qui est décidé ou non de s'engager dans le jeu. Puis l'appareil revient, le pilote se pose, et il se reprend la vie en pleine face : idéologie, émotions, alcool, femme, copains encore vivants ou disparus.
Ecrire sur les pilotes en temps de guerre est l'un de mes futurs projets.

systar
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Message par systar » dim. oct. 05, 2008 12:03 pm

Xavier Mauméjean a écrit :
systar a écrit : La guerre éternelle, c'était juste magnifique. Ah bah tiens, en voilà un exemple de roman qui utilise le temps (ou les distorsions temporelles) comme métaphore des mutations de la conscience (celui qui part à la guerre ne retrouvera plus jamais le même monde à son retour, il y sera par définition inadapté, etc.). On a trouvé!
En fait, depuis trois ans, je lis quantité de mémoires de pilotes de la seconde Guerre mondiale : Galland, Clostermann, Nagatsuka, etc.

Je suis fasciné par ce que décrivent tous les pilotes, et qui s'apparente à la réduction eidétique. Entre deux missions, le pilote vit ou survit à sa peur, aux enjeux, à la quotidienneté. Puis, une fois dans son cockpit, il annule le monde et une bonne partie de son Moi. Tous le disent. La mission, loin de s'apparenter à une trajectoire linéaire, d'un point A à un point B, relève plutôt de la déambulation, d'une finalité hasardeuse qui tient aux conditions météo et à l'Autre en face, présent ou pas, qui est décidé ou non de s'engager dans le jeu. Puis l'appareil revient, le pilote se pose, et il se reprend la vie en pleine face : idéologie, émotions, alcool, femme, copains encore vivants ou disparus.
Ecrire sur les pilotes en temps de guerre est l'un de mes futurs projets.
Euh... épokhè, alors, plutôt que réduction eidétique. Mise en suspens de la thèse du monde.

On retrouve vraiment, à te lire, les Méditations cartésiennes: la genèse de l'ego n'est possible que dans la rencontre de l'Autre. (Husserl parlerait d' "intersubjectivité monadique", seule à même finalement de nous faire retrouver l'idée d'un monde commun objectif)

"s'engager dans le jeu": je ne peux m'empêcher de penser à certaines conceptions du jeu comme "monde social sacrificiel": entrer dans le "jeu", ou dans la "danse", c'est accepter d'entrer dans la déambulation incertaine, et accepter d'y risquer sa peau face à d'autres qui ont eux aussi accepté ce risque ultime. D'où la dimension sacrificielle, que montrait très bien Avalon, d'Oshii, avec les "Unreturned"...
Y a-t-il toujours cette part de sacrifice dans le monde social, selon toi?
Les rapports sociaux, et/ou politiques, s'inscrivent-ils toujours sur le fond d'une violence première, ou d'une cruauté première? (un peu comme ce que découvre Elcana, qui finalement entre dans le monde social et quitte son intimité organique de type Comté hobbit, au moment où il casse la figure au tyranneau local, et doit donc dès lors entrer dans un monde encore plus cruel, celui qui est régi ultimement par Sebastian Thorne?)

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 12:19 pm

systar a écrit :
Xavier Mauméjean a écrit :
systar a écrit : La guerre éternelle, c'était juste magnifique. Ah bah tiens, en voilà un exemple de roman qui utilise le temps (ou les distorsions temporelles) comme métaphore des mutations de la conscience (celui qui part à la guerre ne retrouvera plus jamais le même monde à son retour, il y sera par définition inadapté, etc.). On a trouvé!
En fait, depuis trois ans, je lis quantité de mémoires de pilotes de la seconde Guerre mondiale : Galland, Clostermann, Nagatsuka, etc.

Je suis fasciné par ce que décrivent tous les pilotes, et qui s'apparente à la réduction eidétique. Entre deux missions, le pilote vit ou survit à sa peur, aux enjeux, à la quotidienneté. Puis, une fois dans son cockpit, il annule le monde et une bonne partie de son Moi. Tous le disent. La mission, loin de s'apparenter à une trajectoire linéaire, d'un point A à un point B, relève plutôt de la déambulation, d'une finalité hasardeuse qui tient aux conditions météo et à l'Autre en face, présent ou pas, qui est décidé ou non de s'engager dans le jeu. Puis l'appareil revient, le pilote se pose, et il se reprend la vie en pleine face : idéologie, émotions, alcool, femme, copains encore vivants ou disparus.
Ecrire sur les pilotes en temps de guerre est l'un de mes futurs projets.
Euh... épokhè, alors, plutôt que réduction eidétique. Mise en suspens de la thèse du monde.

La réduction éidétique est largement partagée chez les pilotes (et c'est d'aileurs assez étonnant car dans les préparations de missions, l'instructeur expose des séries de variations jusqu'à parvenir à l'objet tel qu'il devrait se présenter mais ne se présente jamais. Epoché pour une minorité, du genre Clostermann et Galland, assurément. C'est moins évident pour les pilotes japonais des "Corps d'attaque spécial", contrairement à ce que l'on pourrait croire.

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Message par systar » dim. oct. 05, 2008 12:30 pm

Epokhè, réduction: J'explique pour que tout le monde suive nos allusions.

Husserl, puisque c'est lui auquel Xavier se réfère, a voulu construire une science totalement objective et rigoureuse de ce qui est, des choses, mais en étudiant surtout la façon dont elles apparaissent, dont elles se donnent à voir. C'est pour cela que l'on parle d'une science des "phénomènes", ou phénoménologie.
Husserl a bâti une méthode, pour obtenir des résultats satisfaisants en phénoménologie.
Cette méthode se fonde entre autres sur deux grandes opérations de l'esprit que le théoricien phénoménologue se doit de mettre en oeuvre.
La première opération est la réduction eidétique, ou réduction aux essences.
Il s'agit de dire: intéressons-nous à ce qui, dans les choses, est le plus stable, le plus invariant: non pas leur particularité, mais leur "essence" (eidos, en grec, d'où le terme "eidétique").

Cette première réduction, ou reconduction du regard du théoricien vers ce qui est le plus essentiel, permet de mettre en oeuvre une première méthode: la variation eidétique. Elle consiste, pour décrire un objet, à l'inspecter sous une multitude de facettes, et à voir se dégager ce qui, dans cette variété de facettes, ne change jamais. On dégage donc un invariant essentiel, un invariant "eidétique", et c'est cela que décrit la phénoménologie.

Mais Husserl a voulu perfectionner sa méthode. Il était bien conscient que, pour être totalement objectif, le regard du phénoménologue devait être libre de tout préjugé, libre de toute opinion préconçue sur les phénomènes du monde, ou sur le monde lui-même. Comment s'en débarrasser, pour retrouver un regard parfaitement neutre, parfaitement premier, pour voir les choses telles quelles, et non comme filtrées par mes préjugés ou mes opinions?
Réponse: en faisant comme si le monde n'existait pas. On se mettra donc à décrire quelque chose dont on ne sait pas s'il existe ou non, et on verra alors apparaître d'autant plus facilement le rapport pur qu'une conscience tisse toujours avec son objet.
Cette deuxième opération est encore une reconduction du regard, donc littéralement une "réduction". C'est la deuxième de la méthode phénoménologique. Puisqu'elle consiste, en posant que le monde n'est peut-être pas réel, que son existence doit être mise entre parenthèses, à suspendre ses propres jugements sur le réel, on parle d'épokhè phénoménologique (épokhè, littéralement, c'est l'arrêt, la coupure).

Voilà voilà...

Xavier Mauméjean
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Message par Xavier Mauméjean » dim. oct. 05, 2008 12:30 pm

systar a écrit :
Y a-t-il toujours cette part de sacrifice dans le monde social, selon toi?
Les rapports sociaux, et/ou politiques, s'inscrivent-ils toujours sur le fond d'une violence première, ou d'une cruauté première? (un peu comme ce que découvre Elcana, qui finalement entre dans le monde social et quitte son intimité organique de type Comté hobbit, au moment où il casse la figure au tyranneau local, et doit donc dès lors entrer dans un monde encore plus cruel, celui qui est régi ultimement par Sebastian Thorne?)
Absolument. C'est le prix à payer, tous les enfants le savent. Après, ça devient moins facile mais plus intéressant.

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