Du sense of wonder à la SF métaphysique

Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Lem

Message par Lem » lun. déc. 07, 2009 4:15 pm

Où ?

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » lun. déc. 07, 2009 4:15 pm

D'où me vient cette impression que ce fil est de plus en plus vide ?

:roll:
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Avatar du membre
bormandg
Messages : 11906
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
Localisation : Vanves (300 m de Paris)
Contact :

Message par bormandg » lun. déc. 07, 2009 4:16 pm

Lem a écrit :Où ?
D'après ce que j'ai lu, à chaque fois que tu t'étonnes qu'on ose contester cette vérité.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Lem

Message par Lem » lun. déc. 07, 2009 4:17 pm

bormandg a écrit :
Lem a écrit :Où ?
D'après ce que j'ai lu, à chaque fois que tu t'étonnes qu'on ose contester cette vérité.
Retrouve les posts s'il te plaît.

Avatar du membre
Sand
Messages : 3529
Enregistré le : mer. avr. 16, 2008 3:17 pm
Localisation : IdF

Message par Sand » lun. déc. 07, 2009 4:23 pm

Lem a écrit :Je suis juste un peu surpris qu'on me demande des listes de preuves alors qu'une idée aussi floue que celle d'Erion ("c'est la science qui est à l'origine de "sf = débile") est acceptée comme une évidence, sans l'ombre d'une argumentation.
En ce qui me concerne, ça ne me convainc pas spécialement non plus. Mais Erion n'a pas fait une préface dessus, ni initié un fil en propre pour développer la chose, donc je pense simplement que les intervenants n'ont pas relevé plus que ça parce qu'il n'y a pas eu "exposition" de l'idée plus que ça. Ca ne veut pas dire que l'idée est acceptée, juste qu'elle n'est pas discutée ici et maintenant.

Personnellement, les explications "traditionnelles" moultement développées, entre autres par Gérard Klein (c'est surtout le dernier a les avoir synthétisées, pour ça que je le cite, mais je n'oublie pas les interventions précédentes) me paraissent suffisantes.

Pas la peine de chercher midi à 14h.

Il a été évoqué que les explications traditionnelles ne suffisaient pas à expliquer l'indifférence/l'hostilité persistante envers la SF, mais je ne vois pas pourquoi. (ceci dit, je suis dans le coltard depuis des semaines, mon cerveau attend les vacances à coup de petites molécules de théine, de plus en plus insuffisantes à produire l'effet escompté.)

Avatar du membre
MF
Messages : 4466
Enregistré le : jeu. déc. 28, 2006 3:36 pm
Localisation : cactus-blockhaus

Message par MF » lun. déc. 07, 2009 4:29 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :Les sciences ne sont pas impliquées dans l'extrait ? je ne sais pas ce qu'il te faut. (…)La formule scientifique "flèche du temps" ne date jamais que de 1927. L'étude des "courants électroencéphaliques" n'a débuté qu'en 1920. Le "coma artificiel réactif" n'a qu'une trentaine d'année.
Je ne comprends pas ton objection.
Quand Volkovitch dit que la télépathie fait partie des trucs qui font que la sf est rejetée, tu penses que ce qu'il désigne en fait, c'est l'éventuel soubassement scientifique de la télépathie ? Tu penses qu'il faudrait en fait lire :
Ce qui gêne certains, c'est sans doute cet usage extrême de la fiction, ce malin plaisir pris à décoller du réel. Ubik, de ce point de vue-là, fait bon poids : on nous prie de croire notamment à l'inversion de la flèche du temps, aux courants électroencéphaliques et à l'existence du coma artificiel réactif, pendant lequel, sous certaines conditions, vivants et défunts peuvent encore communiquer. Pas très sérieux tout ça.
Pourquoi ne pas simplement lire ce qu'il écrit ? Le rejet du voyage dans le temps ou de la télépathie par le public au motif que "pas sérieux" n'est quand même pas si difficile à avaler.
Je n'oserais pas te dire ce qu'il faut lire (tu te doutes bien...) dans les propos de Volkovitch. Je t'indique simplement ce qu'il a raté.
Parce que si variable vachement visible il y a, c'est bien celle-là : Volkovitch ne connait pas l'état de la science. Et l'inversion de la flèche du temps, par exemple, est quelque chose qui est resté pendant 50 ans identifié comme "pas sérieux" au sein de la communauté scientifique. Une simple "intuition" d'Eddington jusqu'à ce que Qu'Alliwell et Hawking la vulgarise.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » lun. déc. 07, 2009 4:31 pm

Roland a écrit :D'où me vient cette impression que ce fil est de plus en plus vide ?
On ne doit pas avoir la même compréhension de "travail critique".

**************
Ceci est encore de Maurice Renard (Le roman d'hypothèse, paru dans ABC du 15 décembre 1928.
Au XVIIIème siècle, le conte philosophique était exclusivement un prétexte à satire. Micromégas et Gulliver pour nous en tenir à ces deux ouvrages d'une si délicieuse invention, avaient pour objet de railler les insitutions et quelques personnages contemporains ; tandis que nos temps, si le roman d'hypothèse permet à Wells d'exprimer, sous forme d'apologue, des opinions sociologiques, en revanche beaucoup d'écrivains se sont complu à le travailler sans autre préoccupation que de lui faire exhaler tous les arômes de sa propre nature.
Est-ce à dire qu'un roman d'hypothèse doive se confiner dans l'enceinte du monde physico-chimique ? Loin de moi cette idée. Les plus belles œuvres du genre, au contraire, sont celles où flottent, comme des effluves éternels, les vieilles inquiétudes qui ont toujours obsédé les rêveries humaines, hanté notre esprit, étreint notre cœur. Le vent de la destinée souffle sous la porte du laboratoire. N'est-ce pas Edgar Poe ? N'est-ce pas Villiers de l'Isle-Adam ? Mais l'essentiel n'est point là. L'essentiel réside, dans le brouillard métaphysique qui doit s'élever au-dessus du récit romanesque.
D'où forcément il résulte que les amateurs les plus enthousiastes du roman d'hypothèse se trouvent de l'autre côté du Rhin. Nous (qu'on me pardonne ce nous presque aussi haïssable que le moi) ne saurions même être compris qu'en Europe Centrale. Les peuples latins nous marquent déjà beaucoup plus d'indifférence. Les Anglais considèrent comme secondaire dans l'œuvre de leur Wells les ouvrages de l'ordre de Place aux Géants ou Les premiers hommes dans la Lune. Quant aux Américains, ils sont encore un peu jeunes, et sûrement c'est tout à fait par suite d'une erreur qu'Edgar Poe est né à Baltimore il y a plus de cent ans.
Autre doc intéressant : encore Renard mais pour un extrait de son article fondateur, Du merveilleux-scientifique etc, auquel je n'avais pas vraiment prêté attention.
Si nous considérons l'univers comme partagé en trois divisions correspondant aux trois degrés d'assentiment, il y a trois sortes de choses : celles que nous ignorons, celles dont nous doutons et celles que nous savons. Les deux premières catégories – dont le champ rétrécit à mesure que notre science se développe, mais qui sans doute existeront toujours partce que nous ne saurons jamais tout, et dont le champ, du reste, nous paraît sans cesse grandir parce que la science a au moins pour effet de nous renseigner sur la nature des choses que d'en découvrir de nouvelles au sujet de quoi elle ne peut rien nous apprendre – les deux premières catégories, dis-je, forment le domaine du merveilleux scientifique. C'est là, dans le monde des choses ignorées ou douteuses, qu'il doit puiser la substances de ses diverses réalisations, et non pas dans le monde des choses connues et certaines. Car la science est incapable de nous montrer nulle merveille, au sens propre du mot. Loin de là, elle la grande tueuse de miracles. Il n'y de merveille que dans le mystère, dans l'inexpliqué. Tout prodige cesse d'en être un aussitôt que nosu pénétrons ses causes réelles et sa véritable nature, dès qu'il passe du ressort de l'ignorance ou de celui du doute dans celui de la science.
A comparer à la fameuse lettre de G; Peyton. Wertenbaker publiée dans le courrier des lecteurs d'Amazing en réponse au premier éditorial de Gernsback où il définissait la sf (Wertenbaker était déjà publié dans Amazing, il avait même je crois écrit la première nouvelle originale sous le sigle SF, il n'était pas tout à fat un lecteur comme les autres) :
La littérature du passé et du présent nous ont dévoilé le mystère de l’homme et du monde et, pour cette raison, ont graduellement perdu en beauté – car il n’y a de beauté que dans le mystère. La beauté, c’est la quête aveugle des émotions qui seules, permettent de comprendre ce que la raison ne peut saisir. La scientifiction nous entraîne dans les régions les plus reculées de l’univers, là où le mystère règne encore – donc la beauté ; pour cette raison, elle est la vraie littérature du futur. Le seul risque, pour Amazing, est de trop se concentrer sur l’aspect scientifique des histoires au détriment de leur composante littéraire. Il est encore trop tôt pour en être sûr mais pas trop pour une mise en garde honnête et amicale. Seul, l’instinct esthétique peut juger de la bonne proportion de matériau scientifique dans une œuvre.
[/quote]

**************
Pour ceux que le sujet M intéresse encore, deux idées d'enquêtes (car tel était le but au départ : essayer d'imaginer comment vérifier l'hypothèse).

1) La coïncidence assez spectaculaire entre le discours de Renard et celui de Wertenbaker sur la relation de la sf à l'inconnu et au mystère et la quasi-identité des formules qu'ils emploient. Wertenbaker, dans sa lettre, essaie d'enrichir la première définition de la sf que Gernsback a donné dans son édito d'Amazing n°1. Or, Wertenbaker est le premier auteur à avoir publié une nouvelle inédite dans Amazing, c'est à dire sous le nouveau label. Et cette nouvelle, L'arrivée des glaces, est une histoire de dernier homme. Elle commence comme ça :
C'est étrange d'être seul, et d'avoir si froid. D'être le dernier homme sur la Terre…
La neige tournoie silencieusement autour de moi, incessante et morne. Et isolé dans ce minuscule recoin blanc indiscernable d'un monde brumeux, je suis sans aucun doute la créature la plus solitaire de tout l'univers. Combien de millénaire se sont écoulés depuis que j'ai eu pour la dernière fois une véritable compagnie ? Je suis seul depuis longtemps mais jadis, il y avait des gens, des êtres de chair et de sang.
N'est-il pas frappant de constater que le premier texte inédit de science-fiction retrouve le sujet du premier grand classique de la protosf, Le dernier homme de Grainville ? Ce thème est très riche, il a été l'un des plus structurants de l'histoire du genre. Mary Shelley en a donné sa propre version, Camille Flammarion l'a repris en réutilisant le nom du personnage de Grainville (Omegar), il me semble qu'il est sous-jacent aux derniers chapitres de Time Machine avec la vision de la plage de la fin des temps, M. P. Shiel l'a repris à son tour dans Le nuage pourpre, etc… La sf classique (labellisée) l'a souvent recyclé et il est encore d'actualité aujourd'hui (Houellebecq, évidemment, dans Les particules élémentaires, mais aussi Bordage avec Les derniers hommes, Atwood avec Le dernier homme, etc.)
Suggestion d'enquête : d'où vient ce thème ? La littérature eschatologique semble une origine assez vraisemblable mais il faut vérifier. Sa réification au début du XIXème siècle ne traduit-elle pas, d'une manière ou d'une autre, un début d'angoisse devant la puissance des systèmes du monde totalement matérialistes (laplaciens) qui font de l'humain non pas un être élu mais une espèce comme une autre, éventuellement promise à l'extinction. Il me semble qu'il y a là beaucoup de choses à découvrir.

2) Une remarque de l'inusable Maurice Renard sur Camille Flammarion, toujours extraite de son article originel de 1909 :
Avant Wells, les rares ouvriers de ce qu'on devait nommer plus tard le merveilleux-scientifique ne se sont livrés à son œuvre que de loin en loin, occasionnellement et, semble-t-il, par jeu. Tous l'ont traité comme une fantaisie sans lendemain : aucun ne s'y est spécialisé. La plupart l'ont combiné avec d'autres éléments : Cyrano de Bergerac en fait un support d'utopies ; Swift l'utilise comme armature à dresser des satires ; de nos jours, Flammarion lui demande de concrétiser un peu certaines métaphysiques trop abstraites pour le lecteur moyen…
Il suffit de connaître un peu Flammarion pour comprendre le reproche que lui adresse Renard : ses livres mélangent faits et fictions, astronomie et métaphysique, réalisme et spiritisme, etc. (Il y a eu plusieurs remarques ici sur le spiritisme, la métapsychique, et le sujet me paraît effectivement très riche lui aussi). Le plus célèbre d'entre eux, La fin du monde (1893), a eu un très grand retentissement. Il a été traduit partout (et même adapté dans les années 20 par Abel Gance). A son sujet, Bleiler observe dans son encyclopédie Science Fiction : The early years :
A work of remarquable scope and vision, one of the earliest and most ambitious cosmic histories, certainly worth reading, if only as a historical document. Of considerable historical importance, since it was probably read and absorbed by authors as diverse as W. H. Hodgson and Olaf Stapledon
Suggestion d'enquête. Dans le reproche fait par Renard à Flammarion d'utiliser la sf comme un moyen de "concrétiser un peu certaines métaphysiques", qu'est-ce qui est visé ? Dans la Fin du monde, par exemple, Flammarion confond volontairement cosmologie et cosmogonie. Il superpose l'univers tel que le découvre à son époque l'astronomie et l'univers métaphysique de Swedenborg (les êtres qui vivent sur les autres planètes sont autant des extraterrestres que des anges, en gros). Si La fin du monde a eu un tel impact et a contribué à façonner le thème de l'épopée cosmique dans la sf – c'est à dire est présent dans l'adn du space-opera – cela pourrait-il expliquer son caractère apparemment inassimilable par la culture ambiante (tout le monde est d'accord pour reconnaître que le space-op est l'un des trucs les spécifiques de la sf). Jusque dans les années 40, dans un film comme Croisière sidérale, par exemple, il y a un chevauchement consciemment organisé entre l'espace physique et l'espace métaphysique. Cette ambiguité a-t-elle contribué à brouiller la réception de tout récit spatial, par principe ?

*************
Adaran a écrit :Dans "Un cas de conscience" de Blish, il est question d'un dieu au sens où l'entendent les religions. Et, bon sang, si ce n'est pas de la SF ! (Et de la bonne.)
Suggestion. Le statut des objets de la sf est variable selon une multitude de facteurs qui rendent la question "rationnel ou non ?" très difficile à résoudre. Il pourrait être utile de se poser la question en terme de fonctions, un peu à la façon de ce que Propp a fait dans Morphologie du Conte. Les personnages n'y sont pas étudiés pour eux-mêmes mais en tant que concepts, à partir de leur fonction dans le récit (de ce qu'ils y accomplissent). Ce système d'analyse a permis à Propp de déceler, sous la variabilité des personnages, des figures récurrentes qui sont comme autant de rouages invariables dans la machine narrative : l'agresseur, le donateur, l'auxiliaire du héros, etc.
Appliquée à Un cas de conscience, cette méthode poserait moins la question du caractère naturel ou surnaturel du dieu que de ce qu'il fait dans le récit (de ce qu'est sa "sphère d'action", pour reprendre le vocabulaire de Propp). La même étude portée sur un nombre significatifs de récits sf où des "dieux" interviennent pourrait nous apprendre des choses intéressantes.
Adaran a écrit :Mais Silramil dit que dieu n'agissait pas dans ce roman. C'est pour ça que je lui ai donné raison (mais que je continue de ronger l'os contradictoire que soulève de nouveau MF).
Si c'est le cas, c'est une fonction : dans ce récit, le dieu est le personnage qui ne fait rien. Tu fais le même relevé sur une centaine de textes significatifs et tu obtiens une image de ce que les auteurs de sf font faire à leurs personnages de dieux. C'est une information.Tu comprends l'ntérêt ?

*************
Lem a écrit :Sur les images de pulps postées plus tôt pour – si j'ai bien compris – montrer que la sf n'avait pas besoin de la métaphysique pour justifier son côté "pour ado", une suggestion. Pas plus que les grands thèmes, les images du genre ne sont nées de nulle part. Il serait intéressant d'en faire l'archéologie. Les gravures des Voyages extraordinaires ont leurs sources du côté des gravures des magazines géographiques ou scientifiques, mais pour les pulp – pour un type comme Virgil Finlay par exemple – je pense qu'une partie au moins de l'inspiration est à chercher dans
ça
ça
ou ça
… et par extension dans tout ce type de matériel (Doré a été mondialement célèbre). Les grandes scènes cosmogoniques sont à chercher où vous savez, les scènes mythologique dans la mythologie. Il y avait des femmes ailées et des plongées orbitales avant Hugo Gernsback. Toute la question est de savoir où.
****************
Lem a écrit :Coïncidence assez remarquable : juste après avoir posté sur Doré, je jette un coup d'œil sur France 5 et tombe sur un doc intitulé Tous connectés de Bernard Malaterre. On y parle à cet instant de Second Life ; Jacques Attali et Jean-Claude Guillebaud spéculent sur le virtuel, son avenir, son impact sur la société, etc. Je ne dis rien sur la qualité générale du doc et des propos car à l'instant où je comprends de quoi il est question, Guillebaud déclare (en substance) : "Nous ne savons pas quoi dire de pertinent, en fait, car nous n'avons pas eu le temps de penser cette situation. Le virtuel remet tout en cause. Les concepts de lieux. Les concepts de temps. Les concepts de personne. Nous n'avons pas les outils pour penser ce qui arrive."

Premier réflexe intérieur (comme d'habitude en gros) : "Si ce type avait lu de la sf, il serait quand même moins désemparé. Il saurait au moins que quelque part, il y a une forme littéraire qui travaille ces questions – à défaut de fournir des réponses – depuis vingt ans au moins, et plus encore si on remonte à Galouye et Dick".

Deuxième réflexe : "Eh mais… C'est le sujet du fil. Un intellectuel qui constate son dénuement théorique sur des concepts métaphysiques – face à ces mêmes concepts transformés en objets."
***************
Lem a écrit :Trouvé ceci sur le blog d'un écrivain et traducteur que je ne connais pas, Michel Volkovitch :
En lisant Ubik, de Philip K. Dick, je m'interroge sur ce rejet global et violent de la science-fiction chez tant de lecteurs. Y compris chez des gens qui savent qu'un bon livre ne se réduit pas à un genre, et pour qui, malgré tout, un livre de SF est totalement, irrémédiablement de la SF, plus encore qu'un polar n'est du polar !
Ce qui gêne certains, c'est sans doute cet usage extrême de la fiction, ce malin plaisir pris à décoller du réel. Ubik, de ce point de vue-là, fait bon poids : on nous prie de croire notamment aux voyages dans le temps, à certains pouvoirs paranormaux (télépathie, prévision de l'avenir) et à l'existence entre vie et mort d'un état intermédiaire, dit «demi-vie», pendant lequel, sous certaines conditions, vivants et défunts peuvent encore communiquer. Pas très sérieux tout ça.
Il y a peut-être des bons et des mauvais genres, des grands et des petits sujets. Et je m'en fous. Moi qui ne suis pas un accro de la SF, j'ai été saisi par Ubik. Il m'a diverti bien sûr, m'a tiré hors de ce qui m'entoure vers l'imaginaire et ses plaisirs, mais surtout il m'a mené en sens inverse, vers le fond de moi-même. Peu d'autres livres l'ont fait à ce point. Tout ce bazar à dormir debout, c'est une série de figures, de métaphores pour dire une expérience terrible : la réalité qui vacille, se défait sous nos yeux, sous nos pas. Le monde qui nous trahit.
Se sentir à moitié vivant, à moitié réel. Qui n'a pas connu ça, à notre époque surtout ? Quoi de plus familier ? de plus essentiel ?
Ce n'est qu'un ressenti hypothétique, puisque l'auteur exprime ce qu'il imagine être la réaction du public qui rejette la sf. Mais c'est assez en ligne avec l'hypothèse.
**************
Lem a écrit :Par association d'idées, une remarque qui me semble dans le sujet.

Périodiquement, les grands médias parlent de la conquête spatiale. Ce peut être à l'occasion de l'anniversaire d'un événement important, ou parce qu'il y a une actualité dans le domaine, ou parce que les politiques discutent des programmes futurs, peu importe.

Quand il y a un débat public, c'est à dire un débat où le public peut intervenir et poser des questions (Le téléphone sonne, d'Inter, par exemple), il y a toujours deux ou trois intervenants qui prennent la parole pour reprocher à la conquête spatiale d'être… ce qu'elle est. En substance, l'argument est : "Pourquoi aller dans l'espace alors qu'on a tant de problèmes à régler sur Terre ? Pourquoi dépenser tant d'argent et d'efforts alors qu'il y a tant de besoins insatisfaits ?"

Est-ce que cela ne dit pas quelque chose sur la façon dont le public perçoit l'idée même d'aller dans l'espace ? Personne ne reproche aux scientifiques leurs expéditions au fond des mers ou au sommet des montagnes ou dans les dernières îles inexplorées du Pacifique sud : on est dans une entreprise cohérente d'accroissement des connaissances, géographie, cartographie, etc. Mais la conquête spatiale reste encore souvet perçue comme une aventure inutile, "loin des vrais problèmes" et cet argument pourrait être rapproché de celui qui a servi de réquisitoire contre la métaphysique : une aventure déconnectée du réel, qui ne trouve rien, qui ne sert à rien, alors qu'il y a tant de questions bien concrètes à résoudre. Le public ne dit pas : les fusées sont ridicules. Il dit : aller là-haut est ridicule. Ce qui est en cause, ce n'est pas la technoscience mais la destination.

Ce qui est intéressant, c'est que les cadres des programmes spatiaux confrontés à ce genre de protestations y répondent en général de deux manières.
a) au ras des paquerettes : en réaffirmant l'utilité des programmes("l'espace produit des retombées concrètes qui améliorent notre existence").
b) d'une vue plus élevée : en invoquant un tropisme civilisationnel, voire anthropologique qui se passe de justification ("nous sommes faits pour explorer, c'est là notre noblesse").
Et ceci est un argument de type métaphysique.
**************

L'association d'idées étant ce qu'elle est, je vais musarder dans ma bribe de bibliothèque et j'en ressors un essai de 1960, publié chez Fayard : Pierre Gauroy, Les mondes du ciel (tu connais ça, Oncle ?). C'est un livre pour le grand public français sur la conquête spatiale qui commence et sur la possibilité de vie extraterrestre ; il n'est pas absurde d'y chercher un état des représentations de l'époque sur ces questions et de se dire qu'elles ont joué un rôle dans la perception de la sf comme "littérature de l'espace"
Extrait de l'avant-propos :
C'est Platon, c'est Anaxagore, qui enseignaient l'habitabilité de la Lune, y voyant eaux, montagnes, vallées. A défaut d'autre mérite, ce dernier eut celui du courage en un temps où il pouvait en cuire – dans tous les sens du mot – ayant manqué de peu la mise à mort pour avoir suggéré que le Soleil était peut-être plus grand que le Péloponnèse.
Mais voici que, sur les ténèbres, tombe la lumière de Copernic qui fait de la Terre une planète comme les autres. Lui déniant sa place usurpée au centre de l'Univers, il l'oblige à graviter plus humblement autour du soleil. Ce qui conduit le philosophe italien Giordano Bruno à prétendre qu'il existe "d'innombrables soleils et d'innombrables terres gravitant autour de leurs soleils de la même façon que nos sept planètes tournent autour de notre soleil… Ces mondes sont habités par des êtres vivants." De tels mots ont valeur d'hérésie en un âge où on ne badine point avec les vérités imposées. Par surcroît, le philosophe récidive en se convertissant au protestantisme. La flambée purificatrice qui s'élève de son bûcher, à Rome, va faire pour toujours son audace.
C'est Képler, Gallilée, Descartes, Newton… C'est Fontenelle qui pubie en 1686 ses Entretiens sur la pluralité des mondes habités, aimables dialogues où la fantaisie se donne libre cours… C'est le P. Secchi, avec quelques autres de haute lignée… Enfin, en 1962, paraît l'ouvrage célèbre sur La pluralité des mondes habités, étude où sont exposées les conditions d'habitabilité des terres célestes, par Camille Flammarion, ancien élève-astronome de l'Observatoire de Paris.
Jusqu'à ces dernières années cependant, les motifs de croyance et d'incroyance étaient d'ordre plus sensible ou métaphysique qu'intellectuel, et l'adhésion à pareille éventualité n'avait guère matière à légitimer…
Et je reprécise : je ne discute pas le contenu de ce texte. Je le cite comme pièce à verser au dossier de la perception publique de la sf et de ses grands thèmes. Ici, il me semble que ce qui était souligné par Maurice Renard à propos des "métaphysiques" que Camille Flammarion essaie de "concrétiser un peu" par la sf est toujours impliqué. Flammarion a été une figure très importante et très populaire, en France. Son Astronomie a été un gigantesque best-seller (dans le monde entier, je crois) et elle est toujours rééditée aujourd'hui. C'est pour publier ses livres que les éditions Flammarion ont été créées. Que le grand public français a eu durablement l'impression que "l'espace" était un sujet dont s'élevait le fameux "brouillard métaphysique" me semble plausible.

****************
Modifié en dernier par Lem le lun. déc. 07, 2009 4:56 pm, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » lun. déc. 07, 2009 4:34 pm

Sand a écrit :Personnellement, les explications "traditionnelles" moultement développées, entre autres par Gérard Klein (c'est surtout le dernier a les avoir synthétisées, pour ça que je le cite, mais je n'oublie pas les interventions précédentes) me paraissent suffisantes.
Toutafé.

De plus, Gérard a donné à la notion de déni une dimension sociologique qui manque cruellement à l'hypothèse métaphysique.

J'attends avec intérêt la suite de son développement, pour voir si elle va confirmer mon impression qu'il y a une logique dans le fait qu'à Noël la BBC diffusera un épisode spécial de Dr. Who alors que sur le service public français on aura droit à un truc du genre Michel Drucker.

Ah, merdre, c'est vrai : Dr. Who est un dieu, j'avais oublié.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Lem

Message par Lem » lun. déc. 07, 2009 4:41 pm

MF a écrit :Je n'oserais pas te dire ce qu'il faut lire (tu te doutes bien...) dans les propos de Volkovitch. Je t'indique simplement ce qu'il a raté.
Parce que si variable vachement visible il y a, c'est bien celle-là : Volkovitch ne connait pas l'état de la science. Et l'inversion de la flèche du temps, par exemple, est quelque chose qui est resté pendant 50 ans identifié comme "pas sérieux" au sein de la communauté scientifique. Une simple "intuition" d'Eddington jusqu'à ce que Qu'Alliwell et Hawking la vulgarise.
Certes. Comme je l'ai dit plus haut, la culture scientifique des prescripteurs français est assez nulle. Par contre, ils savent très bien que la métaphysique est une activité intellectuelle discréditée.
Ce pourrait être d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels les thèmes de la sf ont été perçus à travers le "brouillard métaphysique" qui leur est attaché. Il me semble que dans son essai sur la revue Planète, Oncle a remarqué que les revues de vulgarisation scientifique étaient rares quand la SF est arrivée dans les années 50-60. Si l'essai sur la conquête spatiale que j'ai cité plus haut commence par déblayer le terrain – par expliquer que l'espace, la vie extraterrestre, ce n'est plus comme au temps de Flammarion, "de la métaphysique" mais une vraie question scientifique – cela signifie sans doute que l'auteur estimait cette mise au point nécessaire – donc que la réception du thème spatial par le public français de l'époque était encore déformée par le fameux brouillard. Dans l'optique de cette discussion, c'est peut-être significatif.

systar
Messages : 1991
Enregistré le : sam. févr. 03, 2007 11:20 pm
Localisation : perdu dans la métaphysique
Contact :

Message par systar » lun. déc. 07, 2009 4:42 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Sand a écrit :Personnellement, les explications "traditionnelles" moultement développées, entre autres par Gérard Klein (c'est surtout le dernier a les avoir synthétisées, pour ça que je le cite, mais je n'oublie pas les interventions précédentes) me paraissent suffisantes.
Toutafé.

De plus, Gérard a donné à la notion de déni une dimension sociologique qui manque cruellement à l'hypothèse métaphysique.

J'attends avec intérêt la suite de son développement, pour voir si elle va confirmer mon impression qu'il y a une logique dans le fait qu'à Noël la BBC diffusera un épisode spécial de Dr. Who alors que sur le service public français on aura droit à un truc du genre Michel Drucker.

Ah, merdre, c'est vrai : Dr. Who est un dieu, j'avais oublié.
La perfide Albion a de toujours à toujours échappé au mythe d'une littérature unifiée, générale, officiellement acceptée par les instances intellectuelles dominantes, donc?

Lem

Message par Lem » lun. déc. 07, 2009 4:46 pm

Roland C. Wagner a écrit :[De plus, Gérard a donné à la notion de déni une dimension sociologique qui manque cruellement à l'hypothèse métaphysique.
Mais pourquoi les opposer ?
Je n'ai jamais dit que l'hypothèse en M était exclusive de toutes les autres. J'ai dit qu'elle venait s'ajouter à toutes celles déjà recensées :
Dans la fameuse préface, Lem a écrit :La haine des sciences après la première guerre mondiale. (…) Le mythe de la clarté française, cette politique de la langue décryptée par Henri Meschonnic qui prescrit l'usage des néologismes et des termes de science (proscription assumée dès le premier dictionnaire de l'Académie en 1638). Les préjugés de classe et l'antiaméricanisme…

Avatar du membre
MF
Messages : 4466
Enregistré le : jeu. déc. 28, 2006 3:36 pm
Localisation : cactus-blockhaus

Message par MF » lun. déc. 07, 2009 4:54 pm

Roland C. Wagner a écrit :Voilà quelque chose qui m'étonnera toujours : j'ai écrit un roman fantastique, ou de fantasy urbaine, sans aucune rationalisation de la magie (elle existe, point à la ligne), et tu n'es pas le premier à vouloir le ranger dans la science-fiction.

Bizarre, bizarre…
Vous avez dit bizarre... comme c'est étrange.

Je ne le range pas dans LA science-fiction mais dans MA science-fiction.
Tu ne devrais pas être surpris, j'y met aussi De bons présages par exemple.

Ce que l'on peut constater, à grands traits, c'est qu'il y a 3 principes de caractérisation de l'appartenance à la SF (moyennant les effets de bords et en ignorant les systèmes basés sur les méthodes fines d'analyse ) :
- ce qu'en dit l'auteur (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, ton principe directeur)
- ce qu'en dit l'étiquette (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, le principe directeur de Joe)
- ce qu'en dit le lecteur (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, mon principe directeur)

Pour la sorcière, tu ne devrais pas être si surpris que ça. Les personnages "non magiques" de ton roman ne se posent pas la question de la rationalité de la magie. Ils font avec. Elle est pour les militaires aussi réelle que des armes de destruction massives cachées dans les sables du désert. Pourquoi ferais-je différemment de tes personnages lors de la lecture ? (je ne parle pas d'analyse du texte, mais bien de lecture).
Et la notion de rationalisation est, elle aussi, très personnelle. Par exemple, l'utilisation que tu fais du quantique dans LGM est, à mes yeux, assez peu différent de l'utilisation de la magie dans "la saison de la sorcière".
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

systar
Messages : 1991
Enregistré le : sam. févr. 03, 2007 11:20 pm
Localisation : perdu dans la métaphysique
Contact :

Message par systar » lun. déc. 07, 2009 5:02 pm

Lem a écrit : ils savent très bien que la métaphysique est une activité intellectuelle discréditée.
Ce pourrait être d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels les thèmes de la sf ont été perçus à travers le "brouillard métaphysique" qui leur est attaché
En fait, je ne sais pas trop si elle est discréditée chez des gens comme Guillebaud, ou le prof que tu cites et que Mélanie a eu en cours.
On pourrait avancer quelques éléments rapides expliquant son effacement des débats intellectuels:
- le fait que ces débats sont dominés par des gens qui se prétendent philosophes, mais ne le sont pas de formation. exemple: Quand Finkielkraut cite Arendt, Lévinas et Heidegger en boucle le samedi matin, il tourne en rond. C'est un littéraire, qui n'a récupéré dans sa réflexion, et parfois au prix de quelques grosses simplifications, que quelques portions de développements métaphysiques. Il cite tout le temps le visage chez Lévinas, mais ne dit jamais rien sur l'origine de ce thème, qui provient de Rosenzweig (théorie du visage à la fin de l'Etoile de la Rédemption) et d'une discussion serrée avec Husserl sur l'intentionnalité.
- bon, je cite Finki, mais il y en a plein d'autres comme ça, à vouloir citer de la philo, alors qu'ils manquent de technicité pour le faire. Même Onfray, qui déploie des trésors réels d'érudition sur la pensée athée et libertaire (pourquoi pas, après tout), fait des contresens grotesques dès qu'il s'agit de métaphysique un peu technique (voir ses bêtises sur Eichmann s'inspirant de Kant)
- Guillebaud est un journaliste (brillant) venu à la philo et à la foi. ça fait des essais vendeurs, ça ne fait pas de la bonne philosophie.
- même des gens comme Alain Renaut (traducteur de la Critique de la Raison Pure, et de la Critique de la Faculté de juger, et de Fichte, et en des traductions excellentes, voire irréprochables, excusez du peu) ou Comte-Sponville, qui était un très bon prof à la Sorbonne sur la pensée matérialiste, pondent des essais simplificateurs, frisant la niaiserie, alors qu'ils sont, techniquement, capables de faire de la philo à haut niveau de précision et de technicité.

Plus que de discrédit, je parlerai d'un effacement de la métaphysique des débats intellectuels. C'est peut-être lié, en France, à la disparition de l'intellectuel au sens que ce mot a eu historiquement: un type brillant dans sa discipline, qui se permet de sortir de cette discipline pour prendre position sur des sujets sur lesquels il n'a pas forcément compétence. En philo: Foucault, Deleuze, ou même Derrida (dont le rapport co-signé avec Bouveresse sur l'enseignement de la philo, par exemple, montre clairement ce problème: deux intellectuels parfaitement brillants et légitimes dans leur discipline, mais qui sont venus se mêler naïvement d'un problème qu'ils connaissaient mal: l'école), avant eux Sartre... Tous des techniciens de qualité, tous aptes à faire de la métaphysique à très haut niveau.
Aujourd'hui, ces figures, qui étaient déjà isolées en leur temps, ont disparu, parce qu'il y a eu une scission définitive, entre le médiatique et le vraiment philosophique.
La plupart du temps, les "philosophes" qu'on vous présente comme tels à la télé n'en sont pas: dans notre milieu de la vraie philo, que je connais un peu, on les méprise.
Il faut le savoir.
Le seul qui fasse exception à cette scission est un métaphysicien de premier rang, peut-être le dernier grand philosophe français du XXème siècle, et le dernier à incarner encore un peu cette figure de l'intellectuel au sens ancien, c'est Alain Badiou.
Mais curieusement, il y a un énorme contraste entre la puissance intellectuelle qui émane de son système d'ontologie (l'être et l'événement, logique des mondes), et les bêtises maoïstes qu'il se sent obligé de resservir à la télé de temps en temps chez Taddéi.

ça, c'est un premier point que je pouvais clarifier.

Pour la suite de l'examen de ce que Lem a appelé le discrédit de la métaphysique au XXème, il faudra encore attendre un peu, que j'aie fini de relire certains articles, certains livres, pour préciser.
Cela me permettra peut-être d'expliquer, justement, cette relégation de la métaphysique comme discipline technique de pensée, hors du champ de la philo médiatique et du débat politique.

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » lun. déc. 07, 2009 5:11 pm

MF a écrit : Ce que l'on peut constater, à grands traits, c'est qu'il y a 3 principes de caractérisation de l'appartenance à la SF (moyennant les effets de bords et en ignorant les systèmes basés sur les méthodes fines d'analyse ) :
- ce qu'en dit l'auteur (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, ton principe directeur)
- ce qu'en dit l'étiquette (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, le principe directeur de Joe)
- ce qu'en dit le lecteur (ce qui, si je comprends bien, est, par exemple, mon principe directeur)
Sans entrer non plus dans une analyse fine, il me paraît étrange de distinguer entre la manière dont l'auteur conçoit son texte et la manière dont le lecteur le reçoit, puisque la réception est en premier lieu le résultat du dispositif textuel.
Je ne dis pas que les deux se superposent.
Je ne nie pas qu'il y a des effets de lecture, qui font que chaque lecture d'une oeuvre, même par la même personne, peut être légèrement différente.
J'affirme simplement que ce que l'auteur produit comme texte ne peut pas être perçu n'importe comment. Qu'il existe des critères objectifs qui peuvent servir de points de repère.

Mais je nuancerai volontiers ce propos en acceptant, encore une fois, des lectures différentes, c'est-à-dire qui ne portent pas sur les mêmes aspects du texte que, par exemple, la nature du monde de la fiction, élément en définitive un peu limité. On peut inclure des textes dans un même champ d'étude, même si leurs univers ne fonctionnent pas de la même manière, du moment qu'ils ont par ailleurs des points communs significatifs.
Et je ne suis pas non plus un ayatollah des étiquettes, j'utilise SF par défaut, mais c'est loin d'être assez précis pour ce que je raconte.

Avatar du membre
bormandg
Messages : 11906
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
Localisation : Vanves (300 m de Paris)
Contact :

Message par bormandg » lun. déc. 07, 2009 5:12 pm

Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :[De plus, Gérard a donné à la notion de déni une dimension sociologique qui manque cruellement à l'hypothèse métaphysique.
Mais pourquoi les opposer ?
Je n'ai jamais dit que l'hypothèse en M était exclusive de toutes les autres. J'ai dit qu'elle venait s'ajouter à toutes celles déjà recensées :
Dans la fameuse préface, Lem a écrit :La haine des sciences après la première guerre mondiale. (…) Le mythe de la clarté française, cette politique de la langue décryptée par Henri Meschonnic qui prescrit l'usage des néologismes et des termes de science (proscription assumée dès le premier dictionnaire de l'Académie en 1638). Les préjugés de classe et l'antiaméricanisme…
Tu as dit plus que cela, et tout ce film en est témoin; tu as dit qu'elle était la "variable cachée" qui par son ajout justifiait l'existence du déni et, si je ne me trompe, permettait d'envisager la fin de ce déni. Choses que les autres hypothèses ne suffiaient pas à justifier. C'est à cette dernière affirmation que s'oppose Gérard (et que je le suis).
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Répondre

Retourner vers « Vos dernières lectures »