marypop a écrit :j'ai raté le message de Lem sur l'exercice du bouquin mystère ou bien ?
Non. Le voici.
Je rappelle que l'idée de départ était d'inverser la perspective traditionnelle selon laquelle a) on "définit" au mieux la SF ("en général, ça parle de ci et ça") pour b) apprendre au lecteur à se placer dans le bon état d'esprit.
Là, au contraire, il s'agissait a) de caractériser l'état d'esprit au seuil de la lecture ("devant un livre dont je ne sais rien sinon qu'il est SF, je suis comme ci et ça") pour b) essayer d'en extraire un indice sur la nature de la SF.
Au lieu de la considérer comme genre, l'analyser comme horizon d'attente et position cognitive.
Sand a reformulé l'idée à sa sauce :
c'est le choix de la patère à laquelle il convient de suspendre son incrédulité
Ce qui est riche d'enseignements en soi. Il y a là l'intuition que, devant le label, on doit "se préparer à croire" d'une certaine manière et que cette manière est spécifique.
Giangi et MF ont aussitôt caractérisé cette préparation :
En fait, quand on ouvre un texte de SF, on ne sait jamais très bien à quel "genre" on va avoir à faire, et on a souvent des surprises... "
(…)
je suis prêt à tout.
Oncle a évidemment rappelé que les bons connaisseurs du genre, enrichis par l'expérience, avaient des attentes spécifiques sur les thèmes mais cela ne contredit pas le noyau dégagé par Giangi et MF :
quand on ouvre un texte SF, on renonce pratiquement à tout préjugé quant au cadre spatio-temporel de l'histoire (ça peut se passer n'importe où et n'importe quand, voire nulle part et nulle quand) et au registre de la narration (ça peut avoir le ton d'un roman historique, d'un roman noir, d'une chronique épique ou intimiste, la sècheresse d'un compte-rendu d'expérience scientifique, le niveau d'élaboration d'un texte très littéraire ou la brutalité d'un pulp, etc.)
Bref, on opère une sorte de
retour à zéro. (Oncle a reformulé en disant qu'il était capable de suivre l'auteur pendant un bon moment sans exiger de comprendre, qu'il lui faisait confiance.)
Il y a là quelque chose qui ressemble à une phénoménologie de la lecture très caractéristique mais que je n'interprète pas pour l'instant.
Ce renoncement aux préjugés usuels, ce retour à zéro, cette confiance, ne sont cependant pas inconditionnels. Ils sont 1) assortis d'une exigence et 2) accordés au nom d'une satisfaction ultérieure que le texte peut différer longtemps mais devra fournir, à un moment ou à un autre.
1) L'exigence.
Oncle et Matthieu l'ont formulée clairement :
On espère aussi que ça va être cohérent, pas un des ces patchworks de n'importe quoi auquel on a droit parfois.
(…)
A la fois ouvert et exigeant
La
tabula n'est donc pas complètement
rasa. En termes imagés, on pourrait dire que la scène que le lecteur ménage en lui-même pour accueillir l'histoire ne comporte aucun décor ni style préalables (à la limite, pas même l'espace-temps) mais qu'elle reste logique et unitaire (pas de patchwork ; un seul régime cognitif, logique et cohérent).
2) La satisfaction ultérieure.
Matthieu encore, Moralan, Sylvaner et Marypop sont sans mystère :
une attente particulière sur les idées.
(…)
une problématique nouvelle.
(…)
le questionnement le plus large
(…)
on attend des idées.
Brève tentative de synthèse (mais, à la limite, je suis plus intéressé par vos propres associations à venir). Lire de la SF implique :
1) Une sorte de retour à zéro (qui est en lui-même source de plaisir : plusieurs joueurs ont mentionné la valeur qu'ils accordaient à la nouveauté et à la surprise)
2) Le maintien d'une exigence de cohérence, d'unité et de logique
3) Une capacité à faire confiance, à ne pas exiger de compréhension immédiate au nom d'une satisfaction ultérieure implicitement promise : l'intensité du jeu avec les idées.