Li-An a écrit :
J'ai eu l'impression d'une documentation foisonnante. Est-ce qu'il n'aurait pas été finalement pas plus simple de faire un roman historique (avec un peu de fantastique) ?
Oh que non ! Et c'est l'auteur d'un gros jeu de rôle historique qui parle.
Le roman historique implique d'établir un récit interstitiel, qui se niche dans un contexte contraignant. Le roman fantasy laisse une totale liberté à son auteur. L'histoire, je ne l'emploie que pour bétonner le pacte de lecture : coller suffisamment de vraisemblable pour légitimer les errements de la folle du logis.
D'autre part, ce qui m'intéresse dans la fantasy, c'est précisément… son rapport à l'histoire. Car n'oublions pas que l'une des mamelles de la fantasy canonique, c'est l'histoire. Tolkien comme Howard y ont tété, et plutôt goulument. Guy Gavriel Kay, Tanith Lee, Pratchett, Moorcock, Holdstock aussi... Si mes souvenirs sont bons, Anne Besson et Isabelle Pantin, chacune à leur manière, disent que le récit fantasy raconte un épisode charnière entre le temps mythique et le temps historique. Cela me paraît très vrai. Donc, il me semble naturel de piller l'histoire pour écrire de la fantasy, bien que la fantasy demeure un genre distinct du roman historique.
Li-An a écrit :Je n'en pas parlé dans mon billet, mais les courses poursuites et l'univers m'ont beaucoup fait penser au jeu vidéo Assasssin's Creed second du nom (c'est mon fiston qui y a joué). Un commentaire là-dessus ?
Un commentaire laconique :
Date de sortie d'
Assassin's Creed II : 17 novembre 2009.
Date de sortie de
Gagner la Guerre : mars 2009.
Ce qui m'amène, par association d'idées, à un commentaire plus général. Je ne fais pas mystère de mon goût pour le jeu de rôle et, dans une moindre mesure, pour le jeu vidéo. Mieux (ou pis) encore : j'affirme haut et fort qu'il existe une circulation entre l'imaginaire ludique et l'imaginaire romanesque. Mais cela induit un effet pervers chez une partie de mes lecteurs : on a tendance à surinterpréter l'influence que le jeu peut exercer sur ce que j'écris. Un exemple très concret : j'ai pu lire que mes scènes de combat étaient visiblement inspirées du jeu de rôle. Or, quoique je ne pratique pas moi-même des arts martiaux, je me suis abondamment documenté pour qu'au contraire, mes scènes de combat soient les plus réalistes possibles. J'ai parcouru ainsi de vieux traités de maîtres d'armes du XVe, XVIe et XVIIe siècle ; Cecht et Dugham combattent plutôt selon la "vieille escrime", l'escrime des maîtres d'armes allemands médiévaux, tandis que les Ciudaliens emploient l'escrime italienne (Benvenuto) ou espagnole (Oricula). J'ai par ailleurs pris conseil, pour certaines scènes de combat, auprès d'un praticien de l'escrime de spectacle. Seulement voilà : précis = nerd = rôliste/gamer…
Quant à la scène de poursuite sur les toits, elle me vient plutôt de certains souvenirs cinématographiques, ainsi que d'un souvenir d'adolescence, une longue contemplation des toits de Rome depuis un clocher de la Trinité des Monts, à côté de la villa Médicis…
Li-An a écrit :J'ai trouvé le début très lent à avancer: jusqu'au retour de notre héros dans sa ville natale, on sent bien qu'on n'est pas encore vraiment dans le vif du sujet. Et en même temps, il y a comme une tendance à éviter d'aborder de front l'"Aventure" (le coup des tavernes est assez révélateur). À quel point est-ce un choix narratif ?
C'est un choix romanesque.
Le page turner n'est qu'une option, agréable et assez commerciale, qu'offre l'écriture romanesque. Je ne la renie nullement ; j'en ai utilisé certaines ficelles. Toutefois, le roman, c'est aussi un récit long, et qui peut nous offrir le luxe de la lenteur. C'est même la principale caractéristique qui le distingue de la nouvelle.
Or j'avais aussi envie de m'installer dans un temps long, ne serait-ce que pour casser certaines lois du thriller, qui voudraient appliquer à tous les récits une dynamique formatée. Du reste, dans mon projet, l'emprisonnement, la souffrance, le retour, la réadaptation difficile de Benvenuto, la vie de palais ou la vie urbaine, tout cela participait au drame, sans pour autant avoir à introduire une péripétie toutes les dix pages. A mes yeux, un homme qui lutte pour sa vie quand ses forces l'ont quitté, un assassin qui ment au père de sa victime, un serviteur loyal qui ne peut s'empêcher de revenir à la botte du maître qui l'a trahi, une ville qui embrasse comme une mère étouffante, tout cela est aussi romanesque que la poursuite sur les toits ou que la sorcellerie d'un mage noir.
Bien sûr, il ne s'agit que de mon opinion, et elle n'engage pas les lecteurs, qui restent les souverains juges d'une œuvre.