Le Déchronologue de Stéphane Beauverger
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- Don Lorenjy
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C'est dommage : je ne te connais pas encore bien, mais je crois qu'il te plairait.kemar a écrit :"MAIS c'est oublier la fin : quand Villon meurt, le monde du Déchronologue échappe enfin à son emprise morbide, et s'apaise. "
"Ils font beaucoup d'efforts pour dissuader de lire ce livre. Saluons la tentative."
Ben voilà, je ne le lirai pas...
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- Transhumain
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Bah, Villon annonce dès la première page qu'il va mourir.kemar a écrit :"MAIS c'est oublier la fin : quand Villon meurt, le monde du Déchronologue échappe enfin à son emprise morbide, et s'apaise. "
"Ils font beaucoup d'efforts pour dissuader de lire ce livre. Saluons la tentative."
Ben voilà, je ne le lirai pas...
- Transhumain
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Villon fuit sa culpabilité, il aspire à disparaître de la chaîne de causes et de conséquences où prennent place ses crimes et celles des autres. Alors, les tempêtes temporelles se déchaînent. Mais même cela échoue. Alors, reste à déconstruire le récit, à dissocier les événements, à les fragmenter, pour que chacun des fragments brille en solitaire. Mais j'ai déjà écrit tout ça dans ma déchronique, hein.Jeffx a écrit :Peux tu clarifier ta pensée stp ???Transhumain a écrit :c'est le récit parfaitement cohérent d'un homme qui aspire à la schizophrénie.
Parce que si la phrase est jolie, j'ai un mal fou à la comprendre, et j'ai bien lu le dechronologue.
- Transhumain
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Diégétique est bien dans le dictionnaire. Je ne pense pas que Diégétiquement y soit.Transhumain a écrit :Le mot dictionnaire, tu ne connais pas non plus ?
Sinon, sur la culpabilité de Villon, il la vit pleinement, à chaque instant.
Le seul moyen de la fuir c'est de mourrir, il n'y en a pas d'autre dans son esprit.
Je ne le vois pas se refugier dans la folie pour la fuir, à aucun moment.
Dans l'alcool oui, mais pas dans la folie.
Je sais que la thématique de la schizophrénie t'interesse, mais AMHA je n'en ai pas vu chez Villon.
Sinon, je sais que tu as déjà écrit tout ça dans ta chronique, que j'ai d'ailleurs lu en entier (j'en ai même gardé des morceaux pour les relire plus tard), mais je dois reconnaitre que j'ai "parfois" du mal à comprendre ce que tu veux ecrire...
J'en prend pour exemple 3 paragraphes de ta main, qui me laissent encore aujourd'hui perplexe :
« Ce n'est pas le Temps en tant que Temps vrai, en tant que Temps mien, Temps immobile, qu'aurait dû briser le capitaine Villon, mais le Temps-fleuve, le Temps peintre de nos « paysages chronographiques », Temps accusateur qui lie entre eux les fragments du souvenir et leur confère l'illusoire apparence du mouvement et de la cohérence. Se fondre dans le Corps sans Organes, s'abandonner en synthèses disjonctives inclusives, était au-dessus de ses forces : il ne réussit qu'à soumettre son monde à sa folie permutative. Lui-même, l'homme-épicentre, l'homme-nexus coupable de tout devant tous, était condamné à la croix. »
« Il ne s'agit pas de fétichisme, de projection, ou d'un quelconque lien psychanalytique entre sujet et objet (encore que l''on pourrait sans doute faire une lecture kleinienne des maravillas comme objets partiels clivés en « bons » et « mauvais objets » ; Villon serait alors un psychotique qui ne parviendrait pas à regarder son monde comme un objet total). Ni « symboles », ni « métaphores » à proprement parler, les maravillas seraient plutôt les « désirs révolutionnaires » réifiés de Villon, l'expression matérielle, physique, tangible, spatiale et visuelle des machines désirantes du capitaine, investissements libidinaux de type révolutionnaire des grandes machines sociales de son temps. »
« Le pouvoir des maravillas évaporé, il s'agit pour Villon de faire permuter les possibles, les époques, les matières, de faire du monde, littéralement, un « Corps sans Organes », sphère glissante à la surface opaque, tendue et indéterminée, sans image précise, production fluctuante du désir, sur laquelle circuleraient des intensités, où sans cesse se remodèleraient les territoires – ainsi le Nouveau Monde balayé par l'apocalypse des temps incertains en tableaux de cauchemar –, comme autant de possibles jamais appelés à véritablement advenir. »
Voilà voilà...
- Don Lorenjy
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Mais ça y est, je l'ai rassuré, il ne va plus craindre pour sa vie ou celle de ses proches!Transhumain a écrit :Eh bien, demande-le lui. Bizarrement, la dernière fois que j'en ai parlé avec lui, il n'avait pas l'air hilare.Don Lorenjy a écrit :C'est sTeF qui doit bien rigoler de voir tout ce qu'il a mis dans son roman.
Oncle Joe
- Transhumain
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Bien sûr. C'est métaphorique. Je n'utilise ici la schizophrénie que comme catégorie esthétique : dissociation du récit, qui traduit son désir de dissolution du temps. Villon cherche à s'anéantir dans l'oubli, à exploser son existence en fragments autonomes.Jeffx a écrit :Sinon, sur la culpabilité de Villon, il la vit pleinement, à chaque instant.
Le seul moyen de la fuir c'est de mourrir, il n'y en a pas d'autre dans son esprit.
Je ne le vois pas se refugier dans la folie pour la fuir, à aucun moment.
Dans l'alcool oui, mais pas dans la folie.
Je sais que la thématique de la schizophrénie t'interesse, mais AMHA je n'en ai pas vu chez Villon.
Références plus ou moins obscures à Nabokov (les développement de Van Veen sur le temps dans Ada), à Dostoïevski (la culpabilité dans les Frères Karamazov, via le starets et Aliocha) et à Deleuze (L'Anti-Oedipe et le corps sans organe). Villon désire détruire le temps, tout bouleverser, tout permuter jusqu'à annihiler tout ordre et devenir désir pur, flux indéterminé, mais il n'y parvient pas. Il ne réussit qu'à répandre le chaos sur terre. L'image du corps sans organe deleuzien me paraît très pertinente avec le Déchronologue. Mais ça n'engage que moi. Quant à la référence christique, elle me paraît elle aussi pertinente : Villon porte sur ses épaules le poids de tous les crimes...« Ce n'est pas le Temps en tant que Temps vrai, en tant que Temps mien, Temps immobile, qu'aurait dû briser le capitaine Villon, mais le Temps-fleuve, le Temps peintre de nos « paysages chronographiques », Temps accusateur qui lie entre eux les fragments du souvenir et leur confère l'illusoire apparence du mouvement et de la cohérence. Se fondre dans le Corps sans Organes, s'abandonner en synthèses disjonctives inclusives, était au-dessus de ses forces : il ne réussit qu'à soumettre son monde à sa folie permutative. Lui-même, l'homme-épicentre, l'homme-nexus coupable de tout devant tous, était condamné à la croix. »
Pour moi les maravillas sont, selon le terme de Lehman, des "métaphores réifiées", celles des désirs révolutionnaires de Villon, la métamorphose de ces désirs en corps concrets, matériels. Ces désirs portent sur les "grandes machines sociales" de son temps : les puissances maritimes, l'Eglise et l'Inquisition, etc. Il y a conflit chez lui entre ces désirs révolutionnaires, et son éthique (d'où cette évocation d'une possible analyse kleinienne, mais je n'ai pas poussé plus loin).« Il ne s'agit pas de fétichisme, de projection, ou d'un quelconque lien psychanalytique entre sujet et objet (encore que l''on pourrait sans doute faire une lecture kleinienne des maravillas comme objets partiels clivés en « bons » et « mauvais objets » ; Villon serait alors un psychotique qui ne parviendrait pas à regarder son monde comme un objet total). Ni « symboles », ni « métaphores » à proprement parler, les maravillas seraient plutôt les « désirs révolutionnaires » réifiés de Villon, l'expression matérielle, physique, tangible, spatiale et visuelle des machines désirantes du capitaine, investissements libidinaux de type révolutionnaire des grandes machines sociales de son temps. »
Ce passage est plutôt limpide, non ?« Le pouvoir des maravillas évaporé, il s'agit pour Villon de faire permuter les possibles, les époques, les matières, de faire du monde, littéralement, un « Corps sans Organes », sphère glissante à la surface opaque, tendue et indéterminée, sans image précise, production fluctuante du désir, sur laquelle circuleraient des intensités, où sans cesse se remodèleraient les territoires – ainsi le Nouveau Monde balayé par l'apocalypse des temps incertains en tableaux de cauchemar –, comme autant de possibles jamais appelés à véritablement advenir. »

Tu as remarqué que les fusions cauchemardesques n'apparaissent que lorsque décline le marché des maravillas ? Je place Villon au centre du cataclysme. Il veut anéantir le temps pour anéantir sa culpabilité : ça se traduit par ces permutations des époques et de l'espace, qui s'emballent avant de retomber comme un soufflet à sa mort.
Soyons clairs : ceci est mon interprétation. Je ne prétends pas que Stéphane ait sciemment construit son roman ainsi, ni que c'est la seule interprétation possible : ce serait folie pure. J'ai seulement essayé, avec mes propres références, mais aussi avec ma connaissance du bonhomme, de comprendre "comment ça marche, le déchronologue", qu'est-ce qui le sous-tend, qu'est-ce qui me l'a rendu si cohérent.
- Don Lorenjy
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Ne te sens pas plus visé que ça : vous êtes plusieurs sur le coup.Transhumain a écrit :Eh bien, demande-le lui. Bizarrement, la dernière fois que j'en ai parlé avec lui, il n'avait pas l'air hilare.Don Lorenjy a écrit :C'est sTeF qui doit bien rigoler de voir tout ce qu'il a mis dans son roman.
Et c'est quand même une constante de l'exégèse que de trouver dans une oeuvre des idées ou des concepts que l'auteur n'a pas forcément eu conscience d'y placer, non ?
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