...ne fâcher personne.
Nous ne sommes personne, effectivement.
Liberté, l'égalité, fraternité, prospérité?
Ça pourrait être la devise de la Ligue, qui affirmerait ainsi son statut de Monaco de l'Imaginaire.
Une sous-variante de la stratégie de la confusion fut celle de Presses-Pocket sous le règne de Jacques Goimard. Disposant d'une collection de science-fiction de qualité et bien installée et souhaitant pour plusieurs raisons introduire dans son programme de la fantasy, il trouva habile etc
Le point historique est évidemment juste mais quelque chose me dit que le problème n'est pas là.
Edmond Hamilton a inventé le space-opera dans Weird Tales.
Lovecraft a publié la Couleur tombée du ciel dans Amazing, où Merritt plaçait déjà des textes hybrides.
"Unknown" fut sans doute le meilleur de tous les pulps.
Et Dieu a publié Terremer dans sa collection métallique.
Le problème est uniquement celui de la qualité. Les cycles de fantasy choisis par Goimard étaient merdiques et c'est ça qu'on peut lui reprocher. Avoir délibérément abaissé un outil éditorial de qualité pour des conneries commerciales. Si les textes sont bons, personne ne râle.
Quant à
la nostalgie d'un temps largement mythique où le champ littéraire n'aurait pas encore éclaté et cela de façon indiscutable et irréversible, en domaines très variés avec des pratiques d'écriture, de publication et de lecture très différentes
il faudrait préciser, dans l'intérêt de la raison, si l'allusion concerne le début du XXème siècle, ie le champ littéraire avant les segmentations éditoriales, ou bien la situation de la SF avant les années 80. Le temps dont on parle ici fut-il réellement "mythique" ? Après tout, Sadoul, qui était un bon éditeur, a maint fois déclaré que sa stratégie pour divulguer la SF était de la publier sans marquage, "comme Guy des Cars" (son autre vache à lait). Et Dieu sait que tous les lecteurs qui ont fait leurs premiers pas à cette époque lui doivent quelque chose. Par ailleurs, dans la même collection, il pubiait aussi Bilbo le Hobbit, La nef d'Ishtar, Carrie, Un monde Magique, Les vampires de l'Alfama, Les Innommables, La reine de l'air et des ténèbres…
Un coup d'œil au Rayon SF nous apprend que dans les dix premiers titres de la collection SF de Lattès, il y a de la Fantasy signée Michael Moorcock. Que dans les dix premiers titres de la première série du Livre de Poche SF, il y a "La maison au bord du monde" de Hodgson et "Le grand dieu Pan" de Machen. Que la collection Fantastique chez Marabout comprit assez vite des titres SF. Que le premier titre de la collection Nebula chez Opta fut "Le livre des crânes" de Silverberg. Que le mélange des genres fut la règle absolue chez Néo. Et que le Présence du Futur des origines publiait Lovecraft, Jean Ray et Marianne Andrau en même temps que Ray Bradbury et Gérard Klein. Que "Fiction" fut d'abord "la revue de l'étrange, du fantastique et de la science-fiction".
Il n'est pas interdit de se demander – en tant qu'auteur et lecteur – si le processus de division fractale en genre, sous-genres, infra-catégories-thématiques, etc. est une si bonne affaire ? Pour l'avoir vécue, je me souviens que ce syndrôme a précédé la mort d'Anticipation Fleuve Noir. Il n'était peut-être qu'une contre-mesure pour retarder l'inévitable mais dans ce cas, il a tué le malade (comme il avait tué Métal Hurlant). Peut-on à la fois déplorer le public assez nombreux des années 70, sa créativité, son ouverture d'esprit et recommander en même temps un marquage rigide ?
(Toutes ces remarques s'élucident en terme d'intérêts bien compris et ne discutent pas l'utilité des catégories à fins d'analyse – ça va de soi.)