Les éditeurs de science-fiction s’arrachent les écrivaines
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- dracosolis
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Je ne vois pas en quoi. Je ne vois pas non plus pourquoi une profession devrait rester au masculin plutôt qu'une autre. Dans la mesure où il y a au moins autant de femmes que d'hommes qui écrivent et sont lues, il est assez logique que l'on ait enfin décider de féminiser les noms. On dit bien traductrice ou éditrice, sans que ça sous-entende quoi que ce soit d'"inférieur". Pourquoi est-ce que ça le serait pour "écrivaine" ou "auteure" ?bormandg a écrit :Dans les trois cas, le fait de féminiser sous-entend "inférieure aux vrais auteurs, romanciers, écrivains".
De même que je ne comprend pas pourquoi, dans mon domaine, un grand nombre de femme préfèrent être désignées comme "avocat" à la place d'"avocate" parce que, paraît-il ça ferait plus sérieux. La palme du ridicule revenant au magnifique "Madame le Juge"...
Un ou une volontaire pour m'expliquer ?
...!
Allez, je m'y colle.Lisore a écrit :Je ne vois pas en quoi. Je ne vois pas non plus pourquoi une profession
devrait rester au masculin plutôt qu'une autre.
Un ou une volontaire pour m'expliquer ?
Parce que ce serait un appauvrissement considérable de la grammaire française
que de réduire la notion de genre à celle de sexe.
On trouve même des noms féminins qui ne s'appliquent qu'à des hommes, parMaurice Grévisse (475-b) a écrit : Il est assez fréquent que l'opposition [entre le masculin et le féminin] soit plus complexe.
Il serait simpliste de dire que mère = père + « femme ».
Les noms des professions ont souvent désigné au féminin, non celle qui exerce la
profession, mais la femme de celui qui l'exerce. Cet usage n'a pas disparu, mais il est
en recul. Colonelle, générale, maréchale sont restés courants (...)
De tels emplois sont devenus ambigus pour les professions auxquelles les femmes
ont conquis l'accès ; c'est le cas d'Ambassadrice (...) Comme il s'agir du titre officiel,
le masculin, genre indifférencié, se justifie tout à fait. (...)
Les différences sémantiques entre le masculin et le féminin sont parfois considérables.
Courtisan, courtisane ; gars, garce ; homme public, femme publique ; preux, prude.
exemple barbouze, basse, vigie, ordonnance, Sa Sainteté, Son Eminence ;
et inversement : mannequin, alto, contralto (MG 476-a).
Il y a donc au moins deux types de justifications au maintien du masculin pour désigner
la profession exercée par une femme : lever une possible ambiguïté liée à l'histoire
de la langue (colonel, général), ou encore souligner que le sexe de la personne n'a pas
d'intérêt dans cet exercice (MG 476-b : assassin, auteur, avant-coureur... ingénieur...
professeur... vainqueur, voyou), voire que la fonction transcende la personne qui
l'exerce (ministre, juge).
Pour moi, il va de soi que ce type de subtilité grammaticale est un enrichissement,
permettant l'expression de nuances fines, et qu'elles n'ont de légitimité que si la langue
permet par ailleurs d'exprimer tout aussi sobrement la nuance opposée (en l'occurence,
que le sexe de la personne a un intérêt). C'est (presque ?) toujours le cas en français :
dracosolis a écrit :romancière
c'est très bien
"Madame le Juge", "Madame le Ministre (avec deux majuscules) ajoutent en quelqueLisore a écrit :La palme du ridicule revenant au magnifique "Madame le Juge"...
sorte un niveau d'information : on a remarqué que le Juge est une femme, que l'on
traite en conséquence avec toute la courtoisie requise, et on réaffirme son attachement
à la nature impersonnelle de sa fonction.
"Madame la Juge" me semble grammaticalement recevable, mais porteur d'une
idéologie différente. A la limite, dans une affaire où la question du sexe peut être
centrale (disons, pour décider de qui, entre le père et la mère, aura la garde des
enfants), il ne serait pas illogique de demander la récusation d'une magistrate insistant
pour qu'on l'appelle ainsi, et donc suspecte de juger en tant que femme.
Et dans le cas où le magistrat est de sexe masculin, mais insiste pour être appelé "madame la juge"? On pourrait demander la récusation? (Ce n'est même pas QUE du persiflage...)caliban a écrit : "Madame la Juge" me semble recevable, mais porteur d'une idéologie différente. A la
limite, dans une affaire où la question du sexe peut être centrale (disons, pour décider
de qui, entre le père et la mère, aura la garde des enfants), il ne serait pas illogique de
demander la récusation d'une magistrate insistant pour qu'on l'appelle ainsi.
Oncle Joe
Pour moi, ça, c'est une EXCELLENTE raison de féminiser le nom des professions : pour faire cesser cette infamie vis-à-vis des épouses, supposées dans cet usage n'avoir pas d'existence en dehors de leur époux.caliban a écrit :Maurice Grévisse (475-b) a écrit : Il est assez fréquent que l'opposition [entre le masculin et le féminin] soit plus complexe.
Il serait simpliste de dire que mère = père + « femme ».
Les noms des professions ont souvent désigné au féminin, non celle qui exerce la
profession, mais la femme de celui qui l'exerce. Cet usage n'a pas disparu, mais il est
en recul. Colonelle, générale, maréchale sont restés courants (...)
De tels emplois sont devenus ambigus pour les professions auxquelles les femmes
ont conquis l'accès ; c'est le cas d'Ambassadrice (...) Comme il s'agir du titre officiel,
le masculin, genre indifférencié, se justifie tout à fait. (...)
Une colonelle est une femme officier, pas une femme d'officier.
On perdra un "usage de la langue" ? Faux, c'est un glissement sémantique, ce ne sera ni le premier ni le dernier.
Une langue c'est vivant.
Elle serait surtout suspecte d'appliquer la doctrine (je ne sais plus si c'est une circulaire ou le précis de légistique)caliban a écrit : il ne serait pas illogique de demander la récusation d'une magistrate insistant
pour qu'on l'appelle ainsi, et donc suspecte de juger en tant que femme.
(Je vais demander que monsieur le juge se récuse, il est suspect de juger en tant qu'homme

Tout étant grammaticalement correct, on fait comme on veut, je ne relève pas les "madame le ministre" des autres, on est prié de ne pas relever mes "madame la ministre", et on verra dans 100 ans (il est mort depuis combien de temps Grévisse ?).
Modifié en dernier par Sand le ven. nov. 25, 2011 10:16 am, modifié 1 fois.
- dracosolis
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Uh... Persiflage à part, je suis tenté de dire que oui. A titre personnel, qu'un juge de sexeLensman a écrit : Et dans le cas où le magistrat est de sexe masculin, mais insiste pour être appelé "madame la juge"?
On pourrait demander la récusation?
masculin, transexuel ou pas, souhaite se faire appeler "madame" ne me pose pas de problème a priori — dans la mesure toutefois où il ne se réserve pas le droit de coller
un outrage à ceux qui l'appelleront "monsieur". En revanche, un homme qui insisterait
pour se faire appeler "Madame LA Juge" me poserait en effet un sérieux problème.
S'il n'est ni fou, ni imbécile, quelle pourrait bien être l'idéologie sous-jacente ?
... ça, lui seul le sait. Ce qu'on lui demande, c'est d'appliquer l'esprit et la lettre de la loi, esprit et lettre qui ont été préalablement définis par les législateurs.caliban a écrit :S'il n'est ni fou, ni imbécile, quelle pourrait bien être l'idéologie sous-jacente ?
Par exemple, je suis un mécréant, mais je pense que j'aurais pu faire un bon Inquisiteur.
Oncle Joe
Tu es certainement plus juriste que moi. S'il y a des instructions officielles préconisantSand a écrit :Elle serait surtout suspecte d'appliquer la doctrine (je ne sais plus si c'est une circulairecaliban a écrit : il ne serait pas illogique de demander la récusation d'une magistrate insistant
pour qu'on l'appelle ainsi, et donc suspecte de juger en tant que femme.
ou le précis de légistique)
l'emploi de "Madame la Juge", mon objection tombe. Mais pour le coup, la circulaire
en question me semble introduire une nuance susceptible de remettre en cause la
neutralité de la Justice et c'est elle qui me pose un sérieux problème si elle ne dérive
ni d'un vote de l'Assemblée Nationale, ni d'une décision de justice.
Rien n'étaye a priori un tel soupçon. Là, c'est toi qui dénies la possibilité même d'uneSand a écrit :Je vais demander que monsieur le juge se récuse, il est suspect de juger
en tant qu'homme![]()
Justice républicaine, indépendante de la personne du Juge.
Qu'entends-tu par "relever" ? Il est clair que je ne permettrais pas de t'interrompre,Sand a écrit :Tout étant grammaticalement correct, on fait comme on veut, je ne relève
pas les "madame le ministre" des autres, on est prié de ne pas relever mes
"madame la ministre"
a fortiori de te corriger : tu fais en effet comme tu veux (enfin, si le Ministre le
permet, j'imagine). En revanche, je me réserve de relever mentalement la nuance,
et d'en tirer mes propres conclusions quant à la confiance que j'accorde ou non à ton
impartialité en telle ou telle matière.
Mon édition du Bon usage (la 13e) est de 2001, révisée par André Goose.Sand a écrit :(il est mort depuis combien de temps Grévisse ?).
C'est amusant cette lecture de Grévisse. Son ouvrage s'intitule du bon USAGE. Or, et c'est ce qui apparaît souvent à la lecture des articles, l'usage est mouvant. Grévisse indique les principales règles, mais il note quand des auteurs proposent autre chose.
Par conséquent, il ne me semble pas que le Grévisse interdise de féminiser ou pas les noms de profession. Il constate l'usage. Si l'usage change quel est le problème ? On ne se trouve pas dans de la syntaxe ou de la grammaire au sens strict.
Par contre, petite subtilité : Un subordonné dira "mon colonel" si c'est un homme, et "colonel" (ou colonelle) si c'est une femme (et pas "ma colonel" ou "ma colonelle"). La féminisation du grade est déjà intégrée d'une certaine manière.
Par conséquent, il ne me semble pas que le Grévisse interdise de féminiser ou pas les noms de profession. Il constate l'usage. Si l'usage change quel est le problème ? On ne se trouve pas dans de la syntaxe ou de la grammaire au sens strict.
Par contre, petite subtilité : Un subordonné dira "mon colonel" si c'est un homme, et "colonel" (ou colonelle) si c'est une femme (et pas "ma colonel" ou "ma colonelle"). La féminisation du grade est déjà intégrée d'une certaine manière.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
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Il me semble que le législateur impose de sérieux devoirs de réserve aux magistrats.Lensman a écrit :... ça, lui seul le sait. Ce qu'on lui demande, c'est d'appliquer l'esprit et la lettre de la loi,caliban a écrit :S'il n'est ni fou, ni imbécile, quelle pourrait bien être l'idéologie sous-jacente ?
esprit et lettre qui ont été préalablement définis par les législateurs.
Pour moi, cela vaut pour les fantaisies lexicales ou grammaticales, sans même parler
de l'expression d'une militance de type LGBT. Aussi bien, d'ailleurs, pour des
considérations de respect des justiciables, qui ne sont en général pas là pour jouer
avec le Juge, que pour les raisons de neutralité que j'évoquais plus haut.
Tu fais semblant de ne pas comprendre la différence fondamentale entre sexe et genreSand a écrit :Réaffirmer l'attachement à la nature impersonnelle de la fonction.
Car si elle est impersonnelle, le ou la n'a pas d'importance.
(que je t'ai déjà vu revendiquer...). La nature impersonnelle de la fonction interdit de
faire intervenir le sexe de la personne qui l'exerce. Elle ne concerne en rien le genre,
qui est une question de grammaire, pas de personne.
Je ne dis pas autre chose. Un auteur, ou un simple locuteur, a toujours le droit deErion a écrit :C'est amusant cette lecture de Grévisse. Son ouvrage s'intitule du bon USAGE.
Or, et c'est ce qui apparaît souvent à la lecture des articles, l'usage est mouvant.
Grévisse indique les principales règles, mais il note quand des auteurs proposent autre
chose.
sortir de l'usage commun. Simplement, ce n'est pas innocent : il introduit une nuance
sémantique, qui peut avoir son importance, et dont il est alors comptable.
Ben non. Personne ne dit cela.Erion a écrit :Par conséquent, il ne me semble pas que le Grévisse interdise de féminiser ou pas les noms de profession.
Personne d'autre ne trouve que les exemples du Grévisse à la fin de cette citation constitue une flagrante raison de changer l'usage ?caliban a écrit :Maurice Grévisse (475-b) a écrit : Il est assez fréquent que l'opposition [entre le masculin et le féminin] soit plus complexe.
Il serait simpliste de dire que mère = père + « femme ».
Les noms des professions ont souvent désigné au féminin, non celle qui exerce la
profession, mais la femme de celui qui l'exerce. Cet usage n'a pas disparu, mais il est
en recul. Colonelle, générale, maréchale sont restés courants (...)
De tels emplois sont devenus ambigus pour les professions auxquelles les femmes
ont conquis l'accès ; c'est le cas d'Ambassadrice (...) Comme il s'agir du titre officiel,
le masculin, genre indifférencié, se justifie tout à fait. (...)
Les différences sémantiques entre le masculin et le féminin sont parfois considérables.
Courtisan, courtisane ; gars, garce ; homme public, femme publique ; preux, prude.
Dans chacun de ces exemples, le terme masculin est à connotation positive ou neutre, le terme féminin est fortement péjoratif. Dire que le genre grammatical est, pour ces exemples, totalement indépendant d'une domination sexiste serait pour le moins hypocrite.
Je parlais plus tôt du boulanger et de la boulangère... aujourd'hui encore, le boulanger est celui qui fait le pain, la boulangère celle qui le vend - c'est différent, lié à l'usage, mais pas vraiment péjoratif. Je ne sais pas comment on appelle une femme qui fait du pain aujourd'hui, mais l'appeler "boulanger" me semblerait figer la répartition des tâches dans un schéma homme-femme... et pas franchement dissocier le métier du genre de l'individu qui l'exerce.
L'histoire de nos institutions et de nos lois vient du féodalisme, puis de l'absolutisme. Comme nos valeurs ont changé, on a changé les institutions - parfois par l'usage, parfois par le droit.
Pourquoi, en ce qui concerne la langue, l'histoire devrait avoir le dernier mot ? Changeons la langue, parfois par l'usage, parfois par le droit, pour la rendre conforme à nos valeurs.
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers