Je remets l'essentiel de ce que j'avais écrit ailleurs, pour marquer trois accords avec des remarques antérieures.
Je tenais à manifester mon accord avec le message suivant de MF
MF a écrit :
Lem a écrit:
Le champ de la fiction littéraire française, depuis la fin du XIXème siècle (depuis la crise du naturalisme à laquelle Rosny a pris part) est, pour l'essentiel, scruté par la critique non pour ce qu'il raconte mais pour la façon dont il le raconte. Ceci est à rapporter au tournant linguistique évoqué dans la première partie du fil : après Nietzsche et Freud, tout est langage, y compris le sujet (le moi) qui n'est finalement qu'une "tour de contrôle grammaticale" – un néant qui se prend pour quelque chose (Nietzsche disait "une illusion d'optique" ; Max Jacob disait : "une erreur persistante"). Il est donc réputé "naïf" de raconter quelque chose comme si ça existait indépendamment du langage. L'attitude littéraire consiste au contraire à choisir un langage et à voir ce qu'on peut raconter avec.
Ce qui me confirme ce que je pense depuis longtemps : les "critiques qui scrutent le champ de la fiction littéraire française, depuis la fin du XIXème siècle" ne savent pas lire autre chose que leur propre volapük.
Ils sont donc incapables de voir qu'un auteur a pu faire le boulot consistant à "choisir un langage [autre que ce volpük] et à voir ce qu'on peut raconter avec".
Et cela me conforte dans mon ressenti de la portée forcément négative (au regard de l'objectif que tu as de les "faire changer leur référentiel") de l'utilisation du mot métaphore qui est un élément pivot du volapük en question.
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Quant à ceci
Citation:
Au final, je crois qu'on devrait pouvoir, sans remettre en cause quoi que ce soit de son rapport à l'imaginaire scientifique et au travail des concepts, redécrire la SF comme une sorte de "littérature sauvage". Cest à dire une vraie littérature, au sens français du terme, caractérisée par un certain usage du langage – mais "sauvage" parce que de cet usage, elle n'a été jusqu'ici que semi-consciente, sur un plan essentiellement empirique.
je suis un peu comme Roland.
Cela me semble un poil méprisant au vu de la qualité du travail du langage (en plus de la qualité de la fiction et de la spéculation) qu'on produit nombre d'auteurs de SF.
Autre message que j'aurais voulu approuver:
Lensman a écrit :
Lem a écrit:
Ce découpage a lui-même été proposé après dix pages de protestations contre ma propre façon de lire la SF (comme jeu de langage) au motif que le travail des concepts est premier et que le langage n'intervient pas dans ce jeu, qu'il n'est requis qu'après, pour nommer ("transparence ou sprutz, peu importe, ça marche quand même").
Je sais très bien que les écrivains de SF peuvent faire un travail de qualité sur le langage. J'ai moi-même écrit quelques histoires, je me souviens comment ça se passe. Mais ce n'est pas de "bien" ou "mal" écrire dont il est question ici ; c'est de ce qui vient en premier dans la création. Tout le monde me dit : la SF, c'est les concepts d'abord. J'enregistre et j'explique le décalage que cela crée avec la norme littéraire. Il n'y a aucun mépris.
Si la norme littéraire ne s'intéresse pas au concept (j'écris: si) , qu'y puis-je? elle passe à côté de l'intérêt de la SF; d'autant qu'elle semble même avoir du mal, apparemment, à appliquer ses propres principes au textes de SF en faisant abstraction de l'étiquette. A ce point d'incompétence, ça donne à réfléchir sur la valeur de ses théories, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je n'arrive pas à avoir, comme toi, de l'indulgence (ne parlons pas d'admiration…) pour cette bande de bras cassés. Et ce n'est pas le "fan" de SF qui parle, c'est le lecteur.
Je finis pas me demander si la "norme littéraire" ne passe pas en grande partie à côté de la littérature — littérature au sens que des gens lisent des textes et éprouvent, ce faisant, un intérêt et un plaisir —, ce qui semble paradoxal!
Oncle Joe
En fait il faut être encore un peu plus méchant avec les défenseurs de la norme: ils sont prêts à s'intéresser aux concepts éculés qu'ils maîtrisent depuis longtemps; les concepts qui les gènent, ce sont tous les concepts nouveaux, tous ceux dont l'intérêt conceptuel n'était pas déjà épuisé il y a vingt ans quand ils les ont appris une fois pour toutes. Qu'on répète pôur la millionnième fois un concept( préhistorique leur paraît du plus haut intérêt. À la rigueur un concept inventé avant la naissance de Proust est de leur compétence. Mais défense de parler de ce qui intéresse un homme de moins de soixante ans...
Quant à Roland, il avait écrit:
Lem a écrit:
C'est cette conception utilitaire de l'écriture qui est jugée non-littéraire.
Donc, la démarche d'Albert Camus lorsqu'il conçoit et écrit L'Étranger serait "non-littéraire" ?
Remarque que je seconde avec d'autant plus de facilité que, pour moi, L'Étranger est le modèle même de ce que je classe en « fiction spéculative » hors SF.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."