Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Erion
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Message par Erion » mer. déc. 09, 2009 2:04 am

Gérard Klein a écrit : Comme je l'ai déjà dit, j'ai pratiquement un quart de siècle d'expérience des enquêtes sur le terrain, qualitatives et quantitatives, et tout dans cette phrase me semble suspect. La science-fiction? Comment la définit-on ici? Est-on certain que la fantasy ne s'y trouve pas inclue. À partir de quel corpus? Livres, BD (on peut en principe exclure le cinéma et la télévision puisque "lue"). Quelle est la définition des ados? Sur quel échantillon? Qui a fait l'enquête? Quand? Qui l'a publiée? Où? Dans quel contexte et à quelles fins l'enquête a-t-elle été lancée? 51% de quoi. Le 51% implique que la population totale étudiée débordait les adolescents et était représentative de la population générale. Mais laquelle? Celle de tous les Français, celle de ceux qui lisent des livres, de ceux qui lisent principalement de la science-fiction? Comment ont-ils été choisis?
Ce sont des questions élémentaires que se poserait immédiatement un statisticien ou un sociologue, même débutant.
À défaut, cette assertion n'a aucune valeur et pratiquement aucun sens.
Tu sais où sont ces infos. C'est des infos que les éditeurs doivent avoir consultées.
Alors oui, il y a des biais, bien sûr (le fait notamment que la notion de "livre" est assez vague chez les 15-19 ans et même au-delà). Mais pour répondre à la question de savoir s'il y a rejet de la SF par les jeunes, la réponse est "négative".

En revanche, il y a rejet des romans "chiants" par les jeunes, qu'il soit de SF ou de n'importe quel autre genre.

J'ai été membre de jury pour un prix littéraire de collégiens y'a une paire d'années. Dans la sélection, y'avait un livre de SF. J'ai regardé sur le net, y'avait des critiques assez bonnes sur les sites SF. Mais quand je l'ai lu, j'ai trouvé ça terriblement ennuyeux et cliché. Les élèves ne s'y sont pas trompés. C'était un livre sur la énième dictature, avec des manipulations génétiques et un complot. Quand j'ai demandé aux élèves pourquoi ils n'avaient pas aimé ce livre, ils ont répondu "c'est tout le temps comme ça, la SF, toujours sombre".
Impossible de leur donner tort. Moi-même, à 12-13 ans, on m'aurait donné ça à lire, j'aurais fui.
A l'inverse, ils ont donné le prix à un roman qui était constitué d'échanges de mails sur le conflit israëlo-palestinien. Et même si le livre n'était pas exempt de défauts, il était bien plus intéressant que le livre de SF. Il se trouvait que le livre "littgen" était plus enthousiasmant, plus enrichissant intellectuellement que le livre SF.

Faut arrêter de prendre les jeunes pour des idiots. S'ils ne trouvent pas la SF qui les intéresse dans la littérature, ils la trouvent ailleurs (jeux vidéos, films, mangas). Et cette SF là, n'est pas plus "facile" que la SF littéraire. Je connais bien des séries bien plus évoluées que les romans encensés ici et là dans le fandom.

Quand je débute mon cours, je commence toujours par leur faire citer des oeuvres de SF, tout genre confondus, à mes étudiants. Allez, à 80% ils me citent des films/JV/BD/mangas de SF. Tout juste s'ils ne sont pas étonnés que le cours porte sur la littérature.
Sur les raisons pour lesquelles ils ne lisent pas de SF (alors qu'ils lisent des tas d'autres choses), il y aurait beaucoup à dire, ce qui dépasse le cadre de ce fil, mais la SF comme genre, non, ils ne la rejettent pas.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 09, 2009 2:05 am

Gérard Klein a écrit :
Lem a écrit :
Erion a écrit :Entre ici, Saint Thomas d'Aquin et ton cortège de dominicains...
Pour l'invention de la métaphysique, je suis terriblement banal. Je me fie à l'histoire de la philosophie et donc (argh ! "donc" !), c'est Aristote.
Techniquement, si je me souviens bien, mais mes souvenirs d'il y a près de 2500 ans commencent à se brouiller un peu, ce sont ses disciples qui ont fait un fourre-tout avec ce qui ne rentrait pas dans la physique et qu'ils ont appelé l'après-physique, métaphysique.

Un best-seller. Au moins cinq cent copies dans toute la sphère héllènistique sur trois cents ans.
Ah, parce qu'en plus, il faut savoir lire?
Oncle Joe

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Erion
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Message par Erion » mer. déc. 09, 2009 2:07 am

Lensman a écrit : Ah, parce qu'en plus, il faut savoir lire?
Oncle Joe
Et on sait, depuis les grecs (si le navire est toujours sur ce fil, elle donnera la référence qui va bien sur le sujet), que le début de la fin de la civilisation a commencé avec l'écrit. Quand les individus ont cessé de faire appel à leur mémoire.
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Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mer. déc. 09, 2009 2:07 am

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Et de manière générale, c'est effectivement très mauvais signe (des tas de bouquins barjos sont farcis de ces formules ronflantes plus ou moins absurdes). Mais en SF, non. Seulement, il faut connaître les codes de cette littérature, accepter la quincaillerie.
Pardonne-moi, Oncle. Je t'ai tendu un petit piège sans malice.
La phrase en A au-dessus n'est pas extraite de Van Vogt mais de l'un des derniers grands textes de métaphysique religieuse du XXème siècle, L'étoile de la rédemption de Franz Rosenzweig, 1921 (que m'a fait découvrir Systar). Elle conclut le passage suivant :
Si, dans cette mer silencieuse de la physis interne de Dieu, une tempête doit survenir qui fasse monter ses flots, si de son propre sein naissent des tourbillons et des vagues qui font entrer la surface silencieusement dans un mouvement déferlant – voilà ce que nous ne savons pas encore. En tout premier lieu, il est A – l'être non mû, infini.
Ceci ne prouve évidemment rien et je ne l'utiliserai pas dans le débat (car il n'y a pas de voiture volante chez Rosenzweig et la même proposition renversée ne donne rien). Je voulais juste montrer à quel point, lorsque l'esprit est éduqué à percevoir les choses d'une certaine manière, tout ce qui se présente à lui est déformé.

Edit : aha Systar ! Mais tu l'as quand même senti…
C'est évidemment le grand A de Lacan; qui doit être barré pour laisser place au sujet, lequel ne considère que le petit a barré du parent.
Limpide.
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Message par Lensman » mer. déc. 09, 2009 2:09 am

Gérard Klein a écrit :
C'est évidemment le grand A de Lacan; qui doit être barré pour laisser place au sujet, lequel ne considère que le petit a barré du parent.
Limpide.
C'est toujours émouvant de voir les manifestations d'un autre fandom...
Oncle Joe

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mer. déc. 09, 2009 2:52 am

Erion a écrit :
Gérard Klein a écrit : Comme je l'ai déjà dit, j'ai pratiquement un quart de siècle d'expérience des enquêtes sur le terrain, qualitatives et quantitatives, et tout dans cette phrase me semble suspect. La science-fiction? Comment la définit-on ici? Est-on certain que la fantasy ne s'y trouve pas inclue. À partir de quel corpus? Livres, BD (on peut en principe exclure le cinéma et la télévision puisque "lue"). Quelle est la définition des ados? Sur quel échantillon? Qui a fait l'enquête? Quand? Qui l'a publiée? Où? Dans quel contexte et à quelles fins l'enquête a-t-elle été lancée? 51% de quoi. Le 51% implique que la population totale étudiée débordait les adolescents et était représentative de la population générale. Mais laquelle? Celle de tous les Français, celle de ceux qui lisent des livres, de ceux qui lisent principalement de la science-fiction? Comment ont-ils été choisis?
Ce sont des questions élémentaires que se poserait immédiatement un statisticien ou un sociologue, même débutant.
À défaut, cette assertion n'a aucune valeur et pratiquement aucun sens.
Tu sais où sont ces infos. C'est des infos que les éditeurs doivent avoir consultées.
Alors oui, il y a des biais, bien sûr (le fait notamment que la notion de "livre" est assez vague chez les 15-19 ans et même au-delà). Mais pour répondre à la question de savoir s'il y a rejet de la SF par les jeunes, la réponse est "négative".

En revanche, il y a rejet des romans "chiants" par les jeunes, qu'il soit de SF ou de n'importe quel autre genre.

J'ai été membre de jury pour un prix littéraire de collégiens y'a une paire d'années. Dans la sélection, y'avait un livre de SF. J'ai regardé sur le net, y'avait des critiques assez bonnes sur les sites SF. Mais quand je l'ai lu, j'ai trouvé ça terriblement ennuyeux et cliché. Les élèves ne s'y sont pas trompés. C'était un livre sur la énième dictature, avec des manipulations génétiques et un complot. Quand j'ai demandé aux élèves pourquoi ils n'avaient pas aimé ce livre, ils ont répondu "c'est tout le temps comme ça, la SF, toujours sombre".
Impossible de leur donner tort. Moi-même, à 12-13 ans, on m'aurait donné ça à lire, j'aurais fui.
A l'inverse, ils ont donné le prix à un roman qui était constitué d'échanges de mails sur le conflit israëlo-palestinien. Et même si le livre n'était pas exempt de défauts, il était bien plus intéressant que le livre de SF. Il se trouvait que le livre "littgen" était plus enthousiasmant, plus enrichissant intellectuellement que le livre SF.

Faut arrêter de prendre les jeunes pour des idiots. S'ils ne trouvent pas la SF qui les intéresse dans la littérature, ils la trouvent ailleurs (jeux vidéos, films, mangas). Et cette SF là, n'est pas plus "facile" que la SF littéraire. Je connais bien des séries bien plus évoluées que les romans encensés ici et là dans le fandom.

Quand je débute mon cours, je commence toujours par leur faire citer des oeuvres de SF, tout genre confondus, à mes étudiants. Allez, à 80% ils me citent des films/JV/BD/mangas de SF. Tout juste s'ils ne sont pas étonnés que le cours porte sur la littérature.
Sur les raisons pour lesquelles ils ne lisent pas de SF (alors qu'ils lisent des tas d'autres choses), il y aurait beaucoup à dire, ce qui dépasse le cadre de ce fil, mais la SF comme genre, non, ils ne la rejettent pas.
Non, je ne sais pas où on trouve cet soi-disant info des 51%. Mais où qu'on la trouve, elle est soit fausse, soit sans signification.
Mon immortalité est provisoire.

Lem

Message par Lem » mer. déc. 09, 2009 3:05 am

Gérard Klein a écrit :Lem présente une citation intéressante et hautement significative:
"Tous ces livres ! Je ne les lis pas, j'en ai essayé un ou deux mais je n'y arrive pas, je n'y comprends rien. Et ces titres, oh, ces titres… Les dieux de Mars. Les demi-dieux. Les dieux verts… Ils appellent ça science-fiction mais les dieux, ce n'est pas de la science, quand même ! Et pourquoi pas l'Atlantide, aussi ? Et ça, l'Ultra-univers, La force sans visage, L'étoile de Satan, N'accusez pas le ciel… Bon sang, ces types se prennent vraiment au sérieux, c'est incroyable. Les portes du néant ? Pourquoi pas l'Etre et le néant tant qu'on y est ? Ou bien Etre et temps ? Et ça, c'est quoi ? Les soucoupes volantes attaquent ? Les sphères de Rapa-Nui ?On dirait ces numéros de Planète où tout est mélangé n'importe comment. C'est les mêmes auteurs, d'ailleurs. Bergier, il aussi dans cette revue, là. Fiction. Et ces couvertures, bon sang, qu'elles sont laides ! On dirait des vieiles gravures de la Bible, ou du Paradis Perdu, ou de la Divine Comédie de Doré mais avec des couleurs horribles ! Où est la science, là-dedans ? Où est la fiction ? Ce n'est pas de la littérature, c'est… c'est N'IMPORTE QUOI."
Mais il devrait dire d'où elle vient. Cela pourrait être de L'Effet science-fiction, des Bogdanov. En tout cas, il y en a de cette eau là dans ce fameux livre.
Tu étais, Gérard, trop saisi par l'efflux scriptural pour remarquer que je répondais par ce texticule à Oncle, qui me demandait de lui montrer comment – concrètement – la perception d'objets métaphysiques et religieux associés à la sf avait pu jouer un rôle dans son rejet. Je me suis mis sans difficulté à la place d'un sujet-type des années 60 et j'ai écrit la chose. Je suis encore écrivain, après tout ; je me rappelle encore vaguement ce qu'est un point de vue et toutes sortes d'expériences personnelles avec des gens rejetant la sf de cette manière me sont revenues à l'esprit. Ma source, c'est moi-même, comme disait Versins. Ces quelques lignes matérialisent et condensent l'hypothèse en M, en indiquant ce qu'on peut espérer trouver pour la valider.
Quelques brèves notes sur ton feuilleton (réussi, y compris les cliffhangers) :
– La réaction de Revel est intéressante. Si les termes que tu cites sont exacts, on pourrait gloser longtemps sur le mot "germe"…
– Viktor Stokowski fait son chemin des profondeurs de ma bibliothèque vers la lumière du jour depuis quelques semaines mais j'attendais encore un peu pour le sortir, le relire et l'exploiter ici : dépourvu de preuves comme je suis, j'essaie d'économiser mes cartouches.
– Les Bogda : je n'ai pas l'Effet, qui est dans une caisse quelque part, comme 80% de ma bibliothèque. Si quelqu'un sur le fil le possède, il peut l'ouvrir et y chercher des formes de rejets compatibles avec l'hypothèse en M, s'il le souhaite. Je me souviens non dans le détail, mais comme forme générale, de la catégorie "peur de la mort". C'est évidemment prometteur. C'est d'ailleurs une chose que j'ai souvent constatée quand j'étais ado et que j'étais tellement transporté par la sf que j'essayais d'en faire lire à tout le monde. Dans ma famille, beaucoup ont essayé et m'ont rendu les livres déconcertés avec ce genre d'argument : "Non… je n'aime pas… ça m'effraie." J'étais surpris car pour moi, la peur, c'était ce qu'on éprouvait devant le fantastique ou l'horreur. J'y repense et je crois que je comprends mieux de quoi il était question dans cette forme de rejet – et ça pourrait avoir un rapport avec M.
– Tu as plusieurs fois utilisé le mot "donc" dans ton post et c'est le mal.

(Et puis, aussi, un mot au sujet de ce commentaire que je vois revenir ici, de temps en temps, sous différentes signatures. En substance : "bientôt la page 200, on tourne en rond, on n'avance pas, toute la teneur de ce fil tient dans la formule "tu m'as mal lu", etc."
Qu'on adhère à l'affaire M ou non, je trouve ces bientôt 200 pages loin d'être ridicules. Il s'y dit beaucoup de choses. Il y a de temps en temps des beaux textes. Il y a une année de cours de philo gratuite. Il y a plein de citations. Il y a de la pensée, ou des efforts pour penser. Il y a de l'humour, des crises de nerfs, des conspirations hétéroclites. C'est dommage de ne pas en profiter.)

Lem

Message par Lem » mer. déc. 09, 2009 3:10 am

Sylvaner a écrit :Allez, c'est l'heure du coming-out : qui parmi vous osera dire qu'entre deux romans de SF, lorsque la recherche d'une pure émotion littéraire devient pregnante, ils se risquent dans la "littgen" ?
Damn. Fait comme un rat. Moi.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mer. déc. 09, 2009 3:28 am

Je voudrais rajouter deux points à mon intermède.

D'abord, pour répondre à Oncle Joe qu'il s'agit évidemment de l'accueil de la science-fiction en France, et non de la seule science-fiction française. Du reste, la littérature étrangère traduite est dans l'ensemble bien accueillie quand elle est générale.

Ensuite, pour répondre à une question d'un intervenant, peut-être RCW, que se passe-t-il si l'on supprime le Fleuve Noir Anticipation?
Ma réponse sera cruelle pour certains.
Il ne se passe strictement rien. Les dix pour cents de textes supportables auraient été sans doute publiés ailleurs, Wul, Steiner, quelques Bruss, quelques Verlanger, quelques d'Argyre, peut-être quelques RCW. Ces auteurs l'ont en tout cas été. Soit peut-être cent titres sur 1000.

En revanche, si l'on supprime Le Rayon Fantastique (disons pour la moitié), Présence du Futur, Fiction et les deux Galaxies, la GASF, une bonne partie d'OPTA, Ailleurs et demain, Dimensions SF, Lunes d'encre, et sans doute une ou deux collections que j'oublie (mais laissons reposer en paix la sf politique de Bernard Blanc) c'est tout un pan de la culture en France qui disparaît non sans laisser un cratère. Peut-être trois ou quatre mille titres significatifs, en tout cas plus de mille.

Il y a une légère différence.
Uchronique?

Je vais même revenir très en arrière, à la question initiale.
Lem pose deux questions, peut-être mal formulées, auxquelles, peut-être, il répond maladroitement. Mais on peut essayer de les interpréter et de se les poser à soi-même:

- Y a t-il dans la science-fiction des questions philosophiques que l'on peut qualifier de métaphysiques?
Un professionnel, Guy Lardreau, a répondu oui, non san signaler qu'ils trouvait leurs expressions maladroites, naïves et peut-être grossières mais somme toute passionnantes. Faut-il préciser que Lardreau et Badiou, de la même cuvée, ne méprisaient pas la métaphysique?
Quelques autres, moins experts, dont Jacques Goimard et JE, ont dit bien avant la même chose et Lardreau ne l'ignorait pas.
Sur un registre beaucoup plus vulgaire, Stoczkowski dit la même chose à propos des extraterrestres, des dieux et même des hommes.

- La présence de ces questions, plus ou moins bien exploitées, ce n'est pas la question, est-elle la raison du rejet et du déni opposé à cette littérature par les Défenseurs des Lettres? Ou bien les autres réponses, à supposer qu'on en ait fait le tour, suffisent-elles?
Il me semble évident, comme je l'ai déjà dit, que les réponses, d'un point de vue sociologique, sont multifactorielles.

En ce qui concerne l'hypothèse de Lem, je ne sais pas. Mais ce qui me frappe sur ce fil interminable et souvent répétitif, c'est que la question n'est même pas entendue et que personne, pour ainsi dire, n'essaie de voir s'il n'y a pas lieu de lui apporter quelque chose.
Pour ma part quand je tombe sur une réponse à des questions que je me pose, ou bien j'y ai longuement réfléchi et j'ai travaillé dessus et si la réponse est absurde, je la néglige une bonne fois pour toute.
Ou bien, si elle est intéressante et que je ne sais pas, ou pas suffisamment, je cherche à comprendre ce que la question signifie, si je peux la démonter ou si je puis lui apporter quelque chose. En tous cas, qu'est-ce que je peux en faire?

J'ai l'impression déprimante sur ce fil que la plupart des messages ne sont même pas lus et qu'il leur est répondu sur des pétitions de principe sans aucune attention à ce qu'ils essaient de dire.
Y compris sur mes propres messages dont les contestations portent parfois sur le contraire exactement de ce que j'ai écrit.
Tous des Slans !!!
Modifié en dernier par Gérard Klein le mer. déc. 09, 2009 4:49 pm, modifié 1 fois.
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Message par Lensman » mer. déc. 09, 2009 3:43 am

Gérard Klein a écrit : Pour ma part quand je tombe sur une réponse à des questions que je me pose, ou bien bien j'y ai longuement réfléchi et j'ai travaillé dessus et si la réponse est absurde, je la néglige une bonne fois pour toute.
Ou bien, si elle est intéressante et que je ne sais pas, ou pas suffisamment, je cherche à comprendre ce que la question signifie, si je peux la démonter ou si je puis lui apporter quelque chose. En tous cas, qu'est-ce que je peux en faire?
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris... Il ne manquerait pas un ou deux mots?...
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Message par Sylvaner » mer. déc. 09, 2009 3:56 am

Gérard Klein a écrit : J'ai l'impression déprimante sur ce fil que la plupart des messages ne sont même pas lus et qu'il leur est répondu sur des pétitions de principe sans aucune attention à ce qu'ils essaient de dire.
Y compris sur mes propres messages dont les contestations portent parfois sur le contraire exactement de ce que j'ai écrit.
Tous des Slans !!!
Je ne suis pas sûr qu'un défaut de lecture soit en cause, à moins de prendre en compte le rythme affolant d'avancement de ce fil - plusieurs pages le temps d'un paquet de copies... ça incite au survol. Je pense plutôt que beaucoup campent sur leurs positions, y compris celles qui nient l'intérêt du débat. (Moi ? j'apprends, et j'essaie de faire un peu la mouche du coche sur certaines sous-questions.)
Par exemple, votre analyse du rejet portant notamment sur quelques essais à charge contre la SF est probante. Pour autant, je ne suis pas persuadé que le mot de Revel - et encore moins l'essai de Stoczkowski - aient une influence si importante sur le lectorat populaire. Je suis plus convaincu par le passage sur les libraires et bibliothécaires, véritables filtres par lesquels il faut bien réussir à passer !
D'autre part, je crois bien que le paragraphe sur la fantasy que je cite plus haut est de vous ! j'ignore si vous revendiquez effectivement ces propos (on trouve parfois des citations fausses, ou hors contexte) mais si c'est le cas, le procès en inutilité que vous faites à la fantasy n'est-il pas, pour beaucoup, transposable à la SF ?
Je n'ai personnellement jamais reçu l'argument d'"effrayant"... plutôt des préjugés basiques de forme (les descriptions) et surtout... ce même procès en inutilité. Pour beaucoup de non-lecteurs de SF, cette littérature est juste... pointless.

Cela dit, peut-être que cette vacuité perçue n'est pas sans rapport avec la métaphysique, en y réfléchissant...

N.B. : merci à Lem de m'avoir cité en ayant l'élégance de corriger discrètement ma faute à "pregnante" !
---
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Message par Lensman » mer. déc. 09, 2009 4:03 am

Lem a écrit : Dans ma famille, beaucoup ont essayé et m'ont rendu les livres déconcertés avec ce genre d'argument : "Non… je n'aime pas… ça m'effraie." J'étais surpris car pour moi, la peur, c'était ce qu'on éprouvait devant le fantastique ou l'horreur. J'y repense et je crois que je comprends mieux de quoi il était question dans cette forme de rejet – et ça pourrait avoir un rapport avec M.
Avec la peur de la mort, peut-être? ce n'est pas seulement une interrogation métaphysique, on va effectivement tous mourir pour de vrai, c'est pas négociable… Un texte qui se passe dans le futur, c'est souvent un texte qui se situe à un moment où le lecteur sera mort. A 13 ans (tu sais, l'âge d'or...), c'est un fait que l'on a tendance à négliger, et la Terre qui explose en l'an 3000, on trouve ça assez chouette, dans le feu de l'action. Pour beaucoup de gens, c'est très difficilement supportable (ça ne les amuse pas du tout...)
Finalement, on a assez peu abordé les problèmes que pose la thématique du futur, donc (désolé!) incidemment, de la mort du lecteur. Et d'ailleurs, curieusement, le futur ne semble pas si présent que ça dans les réflexions de Renard, alors que c'est essentiel chez Félix Bodin. Cette (relative, bien sûr) négligence du futur dans les débats signifie-t-elle quelque chose? (les collections s'appellent "Présence du Futur", "Anticipation", "Ailleurs & Demain", c'est le thème emblématique de la SF...). La question a été soulevée, mais on est parti dans d'autres directions.
Oncle Joe
PS: rien à dire sur le fait que SF et soucoupes sont effectivement inséparables pour le meilleur (hum) et pour le pire? et que le lecteur (et le critique "prescripteur") doit avoir conduit une réflexion qui l'amène à se dire que ce n'est pas si grave?
Modifié en dernier par Lensman le mer. déc. 09, 2009 4:31 am, modifié 1 fois.

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Message par Lensman » mer. déc. 09, 2009 4:17 am

Sylvaner a écrit : D'autre part, je crois bien que le paragraphe sur la fantasy que je cite plus haut est de vous !
... ça me disait bien quelque chose, mais en le parcourant, je me disais: fichtre, c'est assez rude... en voilà un qui n'y va pas avec le dos de la cuillère, et prend la peine de noyer le bébé avant de le jeter avec l'eau du bain... on est jamais trop prudent... du travail de professionnel... un Dieu vengeur n'aurait pas fait mieux...
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. déc. 09, 2009 5:11 am

Sylvaner a écrit :Pour beaucoup de non-lecteurs de SF, cette littérature est juste... pointless.Cela dit, peut-être que cette vacuité perçue n'est pas sans rapport avec la métaphysique, en y réfléchissant...
Oui. "Pointless" est le statut de la métaphysique après le tournant linguistique. "L'art de se poser des questions obscures, creuses, faussement profondes et de toute façon sans réponse". Je ne parle évidemment pas des métaphysiciens professionnels qui enseignent ou cherchent encore au XXème siècle, en dépit de l'effacement de la discipline, mais de la représentation publique.
Le parallélisme des reproches n'est pas une preuve ; il est l'un des indices qui justifie la formulation de l'hypothèse.

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Message par systar » mer. déc. 09, 2009 6:10 am

Lem a écrit :
Sylvaner a écrit :Pour beaucoup de non-lecteurs de SF, cette littérature est juste... pointless.Cela dit, peut-être que cette vacuité perçue n'est pas sans rapport avec la métaphysique, en y réfléchissant...
Oui. "Pointless" est le statut de la métaphysique après le tournant linguistique. "L'art de se poser des questions obscures, creuses, faussement profondes et de toute façon sans réponse". Je ne parle évidemment pas des métaphysiciens professionnels qui enseignent ou cherchent encore au XXème siècle, en dépit de l'effacement de la discipline, mais de la représentation publique.
Le parallélisme des reproches n'est pas une preuve ; il est l'un des indices qui justifie la formulation de l'hypothèse.
J'ajoute quelques éléments, volontairement parcellaires, pour entretenir le suspense sur M la maudite.

Le premier sera une remarque sur la forme d'expression.
De Leibniz à Hegel, et même Rosenzweig avec moultes réserves, la forme la plus adéquate, et la plus majestueuse (on parle souvent de "cathédrale philosophique" pour désigner la première Critique de Kant), de la philosophie, c'est le système. J'expliquerai dans le gros papier à venir ce que c'est en détails.
Avec Wittgenstein et Nietzsche: passage à la forme d'expression fragmentaire, explosion rosenzweigienne des réalités jadis tenues pour élémentaires par la métaphysique. Il faudra expliquer cette fragmentation du discours philosophique, et donc aussi du discours métaphysique, qui va mener à cette mise en minorité de la métaphysique "ancienne époque".

J'ajoute un deuxième élément, là encore juste pour nous mettre en appétit: la mutation dans la méthode de la métaphysique. De quoi part-on? à défaut de trouver encore de l'ultime, sur quoi fait-on fond pour faire de la métaphysique au vingtième siècle?

Sur ce point aussi, il y a une mutation dans la métaphysique, qui expliquera sa redéfinition, ses évolutions au XXème siècle.

Donc, dans quelques jours, fin du suspense, j'espère que j'aurai apporté suffisamment d'éléments (je mettrai quelques textes, histoire que tout le monde puisse se faire une idée) pour qu'on avance décisivement sur l'hypothèse M (la maudite).
(pour ma part, j'essaierai d'en défendre la plausibilité avec le plus de précision possible)

En tous les cas, pour l'effacement de la métaphysique de la "représentation publique", il me semble que plusieurs éléments explicatifs peuvent être avancés:
- la condamnation marxisante de la métaphysique comme forme d'expression de l'idéologie bourgeoise (Hegel).
- l'avènement en France de la phénoménologie (Sartre, Merleau-Ponty, puis Levinas, un peu Ricoeur, puis Marion, Henry, Chrétien, etc.), que l'on peut lire soit comme une métaphysique d'un type nouveau, soit comme l'abandon définitif de toute visée réellement "métaphysique". (j'essaierai de penser à expliquer en fonction de quoi on peut décider de cela)
- je pourrais ajouter la dépréciation par Heidegger de la métaphysique, décrite par lui comme expression du Gestell (arraisonnement du monde par la technique, à l'échelle planétaire), mais je crois peu à l'influence réelle de cette critique-là sur l'état de la philosophie en France.
- l'avènement de l'herméneutique, et le changement d'objet que se propose la philosophie en se voulant d'abord une herméneutique.
etc.

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