Le_navire a écrit :Avec ton esprit d'analyse en la matière, as-tu l'impression que les choses changent ? Je ne parle pas du contexte commercial, ici, mais bien des tendances qu'on peut retrouver jusque dans la manière dont les gens écrivent, sur les manuscrits qu'on reçoit, leurs qualités et leurs défauts. As-tu l'impression qu'on commence à distinguer de nouvelles tendances, de nouvelles ouvertures, ou sommes-nous simplement dans un éternel recommencement ?
Bonjour Hélène,
(Tu m'excuseras, mais je vais d'abord répondre à côté de ta question pour mieux y revenir.)
J'ai l'impression que le combat de respectabilité de la SF, le combat pour la légitimité du genre, est un combat gagné, et il l'a été par les auteurs de littérature générale comme Haruki Murakami, Michael Chabon, Philip Roth, Philip Kerr, Cormac McCarthy, Thomas Pynchon, Houellebecq...
Ils ne venaient pas du sérail, ils ont utilisé certains outils propres à la science-fiction, ou une partie de son esthétique, de ses thématiques, et ont fait de bons livres (voire de grands livres) là où d'autres auteurs de littgèn avant eux se sont si souvent cassé les dents. Certains de ces livres resteront et trouveront leur place entre
1984 et
Sa majesté des mouches.
Ce combat est gagné ; inutile de regarder dans les rétroviseur, il faut passer à l'étape suivante : permettre aux gens du sérail, venus de la science-fiction d'imposer leur travail et de toucher un large public.
(Rendons alternatif ce qui pour le moment ne marche que dans un sens.)
Pelot y est arrivé ; Bordage aussi, Ayerdhal sans doute. Et là c'est passé par les éditeurs qui ont fait le choix à un moment d'un autre type de commercialisation, d'un autre type de couvertures.
La tendance que je vois, mais qui commercialement pour le moment ne donne pas grand chose (du moins pour les auteurs estampillés SF/fantasy), c'est celle de la transfiction. Il y a un moment où on va passer de l'autre côté, Mauméjean, Lehman, Colin par exemple, ne seront plus considérés comme des auteurs de SF/Fantasy mais comme des auteurs tout court. ET le "problème" de l'étiquette ne se posera plus, car les gros acheteurs de livres sont de plus en plus de gros consommateurs d'Internet et de nouvelles technologies. Ils baignent dedans et nos enfants ce sera pire, osmotique ai-je envie de dire.
Cela dit, ce voyage de la SF vers la littérature demande plus d'effort que le voyage inverse et passe par une pénible phase d'investissement (qu'on voit Au Diable Vauvert, à l'Atalante, avec Fabrice Colin et Emmanuel Werner, au Bélial avec Francis Berthelot, chez Interstices, etc.) , mais il y a un moment où on déchirera le voile et TOUT sera gagné.
Une autre tendance (proche d'ailleurs des transfictions ; c'en est sans doute une branche) c'est la mode naissante des parachronies, ces textes où on est dans un passé ou un présent "autre" sans point de divergence uchronqiue évident, mais où clairement on n'est pas dans notre monde. Ceux qui ont lu "Terre de Fraye" de Jérôme Noirez comprendront très vite de quoi je parle. On peut trouver cette littérature facile car tout y serait permis, peut-être, je ne juge pas, par contre à mon avis elle réserve bien des chocs esthétiques à venir.
GD