Stéphane a écrit :Stéphane,
Tu parles beaucoup du travail de documentation.
Quelle part du temps consacré à tes projets prend-t-il ?
Dans le cas du "Déchronologue", le temps de documentation a été au moins (euphémisme) aussi important que le travail de rédaction. D'autant plus que, pour des raisons liées à la nature de la structure déchronologique du récit, j'ai du écrire le roman deux fois
Et j'ai continué à me documenter au fur et à mesure de la rédaction, à chaque fois que j'étais confronté à une question d'authenticité historique.
Je croyais avoir quelques bases en terme de vocabulaire maritime, de navigation à voile, mais quand il s'agit de rentrer dans les détails, juste tu te procures un dictionnaire dédié
Pareil pour les vêtements ou l'alimentation des Maya, l'organisation économique des colonies espagnoles (comment fonctionne la redoutable
Casa de contratacion ?), ou la justice des mêmes colonies (juge-t-on un criminel sur place où est-t-il renvoyé en Espagne ?). Etc.
Comme je l'ai déjà raconté en petit comité, j'ai découvert avec horreur à la moitié du roman que le "rhum" n'existait pas encore, et que mes marins allaient devoir se contenter de "tafia" et de "guildive". tout à mon iconographie (un pirate, ça boit du rhum !) j'avais failli passer à côté de ce léger détail ^^
Bon en fait, il semblerait que les premiers essais se fabrication de rhum se soient produits autour de 1635, donc, j'aurais pu estimer que ça passait... Mais on parle là d'essais, pas de commercialisation ni de passage dans le langage courant d'un terme. Alors, je me suis juste contenté, à un moment, de faire déguster par Villon une excellente bouteille de "guildive raffinée" rapportée par Francisco Molina de La Barbade. On peut considérer que c'est du rhum, mais Villon ne le sait pas
Comment te viennent tes idées pour tes romans ? Est-ce que tu sais déjà ce qu'il va y avoir dedans avant de les écrire, ou est-ce que tes recherches documentaires t'amènent la plus grande part des idées ?
pour moi, les deux se nourrissent mutuellement. J'ai mes idées initiales, ma trame, mais il arrive régulièrement que mes lectures et recherches approfondissent tel ou tel chapitre, voire le reconfigurent totalement. Par exemple, quand j'ai découvert à quelles extrémismes éthyliques se livraient les Mayas, et vu la grande posture alcoolique du capitaine Villon, je ne pouvais pas ne pas le mettre au défi de "boire autant qu'un Maya"... Pendant les premières minutes, il croit qu'il va aisément tenir la distance... Après, ça se complique un peu
En ce qui concerne ta question plus générale
"Comment te viennent tes idées pour tes romans ? " , je serai bien en peine de t'expliquer le processus en détail. Mon prof d'écriture (Pierre Christin) nous avait expliqué en cours que c'était souvent les associations d'idées qui créaient des concepts intéressants. Il a cité une fois l'équation suivante : "Mad Max + Le Grand Bleu = Waterworld"
Pour "le Déchronologue", j'avais deux idées : une "vraie" histoire de pirates pour rendre hommage au roman picaresque et d'aventure de mon enfance, et l'idée de chocs temporels vus à travers le regard de celui qui subit ces visites, et non pas à travers celui des envahisseurs. Dans tout le roman, il y a un seul passage "vu par le regard des envahisseurs" (et encore, de manière assez désincarnée) : quand les
Americanos viennent avitailler à Maracaibo, la narration passe brièvement du point de vue de ceux-ci regardant approcher les barcasses des "indigènes".