Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 5:00 pm

MF a écrit :
Sand a écrit :c'est SF inclus dans métaphysique, pas égale métaphysique.
J'suis nul, j'avais compris le contraire : métaphysique inclus dans la SF.

Ou plus exactement, je suis en train de me dire que, quelque part, SF = ontologie + physique quantique.

La Question Ultime étant : est-ce que ça ré-inclus Tous à Zanzibar
Voilà la vraie question!
Oncle Joe

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Sand
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Message par Sand » mer. nov. 04, 2009 5:05 pm

Ca dépend.

Faut vraiment le lire, Tous à Zanzibar ?

(parce que j'ai essayé et ça m'est tombé des mains. Même que j'ai eu mal aux pieds)

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 5:09 pm

A toutes fins utiles, je rappelle que dans son article de 1909, Maurice Renard définit le merveilleux-scientifique (la SF) comme "l'aventure d'une science poussée jusqu'à la merveille ou d'une merveille envisagée scientifiquement."
L'usage du mot merveille est à mettre en rapport avec la notion US de sense of wonder, qui émergera vingt ans plus tard.

Renard est même encore plus spécifique puisque dans le même article, il écrit à propos des "vertus" du merveilleux-scientifique : "on peut [y] adjoindre l'instruction indubitable qu'on y acquiert, toute œuvre de cette sorte contenant un véritable cours de paléontologie, ou d'optique, ou de chimie, ou de chirurgie, etc., et un cours assez peu banal puisque tout en rappelant les éléments d'une science, l'auteur en traite à fond une partie et se livre, en plus, à une métaphysique de cette science, question trop souvent négligée."

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 5:09 pm

Sand a écrit :Ca dépend.

Faut vraiment le lire, Tous à Zanzibar ?

(parce que j'ai essayé et ça m'est tombé des mains. Même que j'ai eu mal aux pieds)
Ce n'est pas un si GROS livre... selon les critères d'aujourd'hui (Vélum est un livre de taille moyenne).
Lovecraft, Brunner... attention, tu aggraves ton cas...
Oncle Joe

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MF
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Message par MF » mer. nov. 04, 2009 5:19 pm

Lem a écrit :... à une métaphysique de cette science...
en quelque sorte une méta-méta-physique ? 8)
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 5:31 pm

Lem a écrit :A toutes fins utiles, je rappelle que dans son article de 1909, Maurice Renard définit le merveilleux-scientifique (la SF) comme "l'aventure d'une science poussée jusqu'à la merveille ou d'une merveille envisagée scientifiquement."
L'usage du mot merveille est à mettre en rapport avec la notion US de sense of wonder, qui émergera vingt ans plus tard.

Renard est même encore plus spécifique puisque dans le même article, il écrit à propos des "vertus" du merveilleux-scientifique : "on peut [y] adjoindre l'instruction indubitable qu'on y acquiert, toute œuvre de cette sorte contenant un véritable cours de paléontologie, ou d'optique, ou de chimie, ou de chirurgie, etc., et un cours assez peu banal puisque tout en rappelant les éléments d'une science, l'auteur en traite à fond une partie et se livre, en plus, à une métaphysique de cette science, question trop souvent négligée."
Et est-ce que tu peux exposer ce que, d'après toi, Renard entendait par "métaphysique"? (Je n'ai vraiment pas l'impression que ce mot a une signification partagée comprise par tout le monde: il ne parle pas de métaphysique "en soi", il parle de métaphysique "de quelque chose": de la science, pour être précis, c'est intéressant) Bon, tu peux passer la question... le temps de réfléchir : métaphysique tout court, ou métaphysique de quelque chose? (ça me semble très, très différent dans l'emploi du terme).
Je reviens sur les spéculations du futur, dans la SF. Est-ce un hasard si tu insistes sur des auteurs comme Lovecraft ou Renard, qui sont des auteurs qui certes s'intéressent au sciences, mais pas tellement à l'avenir? au risque d'être lourd (ma réputation est faite, de toute façon...), je trouve que c'est bien absent dans ton discours (cf "Zanzibar", mon paladin...)
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 5:57 pm

Lensman a écrit :Et est-ce que tu peux exposer ce que, d'après toi, Renard entendait par métaphysique de [cette] science.
La distinction entre "métaphysique" tout court et "métaphysique de quelque chose" est la même que celle entre "science" tout court et "science de quelque chose".
Sous la plume de Renard, homme de culture classique, l'expression signifie à mon avis que le fait de pousser la science jusqu'à la merveille comme le fait la SF permet, outre la récapitulation de données objectives concernant cette science, d'en interroger les fondations métaphysiques. C'est ce que faisait remarquer Systar à propos du dialogue entre l'Explorateur du temps et Filby, quand est posée la question "quelle raison ?".
Je prends un exemple intuitif : Le docteur Lerne. Le domaine scientifique traité (outre tous les à côtés spiritistes que je néglige), c'est la médecine et spécialement les greffes. Pousser la greffe jusqu'à la merveille (transférer un cerveau humain vivant et conscient dans autre chose que son corps d'origine) permet de réaliser que ce domaine apparemment anodin touche en fait à la définition métaphysique du moi et de la nature humaine (le docteur Lerne reste toujours lui-même bien qu'extérieurement, il ait l'apparence de telle ou telle chose).
l'avenir ?
J'ai déjà répondu. Toute la SF ne manifeste pas ce tropisme métaphysique. Tous à Zanzibar ne le manifeste pas. Je ne propose pas une définition unique, je ne traite pas de tous les sujets, je cherche à identifier un facteur de spécification supplémantaire. Ce n'est pourtant pas si compliqué.

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MF
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Message par MF » mer. nov. 04, 2009 6:05 pm

Lensman a écrit :Je reviens sur les spéculations du futur, dans la SF. Est-ce un hasard si tu insistes sur des auteurs comme Lovecraft ou Renard, qui sont des auteurs qui certes s'intéressent au sciences, mais pas tellement à l'avenir? au risque d'être lourd (ma réputation est faite, de toute façon...), je trouve que c'est bien absent dans ton discours (cf "Zanzibar", mon paladin...)
Je vais faire comme Poutouman, reprendre la définition de WP
La métaphysique est une branche de la philosophie qui étudie les principes de la réalité au-delà de toute science particulière. Elle a aussi pour objet d'expliquer la nature ultime de l'être, du monde, de l'univers et de notre interaction avec cet univers.

L'ontologie est une branche importante de la métaphysique ; elle étudie les types de choses qu'il y a dans le monde et quelles relations ces choses entretiennent les unes avec les autres. Le métaphysicien essaie également de clarifier les notions par lesquelles les gens comprennent le monde ; l'existence, l'objet, la propriété (d'une chose), l'existence de Dieu, l'espace, le temps, la causalité, la possibilité.
Partant, si la métaphysique explore les notions d'espace, de temps, de causalité, de possible au delà du fait scientifique, alors soit la notion de futur (expansion du temps ou rapport au temps) est explorée par la science, soit elle l'est par la métaphysique.
Donc, dans le cadre de cette définition, l'avenir est toujours exploré.

Et Tous à Zanzibar ne tombe pas sur les pieds de Sand.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Erion
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Message par Erion » mer. nov. 04, 2009 6:06 pm

Lem a écrit : J'ai déjà répondu. Toute la SF ne manifeste pas ce tropisme métaphysique. Tous à Zanzibar ne le manifeste pas. Je ne propose pas une définition unique, je ne traite pas de tous les sujets, je cherche à identifier un facteur de spécification supplémantaire. Ce n'est pourtant pas si compliqué.
Pourquoi pas. Admettons ce point. Mais dans ce cas, est-on certain qu'il n'y a pas de métaphysique en littérature générale ? Est-ce qu'il n'y a pas une dimension métaphysique dans l'Etranger de Camus ? Chez Hugo, chez Cervantès ou Shakespeare ?

Dans l'article de Wikipedia qui est cité par beaucoup de gens ici, à la dernière rubrique on lit "Littérature métaphysique" et deux ouvrages sont cités : la vie nouvelle d'Ohran Pamuk (Nobel 2006) et Le Loup des mers, de Jack London. En quoi ces romans se distingueraient de la SF (étant entendu que ces deux auteurs sont reconnus par l'intelligentsia littéraire, hein) ?
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Fabien Lyraud » mer. nov. 04, 2009 6:06 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Et pour le "panthéon d'entités géantes", on a des éclaircissements?
ce qui vient comme ça mais tu sais déjà tout :

Rosny : la Roge-Aigue, l'entité cosmologique obscure de la Force Mystérieuse,
Wells : le Grand Cerveau Lunaire
Merritt : Le Visage dans l'abîme, le Kraken
Stapledon : le Créateur d'étoiles
Lovecraft : Cthulhu & co
Dermèze, Chob l'être-force
Henneberg : la Plaie
Dick : Ubik, Siva, etc.
Lem : Solaris
Klein : Jonas
Varley : Gaïa
Mœbius/Jodo : L'Incal
Brussolo : Le Bombardier
Dan Simmons : le Gritche
Lehman : Le Picte

Je n'ai pas lu la préface en question. Mais il semble que Serge si j'ai bien compris échafaude une hypothèse complexe quant au rejet de la SF (la Sf incorpore des éléments métaphysiques qui sont responsables de son rejet) alors que la réalité est beaucoup plus simple.
La SF est une littérature du Croire. Le lecteur doit avoir une posture doit passer de la posture d'incrédule à celle de croyant pour comprendre le texte. C'est ce que l'on appelle la suspension d'incrédulité. Le lecteur de SF s'implique plus dans sa lecture qu'un lecteur de roman réaliste. Il doit déjà vouloir croire. Cet effort fait de lui un assistant participant dans la typologie des observateurs du sémioticien Jacques Fontanille. Le lecteur réaliste lui n'a pas à fournir un tel effort car les éléments présents dans la fiction réaliste ont tous un référent dans la réalité consensuelle. Finalement à partir de ces éléments le rejet de la SF se comprend assez bien : absence de référents dans la réalité, effort à fournir pour s'immerger, arbitrage entre un vouloir croire et un devoir ne pas croire. Autant d'éléments qui permettent de dire que la lecture de l'oeuvre de SF demande un véritable effort.
Bienvenu chez Pulp Factory :
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 6:11 pm

Lem:
Pour moi, c'est compliqué, parce que tu me donnais l'impression de parler de la SF assez en général tout de même (bon, autant pour moi) et aussi, que tu insistais, en général, sur la difficulté qu'elle rencontrait à être acceptée en littérature générale, et proposais ton hypothèse de la SF occupant le terrain de la métaphysique.
Or, il m'a toujours semblé que les auteurs de SF qui parlaient de l'avenir étaient particulièrement mal acceptés (Brunner, justement), beaucoup plus mal que ceux spéculaient sur tout et n'importe quoi (au bon sens du terme, hein!), mais pas sur l'avenir.
Pour moi, ce qui intéresse bien la littérature générale, c'est le passé, le présent, et l'"absolu" (l'éternel humain, les choses qui ne changent pas, les grands absolus, etc). Mais pas l'avenir. Là je vois une grande césure (je parle des rapports entre SF et littérature générale).
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 6:15 pm

Fabien Lyraud a écrit :Finalement à partir de ces éléments le rejet de la SF se comprend assez bien : absence de référents dans la réalité, effort à fournir pour s'immerger, arbitrage entre un vouloir croire et un devoir ne pas croire. Autant d'éléments qui permettent de dire que la lecture de l'oeuvre de SF demande un véritable effort.
Ça explique certainement pourquoi elle est difficile à lire.
Mais pas du tout le motif de l'ado attardé (plutôt réputé pour sa propension au métal, aux comics et à la junk-food).

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » mer. nov. 04, 2009 6:22 pm

Parce que la rupture de référence avec la réalité consensuelle est associée par la société au rêve. Le rêveur c'est l'individu mal adapté à la société productive et aussi l'adolescent. L'adolescence étant la période où le coté rêveur de l'individu est tolérée dans la société. Ce qui nous renvoie à l'excellente intervention de David Calvo aux Utopiales (certes il parlait des jeux vidéo, mais j'y voit une vérité plus générale concernant le rêve). L'adulte rêveur, idéaliste, non conformiste est peu toléré par les structures de la société industrielle. (par contre dans la société de l'information, il est mieux intégré. La réhabilitation du geek dans les séries américaines récentes le prouve de manière plutôt éloquente).
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Message par Lensman » mer. nov. 04, 2009 6:30 pm

Fabien Lyraud a écrit :. Autant d'éléments qui permettent de dire que la lecture de l'oeuvre de SF demande un véritable effort.
Je suis assez d'accord avec ce que tu as fait remarquer, Fabien, sauf sur un point: pour le lecteur de SF, ce n'est PAS un effort... ça lui plait, il fait ça naturellement, il le recherche même, c'est un état d'esprit.
J'ai de plus en plus l'impression que l'explication du phénomène de la SF est beaucoup plus à chercher chez ses lecteurs que dans le corpus de la SF. Ce lectorat partagerait une psychologie commune. Après, évidemment, il y a des tas de phénomènes (contexte), mais la clé principale serait dans la psychologie du lecteur de SF. Cela ne contredit pas ce que tu dis, mais je supprime la notion d'"effort".
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mer. nov. 04, 2009 6:30 pm

Erion a écrit :Est-ce qu'il n'y a pas une dimension métaphysique dans l'Etranger de Camus ? Chez Hugo, chez Cervantès ou Shakespeare ?
On commence enfin à se rapprocher de noyau du problème.
Je n'ai pas relu l'Etranger depuis mes quinze ans mais je me souviens qu'une scène m'a particulièrement marqué (j'entends par là que quand je pense à ce roman, c'est elle qui me revient en premier). La scène où le narrateur (Meursault, c'est ça ?) découvre, pendant sa détention, que s'il se concentre suffisamment, il est capable de retrouver le souvenir intégral de son passé, qu'il peut revivre chaque jour de sa vie quasiment seconde par seconde et qu'il est donc, d'une certaine manière, à l'abri de "l'ennui" au sens le plus large (qu'il contient un infini). C'est une scène qui n'est pas sans rappeler certains moments du Talon de fer de London.
On pourrait établir un parallèle semblable entre le passage de Wells précité et certains moments de A la recherche du temps perdu, de Proust.
Il y a donc de la métaphysique dans la littérature, y compris au XXème siècle. Mais, comme je l'ai écrit dans la préface de Retour, uniquement sous l'angle de la linguistique ou, en ce qui concerne les exemples ci-dessus, de la psychologie. La métaphysique disparaît en tant que science, en tant qu'ambition de saisir "les choses premières et dernières" pour ne subsister que comme émotion biographique, expérience de l'intériorité intensément subjectives.

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