systar a écrit :Salut Alain,
quelques petites questions, sans lien entre elles...
Lisandro semble avoir remplacé dans ton Olympe du foot Steven Gerrard, mais j'ai l'impression que les critères d'élection n'ont pas beaucoup changé... si?
Est-ce que si tu avais été dans le bus de Knysna, en juin, tu en serais descendu? (note que je passe là aux questions sérieuses et décisives, celles que tu ne peux pas contourner)
Qu'est-ce que tu as lu récemment, de sympa, en fiction, et en essais? Qu'en as-tu retiré, pour toi, dans l'absolu, et pour ta pratique d'écrivain?
Aie, je suis mort, les vacances viennent d'être sifflées, Systar revient dans la partie !
Salut Systar,
Heureusement, tu démarres doucement…
Pour le foot, Steven Gerrard, Gattuso, Lisandro, oui, c'est un peu mon Olympe : engagement total, tripe, esprit d'équipe inné. Je les mettrais dans la Horde, si j'étais Dieu (ou José Mourinho).
Pour le bus de Knysna, j'aime répondre à ça sérieusement : c'était au fond la compétition de trois liens : celui des joueurs entre eux, défendant l'indéfendable Anelka, et celui des joueurs à leur métier et à leur public (l'honneur du maillot ?), qui exige qu'on s'entraîne, a minima, pour espérer bien jouer. Ce qui est intéressant, c'est que le lien le plus abstrait, le plus médié, celui des joueurs avec leur public, qui devient évanescent à force de bulle hotelière et de repli, a été parfaitement impuissant face à l'esprit de corps, aussi buté et inepte était-il, ici, parce que défendre un type qui insulte le seul entraîneur qui lui ait jamais fait confiance en équipe de France, c'est stupide.
Il y avait pourtant quelque chose de juste dans cette grève, quelque chose d'intéressant dans la reprise en main de leur destin par les joueurs (ce sont de pures marchandises sur l'un des plus purs marchés capitalistes qui soit, extrêmement fluide, sans viscosité aucune, où le licenciement sec a lieu tous les trois jours et où la valeur marchande est reconsidéré à chaque mercato), quelque chose qui aurait pu être beau si par exemple ils avaient décidé de s'entraîner eux-mêmes ou de former eux-mêmes leur équipe, en autogestion, ou de lire au moins eux-mêmes leurs revendications ou l'affirmation d'une identité collective, rêvons : de valeurs, fut-elle contre la FFF ou Domenech. Évidemment, il n'y a rien eu de tout ça donc c'était juste pathétique !
Alors oui, je serais descendu du bus, si ça a un sens de dire ça, tout comme on se dit, sans jamais avoir connu la guerre : j'aurais été résistant dans le Vercors ! C'est toujours facile et ça ne mange pas de pain. Je comprends ceux qui ont fait corps, pour l'équipe, tout en n'étant pas d'accord. Bref, tout ça prouve un grégarisme ordinaire, renforcé chez les footeux par la bulle de confort, de surfric et d'assistanat dans laquelle ils évoluent. Excusez la digression !
Pour les lectures, je lis Léo henry et Jacques Mucchielli, Bara Yogoï, la suite de Yama Loka et j'en retire certaines techniques de récit (le récit indirect rapporté par un personnage qui en sait peu, donc flou, incertain, très intéressant pour sa faculté d'évocation) et des fulgurances de style, notamment sur l'argot cassé, une sorte de jargon zyva réinventé, c'est précieux pour moi quand je suis surpris, quand la syntaxe ou l'image casse, prend un angle, c'est le plus difficile à faire, c'est la vie propre du style : le pont est lancé, l'œil part et anticipe et au milieu du pont, ça se brise, ça saute sur une passerelle puis ça plonge dans le fleuve ou remonte, ou se prend la berge de face. Léo et Jacques savent faire ça (Jess + Tom = amour), comme Volodine. Ça me nourrit.
Je lis aussi le Tiqqun ("Tout a failli, vive le communisme !" mais c'est uniquement pour t'emmerder !
Mine de rien, ça me renvoie à la zone du dehors et aux questionnements de la zone, traversés par des gens qui ont beaucoup lu Foucault et Deleuze, comme moi, mais qui l'utilisent autrement. C'est très français, très intello, très de gauche, et pourtant il y a un souffle neuf parce que la culture historique des luttes y est (qui permet le dépassement, pas la redite) et qu'ils esquissent une vraie tentative d'aller au-delà, de poser les enjeux du XXIe. Bien sûr, c'est inégal, écriture collective oblige mais il y a de très beaux passages, des éclairs même. La nécessité de s'absenter. Le Parti Imaginaire, l'incapacité à forger du commun, la fuite et la haine du commun, même. Ça m'énerve, m'enchante, me fait marrer, me blase, bref, ça m'intéresse.
Et j'ai attaqué la philosophie de l'argent de Simmel, j'en attends beaucoup ! J'aime l'esprit polymorphe de Simmel, son approche croisée.