Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » ven. janv. 08, 2010 5:35 pm

Lensman a écrit :Ce n'est pas seulement une question de "logique". Tu peux faire des tas de développements "logiques" à partir de prémices absurdes (j'ai inventé une machine à rayon qui transforme les gens en comptables assermentés, par exemple). Il y a des tas de textes, parfois géniaux d'ailleurs, qui fonctionnent comme cela, et personnellement, je veux bien les mettre dans la SF.
Moi aussi, c'est même principalement à ceux-là que je m'intéresse ici puisque je me place souvent sur la frontière. Bixby : "il y a un enfant-dieu omnipotent" ; Borgès : "l'univers est une bibliothèque infinie" ; ne sont pas des propositiosn scientifiques mais les textes qui en découlent sont de la SF. Pourquoi ? C'est une des manières dont j'étudie le sujet de la définition.
Mais généralement (tu noteras le "généralement", la SF part d'un prétexte qui se veut scientifique, et il faut que cela y ressemble un peu.
Généralement, oui. Mais parfois, et même assez souvent, non. Encore une fois : je ne dis pas que la science n'est pas centrale dans la SF (ni le futur, d'ailleurs). Je dis qu'il y a trop de textes classiques qui leur échappent pour qu'on puisse en faire des éléments de définition.

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Lensman
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Message par Lensman » ven. janv. 08, 2010 5:37 pm

Erion a écrit : Sans la science, il n'y a PAS de machine à voyager dans le temps. Relis le texte de Gérard, ou discutes-en avec lui, mais cesse de faire comme si rien n'avait été écrit sur le sujet.
... ça, par contre, c'est clair. Après, heureusement que Wells est un écrivain qui a des chose à dire, mais qui en doutait?
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Erion
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Message par Erion » ven. janv. 08, 2010 5:40 pm

Lem a écrit : Suis-je le seul à avoir jamais défini la SF par le sow, c'est à dire une expérience subjective ? Suis-je le premier à avoir classé La bibliothèque de Babel dans la SF ? Ai-je inventé la formule : "la SF, c'est ce que je désigne comme tel" ? Personne n'a-t-il jamais remarqué que dans Lafferty, Ballard ou Brussolo, il n'y avait pas de science et que c'était un problème intéressant ?
Entre TON "expérience subjective" et "l'expérience subjective du lecteur", y'a un pas énorme. Parce que tu n'essaies pas d'analyser comment les lecteurs perçoivent les textes de SF, tu pars de ta propre expérience de lecteur en la généralisant, et en extrapolant qu'elle s'applique à tous les lecteurs.
Ca marche pas comme ça.

Quand Suvin fait sa théorie esthétique de la SF, il a un objectif personnel : éliminer le fantastique et la fantasy du champ de la SF. D'où le "cognitive estrangement" et le "novum". Mais sa définition est généralisable, et tous ses travaux ensuite vont affiner sa théorie pour être plus adaptée aux cas les plus en marge.
Ce qui fait qu'au final, on obtient une définition esthétique, qui s'applique à tout le genre. Après, on peut ne pas être d'accord avec les termes de la définition, on peut juger qu'elle est trop restreinte, mais on a un filtre qui permet de prendre n'importe quelle oeuvre et de déterminer si elle appartient ou non à la SF.

Dans ton cas, on est quand même surpris par ta propension à écarter des tas d'oeuvres de SF, dès que ça ne t'a pas procuré à toi une émotion spécifique, que tu es le seul à ressentir (vu que le concept "métaphysique" que tu emploies est très loin d'avoir une acception claire et partagée par tous). Bref, ce n'est pas une démarche de généralisation ou de globalisation, mais d'écrémage personnel.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lem

Message par Lem » ven. janv. 08, 2010 5:42 pm

Erion a écrit :Pas du tout. C'est que coincé pour essayer de démontrer que la science n'était pas centrale dans la SF, tu as tenté de poser un contre-feu. C'est toi qui a dévié le truc en parlant d'autre chose.
"Non".
Je te remets l'enfilade que tu as dû rater tellement tu étais pressé d'objecter :
Lem a écrit :Une machine causale (logique) produit un effet acausal (merveilleux). Et là est la SF.
Roland a écrit :Ça ne laisse pas beaucoup de place au conceptual breakthrough
Lem a écrit :L'encyclopédie de Clute & Nicholls a écrit:
CONCEPTUAL BREAKTHROUGH can best be explained in terms of "paradigm", as that term is used by philosophers of science. A paradigm is a generally held way of looking at and interpreting the world. (…) All the most exciting scientific revolutions have taken the form of breaking down a paradigm and substituting another.

Passer d'un monde strictement causal à un autre, plus vaste, où le futur peut agir sur le passé, me paraît pile dedans.
Roland a écrit :Non.
Lem a écrit :Le voyage temporel est une des figures de proue de la SF.
C'est une de ses créations les plus spécifiques.
C'est aussi l'une des figures le plus souvent associées au sow.
En tant qu'il bouleverse la conception scientifique classique, causale, du monde, en y établissant (le temps de la fiction) la possibilité d'une action du futur sur le passé, il est l'exemple même de la percée conceptuelle.
"Non" n'est pas une réfutation.
Erion a écrit :(citation du texte de GK sur tout autre chose)
Donc "non"
A côté de la plaque. Ce n'est pas grave.

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dracosolis
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Message par dracosolis » ven. janv. 08, 2010 5:48 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :Personne n'a-t-il jamais remarqué que dans (…) Brussolo, il n'y avait pas de science et que c'était un problème intéressant ?
Brussolo, c'est de la merdre.
non^^
le syndrôme du scaphandrier, c'est une merveille
et vue en coupe d'une ville malade a des aspetcts technosfuturistes indéniables





:twisted: juste pour le fun, je fais remarquer que je contredis Roland ET Lem en même temps

ce que je trouve très rigolo
(désolée)
Modifié en dernier par dracosolis le ven. janv. 08, 2010 5:50 pm, modifié 1 fois.
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Lem

Message par Lem » ven. janv. 08, 2010 5:49 pm

Erion a écrit :tu n'essaies pas d'analyser comment les lecteurs perçoivent les textes de SF, tu pars de ta propre expérience de lecteur en la généralisant, et en extrapolant qu'elle s'applique à tous les lecteurs.
Ca marche pas comme ça.
La seule expérience de lecteur que je connaisse de l'intérieur, c'est la mienne ; je pars d'elle au lieu de faire semblant de croire que "science" et "futur" suffisent à tout régler. Tu n'adhères pas, aucun problème. Tu as le droit de le dire. Mais pas celui de m'expliquer que je n'ai pas le droit de le faire.

Lem

Message par Lem » ven. janv. 08, 2010 5:52 pm

Erion a écrit :Sans la science, il n'y a PAS de machine à voyager dans le temps.
Sans la fiction non plus. Pourquoi faire l'impasse totale sur le deuxième terme comme si le premier suffisait à tout expliquer ?

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Lensman
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Message par Lensman » ven. janv. 08, 2010 5:53 pm

Lem a écrit : Généralement, oui. Mais parfois, et même assez souvent, non. Encore une fois : je ne dis pas que la science n'est pas centrale dans la SF (ni le futur, d'ailleurs). Je dis qu'il y a trop de textes classiques qui leur échappent pour qu'on puisse en faire des éléments de définition.
Eh bien, on avance (j'ironise un peu...), ou j'avais mal compris. Il me semblait avoir lu un ou deux passages où tu disais que le futur n'était pas central dans la SF.
Et on revient sur le problème logique d'une définition: il faut tout de même que ces aspect s(science et futur) sautent aux yeux comme conséquence de la définition, si tu tiens à en faire une. Et non pas qu'on soit obligé de la retourner dans les sens pour finir par se dire que, tout de même, oui, elle n'exclut pas le futur (cf. la théorie de Maurice Renard).
Maintenant, une part de ce malentendu vient de ce que tu tiens à donner une définition de la SF, problème qui me semble ne pas avoir de solution, ne serait que parce que la SF est un système qui évolue sans arrêt, et que parler de SF du temps de Wells, ce n'est pas parler de SF aujourd'hui (de l'eau a coulé sous les ponts, au niveau du genre et du monde environnant).
J'ai l'impression qu'en fait, et c'est en gros ce que tu dis dans ce message, tu t'intéresses particulièrement à un aspect de la SF Mais à UN aspect seulement. Un aspect passionnant, fascinant, etc., mais dont je ne parviens pas à comprendre pourquoi tu voudrais, en le définissant, définir l'ensemble de la SF.
tu nous aurais dit dès le début: je vais faire une théorie de la branche paradoxale de la SF (exemple, le genre de trucs qu'il y a dans les voyages dans le temps), on aurait tous compris, on se serait frité sur des tas de concepts, on se serait balancé des textes et des théories en veux-tu en voilà, mais pas avec cette impression pénible que tu cherches à réduire la Sf à CET aspect particulier, comme si c'était la seule chose vraiment importante dans ce phénomène culturel autrement complexe et riche.
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Message par Erion » ven. janv. 08, 2010 5:53 pm

Lem a écrit : A côté de la plaque. Ce n'est pas grave.
Non.
Tu as bel et bien été coincé auparavant, et c'est pour ça que tu as dérivé sur causal et acausal. Le fait que certains aient suivi, c'est leur problème.
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Message par Roland C. Wagner » ven. janv. 08, 2010 5:53 pm

dracosolis a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :Personne n'a-t-il jamais remarqué que dans (…) Brussolo, il n'y avait pas de science et que c'était un problème intéressant ?
Brussolo, c'est de la merdre.
non^^
le syndrôme du scaphandrier, c'est une merveille
et vue en coupe d'une ville malade a des aspetcts technosfuturistes indéniables
J'ajouterais Les Semeurs d'abîme.
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Message par Lem » ven. janv. 08, 2010 5:54 pm

dracosolis a écrit :je contredis Roland ET Lem en même temps
Oh, je ne sais pas.
Le syndrôme est effectivement une merveille. Les nouvelles de Vue en coupe sont très bonnes mais aller y chercher des "aspects technoscientifiques" me laisse carrément rêveur. Pour moi, c'est typiquement de la SF sans science.

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Message par Lensman » ven. janv. 08, 2010 5:55 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :Sans la science, il n'y a PAS de machine à voyager dans le temps.
Sans la fiction non plus. Pourquoi faire l'impasse totale sur le deuxième terme comme si le premier suffisait à tout expliquer ?
Heu... quelle impasse? Je passe mon temps (!) a rappeler que l'on parle de fictions, de littérature de distraction (qui n'empêche pas une agréable réflexion...), pas de traités scientifiques, métaphysiques, ou autres!
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Message par Gérard Klein » ven. janv. 08, 2010 5:56 pm

MF a écrit :
Gérard Klein a écrit :Il y a une autre famille de réponses à cette question des fondements de la morale, dans la théorie de l'évolution. La morale serait ce qui a permis à l'espèce humaine de survivre et de prospérer socialement. Mais au point où on en est, ou bien c'est encore de la métaphysique, ou bien c'est de la science très discutable, voire peu fondée. Au moins pour l'instant.
Je ne vais rien t'apprendre en te rappelant que Dawkins (et pas seulement lui) l'a théorisée, fragmentairement dans Le gène égoïste, plus génériquement dans Le phénotype étendue.
Ce n'est, à mon avis, pas de la "science très discutable" mais de la "science très discutée".
Sauf à considérer, ce que tu fais peut-être, que la controverse scientifique ne relève pas du domaine scientifique mais du domaine métaphysique.
Ce n'est pas le meilleur Dawkins et Dawkins, que j'apprécie et que j'ai publié (L'Horloger aveugle), utilise beaucoup l'argument d'autorité, genre Heinlein, mon opinion est un fait. D'autre part Dawkins n'est pas vraiment un théoricien mais un très habile et très intéressant journaliste et vulgarisateur. Il est très contesté dans les milieux les mieux habilités de la théorie de l'évolution, par exemple pour sa manie de mettre l'individu avant tout et d'écarter la sélection de groupes. Sa théorie des origines de la morale, dont on peut penser ce qu'on veut, a tout de même de méchants relents de darwinisme social à la regarder d'un peu près. Je pense en effet que cette controverse (et non pas la controverse scientifique qui à ce niveau de généralité n'a pas grand sens) relève aujourd'hui de la métaphysique, et pas de la meilleure mais plutôt de l'effet de manche. C'est de la même eau que toutes les "théories" qui veulent que telle ou telle caractéristique psychologique des êtres humains est due à un ou plusieurs gènes; généralement réfutées, elles renaissent comme les cafards. Ce qui ne signifie pas que la sociobiologie est dépourvue d'intérêt. Je suis un grand admirateur d'E.O. Wilson, Mais qu'il faut considérer les choses avec circonspection.
La controverse soulevée sur ce point par Dawkins n'est pas scientifique (pas d'observation ni d'expérimentation), elle est philosophique et, dans ce champ, proprement métaphysique.
Mon immortalité est provisoire.

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Message par Lensman » ven. janv. 08, 2010 5:58 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :tu n'essaies pas d'analyser comment les lecteurs perçoivent les textes de SF, tu pars de ta propre expérience de lecteur en la généralisant, et en extrapolant qu'elle s'applique à tous les lecteurs.
Ca marche pas comme ça.
La seule expérience de lecteur que je connaisse de l'intérieur, c'est la mienne ; je pars d'elle au lieu de faire semblant de croire que "science" et "futur" suffisent à tout régler. .
Dans ton esprit, peut-être, tu a fait le tour de la science et du futur, ce qui fait que ces aspects épuisés, tu peux passer à autre chose? toutes mes félicitations!
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Message par Erion » ven. janv. 08, 2010 5:58 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :Sans la science, il n'y a PAS de machine à voyager dans le temps.
Sans la fiction non plus. Pourquoi faire l'impasse totale sur le deuxième terme comme si le premier suffisait à tout expliquer ?
Pourquoi quelque chose, plutôt que rien ?
Parce que ce qui est important dans l'existence de la machine à voyager dans le temps, c'est qu'il y ait la science, pas que ce soit de la fiction.

La première mention du voyage dans le temps, c'est dans le cycle d'Arthur (Merlin pouvait voyager dans le passé). Et un autre exemple célèbre, on l'a dans le conte d'Urashima Tarô (720), ou un pêcheur qui vit 3 jours dans le palais sous la mer, constate en sortant qu'il se retrouve chez lui, mais 300 ans plus tard.
Bref, la différence fictionnelle entre le conte d'Urashima Taro, et la machine de Wells, c'est la science.

Edit. D'ailleurs, la référence à Urashima Taro est régulièrement faite dans les récits de SF japonais. Il apparaît une paire de fois dans Doraemon, (qui raconte l'histoire d'un chat robot du 23e siècle qui est projeté au Japon en 1960) ou la technologie du futur sert à se déplacer dans le temps, comme un peu pour Urashima Tarô.
Sauf que Tarô est un conte, et que les machines de Doraemon, sont de la science.
Modifié en dernier par Erion le ven. janv. 08, 2010 6:02 pm, modifié 1 fois.
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